Monthly Archives: August 2011
Ce que je pense de la prestation radiotélévisée du Président Aziz
A l’instar de beaucoup de nos compatriotes, j’ai suivi aussi avec intérêt la prestation radiotélévisée du Président Aziz d’il y a quelques jours. Je n’ai malheureusement pas pu suivre l’intégralité de ladite conférence de presse, faite très largement en arabe, du fait que la traduction, délibérément ou par négligence, n’a été assurée ni dans les langues nationales ni en français. Il s’agit là d’un manquement extrêmement grave pour un pays multilingue et pluriculturel comme le nôtre. J’ai cependant noté l’effort fourni pour procurer aux malentendants et aux muets une modeste interprétation des propos du Président. Si seulement on avait assuré ce même type de service minimum aux non malentendants/muets, cela aurait été très bénéfique à plusieurs milliers de mauritaniens à travers le monde qui ne parlent forcement pas l’arabe.
A mon humble avis ; le Président a complètement raté sa sortie. J’ai été très choqué et même peiné par certains de ses propos. Au lieu d’utiliser cette plateforme pour rassembler tous les mauritaniens autour d’idéaux fondamentaux communs, Il a plutôt saisi l’occasion pour diaboliser certains de ses compatriotes.
En décidant d’enfoncer le clou sur un certain nombre de questions importantes du moment, dont notamment celles relatives à l’enrôlement des populations en cours, la question centrale de l’existence ou non de l’esclavage dans notre pays ou encore la non résolution du problème des refugiés,
le Président a préféré la fuite en avant au détriment du compromis constructif. En ce qui concerne l’enrôlement des populations par exemple, j’avoue que ce n’est qu’après avoir suivi ladite conférence presse que j’ai réellement compris les vraies motivations et les enjeux autour de celui-ci.
En fait, la situation s’est révélée encore plus grave que je pensais. En effet, j’avais auparavant compris qu’il s’agissait d’un recensement classique des populations mauritaniennes.
Mais le Président nous a plutôt révélé au cours de sa prestation radiotélévisée qu’il était en gros question d’établir la « mauritanité » de tous ceux et celles qui prétendent être des citoyens mauritaniens.
De toute évidence ; l’approche ressemble étrangement au scenario à l’ivoirienne où le concept de « l’ivoirité » avait été introduite dans la foulée par le Président Henri Konan Bédié, alors au pouvoir en Cote d’Ivoire, pour entre autres éliminer certains de ses opposants en leur extirpant de leur nationalité ivoirienne.
Nous savons, et l’Histoire a répertorié, ce que le concept d’ivoirité a engendré comme résultats : une longue, douloureuse et extrêmement coûteuse (autant en vies humaines qu’en biens matériels) guerre civile.
Ce qui est pire c’est qu’ailleurs on a au moins fait des débats publics sur les tenants et les aboutissants d’un tel concept; mais Chez nous tout est entrain de s’opérer selon des critères complètement méconnus du grand public d’autant plus qu’aucune campagne de sensibilisation n’a eu lieu, pour entre autres expliquer au citoyen ordinaire lambda qu’il s’agit d’une table-rase au sens cartésien.
En gros, ce que le Président Aziz veut faire et dire est en substance ceci : « si vous étiez mauritanien depuis votre naissance, cela n’a aucune espèce d’importance désormais. Ce qui est important, c’est ce qui se passera dorénavant avec l’enrôlement. J’utiliserai des procédés propres à moi pour déterminer votre mauritanité ou non-mauritanité. Et à partir de là, un nouveau état civil fiable sera constitué ».
En opérant de cette manière, le Président mauritanien est entrain de fouler aux pieds la loi fondamentale mauritanienne qui définit le droit à la citoyenneté. C’est une approche extrêmement dangereuse parce qu’elle crée des problèmes la ou il n’y avait pas. Pour preuve, même si le Président Aziz ne veut l’admettre, les populations mauritaniennes dont notamment celles issues des milieux les plus modestes sont assujetties à l’humiliation et à la discrimination au quotidien.
