Les Forces Progressistes du Changement (FPC) Mauritanie

Daily Archives: 09/02/2017

Libre Expression | Y a-t-il des Bambaras en Mauritanie? | Par Ely Ould Krombelé

Libre Expression | Y a-t-il des Bambaras en Mauritanie? | Par Ely Ould KrombeléEly Krombelé – Il serait inapproprié que de vouloir associer la présence supposée de Bambaras en Mauritanie à un insolite tropisme culturel qui commence à prendre forme dans notre pays.

Au-delà de la dimension démographique, soit-elle insignifiante, qu’apporte le bambara pour sauver le soldat “négro-mauritanien opprimé”, cette grande entité de tout le continent africain ne saurait accepter d’être l’objet d’un simple marchandage de calculs politiciens à connotation pigmentaire.

Car les Bambaras et leurs cousins les Malinkés (Mandings) dont le fief se situe ailleurs, en tout cas pas en Mauritanie, s’étalent sur plusieurs méridiens et parallèles en longitude aussi bien qu’en latitude, et sur plusieurs siècles d’Histoire événementielle à travers la sous-région ouest-africaine.

Leur apport civilisationnel anté-islamique, qu’il soit d’un point de vue ontologique, cosmogonique, ou d’ordre éthique interpelle encore la curiosité des anthropologues, mais aussi des ethnologues surtout dans le domaine de la linguistique. La langue bambara,  même orale est l’une des plus riches au monde.

En embrassant l’Islam au 19ème siècle, la hargne glorieuse des Bambaras a cédé à la sagesse d’enseignements éthiques voire philosophiques qui se sont exportés vers toutes les contrées avoisinantes.Tout est inscrit dans le comportement (code d’honneur) du bamanandin (le fait d’être accepté comme bambara).

Est-ce donc pour gonfler les rangs de la troupe de tirailleurs ou mieux encore, pour crédibiliser les revendications à caractère communautaire, que les marchands de l’ethnicisme ambiant font désormais appel aux bambaras, une entité fière, sans doute la plus valeureuse de tout l’ouest africain pour ne pas dire du continent noir? En effet l’on constate que depuis la mise en place de la plateforme revendicative à caractère épidermique, réunissant les extrémistes négro-mauritaniens et leurs inconditionnels “Biramistes”, une autre composante, pas des moindres, aussi minime soit-elle en nombre, est constamment sollicitée.

Elle s’invite désormais au débat national malgré elle, le plus souvent à son insu, pour ne pas dire à son détriment. Ce peuple altier mais moins “dominateur” puisqu’il faut plagier le général de Gaulle à propos des juifs (desquels il disait: peuple fier et dominateur), et qui a partagé depuis des siècles avec la majeure partie du peuple maure un espace géographique, une culture, une histoire, – ce peuple donc, n’est-ce- pas une véritable mine d’or de sagesse, de probité et surtout de fidélité.?

Aussi l’érudition du Peulh Amadou Hampâté Bâ tirée des enseignements de son maître coranique Thièrno Bocar n’aurait pu se concrétiser sans la proximité du sage du pays Dogon d’avec la sémantique et les tournures idiomatiques bambaras, traduites en français.

Personne ne peut prétendre maîtriser le bambara, même les bambaras eux mêmes, tellement la langue excelle en prétéritions, en litotes et autres figures de style. Si Amadou Hampâté Bâ n’avait pas grandi dans un milieu bambara, Amkoullel, les enseignements tirés d’Amkoullel n’auraient pas attiré l’attention d’un lectorat humble qui se veut cette fois imbu de sagesse et surtout d’humanisme, deux vertus cardinales chez les musulmans en général et les bambaras en particulier.

