Les Forces Progressistes du Changement (FPC) Mauritanie

Monthly Archives: June 2013

Chrono-bilbalistique: Kleman le nouveau nègre de service de Nouakchiottes

“La Mauritanie n´est pas ce que vous croyez, elle est non raciale et non esclavagiste… la couleur n’est pas une frontière étanche dans ce pays. Comme je l’ai dit, autant en Mauritanie que dans les représentations diplomatiques, les hommes de toutes les couleurs et de toutes les ethnies se rencontrent à tous les niveaux sociaux et l’une des plus hautes personnalités aujourd’hui, le ministre des finances, Monsieur Thiam Diombar est un Soninké.”.


En un mot voilà ce qu´on retient du plaidoyer amphigourique et ubuesque du nouveau nègre de service de l´Etat mauritanien. Gaston Kleman est un écrivassier ou écrivaillon particulier qui ne mange pas le manioc mais boit le cognac des oppresseurs ! Ce maniaque “con-sultant” de l´Etat mauritanien est décidement un adepte du manichéisme des petits roitelets, après avoir sucé l´ex-putschiste en chef et ex-chef de la police de Taya pendant les années de braise, il revient aujourd´hui pour prêter sa plume aux partisans du système et verser dans le nihilisme pour aider ses nouveaux maitres.
Les mauvaises langues disent que le plumitif camerounais écrit ses articles au dos d´un chèque, comme l´ancien journaleux de JA de Ould Bothaya(suivez mon regard). Trop méchant. Disons seulement que Gaston, bien en cours au palais ôcre de Nouakchott sait faire preuve de gratitude au point de douter de l´évidence. Selon Kleman, les Combattants de la liberté et abolitionnistes mauritaniens ne sont pas crédibles, ils ”
instrumentalisent cette situation, font preuve d’une bonne dose de malhonnêteté intellectuelle, trompent l’opinion internationale, veulent museler ceux qui ne pensent pas comme eux en usant de l’invective, du mensonge, d’un chantage abject et de l’insulte” donc Crédit pour crédit (entendez crédibilité), nous en faisons volontiers aux victimes qu´à un nègre de service, qui pense à ses fins de mois qu´à un peuple qui se noit. Mister Kleman mangez votre manioc sans sourciller mais ne touchez pas à la dignité de notre peuple. A bon mercenaire…chahut!
La lutte continue!

 

Elimane Bilbassi.

 

L’autre Mauritanie racontée à monsieur Gaston Kelman par Ciré Ba et Boubacar Diagana

Mauritanité ! Radioscopie d’une exclusion programmée ?

Depuis son accession à l’indépendance, le 28 novembre 1960, la Mauritanie a mis en place un système d’exclusion de sa composante noire tendant à l’affirmation d’une identité exclusive arabe et la négation de tout soubassement africain à travers la mise en place d’une série de reformes politiques. Le pouvoir militaire a procédé, au détour d’un conflit banal à l’origine, entre éleveurs mauritaniens et agriculteurs sénégalais en avril 1989, à des déportations massives de plusieurs dizaines de milliers de noirs mauritaniens vers le Sénégal et le Mali.

Entre 1989 et 1992, sous le régime du Colonel Maawiya Ould Sid’Ahmed Taya, des milliers de civils et militaires noirs mauritaniens furent tués selon un mode opératoire présentant toutes les caractéristiques d’un génocide au sens retenu par les Nations Unies en 1948, dont une des conventions reconnait comme tel tout acte « commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux».

Le général président Mohamed Ould Abdel Aziz a lancé depuis 2011 une opération dite d’ «enrôlement des populations» visant officiellement à doter la Mauritanie d’un état civil fiable et sécurisé, comme dans tous les pays. Cet enrôlement s’est révélé dans son application être une opération d’exclusion et de bannissement des noirs, suspectés d’être sénégalais ou maliens, ou d’avoir acquis frauduleusement les états civils en leur possession. Nombre d’entre eux qui se sont vu refuser l’enregistrement, deviennent donc apatrides dans leur (propre) pays, d’autres l’ont été au prix d’humiliations de toutes sortes. Même de hautes personnalités civiles et militaires, ayant servi le pays pendant des décennies, se sont dans un premier temps fait exclure de l’enrôlement. Dans le même temps, échappent à ces exactions, des étrangers, originaires de pays arabes, installés parfois depuis peu en Mauritanie. Parmi eux, des libanais, des maghrébins, et … des touareg maliens ou nigériens. Aujourd’hui, cette opération se poursuit dans une relative opacité après de violentes manifestations encadrées par un mouvement de défense des droits civiques dénommé « Touche Pas à Ma Nationalité » et une partie de l’opposition.

La deuxième phase de cet  enrôlement réservée aux étrangers vivant en Mauritanie a commencé, brutalement imposée par les autorités depuis mai 2012, sans en avoir précisé les modalités, par la traque de ressortissants d’Afrique noire donc majoritairement des sénégalais et des maliens. Des expulsions (comme en 1989) ont suivi vers le Sénégal, puis des tractations avec certains pays ont donné un répit à ces étrangers auxquels l’Etat mauritanien impose de se munir de carte de séjour dans un délai très court.

La troisième phase réservée aux mauritaniens établis à l’étranger met à nu les intentions et la ferme volonté du régime actuel de retirer la nationalité à la majorité des mauritaniens établis en France et en Europe. Pour parvenir à cette fin, les autorités de Nouakchott qui clament sous tous les cieux leur attachement à la souveraineté nationale, exigent pourtant à leurs citoyens la présentation d’une carte de séjour délivrée par le pays hôte pour mériter de rester mauritaniens.

Une immersion dans l’histoire de création récente de notre pays nous invite pourtant à la tolérance, à la mesure et à l’acceptation de notre diversité pour construire la nation et entretenir des relations apaisées avec nos voisins. La Mauritanie n’est pas une île, elle est le reflet de ses voisins avec sa propre personnalité.

La frontière avec le Sénégal, un enjeu humain d’abord

Le nom de la Mauritanie n’apparait officiellement que le 27 décembre 1899 par décision ministérielle qui délimitait un territoire qui englobe les régions s’étendant de la rive droite du fleuve Sénégal et de la ligne entre Kayes et Tombouctou, jusqu’aux confins du Maroc et de l’Algérie. Cette décision ministérielle et le choix du nom ont été inspirés par Xavier Coppolani. 

En 1900, la première limite du Territoire fut fixée à travers un tracé théorique délimitant les zones d’influences franco – espagnoles au Nord. Le 10 avril 1904, par arrêté, tous les territoires situés sur la rive droite du fleuve Sénégal sont rattachés aux protectorats des pays Maures. Le 25 février 1905, un décret précise et fixe la frontière au milieu du fleuve Sénégal puis le 8 décembre 1933, un autre décret repousse la frontière sur la limite du lit majeur du fleuve, c’est-à-dire sur la rive droite englobant le sud de la Mauritanie. En 1975 puis en 1989 surtout, l’internationalisation des eaux du fleuve dans le cadre de l’Organisation de Mise en Valeur du fleuve Sénégal a permis d’éviter le pire entre les deux pays mais jusqu’à quand ?

A chaque crise majeure, chaque partie brandit « son décret », à ce jeu dangereux la Mauritanie donne plus l’impression de vouloir en découdre militairement. Les deux pays ont tout intérêt à trancher ce flou juridique au grand bonheur des populations riveraines. Enfin, le décret du 5 juillet 1944 rattache la région du Hodh, jusqu’alors sous dépendance du Soudan (actuel Mali), à la Mauritanie. Ce rattachement revêt un cachet sécuritaire, l’administration cherchant à neutraliser le mouvement Hamalliste (Cheikh Hamahoullah) dans cette région. 

En lieu et place des Émirats (Adrar, Trarza, Brakna, Tagant) et des États du Sud (Guidimakha, Waalo, Fouta Tooro) se substitue et se superpose le futur État de Mauritanie. Jusqu’au 2 juin 1946, le nom de la Mauritanie continuera d’être associé, jumelé avec celui du Sénégal sous l’appellation de « Circonscription Mauritanie – Sénégal » et Saint Louis du Sénégal restera capitale de la Mauritanie jusqu’à la veille de l’indépendance. On comprend dès lors que bon nombre de Mauritaniens soient nés au Sénégal. 

Tel est le contexte historique et politique dans lequel a été enfantée la Mauritanie actuelle, regroupant Sooninko, Wolofs, Maures, Bambaras, Haratines et Haal Pulaaren qui vont devoir désormais vivre sur un même territoire unifié et placés sous une même autorité. Il va s’en dire que pour présider aux destinées de notre pays, il vaut mieux connaître ce contexte et tenir compte de toutes les pièces du puzzle. Le prix à payer pour les fils de notre pays, maures comme noirs, sera énorme. 
Dès 1946 lors des premières élections législatives dans le cadre de l’Union Française, la question était déjà posée. En 1945, en prévision de ces élections, deux tendances s’étaient dessinées : Chez les maures « le représentant de la Mauritanie ne saurait être un noir » tandis que les notables noirs, inquiets, font appel à une candidature européenne (source : Sous – série : 2G45 : 134, Archives Nationales du Sénégal). 

 

 

 

Un territoire, deux administrations et un système éducatif différencié

Paradoxalement, la fracture entre maures et noirs de la vallée du Fleuve était déjà « officialisée » par les arrêtés n°469 et 470 du 20 août 1936 qui organisaient séparément les commandements et administrations : une administration indirecte chez les « indigènes maures », avec des émirs dépendant désormais de l’administration coloniale ; et une administration directe chez les populations sédentaires noires, avec la création de cantons dont les chefs étaient auxiliaires de police judiciaire et percepteurs des impôts. 