Ce ne sont certainement pas des paroles en l’air : pour s’en convaincre il suffit de se référer aux nombreux récents témoignages pour se rendre compte du calvaire de certains de nos compatriotes. C’est cette réalité-là qui pose problème à certains d’entres nous dont ma modeste personne ; même si le Président Aziz ne veut l’admettre.
Les accusations de discriminations notoires émanant des communautés précitées ne devraient pas être balayées d’un revers de la main : elles nécessitent au contraire humilité, courage et justice de la part du Chef de l’Etat pour qu’il exige d’en connaitre les tenants et les aboutissants, pour une solution juste et durable.
Encore une fois, la procédure en cours est très dangereuse, et si elle n’est pas justement suspendue pour être repensée et corrigée, elle pourrait constituer un « turning point » pour une éventuelle implosion du pays comme ce fut le cas en Côte d’Ivoire.
Toka Diagana –
Washington DC – USA
Des étudiants mauritaniens militants de l’IRA interpellés par la police sénégalaise

Des étudiants mauritaniens militants de l’IRA-Mauritanie (Section Sénégal), qui protestaient vendredi matin(12 août), devant l’ambassade de Mauritanie au Sénégal, contre l’esclavage et le recensement en Mauritanie, auraient été réprimandés par la police sénégalaise, sur ordre du conseiller de l’ambassadeur de Mauritanie au Sénégal, Massar Cissakho. « Monsieur Massar Cissokho a ordonné à la police de déloger les manifestants qui occupaient l’ambassade dans le cadre d’ une manifestation pacifique sous prétexte qu’ils dérangeaient et qu’ils n’avaient pas le droit d’occuper l’ambassade pour une manifestation », a affirmé un étudiant mauritanien militant de l’IRA-Mauritanie (Section Sénégal). Ce dernier a expliqué que la police sénégalaise serait arrivée sur les lieux aux environs de dix heures pour tenter de négocier avec les manifestants en vue de leur faire quitter les lieux, ajoutant que devant le refus de ces derniers, la police aurait fait usage de la force contre les manifestants qui ont été pourchassés à coup de matraques. Les manifestants auraient escaladé les murs de l’ambassade pour pouvoir occuper son enceinte car le Conseiller de l’ambassadeur avait demandé au vigile de fermer la porte d’entrée de l’ambassade.
Info2larue
FLAMNET-INFO: Dr Bocar Alpha Ba – Ancien ministre de la Santé, premier directeur général de l’Hôpital , un des pères fondateurs de la Mauritanie interdit d´enrôlement!!
Ancien ministre de la Santé, premier directeur général de l’Hôpital national, Dr Ba Bocar Alpha est l’un des tout premiers médecins du pays. Technocrate, il n’a pas hésité à démissionner de sa fonction de ministre de la Santé parce que, dit-il, « j’étais médecin et je ne voulais pas mener une vie de politicien». Fervent défenseur de l’unité nationale, Dr Ba a demandé aux Mauritaniens, surtout aux générations montantes, de considérer que leur pays a encore besoin d’être construit. Ces générations doivent comprendre que l’intérêt de la Mauritanie doit primer sur l’intérêt particulier et que ce n’est pas parce qu’on n’est responsable de quelque chose qu’on doit en faire sa chose personnelle
« D’abord, je vous remercie de venir jusqu’à moi qui n’ai plus aucune signification, pour me demander de me remémorer le passé récent de notre pays. Par la grâce de Dieu, j’ai été assez représentatif de tous les passages de la Mauritanie, de l’indépendance à nos jours.
L’indépendance, pour nous, était un miracle.
Toutes les autres colonies ont eu à faire la guerre de libération par les armes. Nous, nous avons acquis notre indépendance par la parole.
Ça n’a pas été plus facile mais plus efficace.
