Daily Archives: 07/11/2022
La primauté de la condition sociale sur la langue
Ondeinfo – Pendant longtemps, appartenir à une même communauté linguistique, parler la même langue, était une raison suffisante pour défendre de facto, les mêmes intérêts et partant appartenir à un même « empire ».
C’était s’inscrire dans une même communauté des destins. En effet, la langue était un lien fort qui transcendait les marigots, les rivières, les fleuves, les montagnes, les dunes et même les océans pour fédérer, rassembler des locuteurs venus de partout et de nulle part.
Dans une échelle plus grande, la francophonie est devenue une véritable cacophonie pour certains,- ils ne s’y retrouvent pas – et se sentent plus liés à des lusophones, anglophones ou arabophones par le fait qu’ils ont en commun les mêmes problèmes existentiels.
Parler la même langue était source de rapprochement, de complicité et de confiance mutuelle ; si bien que les locuteurs d’une même langue partageaient les mêmes croyances et préjugés, des normes et références communes : ce qui était suffisant pour qu’ils s’unissent pour le meilleur et pour le pire.
La langue était ainsi l’un des critères de classification les plus déterminants comme la tribu, dans certains pays du monde, qui représente la référence Absolue, et dont la prééminence et la stature vont jusqu’à concurrencer, la nationalité ainsi que l’Etat et ses symboles.
Cette fracture est également observée dans la religion qui a montré ses limites : prier dans la même mosquée, fréquenter la même synagogue ou la même paroisse ne suffissent plus pour créer les conditions d’une alliance qui garantit la paix et la cohésion sociales.
Désormais, seule la condition sociale s’impose comme l’élément fédérateur le plus pertinent capable de créer des liens sincères et francs entre les humains : plus fraternels que les rapports sociaux et communautaires classiques basés sur la race, la langue, la tribu, l’appartenance géographique ou culturelle.
L’injustice, la discrimination, la marginalisation, l’exclusion créent ainsi des dynamiques sociales, « une supra classe sociale » portée par des réalités et contextes socio-politiques, économiques et culturelles spécifiques : des nouvelles alliances. Il en est de même pour une position sociale avantageuse et confortable qui rassemble des individus autour des mêmes intérêts et se moque de leurs appartenances diverses et spécifiques.
Dès lors, s’investir à défendre une langue, même de surcroit maternelle est certes une démarche identitaire et naturelle, mais elle ne peut garantir l’émancipation et l’égale dignité de toute la communauté linguistique et ethnique – les inégalités sociales mises « en jachère » referont surface une fois le but atteint- ; on combat une injustice venue du dehors et on camoufle et maintien celle de l’intérieur.
La langue est certes un facteur d’unité mais une unité de façade. Elle n’est pas toujours égalitaire pour tout le monde. Ses voyelles et consommes n’ont pas les mêmes longueurs et les mêmes largeurs pour tous les locuteurs, sa musicalité sonne différemment, selon les locuteurs : les intérêts sont divergents selon les classes.
En revanche, la condition sociale crée une ferveur et une rencontre heureuse entre des « victimes » de tous bords unies par l’instinct de survie pour former une communauté hétérogène du fait de la diversité des provenances et origines pour « fraterniser ensemble » autour d’un même destin, souvent implacable. Ce lien est plus fort que la parenté, la famille et la langue ou encore les classifications sociales traditionnelles et statiques.
La langue surtout lorsqu’elle fait référence à une « communauté ethnique » a cessé d’être un critère déterminant et identitaire pour unir des individus par ce que conjuguant seulement le même verbe. En effet, elle n’exprime pas toujours la même sagesse et la même fierté de s’y identifier pour tous les membres de la communauté linguistique.
En définitive, seule la condition sociale compte. Elle transcende et bouscule les liens et alliances traditionnels basés sur la langue ; par le fait qu’elle est partagée et commune à des millions et de milliers de personnes qui ne se connaissent forcement pas, ne se sont jamais rencontrées, mais liées par le besoin de s’affranchir, de s’émanciper d’une situation qui les broie, leur ampute une partie de leur dignité et de leur humanité.
