Monthly Archives: August 2011
Marième KANE, Présidente AFMAF : “Nous demandons l’arrêt immédiat de ce processus de recensement qui risque de perturber la paix sociale.”
En marge d’une marche organisée le dimanche 24 juillet, à l’initiative de quelques organisations non gouvernementales mauritaniennes actives en France pour protester contre l’opération de recensement des populations, Nouakchott Info a rencontré madame Marième Kane, présidente de l’Association des Femmes Mauritaniennes du Fleuve (AFMAF). Une femme qui n’a pas sa langue dans sa poche. Et même si elle reconnaît et regrette que des “des jeunes déchainés voulaient en découdre avec l’Ambassade”, n’empêche que Marième Kane sait raison garder: “Nous soutiendrons ces opérations à condition que les droits des noirs mauritaniens soient respectés.”
Nouakchott Info: Pourquoi la diaspora appelle-t-elle à arrêter l’opération de recensement au moment où le pays connait un retour des rapatriés du Sénégal et une véritable réconciliation nationale avec le règlement du passif humanitaire?
Marième KANE: Le retour des déportés était un moyen pour Aziz de reconquérir les populations négro mauritaniennes. Ces déportés vivent encore sous des bâches et ils n’ont même pas de latrines: Je suis allée à Thiambène l’année passée, les réfugiés que j’ai vu avaient leurs toilettes en plein air. Ils n’ont même pas de papiers d’état civil: on ne peut pas donc appeler cela un “retour dans la dignité des réfugiés”. Concernant l’opération de recensement, nous trouvons que c’est une épuration ethnique pure et simple de la communauté négro mauritanienne. Nous avons de nombreux témoignages attestant que certains mauritaniens noirs étaient obligés d’aller chercher leurs parents s’ils sont vivants ou bien produire un certificat de décès alors que les maures ne sont pas soumis à ces exigences. C’est tout simplement une mascarade et nous ne comprenons pas pourquoi nos populations sont soumises à cet interrogatoire sectaire. Nous demandons l’arrêt immédiat de ce processus de recensement qui risque de perturber la paix sociale. Je suis aussi inquiétée par le fait que les partis d’opposition ne parlent même de cette injustice, sauf l’UFP. A l’Assemblée nationale, seule la députée Kadiata Malick Diallo, a dénoncé cette injustice. Pourquoi les autres représentants du peuple ne se prononcent pas sur cette opération de recensement? De toutes les façons, nous à Paris, nous continuerons à manifester par n’importe quel moyen pour que ces opérations de recensement s’arrêtent. Concernant le règlement du passif humanitaire, on est loin du compte: Aziz l’utilise comme une arme pour être crédible au niveau de l’opinion nationale et internationale. Un véritable règlement du passif commence par juger les coupables et non les laisser impunis: aujourd’hui, ils se promènent et ne sont pas inquiétés par quoi que se soit. Je trouve indécent que les victimes soient indemnisées avec des terrains et de l’argent sans que les coupables soient jugés. Je préfère que les coupables soient d’abord jugés avant de penser à des réparations. Il faut bien que les veuves fassent enfin leur deuil et qu’on leur rende les dépouilles de leurs maris.
N.I.: Vous êtes Présidente de l’Association des Femmes Mauritaniennes du Fleuve (AFMAF) et c’est à ce titre que vousmanifestez. N’y a-t-il pas pour vous, plutôt un intérêt à soutenir cette opération de recensement?
M.K.: Nous soutiendrons ces opérations à condition que les droits des noirs mauritaniens soient respectés. Dans les conditions actuelles où elles se déroulent, nous ne pouvons pas en tant qu’organisation de droits de l’Homme cautionner cette mascarade. Il n’est pas juste que l’on dénie à des mauritaniens leur nationalité. Que ces opérations s’arrêtent tout de suite pour repartir sur des bases claires, justes et sans exclusion. Déjà, depuis plus d’un mois nous nous réunissons régulièrement avec d’autres organisations pour mettre en place des stratégies de résistance à ces opérations de recensement. Hier samedi (23 juillet 2011, ndlr), nous avons organisé une grande conférence à la Bourse du travail de Paris qui a réuni beaucoup de mauritaniens pour les sensibiliser au problème et les mobiliser. Le dimanche 24/07, nous avons manifesté du Trocadéro jusqu’à l’Ambassade de Mauritanie. On a vu des jeunes déchainés qui voulaient en découdre avec l’Ambassade. Ils ont été retenus par leurs aînés mais si ces opérations ne s’arrêtent pas, je ne pense pas que nous puissions les arrêter la prochaine fois et nous serons prêts à tout pour défendre nos droits et celui de nos enfants. Il y va de notre avenir.
PROPOS RECUEILLIS À PARIS PAR MOHAMED OULD KHATTATT– Quotidien Nouakchott Info N°2286.
Ibrahima Moctar Sarr : «Qu’est ce que l’AJDMR a obtenu en allant dans la majorité ?»