Nous étions convaincus que la Mauritanie ne pouvait avoir son indépendance que dans la paix et dans l’unité de son peuple et en cela, Dieu nous a aidés. Le colonisateur, avec le peu qu’il connaissait de la Mauritanie, a estimé qu’elle pouvait faire d’elle ce qu’elle voulait et qu’il allait lui octroyer son indépendance au moment où il le voudra.
Ils se sont évidemment détrompés assez rapidement.
Par la grâce de Dieu, nous avons posé, dès le départ, nos véritables problèmes. Il s’agit du problème de l’unité nationale ; le but suprême que nous voulions coûte que coûte réaliser. Cette unité nationale est notre vocation.
Nous avons une religion fédératrice, qui rassemble.
Les problèmes que nous avons rencontrés à l’indépendance, c’est que de toutes les indépendances, celle de la Mauritanie a été la plus discutée et la plus députée, mais nous avons été un petit groupe, avec Sidi El Moctar N’Diaye, notre député, Moktar Ould Daddah, le plus ancien des étudiants de Mauritanie que nous connaissions avant son retour en Mauritanie.
Nous étions restés en relation permanente avec lui pour bâtir l’avenir de notre pays. Nous étions aux premières loges, au moment où tous les problèmes d’indépendance se posaient.
Moi, j’étais médecin à Boutilimit pendant quatre ans. C’est en ce moment que s’est tenu le Congrès d’Aleg.
Nous irons à l’ indépendance tous et unis
Au Congrès d’Aleg, toutes les tribus de Mauritanie, toutes les familles étaient représentées, les familles maraboutiques, guerrières et les gens du Fleuve. Quand tout ce monde s’est retrouvé, nous avons posé le problème de l’indépendance de la Mauritanie. Personne ne croyait que la Mauritanie allait demander son indépendance. Le miracle est que nos anciens, nos chefs de tribus, ont suivi notre idée. Quand au Congrès d’Aleg, tout ça s’est dessiné, les anciens ont dit, vous les jeunes, faites ce qu’il faut, nous suivrons. Nous n’avons même pas besoin de postes. Voilà comment nous avons lancé l’indépendance de la Mauritanie dans l’unité. Auparavant, certains disaient: il faut que le Nord parte de son côté et que le Sud en fasse autant. Nous avons dit Niet. Nous irons à l’indépendance tous et unis. Nous avons donc imposé l’unité et l’union. Grâce à Dieu, tout s’est bien passé sans crash.
J’ai dit auparavant que notre indépendance était la plus discutée parce qu’il y avait la main du Maroc qui voulait nous phagocyter. Nous avons fait comprendre au Maroc que l’indépendance de la Mauritanie ne signifie pas sa rupture avec ce pays ni avec ceux du Nord mais que nous sommes un trait d’union entre l’Afrique du Nord et l’Afrique noire. Nous avions l’éducation et l’expérience qu’il fallait et la volonté de créer un ensemble humain harmonieux.
Il ne faut pas oublier que bon nombre de citoyens du Sud faisaient leur humanité religieuse dans le Nord. Cela a servi. Chacun avait la bonne parole et la Mauritanie s’est ainsi faite. Elle s’est faite avec des personnalités remarquables. Je cite Sidi El Moctar N’Diaye qui a été un élément fédérateur, un trait d’union. Je cite Moctar Ould Daddah qui, revenu de France où il poursuivait des études, a trouvé un terrain favorable et sans qu’il ne l’ait demandé, nous l’avons mis en avant.
Ainsi, il a été le premier président de la Mauritanie indépendante. C’est de son temps que la Mauritanie a réalisé son indépendance totale.
L’indépendance de la Mauritanie, en parfait accord entre les gens du Nord et ceux du Sud
Ceci dit, un certain nombre d’empêchements, que nous avons eu l’intelligence d’éviter, parce que certains gens du fleuve disaient, il faut qu’on aille à l’indépendance mais avec le Sénégal parce que le fleuve est un fleuve Sénégal mais nous, nous avons dit que le peuple maure et nous constituons le même peuple et nous n’acceptons pas d’être divisés racialement. Voila pourquoi l’indépendance de la Mauritanie s’est faite en parfait accord entre les gens du Nord et ceux du Sud.
