Daily Archives: 04/07/2011
Questions orales à qui de droit
Entre les arguties de la haute administration qui continue d’utiliser l’arme de la négation contre les accusations très fondées présentées par les acteurs de la société civile à l’endroit des commissions d’enrôlement et l’intervention qui tarde à venir du président de la République, des questions continuent de tarauder les esprits :les opérations de recensement sont-elles une occasion de raffermir l’unité nationale ou de réveiller les vieux démons?Comment comprendre qu’un président de la République qui dès son investiture a promis « que rien ne sera plus comme avant », garde le silence devant des atteintes graves à l’unité nationale aux droits des citoyens par une administration censée bannir des pratiques ségrégationnistes et des comportements « Lépenistes » ? Sinon les autorités en charge de ces opérations ont –elles tout simplement menti sur toute la ligne au président en lui faisant croire que les commissions ne font que leur boulot et qu’elles s’emploient à barrer la route à ces étrangers « Ejanibs » qui veulent avoir sur un plateau d’or la belle et glorieuse nationalité mauritanienne ! Mieux, disent ces pseudo -enquêteurs, ces faux mauritaniens sont reconnaissables par leurs patronymes, leurs traits physiques et même la langue qu’ils parlent. Une sorte de type mauritanien passé au crible par les fantasmes haineux de ces agents recenseurs sous ordres car sans niveaux ni scrupule.
Aucun bureau ne déroge à cette consigne officielle donnée aux membres des commissions pour trier, faire une radioscopie de la mauritanité des uns en niant et confisquant celle des autres. Et c’est le lieu de poser une autre question toujours à qui de droit : est-il plus aisé de refuser la mauritanité à un noir que le faire à un blanc ? Sans trop verser dans cette dichotomie, on est tenté tout de même de se demander si tous ceux qui ont la peau claire sont forcément des mauritaniens ? Le sujet est tellement grave qu’il doit être vite traité dans toutes ses dimensions. Avant de provoquer un choc social lourd de conséquences. Avant de nous ramener en arrière. L’inquiétant n’est pas seulement de voir des mauritaniens passer un oral devant d’autres mauritaniens pour justifier leur nationalité dès lors où les pièces ne suffisent pas pour le faire. Le drame est de décourager d’autres qui n’ont pas de pièces à pouvoir se recenser pour obtenir leurs documents. Il y a plus de mauritaniens sans papier que de détenteurs de pièces d’état-civil. Et ces cas sont encore plus délicats à résoudre. Assiste-t-on donc à un déni programmé de la nationalité qui même au temps de la dictature tayienne n’a jamais atteint une telle ampleur. Si on refuse à un citoyen sa nationalité que va-t-on lui accepter comme droit ? Il est plus facile de comprendre qu’un mauritanien éprouve des difficultés à devenir français, allemand que d’entendre dire ou voir que dans son pays il redevient un pauvre étranger. Cela ne surprend pas outre mesure dans un pays où les décisions sont prises par des lobbies extrémistes infestant la grande et petite administration et qui ne rêvent qu’à une dénégrification de ce pays. Dès lors, l’exclusion constitue à leurs yeux l’arme de négation préférée pour réaliser dette basse besogne. En attendant des réponses à ces questions adressées à qui de droit, nous prions Dieu de nous préserver contre ces démons de la division éhontée.
Cheikh Tidiane Dia -LE RÉNOVATEUR.
Dia Alassane, porte-parole de Conscience citoyenne : «Ce qui se passe en ce moment dans les bureaux de recensement est une honte»
Eveillé très tôt à la conscience politique pour avoir vécu la campagne d’arrestations des étudiants négro-africains en 1986, Alassane Dia s’engagera d’abord en mettant sa plume d’apprenti journaliste au service de ses convictions.Longtemps absent de la Mauritanie pour des raisons liées à ses études puis à sa profession d’enseignant universitaire, il décide de rentrer en novembre 2009 pour participer de l’intérieur à la lutte pour l’avènement d’une Mauritanie débarrassée des démons du racisme et de l’esclavagisme. C’est donc tout naturellement qu’avec d’autres camarades, il fondera le mouvement Conscience citoyenne, force politique émergente dont il est le porte-parole. Le Rénovateur Quotidien a eu avec lui l’entretien suivant :
Le Rénovateur Quotidien : Pouvez-vous, nous rappeler les objectifs de Conscience citoyenne, l’organisation dont vous êtes le porte-parole ?