Dans les deux hodhs mauritaniens, il y avait une tribu arabe guerrière (désormais résiduelle), les Oulad Mbarek qui a pris le “dessus médiatique” sur toutes les autres tribus Beni Hassane du Trarza, des Yahyé Ben Ethmane de l’Adrar, des princes du Brakna, des Oulad Nacer d’Aioun, des Brabiches de l’Azawad, des Oulad Dleim de Nouadhibou et Dakhlé, des Oulad Daoud du Hodh chargui et de l’Assaba etc…en laissant comme héritage pour la postérité un âge d’or, une mémoire collective intarissable sur ce que le maure peut produire d’aussi prestigieux…

C’est que les émirs des Oulad Mbarek, qu’ils soient Bouceif, Hénoun Mbohdel, Amar Boujrané, Ould Sid’Ahmed Dlil, et surtout Ely Ould Mokhtar Ould Amar Ould Ely qui a entretenu la paix plus de cinquante ans- ces émirs- donc avaient des contacts plus ou moins conflictuels, cependant constructifs avec le royaume bambara de Ségou. Ou mieux encore plus prêt de nous, celui du Kaarta dont la capitale était Nour (lumière en Arabe) ou Nioro pour les maliens.

Ce n’est pas pour rien si la quasi-totalité des Haratines des deux Hodhs, de l’Assaba; les esclaves des Soninké du Guidimaka aux patronymes bambaras tels Traoré, Diarra, Dembelé, Samaké, Bakayoko... etc..se disent, à tort ou à raison, descendants d’illustres bambaras? Alors y a-t-il vraiment des bambaras en Mauritanie post-coloniale? Si oui, qui sont-ils et où sont-ils? Enfin ce peuple sincère et probe qui a tiré sa grandeur séculaire de la sagesse, doit-il se laisser instrumentaliser par des militants sans scrupules ou du moins des “carriéristes avantageux” dont le seul “credo pascalien” est et restera celui du ” maure haïssable”?

A/ Bambara, plus authentiquement Bamanan veut dire “celui qui refuse”:

J’ai toujours comparé l’éthologie ou plutôt l’idiosyncrasie des authentiques Bambaras à celle des Qureiches du temps du prophète (PSL), quant au sens de l’honneur, de la dignité, de la bravoure qui se trouvent au centre de toutes leurs entreprises.

Lorsqu’ils embrassèrent l’islam au 19éme siècle, les musulmans trouvèrent en eux le laboratoire de tous les préceptes islamiques orthodoxes. Jusqu’à nos jours un vrai bambara ne triche pas, ne vole pas, ne ment pas. Quand il dit oui, c’est oui, quand il dit non c’est non.

Fier, honnête un vrai bambara moulu dans la culture de Ségou-Sikoro ou du Kaarta n’entamera jamais une chose qui lui fera baisser la tête. Sa parole est sacrée, c’est ce qu’on appelle “laïhidou”, ou “el ahd” en arabe. La parole donnée est synonyme d’emprunt. Pour le bambara, un prêt,qu’il soit matériel ou moral, s’appelle “djourou” ou corde en français.

Autrement dit donner sa parole c’est comme avoir une corde suspendue au cou, d’où l’adage maure: “kelmet kowri”. Le non respect du serment doit entraîner la mort plutôt que la honte. Un bambara se veut droit et courageux comme le fantassin Bakaridjan Koné, un lieutenant du roi Da Monzon Diarra, qui à cheval ou à pieds ne se retourne jamais, même s’il y a l’ennemi derrière. Pour Bakaridjan Koné, ce serait un signe de poltronnerie que de se retourner.

La bravoure de ce guerrier, qui selon la légende a débarrassé Ségou de la terreur du monstre “Ibliss”, est chantée par les griots qui devaient inventer pour immortaliser ses exploits une lyre à quatre cordes (djourou nani), comme le poète romantique Lamartine qui en 1849 “….a donné à ce qu’on nommait la muse, au lieu d’une lyre à sept cordes de convention, les fibres mêmes du cœur de l’homme…émues par les frissons de l’âme et de la nature” (Méditations Poétiques). Comme quoi l’universalité de la musique lui confère un langage codifié où seuls les initiés ont accès, lyrique ou épique soient-ils.

C’est ainsi que la sommité des tribus Arabes de Mauritanie à savoir les Oulad Mbarek qui ont “échoué” aux confins du Mali a développé avec ses voisins du sud-est mauritanien des échanges traduits matériellement par la transmission d’une mémoire collective incommensurable.

La musique épique des Oulad Mbarek (ezawane) qui a été arabisée, poétisée, répertoriée (en kar, vaghou, signimé, lebteit), ou ” compartimentée” en sentiers (jambé beidha, jambé kahlé, jambé el aguer ou Legneïdiyé), a comme précurseurs les griots du Mali.