Il faut donc compter avec cette nouvelle classe, une alliance nouvelle dynamique, ouverte, supranationale et mondiale née de l’expérience et du vécu pour défendre le même idéal et des intérêts Existentiels quasi identiques.
Seyré SIDIBE
CRIDEM
Elections 2023 Mauritanie : les observateurs s’interrogent sur la crédibilité d’une alliance AJD-MR- FPC-RAG
Entre la première force de l’opposition TAWASSOUL qui cavale seul sur la scène nationale depuis plus d’une décennie et une alliance possible entre l’UFP-RFD du moins pour les présidentielles de 2024, il y a une place pour une alliance AJD-MR-FPC-RAG.La crédibilité d’une telle coalition n’est pas à l’ordre du jour des états-majors concernés mais suscite des interrogations des observateurs qui pointent des élections 2023 dont les jeux sont presque faits.
En réalité avec une nouvelle CENI dont le président est un vieux renard de la politique, un ancien du régime le plus sanguinaire que la Mauritanie ait connu depuis 1960, l’espoir de législatives de municipales et de régionales transparentes, est très mince. Dans ces conditions l’opposition mauritanienne doit éviter la débâcle et se préparer à d’éventuelles coalitions. C’est dans cette perspective que les observateurs s’interrogent sur la possibilité d’une alliance des trois formations de l’opposition systémique l’AJD-MR-FPC-RAG pour 2023. Les trois leaders charismatiques Ibrahima Sarr, Biram Abeid et Samba Thiam sont des combattants de la liberté dont les expériences politiques ne sont plus à démontrer avec comme dénominateur commun, la prison. Les deux premiers sont au moins deux fois candidats malheureux aux présidentielles. Le troisième court derrière une reconnaissance de son parti depuis 2014 mais il est aujourd’hui incontournable sur le plan national et les FPC sont aujourd’hui bien implantées à Nouakchott et à l’intérieur du pays. L’aile politique du leader anti-esclavagiste le RAG n’est pas non plus reconnu officiellement mais l’IRA ONG l’est après 14 ans de combat contre l’esclavage en Mauritanie. Le rapprochement entre l’AJD-MR et les FPC est incontestable avec la mouvance CVE-VR dont fait partie également le mouvement citoyen TPMN, une scission de la CVE des présidentielles de 2019. Les observateurs rappellent que l’alliance de président de l’IRA avec le parti raciste SAWAB aux législatives 2018 a permis à Biram Abeid de siéger à l’Assemblée nationale. Ce mariage avec un parti Baathiste qui est à l’origine du génocide des négro-mauritaniens et de l’assassinat de 28 soldats de la même communauté sous le régime de Ould Taya, est considérée comme une ligne rouge franchie, une trahison politique difficile à oublier pour Ibrahima Sarr et Samba Thiam qui ont longtemps combattu cette idéologie qui continue de diviser les Mauritaniens. Une tâche noire sur le parcours politique du chef historique de l’IRA très vite rattrapé par l’histoire. C’est également sa proximité avec Ould Ghazouis depuis son accession au pouvoir qui est pointé du doigt comme un deal voulu pour être leadership de l’opposition. Et enfin en clarifiant cette année la reconnaissance du Mouvement national démocratique, du mouvement harratin El Hor et du premier mouvement de libération africaine de Mauritanie FLAM, Biram Abeid entend se faire pardonner et revenir certainement dans les rangs de l’opposition systémique et laver tout soupçon de trahison et de campagne contre les peulhs. Ce repositionnement semble ne pas suffir à créer une dynamique d’alliance AJD-MR-FPC-RAG pour les élections de 2023 avec la présidentielle 2024 en ligne de mire. Les observateurs ne croient pas à une alliance de circonstance qui répèterait les mêmes erreurs de la coalition CVE. Autrement dit des alliances purement électoralistes. Des alliances fondées sur les principes et des valeurs ont plus de chance de donner des résultats.
Yaya Cherif Kane Journaliste
Rouen- France .
Mauritanie : Le silence de l’apartheid
Quand on débarque à Nouakchott, on sent comme une odeur de soufre dans l’air.
J’ai toujours toujours boycotté ce pays pour le traitement infligé aux Negro-Mauritaniens.
