Daily Archives: 04/07/2016
Libre Expression | Le sommet se lève sur Nouakchott : Ils s’entendront, encore, pour ne jamais s’entendre/ Pr ELY Mustapha
Pr ELY Mustapha – On les sait, par expérience et d’avance : le sommet de la Ligue arabe de Nouakchott accouchera d’une souris.
La ligue arabe c’est la boite à Pandore des déclarations de bonnes intentions, qui ne se réalisent que dans l’esprit de ceux qui y assistent. La fameuse devise qui est attribuée à cette organisation résume bien depuis des décennies la légendaire « efficacité » des gouvernements arabes qui la composent : « Ils se sont entendus pour ne jamais s’entendre ».
Ils repartiront de Nouakchott, en s’étant entendu sur ce qu’ils ne pouvaient s’entendre. Bien-sûr ce sera soft. Un bouquet de déclaration de condamnations, une résolution dite « commune » qui ne présagera pas de la communauté des positions.
Et bien entendu ce que l’organisateur du sommet attend le plus, un satisfecit déclamé dans une déclaration solennelle par laquelle toute la Ligue arabe, délégations confondues à l’unisson avec son Secrétaire général, se félicite de l’excellente tenue du sommet, de l’accueil, l’organisation etc. etc. Sommet qui n’a pu se tenir que grâce au Président Mohamed Ould Abdelaziz… et le général se pavanant aura mis une chape de plomb sur le pays rien que pour ça.
Bien entendu c’est le satisfecit des non-dits : c’est le sommet sunnites versus chiites, c’est le sommet de l’opposition à Bechar el Assad (qui occupe déjà le siège de la Syrie à la ligue arabe) versus Bechar. …c’est le satisfecit des interventions saoudiennes au Yémen…Et quand l’essentiel des questions précédentes aura été vidé, ce sera le chapelet de déclarations de dénonciation du terrorisme et de soutien du bout des lèvres à la « cause palestinienne ». Et puis cerise sur le gâteau de l’exaspération par le Régime en place des différentes communautés mauritaniennes non-arabes : Un sommet arabe ne se tient que dans un pays arabe !
En somme, un sommet, qui comme tous les autres sommets aura été celui des partis pris, des alignements négociés, au détriment des peuples, et du pouvoir des pétrodollars. Ce ne sera pas le sommet d’éveil du monde arabe, de son développement humain et intellectuel et de son insertion dans le concert des nations aspirant à la paix, à la justice et la prospérité. D’ailleurs, le lieu où il se tient ne s’y prête-t-il vraiment : La Mauritanie.
Un pays pillé, dirigé par un régime militaire issu d’un putsch légalisé, dont la population vit en dessous du seuil de pauvreté, dont l’économie exsangue est mise en coupe réglée par des commerçants véreux avec la bénédiction de son dirigeant et dont les finances publiques tenues dans l’incompétence absolue, ne sont que la tirelire du pouvoir.
Un sommet dans un pays assommé de misère.
Et chacun rentrant dans son pays, Nouakchott retrouvera son insipide environnement et ses dirigeants béatement satisfaits d’avoir pour quelques jours mis en conclave des dirigeants arabes qui, déjà, les auront oubliés.
Lorsque le Maroc se désista pour abriter le sommet arabe, en Avril dernier l’argumentaire de son dirigeant, à travers son ministre des Affaires étrangères Salaheddine Mezouar était clair :
« Au regard des défis auxquels fait face le monde arabe aujourd’hui, le sommet arabe ne peut être une fin en soi ou devenir une simple réunion de circonstance. Les conditions objectives pour garantir le succès d’un sommet arabe, à même de prendre des décisions à la hauteur de la situation et des aspirations des peuples arabes, ne sont pas réunies ».
Mais la question est : y a-t-il jamais eu un succès de sommet arabe ? C’est autant dire que si le Maroc doit attendre les «conditions objectives pour garantir le succès d’un sommet arabe », le sommet ne se tiendra jamais au Maroc !
Il fallait donc trouver un pays, qui aurait érigé la faillite politique en stratégie internationale et qui aurait été surtout frustré par ses frères arabes de son droit d’organiser ce sommet. Et on l’a trouvé.