Ce mode de gestion séparée est renforcé par la mise en place d’un système éducatif différencié. En effet l’administration coloniale, pour asseoir son autorité, affirme son intérêt pour l’école en vue d’une plus grande emprise sur les populations autochtones. Dans sa circulaire du 22 juin 1897, le Gouverneur Général E. Chaude écrit : « l’école est le moyen le plus sûr qu’une nation civilisatrice ait d’acquérir à ses idées les populations encore primitives». « C’est elle (l’école) qui sert le mieux les intérêts de la cause française » ajoutera le Gouverneur Général William Ponty dans une circulaire du 30 août 1910, comme pour confirmer les propos de son prédécesseur. 

Simplement, l’implantation de cette école en Mauritanie se fera, et pendant longtemps, dans le Sud : Kaédi en 1898, Boghé en 1912…. alors que les Médersas le seront seulement à partir de 1916 à Boutilimit, puis à Atar en 1936…., en raison notamment de l’hostilité affichée en pays Maures. C’est ce qui explique qu’à l’accession de notre pays à sa souveraineté le 28 novembre 1960, l’essentiel des cadres et des lettrés en langue française sont du Sud. 

Du non règlement de la question nationale à la reconnaissance du génocide 

Plus de cinquante deux ans de vie commune, d’oppression, d’injustices, de domination, de persistance de l’esclavage, de déportation, de luttes et …. un pays à reconstruire. Pourtant, à la veille de l’accession du pays à la souveraineté internationale des signaux clairs avaient été lancés de part et d’autre. Mais celui qui présidait aux destinées du pays, croyant en sa bonne étoile, s’est lancé comme si de rien n’était dans la construction « d’un Etat moderne, trait d’union entre l’Afrique Noire et le Maghreb » dans lequel devraient disparaitre tous les particularismes. Cet équilibre affiché sera foulé dès les premières années de l’indépendance à travers une série de politiques préparant l’ancrage de la Mauritanie à l’ensemble maghrébin et arabe. Les clefs de ce nouvel ensemble, fraichement créé, encore fragile, ont été confiées à Mokhtar Ould Daddah. Si celui-ci appelait à construire ensemble la nation mauritanienne, sa conduite des affaires sera très tôt considérée comme partisane : 

– Une conduite tendancieuse des affaires de l’Etat visant à donner une image exclusivement arabe du pays à l’étranger. Cette diplomatie a tellement réussi que bon nombre de Noirs Mauritaniens sont régulièrement suspectés de mentir sur leur nationalité ; pour cause « la carte postale Mauritanie » est autre. Il n’est pas rare de voir des compatriotes mondialement connus par leurs talents, par honte ou par facilité, être catalogués originaires du Mali ou du Sénégal. 

– l’imposition de la langue l’arabe dans le système éducatif s’avèrera être un subtil moyen de sélection par l’école : en quelques années les résultats des examens de l’entrée en sixième et au baccalauréat, jusque là marqués par un fort taux de réussite d’élèves francophones, majoritairement noirs, vont s’inverser en faveur des élèves arabophones. Comme langue de travail, le rôle de l’arabe va être déterminant dans la réussite aux examens et concours, notamment d’accès à la fonction publique. En tant qu’unique langue officielle à travers la politique d’« arabisation des ministères qui n’ont pas un caractère technique et qui sont en relation directe avec l’ensemble de la population comme la Justice et l’Intérieur », l’utilisation de l’arabe dans la sphère administrative se révèlera comme un puissant outil de domination et d’exclusion : l’Etat laisse entendre sa volonté de s’adresser à toute la population mauritanienne au moyen de la seule langue arabe. 

– la concentration de l’essentiel des pouvoirs économiques, politiques et militaires depuis le coup d’Etat de Juillet 1978 entre les mains d’une partie de la composante maure. Cette armée budgétivore, véritable fonction publique parallèle, qui dirige le pays depuis, a trouvé le moyen de se débarrasser de sa composante noire ou de l’écarter des centres de décisions. 

– l’entrée en vigueur brutale à partir de 1983 d’une réforme foncière mal préparée et dont le seul objectif est l’expropriation, eut pour conséquence l’accentuation de la pression sur les terres agricoles de la vallée du Fleuve Sénégal d’investisseurs privés maures, bénéficiant de largesses de bailleurs arabes, et plus récemment d’investisseurs étrangers. 

– Plus généralement, les frustrations et les injustices ressenties par les noirs, nées des traitements différenciés qui leur sont réservés et autrement plus sévères que ceux rendus pour les maures. L’opinion publique noire a souvent du mal à comprendre que les auteurs du dernier coup d’Etat manqué en Mauritanie, (appelé « coup d’Etat de Hannana », en juin 2003, certainement le plus violent du genre), n’aient été condamnés qu’à des peines d’emprisonnement de quelques mois. Moins compréhensible encore la reconversion de deux des présumés auteurs qui se sont présentés à leur libération aux suffrages de nos compatriotes et réussi à se faire élire à la représentation nationale. Leur mandat court toujours. Alors que quatorze années plus tôt, en 1987, pour une tentative de coup d’Etat qui n’a jamais connu de début d’exécution, le régime d’alors, a, au terme d’une procédure expéditive, jugé, condamné et exécuté trois officiers noirs. S’en est suivie une purge au sein de la grande muette qui a laissé dans le secret des tombes hâtivement creusées à Inal, Jreida, Akjoujt, Azlat, … des dizaines d’hommes qui s’étaient engagés au service de leur pays. 

Les effets cumulés de tous ces facteurs présageaient d’une explosion de conflits. Une partie des maures, embrigadés par les mouvances pan arabistes et ayant le sentiment de plus en plus renforcé, et le disent, d’être chez eux, le seul chez qui leur soit propre (ça rappelle quelque chose), où l’Etat leur garantit tout : sécurité, impunité. La majorité des noirs vivent cette condition comme un non choix, une condamnation à cohabiter, avec le recensement discriminatoire (enrôlement) en cours, ils ont fini par se dire qu’ils ne sont que tolérés ? Leurs revendications ont toutes été réprimées dans le sang ; sans qu’à aucun moment le régime en place ne prenne le temps de réfléchir sur les motivations réelles de ces crises à répétition, et ne propose des solutions qui aillent dans le sens du maintien de l’unité nationale. 
Le calcul politique qui sous-tendait ces mesures, les conditions de leurs applications, la mauvaise gestion des conséquences de ces applications en termes de contestations cristalliseront toutes les frustrations et « pollueront » pour ainsi dire le climat politique de notre pays. La brèche ouverte depuis est devenue un fossé, si grand aujourd’hui qu’il fait courir à notre pays le risque de conflits à répétitions. 


L’exclusion peut-elle durer encore ? Combien de temps ? 

Les gouvernants, tous régimes confondus – exception faite des parenthèses Ould Haidalla et Sidi Ould Cheikh Abdallah – ont invariablement œuvré au maintien et au renforcement de l’option arabe irréversible de la Mauritanie. Une option que même l’opposition dans son écrasante majorité ne remet pas en cause, en dépit des conflits et les risques d’explosion auxquels elle a exposé notre pays en cinquante et une années de vie commune. 

L’exacerbation de cette politique raciste, injuste et d’exclusion donnera naissance aux évènements de 1989 et suivants, avec des massacres massifs des populations noires du Sud. Des actes que l’on peine encore à qualifier avec les mots qui conviennent. 

La victoire a beaucoup de pères : Génocides reconnus 

Historiquement, ce sont les vainqueurs qui ont imposé leur volonté quand il s’est agi de qualifier les faits. Leur camp ayant eu le soutien des instances internationales, quand il ne les a pas créées, pour traduire les bourreaux : le Tribunal de Nuremberg pour qualifier le traitement réservé aux Juifs lors des deux grandes guerres de crime contre l’Humanité, ceux d’Arusha pour le génocide des Tutsi au Rwanda et de la Haye pour le génocide des Musulmans de Bosnie Herzégovine. La Cour Pénale Internationale pour Charles Taylor et récemment Laurent Gbagbo pour les crimes commis contre les peuples Sierra Léonais et Ivoirien respectifs. 


La défaite est hélas orpheline : Génocide voilé 

Ce qui s’est passé en Mauritanie entre 1989 et 1992 présente toutes les caractéristiques d’un génocide au sens retenu par les Nations Unies en 1948 dont une des conventions reconnait comme tel tout acte « commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux ». Abstraction faite du débat que peut soulever l’usage des concepts renvoyant au nombre de victimes, à l’ethnie, à la race, voire à la religion notamment chez certains scientifiques puristes, cette définition lève toute ambiguïté sur le caractère des massacres commis lors de la période référencée. 

Trois facteurs accablants sont à considérer ici, pris séparément ou mis ensemble. 

Premier facteur : l’intention (de détruire tout ou partie d’un groupe national). Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle y était, on est allé les chercher là ils se trouvaient : villages, lieux de travail (bureaux, écoles et marchés), au sein des forces armées et de sécurité. 

Deuxième facteur : le motif apparent pour désigner puis massacrer les cibles, était leur appartenance à une ethnie. A l’exclusion des exécutions au sein de l’armée, les pogroms le long de la vallée ont ciblé les peulhs. La population victime a donc délibérément été sélectionnée (tous ceux qui ont été massacrés avaient la particularité d’être Noirs). 

Troisième facteur : ces massacres ont été pensés, planifiés, et exécutés au nom d’une idéologie raciste dont l’objectif était la purification ethnique. Le maître d’œuvre en était le Colonel Ould Taya, conseillé par des idéologues civils se réclamant du Baathisme. 

Il en découle que les crimes commis l’ont été sur la base d’une sélection, un tri. Une effroyable opération qui a précédé l’exécution collective des victimes. La sélection confère donc à ces crimes la condition nécessaire de leur qualification en génocide, tandis que le caractère collectif érige le mal en crime d’Etat. Faut-il encore un argument supplémentaire pour convaincre qu’il s’agit bien là d’un génocide. La réponse est assurément NON. 