Si j’ai accepté de faire le déplacement cette fois-ci c’est pour rencontrer la lionne Salimata Ba afin que le monde entier connaisse son histoire et sa bravoure.
D’emblée à l’aéroport, le décor est campé, on constate que les subalternes sont tous noirs et les chefs tous beydanes (les maures blancs).
L’arrogance et le mépris affiché par les Beydanes envers les Negro-Mauritaniens saute aux yeux, les berbères hautains ne s’en cachent même pas. Pendant longtemps et aujourd’hui encore la question de l’esclavage a empoisonné la société mauritanienne.
Cet héritage esclavagiste de plusieurs siècles a fini de creuser le fossé dana la société où tout est hiérarchisé.
Tout en haut de l’échelle, il y a d’abord les Beydanes Arabo-Berbères au teint blanc, qui detiennent tous les pouvoirs ( politique, économique et militaire) et pourtant ils sont minoritaires.
Il y a ensuite les Haratines, noirs de peau, avec lesquels ils partagent la même langue et la même culture, le hasaania, l’arabe mauritanien.
Et enfin, les Negro-Mauritaniens. Ils sont Soninké, Wolofs, Bambaras ou Hal Pular.
L’esclavage a créé une division ethnique et quasi structurelle du pays.
Dans leur quête de justice et de liberté, les Negro-Mauritaniens sont bien seuls. Leur combat n’intéresse pas grand monde pas même les pays limitrophes. On trouve facilement des gens prêts à aller sauver la Palestine, à soutenir Poutine, les rohyngas et d’autres peuples qui sont à des milliers de km.
Quand il s’agit de la défense pour la dignité des Negro-Mauritiniens, il faut admettre que tout le monde est abonné absent. Le gouvernement d’Abdou Diouf n’avait pas hésité à expulser l’opposant Kaaw Elimane Bilbassi Touré du Sénégal sous pression du gouvernement raciste et esclavagiste d’Ould Taya. Pour ne pas froisser son voisin mauritanien, le Sénégal fait profil bas. Ils sont près à tous les compromis. Il faut dire que les événements de 1988 où les deux paye étaient à deux doigts de se faire la guerre hantent encore les mémoires.
Au cœur de l’incertitude il y a toujours de l’espoir aussi fragile soit-il.
Et la lueur est venue de cette jeune femme sur la photo (Salimata Ba) qui a osé défier le pouvoir Mauritanien prêt à imposer l’arabe comme langue officielle du pays.
En pleine assemblée, elle s’est levée pour crier son indignation et sa colère face à une telle injuste. Sa vidéo est devenue virale sur les réseaux sociaux.
L’arabisation rampante a fini d’étendre ses tentacules dans tout le pays appuyé par l’aide du Qatar, des Émirats de l’Arabie Saoudite et des pays du Maghreb. Jamais vous ne verrez une condamnation des pays du Maghreb et du moment orient à l’endroit du régime fasciste et esclavagiste de Nouakchott. En adhérant à la ligue arabe, le pouvoir mauritanien a trouvé refuge et protection chez ses frères en Islam.
L’islam justement parlons-en. Il est l’arbre qui cache la forêt. Il justifie la somme de toutes les exactions commises à l’endroit de nos frères Negro-Mauritaniens traités comme des sous-hommes.
Nombreux sont les Beydanes qui continuent à pratiquer l’esclavage pourtant aboli en 1982)au nom de l’islam.
À l’esclave, le paradis lui est promis car dans la tombe il s’exprimera en arabe pour sauver sa peau du chatiment et demander pardon à Allah car il n’accepte que la langue venue du désert d’Arabie.
En attendant de perpétuer cette supercherie religieuse, la longue marche des Negro-Mauritaniens pour être libre continue dans une résilience et une combativité qui mérite le respect.
Qui sait peut-être qu’un jour quand leurs frères et sœurs qui vivent dans les pays limitrophes auront fini de sauver la Palestine et les Rohyngas, ils se souviendront de leurs frères et sœurs Negro-Mauritaniens…
La lutte continue pour ces damnés de la terre.
Maky Madiba Sylla – Cinéaste africain.
Nouakchott
Le 06 Novembre 2022