L’AJD/MR a organisé une conférence de presse samedi 30 juillet à l’Hôtel Koumbi Saleh de Nouakchott. La conférence a été animée par Ibrahima Moctar Sarr. Il était accompagné de Lemrabott Ould Mendah, Diagana Ousmane et Fara Ba. Pour sa première conférence depuis l’entrée de son parti dans la majorité présidentiel, Ibrahima Sarr a parlé des opérations d’enrôlement en cours, du bilan de son parti au sein de la majorité et autres problèmes. « Qu’est ce que l’AJDMR a obtenu en allant dans la majorité » ? IMS s’est posé lui-même la question. Sa réponse : « le passif humanitaire commence quand même à bouger grâce à nous dans une certaine mesure. Le problème des militaires révoqués de l’armée de 87 à 91 évolue.
L’Etat a décidé de les indemniser et les mettre en retraite même ceux n’ayant pas 15 ans de service et d’après une source proche de la commission qui s’en occupe, je pense que c’est pour très bientôt. (…)Tous les civils de 89 à 91 ont été répertoriés, Eux aussi, leur dossier est en voie de règlement. Il faudra seulement s’entendre sur les barèmes. Il restait la frange concernant ceux de 86, c’est-à-dire le groupe de IMS, les flamistes… ce groupe manquait au dossier. Nous avons sensibilisé le président de la République.
C’est en ce moment qu’il m’a chargé de me mette en rapport avec le Colonel Dia pour que cette frange soit prise en compte. Une commission a été mise sur pied. Il reste les autres questions comme le devoir de justice et de vérité. Nous avons dit au président de la République que l’AJD/MR posera toujours ce problème de la justice et du devoir de mémoire.
C’est pourquoi, à l’occasion du cinquantenaire de l’indépendance de la Mauritanie, j’ai écrit au président de la République pour lui demander de dédier une place à la mémoire des 28 négro-africains exécutés à Inal car s’il ne le fait pas, nous négro-africains, nous n’allons plus fêter le 28 novembre.Le président de la République devait le faire mais je ne sais ce qui l’a empêché….
C’est pourquoi, le jour du cinquantenaire, je n’ai été ni a la levée des couleurs ni au diner présidentiel et, ça sera comme ça tant que ce problème ne sera pas réglé. Je précise aussi que quand nous avons fait la proposition concernant les 28 d’Inal au président de la République, aucun parti politique, aucune organisation ne nous a apporté soutien. Les gens en ont plutôt ri… L’AJD MR plaide l’unité nationale et le pardon des l’instant ou les gens font amende honorable. »
Le système actuel qui est pouvoir, c’est le système de Maaouya.
IMS est revenu sur le processus qui a conduit sont parti à adhérer à la majorité au pouvoir. Il a rappelé les sept points d’accord avec cette majorité. Par rapport au règlement du passif humanitaire, il a dit « Nous savons que le système actuel qui est pouvoir, c’est le système de Maaouya. Nous ne l’avons jamais caché. Nous avons toujours dit et répété qu’il y a des barons du système de Taya a coté de Aziz et que, quelque soit sa bonne volonté, ces gens sont toujours là, vigilants, pour qu’il ne touche pas à certains de leurs acquis.
Par conséquent exiger du président de la République, dans le cadre de cet accord, de traduire en justice les bourreaux qui sont aujourd’hui à l’intérieur de l’appareil militaire et parfois dans les hautes instances de l’Etat, ce n’est pas réaliste. C’est tout. Ce que nous avons demandé par contre au président de la République, ce que nous avons exigé, c’est qu’il fasse le maximum par rapport aux réparations matérielles et morales. »
IMS a affirmé ne pas être de l’avis de ceux qui pensent « qu’il faut attendre qu’on sache qui est tortionnaires, qui a fait quoi, qu’on déterre les morts, qu’on organise des tribunaux….pour parler ensuite de réparation. »
Pour lui, une telle attitude est « une aberration. » Il a donné l’exemple des veuves et orphelins qui ont attendu 20 ans et qui ne peuvent plus attendre.
Au sujet des litiges fonciers, IMS a plaidé la discussion avec les ayants droits.
Quant aux langues nationales, il a demandé qu’elles soient plus présentes dans les medias nationaux. « Les négro-africains ne regardent pas la TVM. Ils sont branchés sur les chaines sénégalaises et ne savent pas ce qui se passent dans leur pays » a constaté IMS. Pour lui « Un Etat ne doit pas accepter ça car c’est une question de souveraineté. »
A propos du « silence » de l’AJDMR…
Ces dernières semaines, il a été reproché à l’AJD/MR son « silence » au sujet des problèmes posés par les opérations d’enrôlement entreprises par les pouvoirs publics. Ibrahima Moctar Sarr a consacré une grande partie de sa conférence de presse pour démontrer que sont parti ne s’est pas tu. « L’AJD/MR, non seulement s’est prononcé sur cette question, mais était le premier parti à l’évoquer » a dit Monsieur Sarr. La preuve : un document publié par le parti en janvier 2011 et dans lequel il a fait état de ses craintes par rapport aux risques de détournement des opérations de recensement de leurs objectifs.