La Mauritanie était déjà faite dans les coeurs, chez-moi, par exemple, pendant plusieurs mois de l’année, on retrouve Mohamed Bouna Moctar. Quand Abdallah Ould Cheikh Sidiya venait, on m’avertissait, et je partais chez lui.
Ayant posé les jalons de l’unité, nous avons créé le premier gouvernement qui avait pour tâche de confirmer l’unité de la Mauritanie. Ce qu’on a considéré comme des frictions n’était pas autre chose que les péripéties d’idées nouvelles qui remuaient les populations mais nous avons eu la sagesse de donner à ces idées nouvelles la place qu’elles méritent sans que cela dérange l’assise de la communauté mauritanienne dans toutes ses composantes.
Ceux qui ont fait la Mauritanie, c’est d’abord les griots qui ont chanté l’indépendance, ce sont les grands chefs qui ont voulu cette indépendance.
Hamam Fall, qu’Allah ait son âme, est l’un de ceux qui ont contribué à bâtir l’unité nationale. C’est un mouvement qui n’a pas de limitation, ni ethnique ni régional. Ce sont des gens qui se sont cooptés pour que la Mauritanie soit indépendante.
Les premiers défis étaient d’abord de consolider l’indépendance et d’arracher au colonisateur, la Mauritanie en tant que telle car le colonisateur avait des relations avec certaines fractions.
A travers ces relations, ils ont voulu parfois mettre les bâtons dans les roues mais Dieu veillait.
La priorité des priorités était d’abord de construire Nouakchott qui n’était qu’une halte sur la route Rosso – Atar. Il fallait créer, ex nihilo, une administration avec ce qu’on avait sous la main.
S’agissant des difficultés, au niveau de la santé, la Mauritanie n’avait rien. Nous avions des dispensaires sans médicaments. C’est moi qui ai posé la première pierre de l’actuel hôpital national en tant que ministre de la Santé. Avant la fin des travaux, j’ai démissionné du gouvernement.
Beaucoup de gens l’ont interprété comme des divergences que j’avais avec Moctar avec lequel il était exclu que je sois en désaccord. La mère de Moctar Ould Daddah, Khadijétou Mint Brahim est comme ma propre mère. Quand j’étais à Boutilimitt, elle m’estimait comme son propre enfant.
Je vis de l’air que je respire en Mauritanie
Je l’ai considérée, jusqu’à sa mort, comme ma maman et je me suis toujours considéré en fils et je l’ai entretenue malgré mes moyens modestes. En fait, la raison de ma démission est que j’étais médecin je ne voulais pas mener une vie de politicien. J’ai repris mon métier et me suis mis à la disposition de mon pays. Ainsi, j’ai été nommé premier directeur de l’hôpital national. Il n’ y avait qu’un seul médecin mauritanien au départ. On y comptait quelques infirmiers dont Ould Ahmed Damou que j’ai formé moi-même. Nous avons bénéficié de l’assistance technique française. Certains de ces coopérants ont voulu se comporter en petits colons, je leur ai dit qu’ils doivent travailler sur nos instructions sinon je les embarque dans l’avion. Tel a été d’ailleurs le cas de l’un d’entre eux. En ce moment-là, les soins étaient gratuits. J’ai usé de mes relations personnelles que j’ai tissées pendant que j’étais ministre de la Santé pour demander de l’aide à certains pays amis. Je dois souligner que l’Egypte, au temps où elle était dirigée par Gemal Abdel Nasser, nous avait beaucoup aidés.
Ensuite, une grande organisation internationale est venue me proposer un poste à l’étranger que j’ai décliné car je vis de l’air que respire en Mauritanie. Pourquoi voulez-vous que je change, leur ai-je répondu.