A l’évidence, ce drame est bien issu d’une volonté systématique et planifiée d’extermination. La Mauritanie doit porter un regard apaisé sur son passé d’autant que certaines franges pan arabistes n’hésitent pas à accuser les exilés et déportés Mauritaniens au Sénégal d’avoir participé aux massacres de leurs compatriotes en 1989 dans ce pays, telle la réplique de l’Etat Turc accusant la France de génocide en Algérie en réponse au vote par le Parlement Français, le 22 décembre 2011, de la proposition de loi pénalisant la contestation du génocide Arménien. 

Pourquoi alors s’obstine-t-on à utiliser d’autres qualificatifs ? 

D’abord parce que les bourreaux sont encore en activité, dans les premiers cercles du pouvoir. Conscients de leur responsabilité certainement directe dans les forfaits commis, ils font tout pour retarder ou empêcher la manifestation de la vérité. 

Ensuite, la majorité des partis politiques ont préféré laisser les ONG sous-traiter la question, désertant ainsi cet épineux terrain rendu glissant par sa connexion avec la question nationale. Le débit des autres partis est faible, presqu’inaudible, en raison d’un réseau saturé par des dissensions des associations des victimes. 

Enfin les divisions au sein des associations de victimes elles mêmes, liées peut être aux traumatismes subis, sont un pain béni pour les présumés coupables, pourtant répertoriés, qui n’ont eu aucun mal à surfer sur ces divergences pour essayer de passer la solution de cette question par pertes et profits. Victimes et ayant droit s’accommoderont du discours édulcorant les crimes en « passif humanitaire ». En acceptant ainsi de suivre les autorités dans cette démarche, ils espéraient peut-être donner une chance à ces dernières de cheminer vers une véritable réconciliation, impliquant réparations et pardon. 

Mohamed Ould Abdel Aziz, qui fut aide de camp du président Ould Taya et commandant du Bataillon de Sécurité de la Présidence de la République (BASEP) de 1987 à 1991 puis commandant du bataillon de commandement et des services à l’Etat Major national d’août 1991 à juillet 1993 selon son cv, aurait été épargné pour accorder une chance supplémentaire à la chance de réconcilier la Mauritanie avec elle-même. Ce fut un coup de poker perdant. La « prière aux morts » qu’il a orchestrée en grande pompe, n’avait d’autres motivations que mystiques. La campagne qui l’a suivie, autour du pardon participait à une démarche de diversion, visant à faire passer les victimes pour des haineux, des rancuniers qui ne pouvaient pardonner. N’entendions-nous pas les chantres de cette campagne répéter à qui voulait l’entendre que « Allah, dans Son infinie bonté, accordait Son pardon à Ses créatures (fautives) qui le Lui demandaient ». Ce qu’ils omettaient de dire, c’est qu’Allah n’a jamais fait de mal à personne. Les victimes des exactions n’ont pas de contentieux avec Allah, mais bien avec des créatures comme elles qui se sont adonnées à des abominations, dont elles doivent répondre ici bas, avant de devoir en rendre compte devant notre Créateur et Ses Anges. Ils semblent être frappés d’amnésie, oubliant que certains de ces crimes ont été commis pendant le mois de Ramadan. 

Faute d’avoir pu l’empêcher de se produire, nous n’avons pas le droit de laisser les autorités ajouter au crime la bêtise de le minimiser. En effet, les expressions utilisées pour qualifier ces faits de « passif humanitaire », l’ont été, parfois sous la pression des bourreaux et de leurs amis au pouvoir. Comme si ce qui s’est passé n’était pas suffisamment grave pour mériter d’être qualifié autrement. 

Le « passif » (et l’ « actif »), usité en comptabilité ou en grammaire, ne peut ni ne doit en aucun cas être employé pour parler de cette abomination. On est en politique. En politique, comme en tout autre domaine, il est préférable d’utiliser les mots qui conviennent pour désigner les maux causés au risque de tomber dans le négationnisme. Les propos tenus récemment par le Général Meguett en constituent un début de commencement. 

Souvenons nous qu’Hitler, tirant la leçon de la non application des résolutions du traité de Sèvres, signé le 10 août 1920 entre les Alliés et l’empire Ottoman, qui prévoit la mise en jugement des responsables du génocide arménien, aurait lancé en 1939 « Qui se souvient des massacres des Arméniens » à la veille de massacrer les handicapés, l’extermination des Juifs viendra deux ans plus tard. 

Rappelons aussi que le général père de la nation Turque, Moustapha Kemal avait pris soin de faire voter une amnistie générale des dits crimes le 31 mars 1929. En Mauritanie le colonel Maawiya Ould Sid’Ahmed Taya a fait voter une loi d’Amnistie de ses crimes, adoptée en 1993 par une Assemblée à ses ordres. La tentation de tracer un trait sur les faits était déjà là. Le temps ne doit donc pas avoir de prise sur notre détermination et notre volonté à œuvrer pour la reconnaissance de ces crimes en génocide et la traduction pendant qu’il encore temps de leurs commanditaires devant la Cour Pénale Internationale.


Est-il possible d’éviter à notre pays un futur incertain? 

Les mauritaniens peuvent-ils s’arrêter un instant pour s’accorder sur l’essentiel en vue de construire un destin commun ? Quel modèle pour la Mauritanie : Etat unitaire, Etat fédéral ? Ancrage dans le monde Arabe ou dans l’Afrique noire ? Trait d’union ? 

Quoi qu’il en soit, nul ne peut gouverner paisiblement notre pays en méconnaissance totale de son histoire ou au mépris de celle-ci, faite de recompositions, de brassages, de mélanges de sociétés si différentes que tout éloignait au début, mais qu’il faut désormais administrer harmonieusement selon un principe si simple de justice et d’égalité, non pas de principe, mais d’égalité effective. Pour cela l’armée au pouvoir depuis 1978, n’ayant pas vocation à faire de la politique et considérée comme comptable et responsable de ce génocide, n’est pas qualifiée à diriger la Mauritanie.

Monsieur Kelman, maintenant vous savez.

Ciré Ba et Boubacar Diagana – Paris, le 22 juin 2013.

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Flamnet- rétro: Cinquantenaire de la Mauritanie: notre vision des choses

cinquantenaire de la mauritanie

  Cinquante ans d’oppression, de répression et de régression… 

Le cinquantenaire des Etats Africains rime généralement avec régression, répression, et renvoie à une Afrique marginalisée, qui ploie sous le poids de la dette, écrasée par des rapports marchands impitoyables, inégaux et iniques; une Afrique appauvrie, meurtrie et exsangue par cinquante années de régimes despotiques, aux peuples déçus, pessimistes, en désillusion totale vis-à-vis de leurs gouvernants.

 

Si ces indépendances africaines ont procuré la satisfaction d’avoir délivré les peuples d’Afrique de l’insupportable sentiment de l’aliénation politique, il reste que ces mêmes peuples, en général, les ont ressenties comme une traversée du désert; ils les ont vécues comme un calvaire  à  cause de  la “mal- gouvernance”, qui se décline en corruption des moeurs , pillage des ressources, répression et oppression,  ethnicisme et népotisme, pauvreté et famine, arbitraires et abus  des dictatures, surtout militaires .

Tableau sombre qui amena ce vieux maure de l’Est de la Mauritanie à demander un jour : à quand donc la fin de l’indépendance? même constat amère qui faisait dire à  Ahmadou Kourouma , à travers son personnage de roman, «  comme une nuée de sauterelles les indépendances sont tombées sur l’Afrique » !

 

 La Mauritanie, le miroir brisé 

 

La Mauritanie, ce morceau hybride de  l’Afrique, n’échappe pas à cette  sombre caractérisation. Loin s’en faut ! en effet  la Mauritanie constitue un des cas achevés des  ratés des indépendances africaines que décrivait, si bien  Ibrahima  Ly : « Nous avons déjà eu ce qu’on appelle “indépendance”, quelle tristesse ! Nous avions ensemble tué la bête immonde . Quelques- uns ont traîné le cadavre dans un fourré, et avec sa dépouille se sont confectionné des masques. Ils nous font maintenant terriblement peur ».

 

Par la faute de nos dirigeants politiques nationaux, nous mauritaniens sommes aujourd’hui ce que nous sommes, c’est- à-dire au bas du classement des pays, à l’échelle du globe. 

Génèse : Maitre Moctar ould Daddah artisan du Système 

 

Le Président Moctar ould Daddah ( paix à son âme ), par ces choix subjectifs, partisans, hypothéqua la marche de notre pays vers le progrès, l’entraînant dès le départ dans des dérives politiques et nationalistes qui continuent encore aujourd’hui de compromettre et son unité et son développement.

 

Daddah  s’attaqua dès les premières années de son règne à l’institution parlementaire, pour en modifier le pouvoir. Afin de concentrer plus de pouvoirs entre ses mains, il supprimera le régime parlementaire hérité de la France, pour instaurer un régime présidentiel, taillé sur mesure, s’octroyant ainsi un pouvoir autocratique, fort. Le parlement fut donc dépossédé de son pouvoir, inféodé et vidé de sa substance, pour répondre à ses désirs et à son plan. 

Il faut rappeler, qu’avant de s’attaquer au parlement le marabout avait, au préalable, pris la précaution  de faire, doucement , supprimer le multipartisme en germe, en amadouant les partis politiques mauritaniens naissants, en les embrigadant. A la place il  instaura, à la hussarde, le monopartisme, muselant ainsi  les voix discordantes;  il ira jusqu’à créer une confusion des pouvoirs en instituant la primauté du parti sur l’Etat, pour mieux asseoir son pouvoir autocratique, et exécuter  son agenda secret visant  la réorientation des équilibres politiques et culturels internes. 

Le Parti unique à pensée unique était né, qui  allait compromettre, pour une longue période de temps , la trajectoire démocratique dans laquelle notre pays s’était engagé, au sortir de la colonisation. 