Le 3 mai 2016 devant les populations de Néma, le général Aziz déclara : « J’ai personnellement décidé la tenue de cette rencontre internationale, jamais organisée dans les annales de l’histoire de notre pays, que les arabes rayaient de cet agenda d’hébergement de ces assises, chaque fois que son tour d’abriter ce sommet se présentait.
On ne peut exiger de la Mauritanie que ce qu’elle détient. Notre pays tient fermement à son droit d’organiser ce sommet arabe en sa qualité d’Etat arabe et islamique. »
La frustration aidant, la Mauritanie est donc partie pour organiser le sommet, alors on déclenche les procédures de « maintenance et de lavement du pays ». On bétonne les trottoirs au lieu de les paver, on pourchasse les immigrants dans la rue, on expulse les mendiants des rues on purge les bidonvilles des potentiels miséreux qui pourraient durant le sommet protester, on arrête les dirigeants et le opposants virulents, on déclare Nouakchott zone militaire.
Et c’est l’appel du pied diplomatique aux souverains du Golfe pour réclamer un appui matériel et ce sont les voitures de luxe, don du Koweït, qui débarquent en cargo, à Nouakchott, c’est la prise en charges de l’organisation par des aides et dons des pays arabes frères….De gros avions transportant la contribution des Emirats Arabes Unis, en dizaines de véhicules attendue. La Chine elle-même s’y met et va fournir son lot de voitures pour le sommet, comme si Nouakchott n’était pas déjà un cimetière de voitures et un infernal bled d’embouteillages. Cela pourrait-il être autrement dans un pays appauvri par ses dirigeants ? Un pays dont les délégations au sommet qu’il organise s’installent dans un pays voisin, et se font transporter par des voitures issues de dons, renvoie l’image de la pauvreté de son Etat, de son infrastructure hôtelière et du manque de confiance dans l’intégrité de son administration.
Mais que restera-t-il donc de ce sommet après le passage de ses opulents invités ?
La guérison d’une frustration de n’avoir jamais pu organiser un sommet de la ligue arabe ?
– Certes, non. Un pays pauvre, mal gouverné, restera pauvre et mal gouverné après le sommet. La seule chose qu’il aura gagné c’est d’avoir montré au monde, grâce aux médias, l’étendue de sa misère et de sa mal-gouvernance. La dilapidation des maigres ressources du pays et la monopolisation de ses énergies civiles et militaires pour une poignée de déclarations au sommet, probablement sans suite ?
– Certes que oui. Cela ne profitera qu’au « m’as-tu présidentiel » soit une belle image qu’un pays veut se forger diplomatiquement à l’échelle internationale, alors que le moindre journaliste, dirigeant ou organisation au bout du monde, connait sa misère à l’échelle interne.
La violence à l’égard de population entières déshérités pour les faire taire durant le sommet, et les dégager de leurs modestes habitats usant de la force publique brute ?
– A moins de faire atterrir tous les visiteurs du sommet à Nouakchott en pleine nuit, la misère du pays se voit même du ciel ! De bidonvilles en bidonvilles, les visiteurs verront. Et s’interrogeront sur la finalité des richesses de la Mauritanie.
Un pays où ses 3 millions d’habitants sont sous le régime militaire, est-il un lieu pour un sommet qui se veut digne de ce nom ?
Un pays dont 46% de sa population vit en dessous du seuil de pauvreté, ses 26 % de déshérités sans logement, ses 90% sans prévoyance ni sécurité sociale, ses 75% de sa jeunesse au chômage, est-il crédible pour organiser un sommet où des milliards public et privés sont dilapidés ?
Un pays où 85 % des femmes sont sans emploi, ses 78 % de familles vivent de l’informel, ses 75 % vivant de l’aide alimentaire internationale, ses 90% de ses richesses entre les mains de 5 % de la population, ses 60% d’analphabètes, peut-il se targuer de vouloir se faire une image internationale sans que cela ne soit (et se sait) une poudre aux yeux ?