Le président de l’AJDMR a cité ensuite une de ses déclarations dans le QDN du 26 mai 2011 où il disait : « notre parti est entrain de suivre attentivement les opérations d’enrôlement. Nous nous prononcerons sur la question quand nous aurons suffisamment d’éléments. Mais je constate dore et déjà qu’il n’y a pas de quoi être optimiste compte tenu des multiples tracasseries auxquelles les citoyens sont confrontés. »
L’AJD/MR a également « fait le déplacement sur le terrain pour recueillir suffisamment d’éléments par rapport aux opérations d’enrôlement. » Avec « le constat de l’exigence de pièces impossibles à fournir pour certains, le rythme très lent de l’enrôlement, le manque de sensibilisation sur les objectifs et procédures, la récurrence de certaines questions susceptibles de porter atteinte à l’unité nationale…. »
l’AJD/MR a demandé « des correctifs nécessaires pour garantir la réussite des opérations d’enrôlement. » Toujours pour montrer que son parti n’a pas été à la traine des protestations contre les problèmes du recensement, IMS a rappelé sa tournée au Brakna et au Guidimagha.
« A Boghé, j’ai dit aux militants de l’AJD/MR que s’il y a un problème qui se pose, qu’ils soient les premiers à descendre pour protester. Donc, ceux qui nous parlent de manifestations…nous nous avons donné ordre à nos militants de protester» a martelé Sarr sous des applaudissements nourris. Il a en effet été reproché à l’AJD/MR son « inaction » pendant que les jeunes du mouvement « touche pas à ma nationalité » battaient le pavé devant les centres d’enrôlement.
Sur la même lancé, le président de l’AJD/MR a poursuivi « J’ai dit au président AZIZ qu’a chaque fois que nous serons en face de son administration, nous allons protester. Il a répondu en disant : c’est ce que je demande.» Toujours par rapport aux manifestations, Monsieur Sarr a déclaré : « les gens se trompent. Nous ne sommes plus à l’époque de Taya ou il était dangereux de descendre dans la rue sous peine d’être physiquement liquidé. Les gens peuvent descendre dans la rue maintenant. C’est très facile d’organiser des manifestations.»
J’ai une vieille petite 4X4 rouge depuis 2007.
IMS a dit avoir demandé aux populations de s’organiser et d’envoyer des délégations dans chaque préfecture pour protester contre « cette forme d’enrôlement. » « Mais alors, pour quoi reproche-t-on à mon parti de ne s’être pas prononcé ? »S’est interrogé Sarr.
Il a enchainé : « j’ai une vieille petite 4X4 rouge depuis 2007. J’ai roulé dans tous les coins de la Mauritanie durant la campagne électorale. J’ai dit aux mauritaniens : votez pour moi, je vais changer votre situation. Mais les gens ont préféré voter pour le président Aziz.
Il a été plébiscité au premier tour. J’ai même ici une déclaration de 41 cadres négro-africains qui ont signé une pétition pour dire qu’ils ne font pas de vote ethnique, qu’ils votent pour Aziz car c’est le seul candidat valable pour ce pays. Alors, vous avez voté pour Aziz. Il a gagné au premier tour. Maintenant vous demandez à IMS de dire QUOI ? Qu’est-ce que je vais dire si Aziz ne fait pas ce que vous voulez ? Qu’est-ce que vous voulez que je dise moi ? Vous avez refusé de me donner vos suffrages, qu’est ce que vous voulez que je vous donne ? Dites le moi ! »
Qui a poussé les autorités à organiser un débat sur l’enrôlement ? De retour de sa tournée de l’intérieur du pays, IMS a été reçu par le président de la République a qui il a dit « les populations sont frustrées. Je vous demande de revoir ce recensement. »
Le président de l’AJDMR, au cours de cet entretien avec le président de la République, a également soulevé le problème du déficit de sensibilisation par rapport au recensement. IMS a poursuivi « une semaine après ma rencontre avec le président, il y a eu cette table ronde à la TVM.
Certains se l’attribuent, qu’ils la prennent. Ce n’est pas mon problème. Ce qui est certain, c’est que moi j’ai fait le travail que j’avais à faire.»
¨Pour réorienter les opérations d’enrôlement dans le bon sens, l’AJDM/R a fait des recommandations, dont, entre autres, la révision de la composition de la commission nationale chargée de sa supervision pour qu’elle soit représentative de toutes les communautés mauritaniennes et l’interdiction de poser des questions de nature à porter atteinte à la dignité des personnes. Pour le président de l’AJDMR, la prise en compte de ces recommandations aboutirait à la suspension des opérations d’enrôlement.
Khalilou Diagana-CRIDEM