Le conseil que je donnerai aux Mauritaniens, c’est de se convaincre que leur pays continu à être construit. Ils doivent comprendre que l’intérêt de la Mauritanie doit primer sur l’intérêt particulier. Ils doivent comprendre également que ce n’est pas parce qu’on n’est responsable de quelque chose qu’on doit en faire sa chose personnelle. Beaucoup de Mauritaniens pensent que quand on est nommé à une fonction, c’est pour sa famille. Ce n’est pas vrai. La Mauritanie a besoin, dans le coeur de tous les responsables, qu’on soit plus serviteur de la communauté que de s’enrichir à son détriment.
Avec l’aide de Dieu, la Mauritanie est, et continuera à être ».
Transcrit et réécrit par
Babouna DIAGANA
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Ibrahima Diallo des Flam- Europe de l´ouest: ‘Avec ce recensement, on veut nous rendre complètement apatride’
Le recensement en cours en Mauritanie préoccupe la communauté négro-mauritanienne de France.Samedi dernier, elle a battu le macadam à Paris pour demander son arrêt. En marge de cette manifestation, le chargé de la presse et de la communication des Forces de libération africaines de Mauritanie (Flam)section Europe de l´ouest, Ibrahima Diallo, revient sur les raisons de leurs craintes et ‘le danger’ que constitue cette opération de comptage de la population.
Wal Fadjri : Pour quelles raisons manifestez-vous contre le recensement des populations mauritaniennes ?
Ibrahima DIALLO : Nous manifestons contre un projet d’enrôlement général des populations mauritaniennes. Un enrôlement dans lequel nous sentons les négro-mauritaniens (Soninké, Wolof, Bambara, Haal Pulaar, Haratine) complètement exclus. Nous considérons que ce projet est extrêmement dangereux pour la postérité de la Mauritanie. Nous faisons face à une situation qui est extrêmement grave, beaucoup plus que la déportation des centaines de négro-mauritaniens en 1989.
Pourquoi ?
Parce que nous voyons, au niveau de Nouakchott et dans certaines villes de l’intérieur de notre pays, de plus en plus de personnes qui ont souvent un passé d’anciens ministres, d’anciens hauts responsables de l’Etat, qui n’ont pas pu se faire recenser. Parce que tout simplement des agents, qui sont chargés de le faire, leur posaient des questions sur leur identité. On leur demande, par exemple, pourquoi ils sont nés au Sénégal avant 1930 ? Pourquoi ils sont nés au Mali avant 1945 ? Ce sont des questions comme ça qu’on pose à des personnalités qui ont exercé de hautes fonctions dans l’Etat. Ne parlons pas du peuple qui est renvoyé purement et simplement pour des compléments d’information, de renseignements pour des papiers douteux ; alors que, généralement, ce sont des papiers qui ont été établis par l’Etat mauritanien.
Avez-vous des preuves de toutes ces accusations que vous faîtes portées aux autorités mauritaniennes ?
Le tout Premier ministre de la santé de la Mauritanie, en l’occurrence Babacar Alpha n’a pas pu se faire recenser, parce que tout simplement on lui a demandé de fournir un certificat de naissance de sa mère. Pourtant, il a plus de 90 ans. Le colonel Baba Ly, qui fut l’un des principaux instigateurs de plusieurs coups-d’Etat en Mauritanie qui ont porté certains, comme Ould Taya et d’autres au pouvoir, n’a pas pu se faire recenser parce qu’il est né au Sénégal. Alors que l’actuel président de la République, Mohamed Ould Abdel Aziz est né à Louga (ville au nord du Sénégal). Et c’est le premier qui a été recensé. Ce sont des faits qui sont réels.