Alassane Dia : Conscience citoyenne est née d’un constat : l’Etat mauritanien a pendant les cinquante années de notre indépendance privilégié une communauté, la communauté arabo-berbère sur toutes les autres et ce quelques soient les régimes qui se sont succédé au pouvoir. Ce parti-pris de l’Etat a atteint son paroxysme pendant les années dites de braise avec la tentative de génocide qui ne dit pas son nom contre la communauté négro-mauritanienne et qui a heureusement fini par échouer. Notre objectif premier est d’éveiller les consciences, celles du peuple bien entendu mais surtout celles des dirigeants de ce pays pour leur signifier que la Mauritanie appartient à tous ses fils et qu’il n’y a pas de raison qu’une communauté, une seule, s’accapare de tous les pouvoirs tandis que les autres font figure de faire-valoir. Nous voulons que les exclus du système, les laissés pour compte du fait de leur origine ethnique ou raciale et qui ont fini par intégrer cet état de fait, je pense en particulier à nos compatriotes haratines entravés par les chaînes de l’esclavage, que ceux-là sachent qu’ils ont autant que tout le monde droit à ce qu’il y a de meilleur dans ce pays et qu’ils n’ont pas à se contenter des miettes qu’on peine d’ailleurs à vouloir leur laisser.
Le Rénovateur Quotidien : Au cours de votre intervention lors de la conférence-débat organisée, le 20 juin, à l’Espace culturel Diadié Tabara Camara, vous avez laissé entendre, que le combat de Conscience citoyenne s’inscrit dans le cadre de la légalité. Peut-on savoir un peu plus sur la stratégie de lutte politique que vous comptez mettre en action pour porter vos revendications ?
A.D : Notre combat se situe dans la limite de la légalité dans la mesure où nous comptons mettre en œuvre tous les moyens que met à notre disposition la loi pour faire aboutir nos revendications. Nous organiserons ainsi des conférences, des sit-in, des marches pour nous faire entendre et, si l’on nous y pousse, nous irons jusqu’à la désobéissance civile. Si vous prenez l’exemple de nos terres du sud que l’Etat est entrain de brader aujourd’hui à des saoudiens ou à d’autres étrangers si ce n’est à des privés nationaux sur la base d’une loi domaniale taillée sur mesure pour exproprier exclusivement les propriétaires négro-mauritaniens, nous pensons qu’il est légitime dans ces cas de figure de défier la loi au profit de la légitimité. Notre demandons donc à tous les justes et à tous les progressistes de rejoindre Conscience citoyenne pour le triomphe de nos idéaux communs
Le Rénovateur Quotidien : L’état civil, vous tient particulièrement à cœur, quel est le regard que vous portez sur le recensement des citoyens qui est en cours?
A.D : Ce qui se passe en ce moment dans les bureaux de recensement est une honte. Tout est fait pour décourager la composante négro-mauritanienne à s’inscrire. Les vexations, les humiliations sont le lot quotidien de ces populations dans ces bureaux. Un de mes collègues me racontait il y a quelques jours avoir été recensé en tant que Maure et non en tant que Mauritanien. La raison ? Il s’est présenté au bureau de recensement en même qu’un autre citoyen négro-africain de ses connaissances : à celui-ci, on a demandé un certain nombre de justificatifs qu’il ne pouvait produire, et à lui rien du tout parce qu’étant, de son propre aveu, tout simplement Maure.
Le Rénovateur Quotidien : Que comptez vous faire pour contribuer à amener les pouvoirs publics à rectifier le tir, en ce qui concerne le recensement ?
A.D : Nous comptons, en collaboration avec les organisations progressistes de la place et notamment nos partenaires du FLERE, harceler les pouvoirs publics afin de les amener à revoir cette histoire de recensement. Il est d’ailleurs prévu un sit-in ce jeudi 30 juin à 10 heures devant les locaux de la commission chargée de l’enrôlement du côté de Sebkha sous le slogan « Touche pas à ma nationalité ». Il n’est pas admissible après tout ce qu’a vécu ce pays depuis le milieu des années 1980 et l’espoir suscité par le semblant de volonté de régler ce que l’on appelle avec une hypocrisie bien mauritanienne le passif humanitaire, que de telles dérives se répètent. Ce recensement inique et qui met encore une fois en péril l’existence même de notre pays doit impérativement être arrêté. Nous en appelons à la mobilisation de toute la communauté des opprimés et de tous les démocrates sincères pour combattre ce recensement et, par delà, le système injuste qui nous gouverne.
Le Rénovateur Quotidien : Pour nouer le fil du dialogue d’avec le pouvoir, les partis réunis sous la bannière de la Coordination de l’Opposition démocratique viennent de remettre une feuille de route au président de la République, que vous inspire ladite feuille ?
A.D : La différence entre un mouvement comme le nôtre et les partis traditionnels, opposition comme majorité, c’est que nous estimons que ces partis mettent la charrue avant les bœufs. Avant de discuter des problèmes de démocratie, du rôle de la majorité ou de celui de l’opposition, il faudrait d’abord rediscuter le contrat fondant la Mauritanie elle-même. Ce contrat, si contrat il y a, est profondément vicié et tant qu’on n’y aura pas remédié on file droit vers le mur…C’est vous dire que nous n’attendons pas grand chose de cet improbable dialogue.
Propos recueillis par Samba Camara-LE RÉNOVATEUR