 

En éliminant subtilement ces partis politiques naissants, il éliminait du même coup le cadre naturel du débat et des projets contradictoires, essence même de la démocratie  qui reposait sur les differences et la confrontation d’idées. Notre démocratie balbutiante fut assassiné et enterrée au nom du  parti unique, qui ne réussit, hélas, ni  à forger notre unité nationale qu’il était censé viser, ni à nous guérir du mal tribal contre lequel il fut institué .

Ould Daddah dévia non seulement cette trajectoire vers la démocratie, mais compromit également  le progrès du pays, en s’adossant sur les forces  rétrogrades et conservatrices, poussant les éléments les plus progressistes de son régime vers la démission ou le reniement .

 

Après avoir réussi à éliminer les formations  politiques existantes et inféodé le parlement, il  entama l’exécution de son plan secret : rétablir l’équilibre politique entre arabo-berbères et négro-africains, alors favorable aux négro -africains. Ould Daddah  était obnubilé, obsédé par cette situation héritée de la colonisation , qu’il jugeait impérieuse de corriger au plus vite ; seulement  au lieu de se limiter à redresser le déséquilibre – chose légitime et juste en soi – il versa  dans l’excès inverse, en éliminant  progressivement mais systématiquement, les négro africains des instances décisionnelles et de nombreux secteurs de  la vie publique. 

 

C’est donc en toute connaissance de cause que Ould Daddah commença à  mettre  en place, lentement mais obstinément, les bases de son projet  hégémonique d’une « Mauritanie arabe », surtout arabe. La  loi  non écrite, arbitraire, du quart étant déjà  appliquée pour les compositions de gouvernements, il s’attaqua alors  à la  réforme de secteurs clefs, indispensables pour mener à bien son dessein : l’Armée, l’Ecole, l’Economie, trois  verroux essentiels dont il fallait s’assurer, indispensables, pour qui voulait maîtriser l’Etat .

 

Pour un contrôle futur de l’Armée (encore sous le commandement du commandant Diallo issu de l’Armée coloniale française), Ould  Daddah  s’employa  à mettre en place  un premier noyau du  corps  de commandement futur de notre Armée « nationale » en gestation, par la reconversion de  certains  enseignants: Mbareck ould Bouna Moctar  et Ould Saleck  (arabo-berbères  naturellement) sont choisis , et constitueront à l’issue d’une formation sommaire à l’étranger, les premiers officiers de l´Etat major naissant; (Il faut rappeler que les candidatures d’instituteurs négro-africains furent, pour la circonstance, systématiquement éliminées). 

– L’Ecole sera la seconde étape du marabout. Il engage, préssé, les réformes éducatives, essentiellement centrées sur le renforcement progressif de la langue arabe à l’école; langue qui sera instrumentalisée à loisir pour les besoins de la cause,  afin d’accélerer le processus de liquidation des uns, et hâter  la  promotion sociale des autres. Cela se traduira par un recrutement de maîtres coraniques, essentiellement arabo-berbères, sans qualification, une croissance exponentielle d’écoles en zone arabo-berbère, sans rapport aucun avec la densité de population habituellemt  requise. 

 

Dans le Sud, à l’opposé, on assistera  à une sorte de  frein à  l’expansion scolaire, où villages et adwabas( campements haratines) ploient sous le poids démographique, et malgré des demandes insistantes des populations; il ne fallait surtout pas repondre à ces sollicitations ! car ce serait gêner gravement la politique de “rattrapage scolaire” entreprise, à  pas de course, par Moctar.

 

L’arabisation à outrance, sans les conditions minimales requises, sans contenu et sans préparation? peu importait, pourvu qu’elle permît la liquidation des uns et la promotion sociale rapide des autres ! 

 

– Secteur de l’Economie où, pour boucler la boucle, Ould Daddah  mettra  très vite en place son 1er noyau de cadres économiques et financiers, chargé de veiller au grain; ça sera, comme par hasard, Ahmed Ould Daddah, Ismael Ould Amar, (tous Arabo-berbères, une fois de plus !). Ce socle constitué, il initia alors sa “politique financière” qui  permit, là aussi, à la composante arabo-berbère d’asseoir son hégémonie; Pour ce faire il créa alors l’ouguiya,- plus adapté au projet que le Franc CFA sous l’oeil vigilant de la  métropole -, et fit venir à flot les fonds arabes; deux sources où les arabo-berbères puiseront  sans compter ! Deux actes qui  permettront «l’ accumulation primitive (décisive) du capital » par un bon nombre d’entre eux; en effet, ceux -ci  bénéficieront de prêts à volonté et sans restriction, interdits aux autres ( Négro-africains et Haratins). La gestion laxiste de ce secteur ouvrira la voie aux détournements massifs des deniers publics et de ces fonds arabes, dans l’impunité totale, par  une classe de prédateurs économiques, devant un pouvoir  préoccupé par la promotion d’une bourgeoisie tribalo-raciale.

 

Voilà qui explique peut être pourquoi Oud Daddah ne combattit jamais sérieusememt la corruption et l’enrichissement illicite. Voilà qui aussi expliquait peut-être ce paradoxe chez l’homme : honnête et très intégre sur le plan de gestion des déniers publics, il laissa faire presque librement les prédateurs, sans jamais sérieusement les inquiéter. Cette déplorable habitude qui constitue un des handicaps majeurs de notre développement  a pris racine hélas, et devient chaque jour, plus difficile à extirper. 

Les secteurs de l’Armée, de l’Education et de l’Economie maîtrisés, Daddah se tourna vers l’extérieur . 

 

Il s’employa, ici, à masquer ses intentions et son projet par un écran de fumée auprès de ses pairs  africains qu’il mystifia à fond, en se faisant passer pour un tiers-mondiste sincère, avec un slogan, encore plus trompeur, à la bouche : « une  Mauritanie trait d’union » entre le monde arabe et africain, dont il fera toujours fi !

Les éléments  du plan se mettaient doucement en place, enserrant petit à petit les négro-africains, resserrant de plus en plus l’étau autour d’eux. Le plan  appliqué, méthodiquement, reproduira, à peu près à l’identique, les effets et les objectifs souterrains de l’idéologie Afrikaaner, ainsi définis : “annihiler la force numérique et la force de travail que représentent  les Noirs pour les transformer en instruments, sans qu’aucune possibilité ne leur soit laissée de renverser cette situation”.

 

Voilà l´homme au sombre héritage que l’on s’apprêtait à sacrer en ce 50ème anniversaire de  notre indépendance ! 

Bilan :  Un pays divisé , un peuple appauvri , assoiffé de justice .

 

De par sa vision ethniciste et de par sa gestion partisanne, Ould Daddah nous léguait un pays en proie à des crises inter-ethniques cycliques récurrentes, dangereuses pour la paix et la stabilitité de la Mauritanie, qu’il ne chercha, du reste,  jamais à sérieusement résoudre -et pour cause !-, repoussant leur solution toujours au lendemain. Tout comme il ne voulut jamais s’attaquer au fléau, terrible, qu’est l’esclavage, qu’il dira comprendre,  au lieu de l’abolir. Il laissa, consciemment, ce phénomène odieux qui défiait  pourtant notre humanisme se perpétuer .

 La création d’une nation mauritanienne égalitaire, juste et démocratique, toutes races et ethnies confondues, ne fut ni le souci, ni le projet de Moctar Ould Daddah. S’il  nourrissait cet idéal c’était pour la nation arabo-berbère, exclusivement; « père de la nation » il l’était, assurément, pour la nation arabo-berbère !

 Si nous sommes aujourd’hui un peuple divisé, appauvri, sans repères, une nation en gestation compromise, c’est bien, en grande partie, à cause de Ould Daddah.

Il ouvrit le chemin des dérives, de la politique de l’inégalité, du laxisme, de la complaisance, et les militaires s’y engouffrèrent, à coeur joie; militaires du genre Ould Taya, ( S. Doe, Y.Jammeh, L. Konté) et combien d’autres, tristes symboles et prototypes mêmes des ratés de ces indépendances africaines que Ibrahima Ly, toujours lui, caricaturait à peine ainsi : « hier ceux qui s’emparaient du pouvoir avaient une certaine instruction, aujourd’hui ils lisent en titubant sur certaines syllabes». 

 Le projet d’une Mauritanie arabe, initié et nourri par Moctar, sera poursuivi et consolidé par les régimes militaires dictatoriaux qui lui succédèrent; quelque fois dans le sang, avec la cohorte des spoliations et expropriations foncières de négro-africains et de haratines, les déportations de populations, la radiation de milliers de fonctionnaires noirs pour faire place nette aux arabo-berbères dans la fonction publique, les exécutions extra -judiciaires de milliers de civils et militaires négro africains, l’épuration ethnique, en un mot, le génocide; Si tous les régimes dictatoriaux militaires qui succédèrent à Ould Daddah ont poursuivi avec conviction et determination son  projet d’une Mauritanie arabe, c’est sans conteste Maouiya Ould Sid’ Ahmed Taya  qui l’a surtout consolidé, en l’élevant sur le terreau  des horreurs. . .

Enfin, la radicalisation de l’arabisation à l’école au sein de l’administration et de la justice dans la négation ou le mépris total  de l’identité des autres. Une Ecole divisée, à genoux, dans l’impasse totale, avec son corollaire: les échecs massifs  des écoliers négro-africains, et des générations d’enfants sacrifiés à vie, toutes ethnies confondues.  

 

 Ould Taya  accentua donc gravement la division léguée par Daddah .

