Mauritanie : Le silence de l’apartheid
Quand on débarque à Nouakchott, on sent comme une odeur de soufre dans l’air.
J’ai toujours toujours boycotté ce pays pour le traitement infligé aux Negro-Mauritaniens.
Si j’ai accepté de faire le déplacement cette fois-ci c’est pour rencontrer la lionne Salimata Ba afin que le monde entier connaisse son histoire et sa bravoure.
D’emblée à l’aéroport, le décor est campé, on constate que les subalternes sont tous noirs et les chefs tous beydanes (les maures blancs).
L’arrogance et le mépris affiché par les Beydanes envers les Negro-Mauritaniens saute aux yeux, les berbères hautains ne s’en cachent même pas. Pendant longtemps et aujourd’hui encore la question de l’esclavage a empoisonné la société mauritanienne.
Cet héritage esclavagiste de plusieurs siècles a fini de creuser le fossé dana la société où tout est hiérarchisé.
Tout en haut de l’échelle, il y a d’abord les Beydanes Arabo-Berbères au teint blanc, qui detiennent tous les pouvoirs ( politique, économique et militaire) et pourtant ils sont minoritaires.
Il y a ensuite les Haratines, noirs de peau, avec lesquels ils partagent la même langue et la même culture, le hasaania, l’arabe mauritanien.
Et enfin, les Negro-Mauritaniens. Ils sont Soninké, Wolofs, Bambaras ou Hal Pular.
L’esclavage a créé une division ethnique et quasi structurelle du pays.
Dans leur quête de justice et de liberté, les Negro-Mauritaniens sont bien seuls. Leur combat n’intéresse pas grand monde pas même les pays limitrophes. On trouve facilement des gens prêts à aller sauver la Palestine, à soutenir Poutine, les rohyngas et d’autres peuples qui sont à des milliers de km.
Quand il s’agit de la défense pour la dignité des Negro-Mauritiniens, il faut admettre que tout le monde est abonné absent. Le gouvernement d’Abdou Diouf n’avait pas hésité à expulser l’opposant Kaaw Elimane Bilbassi Touré du Sénégal sous pression du gouvernement raciste et esclavagiste d’Ould Taya. Pour ne pas froisser son voisin mauritanien, le Sénégal fait profil bas. Ils sont près à tous les compromis. Il faut dire que les événements de 1988 où les deux paye étaient à deux doigts de se faire la guerre hantent encore les mémoires.
Au cœur de l’incertitude il y a toujours de l’espoir aussi fragile soit-il.
Et la lueur est venue de cette jeune femme sur la photo (Salimata Ba) qui a osé défier le pouvoir Mauritanien prêt à imposer l’arabe comme langue officielle du pays.
En pleine assemblée, elle s’est levée pour crier son indignation et sa colère face à une telle injuste. Sa vidéo est devenue virale sur les réseaux sociaux.
L’arabisation rampante a fini d’étendre ses tentacules dans tout le pays appuyé par l’aide du Qatar, des Émirats de l’Arabie Saoudite et des pays du Maghreb. Jamais vous ne verrez une condamnation des pays du Maghreb et du moment orient à l’endroit du régime fasciste et esclavagiste de Nouakchott. En adhérant à la ligue arabe, le pouvoir mauritanien a trouvé refuge et protection chez ses frères en Islam.
L’islam justement parlons-en. Il est l’arbre qui cache la forêt. Il justifie la somme de toutes les exactions commises à l’endroit de nos frères Negro-Mauritaniens traités comme des sous-hommes.
Nombreux sont les Beydanes qui continuent à pratiquer l’esclavage pourtant aboli en 1982)au nom de l’islam.
À l’esclave, le paradis lui est promis car dans la tombe il s’exprimera en arabe pour sauver sa peau du chatiment et demander pardon à Allah car il n’accepte que la langue venue du désert d’Arabie.
En attendant de perpétuer cette supercherie religieuse, la longue marche des Negro-Mauritaniens pour être libre continue dans une résilience et une combativité qui mérite le respect.
Qui sait peut-être qu’un jour quand leurs frères et sœurs qui vivent dans les pays limitrophes auront fini de sauver la Palestine et les Rohyngas, ils se souviendront de leurs frères et sœurs Negro-Mauritaniens…
La lutte continue pour ces damnés de la terre.
Maky Madiba Sylla – Cinéaste africain.
Nouakchott
Le 06 Novembre 2022