Moi même qui vous parle, mon père n’a pas été recensé parce qu’on lui demande de revenir plus tard car, on ne recense que ceux qui sont nés avant 1945 en Mauritanie. Avant 1945, la Mauritanie n’existait pas. Avant 1945, il n’y avait que Kaédi, Mboutt ; il n’y avait pas Néma. Néma et Ayoun n’appartenaient pas à la Mauritanie. Ça appartenait au Soudan français (Mali actuel, Ndlr). Tous les Noirs sont aujourd’hui frustrés. Nous sommes très mobilisés pour refuser systématiquement de revivre un énième génocide. Ce que nous voyons-là (la manifestation tenue samedi à la Place Trocadéro, Ndlr) entre dans le plan contre le génocide qui est mis en exécution depuis les indépendances par le premier président de la Mauritanie, Ould Dada.
Est-ce que ce ne sont pas des cas exceptionnels ?
Ce ne sont pas des cas exceptionnels. Quand vous allez à Bogué, quand vous allez à Kaédi ou dans certains centres de recensement à Nouakchott, vous verrez des Noirs sortir des bureaux complètement humiliés, complètement abattus. On n’a pas encore vu sur une tribune des populations maures dénoncer cet état de fait. On n’a pas vu encore de Maures dire qu’on leur a posé des questions humiliantes, des questions qui les ont vexées. (…). Nous avons des personnes d’origine sénégalaise, burkinabè qu’on refuse de recenser. Alors qu’en Mauritanie, par exemple, les Ouédraogo sont installés depuis très longtemps. Mais le petit peuple mauritanien n’acceptera pas, ne se laissera pas faire. Nous allons nous mobiliser, nous allons nous battre. De toutes les façons, nous n’avons plus rien à perdre car, nous avons tout perdu. Il ne nous restait que ce peu de dignité, mais on veut nous rendre complètement apatride.
Est-ce que ce n’est pas du rôle de l’Etat de veiller au contrôle de la nationalité pour qu’il n’y ait pas de fraude ?
Justement je vais vous dire qu’hier (vendredi dernier, Ndlr), le président Abdel Aziz a fait une apparition à la télévision pour dire que ceux qui manifestaient à Nouakchott et en France, étaient de nationalité douteuse. L’Etat Mauritanien n’a jamais fait quelque chose pour sécuriser les documents d’état-civil. On a vu, à partir des années 1966, des autorités administratives arabo-berbères faire table-rase des archives coloniales. On a vu des documents d’état-civil, qui avaient été établis par la France coloniale, se faire brûler complètement. Dans ces archives coloniales, il y avait des documents d’état-civil de négro-mauritaniens. Ces dernières années, on a essayé de détruire toutes traces de la présence physique des négro-mauritaniens en Mauritanie.
On a vu, après la déportation, des villes se faire rebaptisées. On a vu, pendant la déportation, des autorités déchirer des documents d’état-civil des gens que l’on déportait ainsi. On a vu également durant les différentes opérations de recensement de la population, des agents, mal intentionnés, venir détruire systématiquement le patronyme des gens, changer des dates de naissance, de lieux de naissance, notamment durant le Recensement administratif à vocation d’état civil (Ranvec). Ce sont des réalités. C’est pour vous dire que l’Etat mauritanien n’a absolument rien fait pour sécuriser les documents. Mais il a tout fait pour saboter systématiquement tous les documents d’état-civil de certains Mauritaniens. C’est un plan qui a été mûrement et savamment réfléchi et qui est aujourd’hui en train d’être exécuté.
Quel est l’intérêt de l’Etat mauritanien de faire tout cela ?
On a toujours voulu prévaloir dans ce pays une certaine supériorité numérique des arabo-berbères sur les autres communautés, notamment négro-mauritanienne. Tous les recensements – Dieu sait qu’on en a connu de très nombreux – n’ont jamais été publiés. On s’est toujours prévalu de cette supériorité numérique pour dire que les Noirs sont minoritaires. Mais plus on fait de recensement, plus on se rend compte que cette évidence n’est pas exacte. On a déporté en 1989. En 1988, il y a eu un recensement. Ce recensement de 1988 avait commencé à faire vaciller cette évidence et on s’est servi de cela pour déporter. Malgré la déportation, nous sommes encore-là.