Des politiques à caractère chauvin et raciste sont renforcées, politiques à deux poids deux mesures qui font qu’ici, on assiste à la multiplication d’écoles, à croissance exponentielle sans critères objectifs réels, la démultiplication de centres administratifs ( arrondissements, préfectures) ; et là, bizarrement on notera la stagnation de l’expansion scolaire, la multiplication de postes frontières harcelants, de postes de contrôle routier intempestifs, de postes de police, hier, inconnus des villages de la vallée du fleuve. Pour les uns une identité culturelle reconnue et assumée par l’Etat, pour les autres la négation même de leur culture. Ici, une sureprésentation arbitraire au parlement, et là une sous-représentation de populatons qu’aucun poids démographique ne justifie.                                                                            

 

 Dans cette vallée du fleuve les populations vivent des vexations quotidiennes, les déportations, les viols, des contrôles intempestifs excessifs, un rançonnage aux frontières devenu routinier, des expropriations foncières arbitraires, sans fin. Il se développe dans cette vallée du fleuve, sourdement  et de plus en plus, ce sentiment d’assiégés permanents; les nouveaux arrivants et ces préfets, gouverneurs et chefs d’arrondissement, tous arabo-berbères, connaissant si peu le milieu,  ne cherchant souvent même pas à  s’y intégrer,- “migrants”se comportant généralement comme en territoire conquis-, exacerbent hélas ce sentiment de ras le bol !  

 Un moment de répit dans tout de même cette vallée du fleuve meurtrie et quelque espoir, de courte durée, ressentie chez les négro-africains, sous le Président Sidi Ould Cheikh Abdallahi qui, non seulement amorça la réconciliation  nationale, mais en même temps tenta, avec courage et sans tricher, de renouer avec le fil, rompu, de la trajectoire démocratique. Seulement l’homme de foi, sincère, mais si peu habitué aux méandres de  nos moeurs politiques  atypiques, avait mal mesuré les enjeux en cause et les résistances de tous ordres ; d’où l’intrusion, pour la seconde fois, des militaires, au travers d’un  putsch auquel, hélas, des forces politiques se disant attachées  au  jeu démocratique comme seul cadre d’expression et d’accés au pouvoir, donnèrent du mou! 

 Le résultat de toutes ces politiques nocives est que nous vivons aujourd’hui côte à côte en nous tournant le dos, dans la suspicion du voisin ! 

Le pays physique lui-même est resté presque à l’état dans lequel l’avait laissé le colon: aucune infrastructure notable, pas de réseau routier, ni de parc automobile, pas d’aeronefs, pas d’industrie, pas de plan général d’urbanisation, pas d’eau courante, rien ! Le peu qui avait été bâti par le colon est dans un état piteux, sans entretien ! Bref un pays aux immenses ressources qui se meurt de faim !

 La vallée du fleuve et sa population ont été  les plus affectées par ces tristes politiques. Ce cinquantenaire ce sont 50 ans d’oppression et de régression des populations de  la vallée du fleuve, transformée en vallée des larmes!

 Etat actuel de lieux …ère Azizienne : Qu’est ce qui a changé? 

 

 

 On ne peut  ne pas remarquer ces tentatives de lutte contre « la gabégie »  à l’actif du régime;  même si celle-ci se menait sans trop tricher, un peu sélectivement, sans toute la fermeté requise, elle a au moins  le mérite de limiter le taux des prédateurs, et gêner, quelque peu, les vols à ciel ouvert. Tout comme on ne pouvait ne pas accueillir favorablement ces tentatives nouvelles, que sont ce nivellement amorcé dans le traitement des disparités des capitales régionales, et cette lutte contre le terrorisme enfin, qui doit être implacable et sans concession, face à ces fanatiques soldats adeptes de l’obscurantisme, si peu soucieux de la vie et des droits ; 

 Seulement l’égalité ne se réduit  pas à la lutte contre la gabégie ou contre le terrorisme. C’est beaucoup  plus que ça !

 Aziz hésite encore à aborder les questions essentielles qui minaient toujours l’unité nationale. Le régime observait un profil bas sur la question du passif humanitaire, et réchignait à prendre en charge cette question endémique et lancinante de l’esclavage. Il ne se passe pas de semaine sans que l’IRA ou  SOS-ESCLAVES ne révèlent des cas avérés d’esclavage, plus pathétiques les uns que les autres, mais  qui restaient toujours impunis. 

 Le gouvernement  reculait, visiblement, sur le dossier des réfugiés, réticent à leur rendre leurs terres, s’essayant à  la politique du fait accompli, dangereuse et sans issue, qui suscitait  rancoeurs et frustrations durables .

 Le rapatriement s’était arrêté côté Sénégalais, que l’on  reprend de mauvais gré, en rognant sur le chiffre d’inscrits : sur près de 5000 cas de réfugiés inscrits qui attendent encore, il semble que  le régime se serait  maintenant  rétracté, et ne souhaite plus en accueillir qu’une partie infime ! il va jusqu’à nier l’existence des réfugiés du Mali ! Ce régime était entrain de revenir sur les engagements officiels et publics de l’Etat mauritanien, et tentait, en réalité, de remettre en cause le droit fondamental du retour !

 Voilà que l’on multipliait des points de passage sur le fleuve, compliquant encore davantage le quotidien des populations déjà intenable, comme si « la menace venait (encore) du Sud » !

La timide tentative d’équilibre ethnique au sein du gouvernement à ses premières heures a vite pris fin; on a  limogé, rapido-presto, ces ministres qui avaient à coeur leur job, et voulaient rompre avec l’anarchie et le laxisme ambiants. Celle de la fonction publique aurait été jugée d’en faire un peu  trop, d’avoir cherché à traiter, avec trop de zèle, ce dossier,”encombrant”, de « ses parents  fonctionnaires» arbitrairement radiés, dossier qui depuis est sous le coude. Celui des Finances s’est vu préférer un homme qui avait comme top priorité « la version en  caractères arabes » des bulletins de salaire !

 En réalité le Président Aziz se refusait  à operer cette rupture, indispensable, d’avec les hommes et ces  pratiques nocives, symboles du triste passé. Voilà pourquoi, le Système, pour l’essentiel, demeurait encore en place.

 Voilà qui justifie la poursuite, à la même cadence, de ces nominations à caractère ethniciste. Toujours les mêmes qui sont sélectionnés, promus.Toujours les mêmes quotas, la même portion congrue dans les médias d’Etat, et que l’on se proposait de reconduire, jusque après la libéralisation de l’audio-visuel !

 Une “double nationalité” tape-l’oeil qui s’averera être un mirage pour beaucoup, au vu des conditions absurdes dressées pour y accéder. Un parti qui grossit, dangereusement, avec tant de satellites autour, qu’il glissait doucement vers le parti-Etat, vers le  parti  unique à la pensée unique- source de nos malheurs-, et menaçait de porter préjudice au pluralisme  véritable .

Le Système demeurait encore vivant, ténace …sous l’ère Azizienne !

Puisque le Président dit contrôler tout, c’est donc qu’il bloquait  tout !

 

 Quelle voie, quelles  solutions pour  la Question de la cohabitation    

 Il nous est encore possible de créer cette nation unie, égalitaire et démocratique, à condition qu’il existe une volonté politique réelle; à condition de prendre à bras le corps cette question lancinante de la cohabitation et de l’esclavage, toujours escamotée, objet de fuite en avant permanente; à condition, enfin, d’en déterminer les bases justes.

 

Ces bases devront reposer sur les axes clairement définis, ci-après :

 –  Un équilibre dans la gestion du pouvoir , entre toutes les composantes nationales. 

 – Une réforme politique et constitutionnelle, qui consacrent les libertés démocratiques, reconnues et protégées, introduit  des amendements constitutionnelles spéciaux portant sur l’Identité de la Mauritanie, l’égalité  des communautés, des langues et des cultures nationales, la fin de l’esclavage, la création d’un observatoire national des libertés et de la cohabitation.

 -Une réforme de l’Education, fondant  une Ecole  moins élitiste, ouverte sur le monde moderne et respectueuse de nos identités multiples.

  -Une réforme de l’Armée, pour en faire  une armée républicaine et de développement, ouverte équitablement à toutes les composantes nationales.

  – Une réforme de l’Administration et de la justice, basée sur l’autonomie régionale, un  redécoupage territorial qui tienne compte des aires culturelles et historiques,  une justice modernisée enfin.

   – Une réforme agraire – dont la vallée serait certainement le pivot – fondée sur le droit de propriété reconnu et réaffirmé, reposant sur une politique d’investissement agricole qui respecte ce droit de propriété, associe les populations concernées, respecte les espaces vitaux des villages, ouvre des couloirs de parcours pour le bétail, préserve les droits séculiers des pêcheurs sur le fleuve, détermine les zones d’investissement dans la vallée, que sont le Waalo, le moyen Jeeri et le haut Jeeri à affecter, respectivement, aux autochtones locaux, aux hommes d’affaires nationaux et régionaux, au grand capital international .

 Ces réformes devront être précédées, pour mieux accrocher, par des mesures immédiates d’apaisement social de la part du Gouvernement qui se traduiront ainsi : 

 – Un réglement correcte du dossier des réfugiés qui passe par la restitution des terres de culture et des villages aux uns, et l’ indemnisation  pour les autres.

– Une volonté politique affirmée de mettre fin à l’esclavage, ( par l’annonce de mesures préventives immédiates ).

– Un réglement immédiat du passif humanitaire, qu’on ne pouvait solder par de l’argent, dont la  solution  passait  par la création d’une Commission Vérité- réconciliation, guidée par cette tryptique : « Equilibre à trouver entre le refus de l’impunité, les exigences de vérité et des réparations, et la nécessité du pardon ».

 

 Il n’y a pas de paix  sans réconciliation , et il n’y a pas de réconciliation sans Justice .