Les “chors” comme Ntrech, Moussé Najem, Moussé Sbai, Elkarç, Leguetri, Tna-itt (pour le fameux Hénoun) etc…et qui ont immortalisés les émirs Oulad Mbarek ne sont qu’une pale imitation de Douga, ou du Djandjo etc..composés par les griots mandings depuis le 12ème siècle, bien avant l’arrivée des Arabes Beni Hassane, particulièrement les Beni Maghvar.

Le griot, le forgeron,le marabout, le guerrier, l’esclave, le noble etc..sont des inventions du grand empire manding ou Mali. Les Arabes de Mauritanie ne sont que des victimes légitimes de proximité. Par exemple les patronymes Touré, Cissé, Camara, Diaby, Berté, etc sont des (mandé mori) ou marabouts, originaires du Mandé et ce depuis un millénaire.

Nous les Arabes de proximité (Haratines, Mourabitounes ou Beni Hassane) n’avons fait que reproduire la musique bambara de Ségou, du Kaarta ou Soninké du Baghnou (Nara ou Nouwara), certes avec des retouches inhérentes à notre culture. Le témoignage contemporain de la romancière antillaise Maryse Condé à propos des relations entre les Oulad Mbarek du Hodh et les Mansa (princes) du royaume bambara de Ségou, est révélateur.

B/ D’où viennent les Bambaras?

Originaires de Kong dans le nord de l’actuelle Côte d’ivoire des Dioulas, deux frères aux noms anté-islamiques à savoir Baramangolo et Niangolo sont poursuivis par l’ennemi lors d’une expédition en pays Mossi. La légende dit qu’arrivés au bord du fleuve Niger, ne sachant pas nager et pour échapper à leurs assaillants, ils franchirent le fleuve sur le dos d’un poisson.

De cet épisode légendaire les deux frères sauvés prendront le patronyme de Couloubaly. En langue bambara coulou veut dire pirogue et baly signifie rien ou sans rien (les frères ayant traversé le fleuve Niger sans pirogue). Toujours est-il que les bambaras ou Bamanans (ce qui est le terme le plus exact et qui veut dire celui qui refuse) ont crée deux royaumes: celui de Ségou, au cœur du Mali actuel et celui de la dynastie des Bamanans Massassi du Kaarta dont la capitale était Nour (Nioro du Sahel à 60 km au sud de Kobeni dans le Hodh Gharbi).

Le royaume bambara de Ségou est fondé en 1712 par Biton Couloubaly et prendra fin le 9 Mars 1861 quand El Hadj Oumar Tall marche sur Ségou-Sikoro, le quartier où se trouvait le cœur du pouvoir spirituel et temporel. El Hadj Oumar Tall et ses talibés Toucouleurs étaient animés de la foi d’Allah à laquelle les “bolis, les komos,” (toute la sorcellerie) des animistes ne pouvait résister.

C’est également cet apôtre de l’islam qui mit fin au royaume bambara du Kaarta quelques années auparavant, avec la prise de Nioro en 1854, en chassant le roi Mamari Kandian.

C’est le début de l’islamisation des Bambaras. Il est vrai que vers le milieu du 19ème siècle également, la célèbre tribu arabe des Oulad Mbarek commençait, elle aussi à céder le podium à ses suzerains des deux hodhs. La dernière grande bataille des Oulad Mbarek en 1863 déjà affaiblis par les querelles intestines était contre les Mechdoufs de Timbédra, dix fois plus nombreux.

Un dernier baroud d’honneur des Oulad Mbarek contre leurs cousins les Oulad Nacer en 1932 à la bataille de Sbeibira (non loin de Kobeni), a contraint l’émir Bahi Ould Bouceif à aménager sa “Hella” à Gharjougué (Korokodjo pour les maliens) à 18 km de Nioro du Sahel.