Tout récemment, il y a eu le Ranvec dont les chiffres n’ont jamais été publiés. Ces chiffres avaient donné des indicateurs. Ils se sont dits qu’ils seraient en difficulté de faire valoir leur supériorité numérique, s’ils publiaient le Ranvec de 1998. Surtout que les Haratines refusent de se faire recenser dans le groupe arabo-berbère. Ces populations disent qu’ils ont leur spécificité. Ce qui fait que les arabo-berbères se réduisent à une portion congrue. Ils savent qu’ils ne constituent pas cette majorité. Donc on essaie de faire tout pour dire aux Noirs qu’ils sont des ‘Tirailleurs sénégalais’, des maçons maliens et des footballeurs guinéens. Sur les 13 agents, qui font le recensement aujourd’hui, il n’y a qu’un seul Noir. Jeudi dernier, le directeur qui se charge de cette opération d’enrôlement, a dit audiblement à ce Noir qu’il n’est pas Mauritanien, parce qu’il se nomme Massina.
Quel appel lancez-vous aux autorités mauritaniennes ?
Nous leur demandons de mettre un terme le plus rapidement possible à cette opération d’enrôlement que nous trouvons complètement raciste que nous n’accepterons pas et que nous nous battrons jusqu’au bout. Cette opération d’enrôlement ne passera pas. Elles ont intérêt à retirer ça le plus rapidement possible pour ne pas créer à la Mauritanie un conflit. Elles doivent savoir que nous sommes particulièrement déterminés.
Propos recueillis à Paris par Moustapha BARRY (Correspondant permanent de Walfadjri)
Mauritanie-Recensement-Protestation – Des Mauritaniens de France manifestent dimanche à Bruxelles contre le recensement dans leur pays
APA-Paris (France) Des Mauritaniens vivant en France vont participer dimanche après-midi à Bruxelles, devant l’ambassade de leur pays en Belgique, à une manifestation contre le recensement de la population en cours dans leur pays. Depuis quelques jours, la diaspora mauritanienne de France conteste le recensement en cours dans leur pays, considérant que celui-ci est « raciste et discriminatoire pour les négro-mauritaniens ». Samedi dernier, une manifestation a réuni à Paris entre 600 et 1000 personnes qui ont marché de la Place Trocadéro à l’ambassade de Mauritanie.
Une vingtaine de jeunes avaient occupé la semaine dernière les locaux de l’ambassade de Mauritanie à Paris amenant la police française à en interpeller quelques uns mais qui ont relâchés après deux heures de garde-à-vue. « Touche pas à ma nationalité », « Touche pas à ma ”Mauritanité” » ont rythmé la cadence des marcheurs jusqu’aux portes de l’ambassade.
« Nos compatriotes de Bruxelles nous ont invités à leur manifestation. Il s’agit de les renforcer dans le cadre de la lutte contre le recensement discriminatoire et d’épuration ethnique en cours dans notre pays », a fait remarquer le coordonnateur du Collectif, Mohamed Sow, joint au téléphone. Il a indiqué que des manifestants viendront aussi des Pays-Bas pour se joindre à la protestation. « Si nous avons tenu à aller à Bruxelles c’est parce que c’est la capitale européenne où se prennent de grandes décisions concernant l’Union européenne. Nous voulons aussi alerter l’opinion internationale sur ce qui se passe dans notre pays », a encore dit M. Sow.
Outre les Mauritaniens des Pays-bas, la manifestation verra également la participation des organisations de la société civile et des partis et mouvements politiques mauritaniens.
Les organisateurs de la manifestation réclament l’arrêt du recensement et appellent à la concertation pour fixer de « nouvelles règles non discriminatoires et non racistes pour permettre à toutes les communautés mauritaniennes de se faire recenser convenablement ». D’autres manifestations ont été organisées à Cincinnati, Montréal et Nouakchott contre ce recensement, rappelle-t-on.