 

Tout comme il n’y a pas de concorde  là où il n’y a pas d’égalité. Et puisque cette égalité n’a pu émerger après 50 ans, à travers le cadre de “l’Etat unitaire centralisé” dans sa forme actuelle, la raison commande de rechercher d’autres voies, telle, entre autres, l’Autonomie. L’autonomie  nous parait la solution la mieux appropriée, dans notre cas d’espèce, pour constituer un mode d’organisation entre des groupes humains aux habitudes mentales, langues et tradition différentes, visant à diluer le pouvoir et le répartissant entre ces groupes, de manière à permettre à chacune de nos communautés de promouvoir elle- même son  propre développement, dans l’unité préservée du pays; historiquement et politiquement cette option se justifie amplement.

 Les FLAM appellent :

 

 

– Les réfugiés à rester mobilisés, à ne pas céder, à résister à la spoliation de leurs terres de culture; à ceux qui demeuraient encore à l’extérieur des frontières elles leur demandaient  de continuer à se battre, chaque jour davantage, pour leur droit légitime au retour.

– Elles appellent la jeunesse négro-africaine à cesser de courber l’échine, cesser de gémir et de supplier, et  à compter d’abord sur ses propres forces. 

– Aux Haratines, de refuser d’être les victimes consentantes de leur propre esclavage.

– Et  à  toutes les victimes du Système de  prendre conscience « que la lutte en ordre dispersé n’a pas d’autre issue que la défaite pour tous ».

– Aux forces démocratiques et progressistes, aux compatriotes arabes et berbères honnêtes et Justes, soucieux de notre devenir en commun, de prendre leur responsabilité face au racisme d’Etat, à l´esclavage et à la pauvreté grandissante. 

– Enfin au Président de la République, ce poème de Maouloud  Mammeri, en guise d’appel :

          «  Quand trop de sécheresse brûle les coeurs

              Quand la faim tord trop d’entrailles

              Quand on rentre trop de larmes

              Quand on baillonne trop de rêves ,

               C’est comme

              Quand on ajoute bois sur bois sur le bûcher

              à la fin il suffit du bout de bois

              d’un esclave pour former 

              dans le ciel de Dieu

              et dans le coeur des hommes

              le plus énorme incendie».

Nous devons  nous persuader – c’est vital pour nous et pour ce pays – que la voie choisie jusqu’ici était dangereuse et sans issue! « Une nation ne pouvait vivre  moitié libre  moitié esclave»; elle  ne pouvait non plus se construire avec des citoyens à-démi  et des citoyens à part entière.

 Il est possible de faire de ce pays un foyer régional des plus attractifs, un havre de paix et de prosperité si nous nous ressaisissons.  

Il nous faut nous ressaisir, il est encore temps !

La lutte continue!

 Stockholm le 24 novembre 2010.

 

Le département de la Communication des Forces de libération africaines de Mauritanie

www.flamnet.info

 

Flamnet-Agora: LE «COMPLOT PEUL » : SAUVONS LA GUINEE DE SES VIEUX DEMONS

altHuman Rights Watch, dans un rapport de 2011consacré à la Guinée et mis en ligne (voir le lien : http://www.campboiro.org/bibliotheque/hrw/vecu-dans-obscurite/vecu-dans-obscurite.html#sekou-toure-regne-terreur) note :

Les exactions perpétrées pendant le règne de Touré ont essentiellement été liées à la réponse apportée par l’Etat à de nombreux complots −considérés pour la plupart comme étant de pures inventions −visant à renverser le régime. Selon des experts universitaires et des historiens, Touré s’est servi des complots pour détourner les critiques dirigées contre son régime et sa politique socioéconomique et pour éliminer ses opposants réels ou perçus comme tels. Après chaque complot dénoncé, les forces de sécurité et les responsables gouvernementaux ont déclenché une vague de détentions arbitraires, de disparitions, de procès-spectacles et, dans plusieurs cas, d’exécutions publiques. Lors d’un complot particulièrement sanglant, le « Complot peul », ou complot des Foulbés de 1976-77, des intellectuels Peuls respectés, dont Boubacar Telli Diallo, ex-secrétaire général de l’Organisation de l’Unité africaine, et d’innombrables autres personnes, furent emprisonnés, exécutés ou sont morts en détention. Ces violences provoquèrent un exode massif hors de Guinée de membres du groupe ethnique peuhl et ont [depuis] instauré un pénible sentiment de méfiance entre les Peuls et le deuxième plus important groupe ethnique de Guinée, les Malinkés, auquel appartenaient Touré et bon nombre de ses principaux alliés politiques au sein du PDG.

Il apparaît déjà à la lumière de cette citation qu’il y a un problème peul en Guinée du fait de la répression qui cible spécifiquement les Foulbés en tant que groupe ethnique.

Pour comprendre cette situation des Peuls en Guinée, il faut voir l’état de la répartition ethnique dans ce pays tel qu’il est dressé par le même organisme dans son rapport de 2011. Sur les 10 000 000 de Guinéens, il y aurait environ 40% de Peuls, 30% de Malinkés, 20% de Soussous ; les 10% qui restent seraient constitués par des groupes minoritaires tels que les Guerzés, les Kissis, les Tomas, etc. (voir note 7 du rapport). Majoritaires donc, bien instruits, économiquement bien assis et ne partageant pas généralement la même orientation politique que Sékou Touré, les Peuls ne pouvaient qu’être perçus comme un danger par ce celui-ci. Sékou Touré ne tergiversa pas longtemps : dès les premières années de l’indépendance, il opta pour la méthode la plus radicale pour faire face à la « menace peule » : la liquidation politique passant, le plus souvent, par l’élimination physique des éléments de l’élite peule.

La liste s’ouvre en 1960 avec le « complot de Diallo Ibrahima », un Peul donc, qui semble-t-il jugeait Sékou Touré indigne d’être président de Guinée et menaçait de créer un parti rival. Il y eut ensuite, entre autres, le complot « des intellectuels tarés et des forces décadentes », celui « des syndicalistes et des éléments d’extraction féodale et anarchiste », celui « des petits commerçants », celui « des grands commerçants en connivence avec l’impérialisme », l’invasion portugaise du 22 novembre 1970 qui fut transformée en complot. Les complots de Sékou Touré sont en réalité plus nombreux que cela (voir Alsény René Gomez, Camp Boiro. Parler ou périr, Paris L’Harmattan 2007, chapitre XII, mis en ligne sur http://www.campboiro.org/bibliotheque/gomez_alseny/parler_perir/chap12.html) mais force est de reconnaître que dans tous ces complots fabriqués, ce sont les Peuls qui payèrent le tribut le plus lourd. Mais le plus sanglant de tous pour les Peuls, fut

le « Complot peul », ou complot des Foulbés de 1976-77, [lors duquel] des intellectuels Peuls respectés, dont Boubacar Telli Diallo, ex-secrétaire général de l’Organisation de l’Unité africaine, et d’innombrables autres personnes, furent emprisonnés, exécutés ou sont morts en détention. (Rapport de Human Rights Watch)

André Lewin qui fut ambassadeur de France en Guinée entre 1975 et 1979 et qui a écrit un livre, Diallo Telli. Le destin tragique d’un grand Africain, Jeune Afrique Livres. Collection Destins, 1990, 225 pages, nous décrit les débuts du « complot » comme suit :

Le 13 mai [1976], la découverte par la police du jeune Mamadou Lamarana Diallo, 14 ans, peut-être même 12 seulement, perché sur un arbre et “porteur d’une arme automatique” à proximité de l‘Institut polytechnique de Conakry où Sékou Touré effectue une visite, laquelle est immédiatement abrégée, entraîne l’arrestation, qui ne sera rendue publique qu’ultérieurement, de plusieurs miliciens, dont un commandant Sory Barry. Ils sont accusés de négligences dans la protection du président. On constatera plus tard que toutes les personnes arrêtées appartiennent à l’ethnie peule. (A. Lewin, op. cit. Chapitre 7)

 

Boubacar Telli Diallo est arrêté dans la nuit du 18 au 19 juillet 1976 et interné au camp Boiro. Après d’abominables séances de torture par l’électricité (« cabine technique ») et par la privation d’eau et de nourriture (« diète noire »), il finit par céder. Ses aveux sont enregistrés et rendus publics le 9 août au Palais du Peuple, devant les militants du PDG. Dans ses aveux, lui et ses complices reconnaissent

le caractère ethnique de leur mouvement et de leur futur gouvernement, dont Diallo Telli aurait été le chef et Dramé le ministre des Finances. Sans donner de précisions, Dramé affirme aussi que la France, la République fédérale d’Allemagne et les Etats-Unis, ainsi que le Sénégal et la Côte d’Ivoire, aident les antiguinéens de l’extérieur. (A. Lewin, op. cit. Chapitre 7)

 

Ce curieux complot dans lequel les éléments de « la 5ème colonne », essentiellement pour ne pas dire exclusivement des Peuls, côtoient, pêle-mêle, la France, la République Fédérale d’Allemagne, les Etats Unis, le Sénégal, La Côte d’Ivoire, le Zaïre, le Gabon et l’Afrique du Sud, n’est en réalité qu’un vulgaire montage dont la cohérence d’ensemble défie le bon sens le plus élémentaire. Malgré cela, Boubacar Telli Diallo et ses amis furent condamnés par le théâtral « tribunal révolutionnaire » de Sékou Touré et moururent les uns après les autres entre le 26 février et le 1er mars 1977, épuisés par la « diète noire » :

Le 26 février meurt le Dr. Alpha Oumar Barry ; le 28, c’est au tour des deux militaires ; enfin, le 1er mars, le matin, peu avant 9 heures, Diallo Telli rend le dernier soupir, cependant qu’Alioune Dramé mourra quelques minutes plus tard. (A. Lewin, op. cit. Chapitre 7)

Il fut l’occasion pour Sékou Touré de déverser toute sa haine sur l’ethnie peule, en lui découvrant les tares les plus abominables et en l’accusant des crimes et trahisons les plus gravissimes, le tout enrobé dans un discours pseudo-révolutionnaire qui cachait mal l’ethnocentrisme et l’amour excessif du pouvoir : étrangers à la Guinée, contre-révolutionnaires incurables, collaborateurs, traîtres en tout temps et en tout lieu, ethnocentristes, endogames et même alcooliques !!! :

Le Fouta était menacé, tragiquement menacé de nombreux travers sociaux. Nous avions visité cette province guinéenne de long en large et nous nous étions aperçu que l’alcoolisme menaçait, réellement la population du Fouta, y compris les marabouts qui remplissaient leurs bouilloires de bière ou de vin. Ne parlons pas des jeunes et encore moins des intellectuels : consommer l’alcool était devenu alors, le critère de l’évolution à l’époque.

