
C’est d’ailleurs ce qu’il faut lire en clair dans les propos tenus par le président de l’Assemblée nationale et du parti APP, Messaoud Ould Boulkheir, à l’occasion de la signature de ce nouveau Pacte d’alliance, annonçant que la nouvelle coalition travaillera, très prochainement, à réunir les partis de la Coordination de l’opposition démocratique (COD) et ceux de la Majorité à s’asseoir autour de la même table pour discuter de la crise et des voies et moyens de la dépasser.
Choisi pour assurer la présidence tournante de la nouvelle coalition, le président du MPR, Kane Hamidou Baba, a déjà du pain sur la planche pour le meeting populaire qui a été décidé, le 23 juin prochain, et devant rassembler à Nouakchott les militants des six formations. Cela ressemble bien à une démonstration de force de nature à montrer aux adversaires politiques de la CPM et de la COD que le camp du dialogue et de l’apaisement ne manque pas d’arguments « électoraux », même s’il a toujours privilégié la négociation à la rue. Mais il faut reconnaître aussi qu’un meeting au-dessous des espérances jouera négativement sur l’initiative du président Messaoud, qui reste, à l’heure actuel, le seul compromis possible entre les deux protagonistes de la Bipolarité politique en Mauritanie (CPM et COD).
Cette situation de pouvoir face à « deux oppositions » est unique en Afrique. Surtout que la coalition naissante est constituée par les déçus des deux bords (CAP, par rapport à la COD et CP par rapport à la CPM) et qu’elle est appelée à jouer un rôle de pendant à l’un et à l’autre des deux camps, à chaque fois que l’on sera amener à évoquer l’issue possible de la crise.
Compliquer la crise ou faciliter son issue
D’aucuns pensent que la nouvelle donne ne va pas favoriser une rapide sortie de la crise. Certes, le camp du président de l’Assemblée nationale, Messaoud Ould Boulkheir, aura tout fait pour éviter au pays un clash programmé, si les partis Alliance populaire progressiste (APP), Al Wiam, Sawab et Hamam ne s’étaient pas désolidarisés d’une COD va-t-en-guerre et prête à expérimenter en Mauritanie ce « printemps arabe » vécu douloureusement en Egypte, en Libye, au Yémen et en Syrie, mais on est encore loin d’un « risque zéro » qui n’existe pas en politique. De même, le retrait des trois partis de la CP de la majorité présidentielle pousse cette dernière à baisser d’un cran son orgueil, avec la perte de quelques députés et le risque d’avoir ouvert la brèche à de nouveaux départs.
Aussi, le seul fait que les partis politiques de l’opposition qui ont participé à un dialogue avec le pouvoir, en octobre 2011, et leurs nouveaux alliés venus de la Majorité comptent mettre en place un cadre de concertation englobant, « officialisé » peut être vu comme une option visant à institutionnaliser plus encore la compétition avec la COD. En tant qu’adversaire du pouvoir et dans la perspective, bien sûr, de ce qui va être entrepris pour sortir de la crise, en mettant en place les instruments de concertation avec la majorité pouvoir pour la mise en œuvre du processus électoral. Et déjà, l’on pense que Messaoud et ses amis de ce qu’il convient bien maintenant d’appeler la Coalition de l’Opposition Modérée (COM) veulent se préparer à un nouveau round de négociations pour affiner les modalités d’organisation des élections municipales et législatives ainsi que la garantie de leur transparence.
L’attitude équivoque du pouvoir
Face à cette situation, le pouvoir doit pourtant jouer serré pour faire accepter son plan de sortie de crise (par les élections uniquement) à une opinion publique nationale et internationale de plus en plus sourcilleuse en matière de compromis politique. Sans doute que le poids, supposé ou réel, de la COD (qui dit compter 10 formations politiques et plusieurs personnalités et mouvements indépendants) ne peut être passé en perte et profit dans toute recherche de solution à la crise. L’option du « en avant toute » que le président Aziz semble vouloir imprimer à l’ensemble du processus, malgré la présence de deux poids lourds de la politique mauritanienne (Messaoud Ould Boulkheir et Boidiel Ould Houmeid) souffre de l’inconséquence de la non prise en compte d’aspects importants de la crise autre que celui lié au renouvellement du Parlement et des Conseils municipaux. L’ébullition sans précédent que connait actuellement la scène politique nationale n’a pas pour seule cause la crise politique qui met face à face le pouvoir et la COD (qui appellent toujours au départ du président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz) mais trouve, aussi, ses causes et effets dans l’exacerbation de multiples tensions sociales (Prix, travailleurs, TPMN, IRA). Des crises qui ajoutent à l’intensité de la Crise et rendent donc nécessaire une prise en compte des revendications sociales liées à des considérations de bien-être économique, de redistribution des richesses et d’égalité entre tous les citoyens.
C’est aussi, sur un autre plan, la preuve évidente de l’existence d’une volonté, dans certains milieux du pouvoir, que l’on fait tout pour convaincre les mauritaniens qu’il y a maintenant « deux oppositions » ! La « bonne » et la « mauvaise » ! Inutile vraiment ici de vous faire un dessin pour comprendre qui est qui, dans l’optique du pouvoir. Ce qui est sûr, cependant, c’est l’aptitude des hommes qui entourent le président Aziz à la diversion politique. Une tradition héritée de l’ère Taya et qui est, apparemment, l’une des rares « qualités » que les soutiens du Raïs mettent en œuvre pour le desservir.
Le rapprochement entre la Majorité et une partie de l’opposition (APP, Al Wiam, Sawab, Hamam) n’a pas été mis à profit, positivement, pour montrer la possibilité d’avoir une démocratie apaisée. La volonté des présidents Aziz et Messaoud d’arriver à une sorte de « paix des braves », servant, avant tout l’intérêt de la Mauritanie et des Mauritaniens, comme aime à le répéter le président de l’Assemblée nationale, a été détournée de ses vrais objectifs par ceux-là même qui ne se complaisent que dans une situation de crise politique extrême. Et l’on s’est dit que si Messaoud n’a pas réussi à entraîner avec lui le reste de la Coordination de l’Opposition Démocratique (COD) dans un dialogue à minima avec le pouvoir, il y a lieu, maintenant, de provoquer une sorte de « crise parallèle » entre les anciens coalisés contre Aziz ! Et ici, le préjudice est énorme. Pour la COD, qui passe aux yeux de certains pour cet empêcheur de tourner en rond, qui refuse le dialogue, qui tente de ramener le pays vers les tumultes de la crise politique de 2008, et même de le plonger dans les affres de ces « révolutions arabes » qui ont fini à soulever des doutes sur leur finalité.
Un préjudice aussi – énorme – pour l’opposition « participationniste » que l’on taxe, côté COD, d’avoir failli et, côté Majorité, de chercher à lui voler les faveurs du président Aziz ! Alors que les « participationnistes » se sont présentés en sauveurs de la Mauritanie. Position ingrate que celle de ces hommes qui font tout pour que le dialogue réussisse mais qui essuient les tirs de partout, et sont obligés de « tirer » à leur tour, au grand plaisir d’une majorité contente de voir que la polémique se déplace de la Majorité – Opposition (Bipolarité) vers l’Opposition – Opposition (incompréhension).
Source:Elhourriya