S’en était fini des Oulad Mbarek après une suprématie cavalière et une gloire léguée à la postérité, d’environ trois siècles. Les griots maures chantent encore leurs louanges de qualité en prononçant “Diko” qui est de nos jours leur nom de hauts faits de guerre, quand leur “Rezam”(tambour major) appelait à la bataille. Les descendants des princes Oulad Mbarek existent encore, nous les connaissons tous, mais ils chassent de nos jours l’argent plus que la gloire: ceci est un impératif des maudits temps qui nous affligent. D’ailleurs sur ce point nous les ressemblons tous; nobles, griots, forgerons, cordonniers, tisserands etc…

C/Alors, des Bambaras en Mauritanie?

Malgré leurs résistances héroïques, les africains n’ont pas pu contenir l’esprit de la conférence de Berlin de 1885, qui consistait à partager le continent entre les puissances coloniales européennes.

C’est ainsi que l’Afrique occidentale française (AOF) dont la capitale était basée à Saint-Louis du Sénégal, est née. Aussi pour pacifier totalement le continent, on avait besoin de recruter des soldats indigènes. Pire, en 1914 une guerre éclate en Europe.

Il fallait pour la France procéder davantage au recrutement d’hommes valides dans ses colonies afin d’aider à “l’effort de guerre”. Or les jeunes les plus valides provenaient du Soudan Français (l’actuel Mali), de Guinée (les Malinkés et les Kassonkés) et de la Haute Volta (Burkina Faso). On les appelait en Métropole : tirailleurs sénégalais, le Sénégal de Faidherbe étant l’ancienne colonie, au bord de l’océan atlantique, d’où partent les bateaux pour l ‘outre-mer. C’est ainsi que ces tirailleurs qui n’avaient de sénégalais que le nom (en tout cas dans leur majorité), ont pu servir dans toutes les contrées de l’AOF.

Voilà qu’en Mauritanie future, à Mbout et à Aleg ( est né le bambara dougou qui signifie quartier des bambaras), un peu à Méderdra ou Boutilimitt, on peut noter la présence de quelques familles d’origine bambara; à Atar quelques rares familles Wolof ou Mossi.

A Aioun El Atrouss, la ville de mes ancêtres les Oulad Nacer, on note la présence de la grande famille du patriarche feu Alioune Couloubaly, une famille Diarra, les familles Ndiaye et feu Moussa Ba, (voilà deux familles wolof et peulh mais de culture bambara). A timbédra, Néma existent quelques Traoré et Keita malgré les liens séculaires entre maliens et mauritaniens.

Au Guidimaka les rares bambaras qui ont quitté le bercail lors des guerres intestines entre autochtones avant l’arrivée des français, ont été réduits en esclaves par le conservatisme Soninké. Il s’agit des patronymes Traoré, Diarra, Samaké, Bakayoko, Dembélé etc… Il faut souligner que les Bambaras n’aiment pas émigrer comme les Maures et surtout les Soninkés..Traditionnellement ils vivent de l’agriculture et particulièrement de la chasse. Les chasseurs bambaras ou “donsos” ont toujours joué le rôle de supplétifs des différentes armées régulières des pouvoirs centraux post-indépendance (Mali, Guinée, Burkina et surtout pendant la crise ivoirienne entre le nord et le sud).

Alors est-ce suffisant pour quelques familles bambaras, éparpillées et qu’on peut compter sur le bout des doigts, que de vouloir s’ériger en entité démographique ou politique? Non, les bambaras sont autant proches des Maures que des négro-mauritaniens. Autrement laissons- les en paix. Certes ceux qui ont longtemps séjourné en Mauritanie, ont été contaminés par le virus des intarissables palabres de toutes..couleurs.

Or le bambara ne parle pas dans le vide, mais il agit seulement quand c’est nécessaire.Tout le contraire d’un pan non négligeable de nos hommes politiques. Ce climat malsain est très éloigné de la weltanschauung, c’est à dire de l’éthique et de la conception philosophique qui guident les premiers pas du bamanandin dans ce bas monde./.

Ely Ould Krombelé, Nouakchott, Mauritanie

cridem

Kaédi- les paysans tirent la sonnette d’alarme : Risque de famine

altEnviron 15 000 ménages (1) sont exposés, à Kaédi, à une crise alimentaire, faute d’exploitation des deux périmètres rizicoles – PPG1 et PPG2 (2) – qui couvrent plus de 3000 hectares de bonnes terres agricoles. Ce potentiel constitue l’unique source de revenus de la majorité des populations du département. La sonnette d’alarme a été tirée, dimanche 5 février, par le collectif des paysans, lors d’une conférence de presse destinée à sensibiliser les media, les autorités, l’opinion publique et les partenaires au développement, sur la crise que vivent les paysans et l’agriculture rizicole au Gorgol.