Sékou Touré voulait sans doute discréditer les Peuls mais ses arguments sont fort discutables. En effet qui est autochtone dans cette Afrique occidentale où la mémoire collective des populations se souvient encore des vagues migratoires qui les ont conduites de l’est à l’ouest du continent. Egalement contre Sékou Touré le fait que le Fouta était tellement réputé pour sa religiosité que même le vénérable Cheikh Oumar Tall, après s’y être initié, avait choisi Dinguiraye comme base pour la préparation de sa guerre sainte, sans doute en hommage au premier Etat théocratique de la sous-région qui vit le jour en 1725, c’est-à-dire bien avant celui du Fouta-Toro, fondé en 1776. Donc l’accusation est ridicule mais très révélatrice de la mauvaise foi du « Responsable Suprême de la Révolution ». Cette mauvaise foi crève aussi les yeux quand, contre tout bon sens, il s’attache à démontrer que les Peuls sont minoritaires au Fouta-Djalon ; vaine tentative mais pour Sékou Touré, tous les moyens sont bons pour nier l’évidence : le poids démographique des Peuls en Guinée, poids qu’il juge inadmissible.

Excédé par ce qu’il appelle l’ingratitude des cadres peuls, Sékou Touré décida de ne plus accorder de bouses étrangères aux étudiants peuls. Là également la mauvaise foi est manifeste : tout observateur objectif sait que c’est pour éviter de risquer leur vie que les cadres peuls s’imposent un exil volontaire et restent dans des pays, parfois très proches de la Guinée où ils peuvent travailler en toute tranquillité. En fait le vrai objectif de Sékou Touré c’était de bloquer la formation de cadres peuls parce qu’à son goût il y en avait déjà trop en Guinée. C’est donc un autre moyen diabolique pour étouffer les Peuls et dont il essayait maladroitement de les rendre eux-mêmes responsables. C’est ce que confirme la terrible phrase par laquelle Sékou Touré conclut son réquisitoire contre les Peuls :

Retenez-le bien : Le racisme peulh, nous devons lui donner un enterrement de première classe, un enterrement définitif.

Autrement dit, il opte pour quelque chose qui ne serait pas loin de « la solution finale » ; pauvres Peuls !

Depuis la mort de celui qui avait juré leur perte, en 1984, les Peuls pensaient sans doute que tout était fini et qu’il n’y aurait plus de « complot peul ». Mais malheureusement Sékou Touré a semble-t-il trouvé un digne successeur en la personne du « Professeur » Alpha Condé.

Dans la nuit du 18 au 19 juillet la résidence privée du président guinéen est attaquée et les Peuls retrouvent le cauchemar. En effet tous ceux qui sont arrêtés sont des Peuls ou des gens qui leur sont proches. Le camp Boiro n’existe plus mais on a trouvé semble-t-il quelque chose qui l’a remplacé dignement. En effet le procès, retransmis à la télévision et sur le point de s’achever (on en est au réquisitoire du procureur général et aux plaidoiries de la défense), laisse clairement apparaître que les prévenus ont été atrocement torturés et que tous les aveux ont été obtenus après atteinte à leur intégrité physique ou morale. La « cabine technique » et la « diète noire » du camp Boiro ont été utilisées au dire même des détenus. Ce qui est grave, c’est que le procureur général trouve, en réponse à un détenu qui disait que ses aveux avaient été obtenus après privation d’eau et de nourriture, que c’est là un argument léger de sa part ! Quel cynisme ! En effet force est de se rappeler ici que c’est avec ce procédé inhumain qu’ont été tués Boubacar Telli Diallo et ses codétenus dans le cadre du « complot peul » de 1976. Au moins deux prévenus n’ont pu résister à la « cabine technique » et à la « diète noire » : ils sont morts en détention ; d’autres sont physiquement et moralement atteints et ne seront plus jamais les mêmes personnes.

Les images du procès confirment qu’on est en présence d’un montage grossier, truffé d’incohérences. Les avocats de la défense ont réussi à mettre à nu toutes les failles de l’accusation : des trajectoires de balles et de roquettes peu crédibles ; des policiers, des gendarmes et des militaires, témoins à charge, qui refusent de répondre aux questions des avocats de la défense quand bon leur semble et avec l’aide active du président du tribunal et celle du procureur général prompts à voler à leur secours dès qu’ils sont en difficulté face aux questions de ceux-ci ; leur arrogance prouve à souhait qu’ils ont la garantie de l’impunité. C’est le même état d’esprit qu’on retrouve chez les gendarmes et officiers de police qui ont mené l’enquête préliminaire. A les écouter, on devine aisément comment les aveux ont été obtenus.

Le procureur général rappelle Sékou Touré : la hargne, la mauvaise foi, l’invraisemblance des accusations sont presque les mêmes. D’après lui, c’est parce que les Peuls s’estiment discriminés que Madame Fatou Badiar Diallo, le cerveau du complot, et ses complices ont attaqué la résidence privée du président afin de le tuer et de procéder à un changement de régime. Voilà pourquoi le procureur William Fernandez porte à leur encontre les accusations suivantes :

Association de malfaiteurs, assassinat et tentative d’assassinat contre la personne du Chef de l’Etat, détention illégale d’armes de guerre et de minutions, de drogue, ethnocentrisme et régionalisme.

Pour ces chefs d’accusation, il demande la peine capitale pour les cerveaux, la détention à perpétuité, de lourdes peines de prison pour les principaux complices et l’acquittement pour quelques comparses arrêtés par erreur ! Un citoyen guinéen qui semble bien averti juge ainsi le nouveau complot peul et le procès qu’il a entraîné :

Enfin, il faut évoquer le pseudo-attentat du 19 Juillet 2011 et la parodie de justice liée à cette affaire, pour illustrer la nouvelle république bananière qu’Alpha Condé souhaite mettre en place en Guinée. On a pu constater que des individus avaient été arrêtés une semaine avant le début de la pièce de théâtre, comme acteurs principaux du faux complot – ce qui suppose donc que certains militaires étaient informés –, et l’arrestation de militaires bien après la date pour abstention délictueuse (sic). Tout le monde devrait avoir honte de cette justice de pacotille. (voir http://www.guinee58.com/index.php/politique/34-politique-guinee-conakry/5985-alpha-conde-il-faut-partir-maintenant). Au vu des images de la télévision guinéenne, ce jugement est loin d’être exagéré.

 

Il est triste de constater que 35 ans après le « complot peul » de 1976 la Guinée renoue avec ses vieux démons et que des innocents risquent leur tête si rien n’est fait pour arrêter la main des pouvoiristes qui les accusent.

Cependant une analyse froide de l’enchaînement des événements depuis le premier tour de l’élection présidentielle pourrait aider à comprendre le retour du syndrome peul.

Sur les 24 candidats retenus par la Cour suprême de Guinée, 5 sont des Peuls. Si le nombre de candidats devait être proportionnel au poids du groupe, les Peuls auraient eu 9,6 candidats ; ce qui est loin des 5 effectivement retenus. Cependant pour certains Guinéens, surtout des Malinkés, 2ème groupe ethnique après les Peuls, ce nombre est déjà alarmant. Les choses deviennent encore plus alarmantes quand, après d’interminables tergiversations, Cellou Dalein Diallo (un Peul) est proclamé vainqueur du premier tour avec 43,69% contre 18,25% pour Alpha Condé, le candidat qui porte l’espoir des Malinkés. Le ralliement de Sidya Touré arrivé 3ème avec 13,02% et celui d’autres candidats significatifs est vécu comme un séisme politique par tous les Malinkés. En effet, cela signifie qu’une partie de la classe politique guinéenne a vaincu la méfiance savamment entretenue par Sékou Touré à l’égard des Peuls et qu’il y avait donc de fortes chances pour qu’un Peul dirige enfin la Guinée. A partir de ce moment, la stratégie d’Alpha Condé est claire : il faut tout faire pour éviter une telle « catastrophe ». Il durcit le discours ethniciste et ses partisans sèment la terreur surtout en Haute Guinée, son fief, et à Conakry où les Peuls sont fortement présents. Il est aidé en cela par la passivité des forces de l’ordre qui laissent faire ou apportent parfois même leur complicité active. Ici tous les faits observables laissent deviner une collusion entre le Général Sékouba Konaté qui assurait la transition et le nouveau président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), un général malien (le général d’aviation Siaka Toumani Sangaré initialement envoyé par l’OIF pour superviser le processus électoral guinéen). Tout laisse croire que leur appartenance au groupe Mandé les inclinait à se ranger du côté d’Alpha Condé. Le second tour se tient enfin le 7 novembre 2010 après de nombreux cas de violences et de multiples tractations. Il est fort probable que ce sont les effets combinés de la terreur infligée aux partisans de Cellou Dalein et les tripatouillages des résultats orchestrés par les acteurs de la transition dont le Premier ministre Jean-Marie Doré et les deux généraux cités ci-dessus qui ont abouti au renversement de situation spectaculaire auquel aboutit le second tour de la présidentielle. En effet, déjouant les prévisions arithmétiques, Alpha Condé obtient finalement 52,52% des suffrages contre 47,48% pour Cellou. Ce sont là les résultats définitifs proclamés par la Cour suprême dans la nuit du 2 au 3 décembre 2010. (Pour plus de détails, voir le rapport final de la Fondation Carter sur les élections guinéennes) http://www.cartercenter.org/resources/pdfs/news/peace_publications/election_reports/guinea-2010-FinalReport-fr.pdf.