Un pays avec ses 78 pour mille de mortalité infantile, son 0,6 d’indice de développement humain, son administration à 99 % corrompue, ses politiques à 100% aigris, ses intellectuels à 90% suivistes, ses fonctionnaires à 100% endettés, ses ambassades duty-free, son gouvernement de laudateurs, ses commerçants banquiers-véreux, ses sénateurs-commerçants, ses députés sans assemblée, ses sénateurs gagne-pain révoltés, peut-il recevoir le reste monde sans que celui-ci ne vienne en hypocrite, applaudir la misère en « bas de soie ».
Un pays avec ses hôpitaux-mouroirs, ses pharmacies-boutiques, son économie surendettée, ses mines pillées et bloquées, ses régions déshéritées, sa police corrompue, son armée piégée, ses élèves entassés, ses enseignants déconsidérés, ses familles en déliquescence, ses enfants dans la rue, ses mendiants dans les avenues, ses imams rétrogrades, sa justice avariée, sa société en otage, sa dignité bafouée, son peuple piétiné, son désert qui avance, ses quartiers nauséabonds, ses bidonvilles à ciel ouvert, sa drogue à fleur de rue, ses médias confisqués, ses consciences achetées, son pétrole liquidé, ses contrats falsifiés, ses terroristes déguisés, ses marchés publics privés, son trésor public pillé, peut-il prétendre être une vitrine de l’excellence en organisant un sommet ?
Certes que non.
Ce que le monde intelligent retiendra de ce sommet, c’est qu’à vouloir farder la réalité du peuple, à travers les déclarations, des satisfécits et des accolades, on pense mettre, pour quelques jours, entre parenthèses, ce qui, déjà, est un facteur multiplicateur de la misère : la flagornerie des dirigeants.
Un sommet qui se lève sur un pays, qui n’a pas sa place au soleil.
Pr ELY Mustapha
cridem
Le sort des déguerpis de la zone Bouamatou en images
Des images vives, réalisées le dimanche 3 juillet courant, des familles déguerpies de la zone Bouamatou vers le quartier Doubai dans la moughataa de Toujounine, montrent, quelques visages tristes, du sort réservé à ces dizaines de déplacés (500 ménages environ).
Les familles et leurs bagages ont été placés le long d’une route principale.
« Le visiteur du quartier n’a pas besoin de s’informer sur les faits tragiques », dit une femme déguerpie (R.D), appelant à la mise en liberté des personnes arrêtées à la suite des incidents de mercredi dernier dans la zone Bouamatou.
«On attend depuis 4 jours l’exécution des promesses faites par les autorités, relatives à l’attribution de terrains », a-t-elle ajouté, déplorant la lenteur des procédures administratives, qui exacerbent les peines des déplacés a-t-elle poursuivi.
« La crise n’est pas réglée jusqu’à présent », affirme un autre déguerpi (C.M), exprimant ses craintes de voir la situation pourrir, en raison de l’impatience des déplacés de bénéficier des terrains promis, après leur évacuation de la zone dans laquelle ils habitaient et de l’absence des services d’alimentation en eau potable.
« L’électricité ne constitue pas, pour le moment, une priorité extrême pour les familles. Toutefois la zone d’accueil est dépourvue de tout service public et doit disposer au moins d’une école et d’un hôpital », dit-il.
« Les déplacés n’ont reçu aucune aide pour la construction de nouveaux habitats », affirme un vieux déguerpi (N.S).
Une commission supervisée par le Hakem de Toujounine, s’occupe actuellement des mesures de remise de parcelles aux déplacés. Le Hakem n’a pas autorisé les journalistes à s’enquérir auprès de cette commission sur certains détails de la mission dont elle est investie. Il a même ordonné les gardes à leur confisquer un appareil photo.
Des agents de l’habitat distribuent des terrains ( 150/120m) sur la route Messaoud, secteur 5 dans la zone Mellah (quartier Saada) à Toujounine.
Des vagues de déguerpis sont arrivés dans le secteur mais aucune famille n’a encore reçu, jusqu’à l’instant, (dimanche 3 juillet courant) un terrain.
Une atmosphère de tension plane sur le site, accompagnée d’une crainte des déplacés, qui évitent de faire des déclarations aux médias, se contentant de dire :
“Ce sont votre président et vos hauts responsables qui nous ont transformés en sans-abris dans notre propre patrie comme vous le voyez” disent-ils.
Traduit de l’Arabe par Cridem
alakhbar