Dans une zone à vocation, par excellence, agro-sylvo-pastorale, « le défaut de campagne agricole d’une telle envergure affectera, non seulement, les populations mais, aussi, le cheptel », a fait savoir le collectif qui cite plusieurs sources selon lesquelles « les populations vivent, déjà, une situation alimentaire difficile et cela risque de s’aggraver, si des mesures idoines ne sont pas prises ».

« En plus de risque de famine », ajoute-t-on, « l’absence de campagnes rizicoles expose les communautés à des conflits liés à la rareté des pâturages, entraînant une pression accrue sur les ressources disponibles. Ce risque constitue, à lui seul, une menace sérieuse pour la stabilité sociale d’une zone où les conflits, entre agriculteurs et éleveurs, sont fréquents ».

Engrenage

Pour parer à l’urgence, le collectif lance un appel aux pouvoirs publics et à l’ensemble des partenaires au développement, afin d’ « apporter une assistance alimentaire et pastorale d’urgence aux populations directement touchées (Kaédi, Djéwol, Ganki, Lexeïba…) » ; de permettre le démarrage d’une campagne de contresaison d’urgence, avec des subventions qui prennent en compte l’aspect familial de ces exploitations rizicoles » ; et enfin, de « permettre une rencontre entre les représentants des paysans et les hautes autorités, dans le but de faciliter la mise en œuvre de ces deux opérations ».

Le non-paiement de l’intégralité des redevances serait à l’origine de l’imbroglio. De l’avis des autorités locales, les paysans seraient de « mauvais payeurs » et des « oisifs ». Un argumentaire battu en brèche par Baliou Coulibaly, du collectif : « Depuis plus de deux décennies, les périmètres rizicoles ne nourrissent plus leurs hommes. Les paysans vivent dans une situation d’insécurité alimentaire récurrente, liée, en grande partie, à la baisse drastique de la production, dans les deux PPGs. Celle-ci est ainsi passée de 8 tonnes à l’hectare, en 1978, à 3 tonnes à l’hectare, présentement ». Des problèmes structurels se traduisant entre autres, énumère Baliou, par « l’irrespect des calendriers culturaux, la spéculation autour des intrants et l’absence, cruciale, de matériel agricole nécessaire à la préparation des sols ». S’y ajoutent « l’absence d’encadrement technique des paysans, les inondations, la pression aviaire et le manque de professionnalisme des responsables de la Sonader ».

« Depuis plus de deux décennies », déplore Coulibaly, « les paysans sont pris dans un fatal engrenage. Ils ne sont mobilisés que sur une unique activité, rien d’autre, et ont du mal à subvenir à des besoins alimentaires ». Selon les mêmes responsables du comité, « plus de 80% de la redevance totale était déjà recouverte, en Août 2016 ». Mais c’était sans compter, fustigent-ils, avec « l’incompréhension mécanique » des instances de crédit (Caisse de Dépôt et de Développement) qui ont exigé « le recouvrement total de la facture » se basant sur la « bonne production » (sic !) au moment où les paysans se débattent, dans leur écrasante majoritaire, dans des « situations déficitaires extrêmement graves ». Et Coulibaly de s’émouvoir : « Chaque année est un retour à la case départ ! » Dans un pays désertique en « insécurité alimentaire récurrente », dit-il, les paysans ne doivent pas être traités de la sorte.

A l’arrivée, la Mauritanie, pays encore déficitaire en céréales, se voit inutilement privé d’une campagne qui peut produire « jusqu’à 15.000 tonnes de paddy par an », avance le collectif. « Voilà que la majorité écrasante de paysans véritables qui n’ont que l’agriculture pour subvenir aux besoins de leurs ménages fortement nécessiteux ont été gratuitement pénalisés ». La campagne de contresaison pourrait même, selon Coulibaly, se révéler impossible. Car l’eau n’a jamais été lâchée, même s’il existe des promesses en ce sens. Et, pour enfoncer le clou, la SOMELEC vient d’exhiber une facture particulièrement… salée.