Cellou Dalein Diallo fit des recours contre des irrégularités et des annulations qui lui étaient défavorables mais en vain car tout semblait contre lui. Faisant preuve de maturité et mettant en avant l’intérêt supérieur de la Guinée, il appela ses partisans au calme et reconnut la victoire d’Alpha Condé. Cependant, tous les observateurs avertis savaient que cette victoire était loin d’être incontestable vu l’avance qu’avait Cellou au premier tour ainsi que les multiples irrégularités dont elle était entachée.

La présidentielle pliée, restaient les législatives que devait organiser le nouveau président dans les meilleurs délais pour compléter les institutions démocratiques du pays. Mais le constat est que le président multiplie depuis des obstacles pour retarder les législatives. Tous les actes qu’il pose vont dans ce sens. Aujourd’hui, après deux ans et demi de tergiversations et de répressions, même les observateurs les moins perspicaces ont fini par comprendre que le « Professeur » a choisi de tourner le dos aux obligations de sa fonction : organiser les élections législatives sans arrière pensée. Malgré sa prétendue victoire de 52,52%, il sait qu’il ne peut pas l’emporter aux législatives si l’opposition reste soudée derrière Cellou Dalein Diallo et si le vote est transparent. En effet celui-ci a entre temps gagné l’estime de beaucoup de Guinéens par son attitude responsable. A 58 ans (contre 72 à Alpha Condé) il avait donc toutes les chances d’imposer la cohabitation à Condé et de se positionner comme son successeur. Cette perspective cauchemardesque va pousser le « Professeur » à remettre au goût du jour le machiavélisme à la Sékou Touré. Il va donc s’attacher à :

  1. Affaiblir      l’opposition par tous les moyens possibles et imaginables parmi lesquels      l’usage excessif de la force qui se traduit par des tirs à balles réelles      sur les manifestants de l’opposition ;
  2. Créer les      conditions d’opacité du processus électoral pour rééditer son hold-up de      la présidentielle. C’est ce qui explique son refus obstiné du vote des      Guinéens de la diaspora (que permet pourtant la constitution) parmi      lesquels les Peuls sont majoritaires. Majorité qui se comprend parce      qu’ils ont été les plus persécutés par Sékou Touré. C’est ce qui explique      également le bras de fer avec l’opposition autour du fichier électoral      dont il veut faire une chasse gardée pour pouvoir le manipuler à saguise.

Quoi de plus efficace qu’un bon « complot peul » à la Sékou Touré pour affaiblir le groupe le plus dangereux pour son pouvoir, c’est-à-dire le groupe peul ? Vite pensé, vite fait : une simulation d’attaque de la résidence privée du président fut donc « montée » comme du temps de Sékou Touré, des aveux extorqués par voie de torture et un procès organisé, le tout sous la conduite du « Professeur » qui tire les ficelles à distance. Honte au « Professeur » qui se montre sous sa véritable nature, celle d’un homme sans éthique, doublé d’un apprenti dictateur sans scrupules, qui n’hésite pas à recourir aux abominables méthodes de Sékou Touré pour parvenir à ses fins.

Mais le « Professeur » est le seul à croire encore au « complot peul » : les Guinéens qui ont beaucoup mûri ne jettent plus l’anathème sur leurs concitoyens peuls ou affichent une indifférence prudente comme du temps de Sékou Touré ; au contraire depuis qu’Alpha Condé est au pouvoir, c’est un peuple uni qui brave sa soldatesque partout en Guinée.

Cependant comme il n’y a pas pire aveugle que celui qui ne veut rien voir, il est grand temps, pour éviter que des innocents soient exécutés ou injustement emprisonnés mais aussi pour sortir les populations guinéennes des griffes de ce  Professeur ès dictature, que toutes les voix s’élèvent pour faire comprendre à Alpha Condé qu’il y a des pratiques d’un autre âge que le monde n’est plus prêt à laisser faire.

Cela doit commencer par ses pairs qui, au lieu d’aller à l’Africa Hall, leur fief, pour invectiver injustement la CPI, feraient mieux de laver le linge sale en famille en disant leurs quatre vérités à tous ceux d’entre eux qui, pour le pouvoir, sont prêts à martyriser mille fois leurs peuples. La CPI ne doit surtout pas desserrer l’étau car la perspective d’être un jour traîné devant le tribunal de La Haye peut avoir un effet dissuasif pour les bourreaux potentiels de leurs peuples.

La CEDEAO doit mettre Condé en quarantaine ; les organisations telles que la RADDHO, Human Rights Watch, etc. doivent élever la voix avant qu’il ne soit trop tard.

Les pays bailleurs de fonds de la Guinée doivent dépasser la simple suspension de leur aide et prendre des sanctions du genre de celles prises quand leurs intérêts stratégiques sont en jeu.

Quant au « Professeur », qu’il sache qu’il a déjà gravement terni ce titre qu’il est si fier de porter mais qui suppose une droiture, une hauteur de vue et une exemplarité largement au-dessus de la moyenne. Je lui demanderai surtout, et sans attendre d’éventuelles pressions, de mettre fin à cette parodie de procès, d’organiser enfin des législatives transparentes et d’en accepter le résultat quel qu’il soit. C’est à ce prix seulement qu’il pourra espérer porter de nouveau dignement le titre de Professeur !

Si nous n’aidons pas, par nos protestations et pressions sur Alpha Condé, la Guinée à traiter la gangrène du pouvoirisme aux relents ethnocentristes qui la ronge depuis Sékou Touré par l’organisation de législatives « propres », les prochaines présidentielles risquent de la plonger dans une spirale de violence dont les conséquences ne peuvent être que catastrophiques et pourraient aller jusqu’à menacer son existence même.

En Côte-d’Ivoire nous avons laissé prospérer « l’ivoirité », une idéologie fondée sur l’exclusion, la négation des droits d’une catégorie d’Ivoiriens essentiellement originaires du nord du pays ; nous avons tous vu où cela a fini : une plaie béante qui mettra du temps, beaucoup de temps, à cicatriser. Avons-nous le droit de laisser la Guinée sombrer dans un désastre similaire ? Il est temps que les Africains se mobilisent pour que de tels drames cessent enfin sur l’ensemble de leur continent.

 

Pr Aboubacry Moussa LAM

Université Cheikh Anta Diop

Faculté des Lettres et Sciences Humaines

Département d’histoire

Tombouctou libérée, mais Tombouctou brisée

Selon une mission d’enquête de l’Unesco au Mali, Tombouctou, la “Ville aux 333 saints”, a davantage souffert de l’occupation jihadiste qu’on ne l’avait redouté.


Tombouctou libérée, mais Tombouctou brisée
 
Un crime contre le patrimoine de l’humanité. Lazare Eloundou Assomo, le chef de l’équipe d’experts qui s’est rendu sur les lieux, l’a constaté : « La destruction infligée au patrimoine de Tombouctou est encore plus alarmante que ce que nous pensions. » Le 2 avril 2012, les jihadistes d’Ansar Eddine et d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) s’étaient emparés de l’antique cité. Ces militants de l’islam le plus rigoriste ont décrété que la vénération des saints de Tombouctou était un grand sacrilège.

À coups de pioche et de marteau, ils ont commencé à abattre les mausolées où les sages du Sahara devaient reposer pour l’éternité. La libération de la ville par les troupes françaises, le 28 janvier 2013, a permis à l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) d’aller évaluer les dégâts.

« Nous avons été atterrés par le nombre et l’ampleur des destructions qui dépassaient nos estimations, explique Bandiougou Diawara, du Centre du patrimoine mondial de l’Unesco. Nous pensions que 11 biens avaient été touchés, ce sont en fait 14 mausolées qui ont été intégralement rasés. Nous avions prévu la destruction de 2 000 à 3 000 manuscrits, il en manque en réalité 4 200. Les trois musées ont été totalement pillés, nous ne nous y attendions pas, et la vieille ville a aussi souffert des combats. »

Sur les 16 mausolées inscrits au patrimoine mondial, 9 ont été anéantis et les 2 qui se dressaient dans l’enceinte de la mosquée de Djingareyber, également classée, ont connu le même sort. La « ville aux 333 saints » compte des dizaines de ces tombeaux monumentaux, mais ceux qui ont subi les foudres salafistes étaient parmi les plus beaux et les plus prestigieux. Senghor voyait dans cette cité l’expression de « la civilisation africaine la plus riche, sinon la plus brillante, parce que la plus humaine » ; Tombouctou a été meurtrie dans sa chair d’argile sèche.

Générosité

« L’Unesco a sauvé les temples d’Égypte et reconstruit le pont de Mostar. L’Unesco reconstruira les mausolées du Mali », a déclaré sa directrice générale, Irina Bokova. Un plan d’action évalué à plus de 8 millions d’euros, budget exceptionnel auquel l’institution ne pourra contribuer que modestement. Sa situation financière est en effet critique depuis que les États-Unis ont interrompu le versement de leur cotisation à la suite de l’admission de la Palestine comme État membre.

L’Unesco en appelle donc à la générosité des États et des institutions : l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), l’Union européenne, la France et la Norvège se sont déjà engagées. Ainsi que le Qatar, qui avait été soupçonné de soutenir les jihadistes sahéliens. La nécessité de lever des fonds explique-t-elle l’alarmisme de l’organisation ? « Si nous devons sensibiliser l’opinion et mobiliser la solidarité internationale, le ton de notre communiqué reflète les préoccupations des experts, réplique Diawara. Et il y a des dommages qu’on ne répare pas avec des millions de dollars : le patrimoine immatériel a été atteint, la population a été traumatisée par ce vandalisme et il y a un vrai travail de reconstruction morale à effectuer. »

Source:JeuneAfrique