Jugeant opportune l’action du collectif, Sarr Mamadou, président du FONADH et membre du ROSA, estime qu’il est nécessaire d’entreprendre un plaidoyer, auprès des autorités, pour accompagner et assister les populations en détresse. Dans un contexte amputé de campagne rizicole, les autorités devraient être les premières à secourir les gens. Même s’il constate que rien n’a pratiquement avancé, Sarr invite les différentes parties à travailler dans la sérénité, pour permettre une prise en compte des doléances des paysans, notamment le démarrage d’une contre-campagne, afin d’alléger les souffrances. Il convie également les élites locales à jouer leur rôle. Car le désengagement total des cadres ressortissants de la zone, souligne le collectif, de l’activité agricole, principale source de revenu des populations, a bel et bien favorisé cette déchéance.

Pour Niang Samba Demba, président de la Fédération des agriculteurs de Kaédi et ancien responsable du PPG2, la situation est complexe. Pire, pour une ville qui ne vit que de l’exploitation agricole, une fois l’an, Kaédi subit une situation aussi grave qu’inédite. Les paysans persuadés de ne pouvoir récolter que de la paille et pas de riz, seront dans l’impossibilité de rembourser. Avec la perturbation du calendrier agricole (la campagne devant démarrer en Juillet), ils ont ainsi décliné l’offre des autorités qui ont attendu Octobre 2016 pour inciter les paysans à cultiver leurs parcelles.

Gâchis programmé ?

En plus d’une aide alimentaire d’urgence, il serait indispensable d’œuvrer, rapidement, au lancement d’une campagne de contresaison dans les délais, afin qu’elle n’empiète pas sur l’hivernale. Les crédits octroyés n’auront profité qu’à l’agrobusiness et à l’apurement des dettes. Depuis trente ans, les paysans évoluent dans un cercle vicieux, il est urgent de mettre sur pied des mesures particulières, notamment des subventions aux plus petits d’entre eux. Ces derniers ont pu, certes, bénéficier d’appuis notables de Youssouf Sylla, sénateur de M’Bout, de madame Ba Coumba, ministre, et du chef de l’Etat. Mais c’est insuffisant. Les agriculteurs sollicitent la prise en charge des frais, onéreux, d’électricité et d’eau, « sinon, on n’en sortira jamais ».

Démentant ce que certains qualifient de « mauvaise volonté », 95% des redevances, pour le PPG2, et 87% pour le PPG 1 ont été remboursées. Sur la soixantaine de millions de factures d’eau, il ne reste plus que 2 millions net à payer. Relativement au PPG1, sur 38 millions d’UM à payer, il n’en restait que 11, fin Août 2016 et 2,4, il y a une quinzaine de jours. Mais les signes encourageants des agriculteurs se sont heurtés au refus, catégorique comme on l’a dit tantôt, des autorités qui enjoignent le paiement à 100% des dettes. Pourtant, ironise-t-on, un ancien président de l’UNCACEM a vu sa dette de 40 millions épongée. Certains voient, dans cette politique de « deux poids, deux mesures », une volonté « d’étouffer les petits », dans un « embargo économique » qui ne dit pas son nom. « Confrontés à la faiblesse des rendements et se livrant à une agriculture familiale, les paysans de la Vallée ne bénéficient pas de faveurs, bénéficient très peu des structures et restent misérables », reconnaît-on, en chœur. 1880 hectares devant être emblavés sont suspendus aux ordres des autorités supérieures, maîtres de l’ouverture des vannes à Foum Gleïta ». Quel gâchis ! Mais peut-être pas pour tous : une fois le peuple agricole éliminé, qui donc s’avancera pour exploiter les sols ? L’agrobusiness progresse, en Mauritanie comme ailleurs, sur la ruine des petits paysans…

Synthèse THIAM Mamadou

Notes

(1) : A Kaédi, un ménage regroupant 5 à 6 familles est, en moyenne, constitué de 20 à 30 personnes. Ce qui diffère, très sensiblement, de la conception standard…

(2) : Périmètres pilotes du Gorgol

 

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