Monthly Archives: November 2021
Percée djihadiste au Mali : Le Sénégal doit se réveiller avant qu’il ne soit trop tard (Par Hussein Bâ)
Dans le cadre d’un dossier qu’il a consacré au Mali, le journaliste sénégalais Hussein Bâ revient une fois de plus sur les dangers sécuritaires qui guettent le Sénégal, frontalier du Mali. Dans le troisième numéro de ce dossier que Seneweb publie en quatre parties, l’ancien collaborateur de « Sud Hebdo », qui a collaboré respectivement au dispositif électoral sous en ATT et IBK en 2002 et 2013 au Mali, appelle le Sénégal à être davantage regardant sur la situation du Mali, avec la volonté des djihadistes de perturber le trafic vers Bamako afin de couper le pays. Il rappelle également l’objectif final visé par ces djihadistes du GSIM est de bâtir un « Emirat islamique du Mali », avant de s’ouvrir vers l’Atlantique, donc, une menace ouverte sur le Sénégal.
« Cap vers le Sud ! », telle est la substance du message posté par Iyad Ag Ghali, patron de la nébuleuse « djihadiste » Ansar Dine devenue GSIM (Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans), affilié à al Qaïda, au lendemain de la prise de Kaboul par les Talibans. Depuis cette sentence, la situation sécuritaire s’est considérablement dégradée au Centre et à l’Ouest du Mali.
La région de Ségou est désormais aux prises avec des attaques terroristes quotidiennes. Le regain d’intérêt pour cette région et son ciblage persistant par les « djihadistes » rappelle un autre épisode, tout en clarifiant une question récurrente : en janvier 2013, le même Iyad Ag Ghali avait ordonné la descente vers le Sud en attaquant simultanément deux axes, à savoir le corridor Konna -Sévaré – Mopti et Diabali qui mène vers Ségou. Par cette opération simultanée, on se demandait si le chef des « djihadistes » voulait conquérir deux voies qui mènent à Bamako, ou simplement mettre la main sur l’aéroport Ham Bodédio de Mopti.
Au vu du déroulement actuel des opérations des « djihadistes », le doute n’est plus permis. Al Qaïda veut conquérir la capitale malienne où il dispose de nombreux sympathisants « dormants », pour y proclamer l’avènement de « l’émirat islamique du Mali ». Pour y parvenir, il mise sur deux approches redoutables : la conquête et l’administration rigoureuse des territoires du monde rural (en évitant le combat frontal dans les grandes villes) et la perturbation totale des corridors d’approvisionnement pour asphyxier le pays et la capitale.
C’est sous cet angle qu’il convient d’interpréter les attaques menées récemment dans le corridor Ouest, précisément dans les régions de Kayes et de Koulikoro, et qui concernent directement le Sénégal. Le 11 septembre 2021 (les « djihadistes sont avides de symboles), deux camionneurs marocains ont été tués à Didiéni dans la région de Koulikoro, à 300 km de Bamako, par des éléments encagoulés. Chose étrange mais logique : les assaillants n’ont pas touché à la marchandise. L’acte était plus politique que crapuleux. C’était un message sanglant.
Cette région de Koulikoro, que les « djihadistes » semblent choisir pour perturber le trafic vers Bamako, est une zone idéale pour atteindre un tel objectif. À partir de la Commune de Diéma en amont, les deux grands corridors internationaux (Dakar – Bamako et Casablanca – Nouakchott – Bamako) convergent pour aller vers la capitale malienne, en passant par cette région de Koulikoro.
En vérité, l’objectif des assaillants est de faire peur. Ils n’ont pas besoin de « check-points » armés, impossibles à tenir. Lorsque les chauffeurs, les propriétaires des camions et des marchandises auront suffisamment peur pour leur vie et pour leurs biens, la fonctionnalité des corridors sera compromise.
Pour le Sénégal, ce qui est désormais en question, c’est son ouverture vers l’Afrique. En dehors du Mali, il n’a aucun corridor viable vers le marché communautaire de la CEDEAO. Le Mali est aussi son premier marché. C’est le pays tampon avec le terrorisme au Sahel. S’il cède, le Sénégal sera en première ligne. L’approche religieuse des « djihadistes » qui y prennent un essor inquiétant est en totale contradiction avec la pratique islamique majoritaire au Sénégal qui est de tendance confrérique soufie.
Ces « djihadistes » n’aiment ni les mausolées, ni les marabouts, encore moins les Khalifes généraux. Certains rêvent de voir détruire des tombes à Kaolack, à Touba et Tivaouane, comme cela s’était passé à Tombouctou. Leur objectif final, après un « émirat islamique du Mali », c’est de s’ouvrir vers l’Atlantique.
Pour le Sénégal, la question se pose désormais en termes de sécurité nationale directe. Certes, le renforcement des dispositions sécuritaires à la frontière décidé par le président de la République est à saluer, mais cela est insuffisant. Le Sénégal doit être plus actif et pro-actif sur la scène malienne elle-même, en l’aidant de manière plus conséquente à surmonter les équations politiques et sécuritaires.
Par loyauté diplomatique, le Sénégal s’aligne derrière la CEDEAO, alors qu’il a au Mali des intérêts spécifiques qui ne sont pas ceux du Nigeria, du Ghana ou du Togo, par exemple.
Toutes les projections d’émergence vantées ici risquent d’être pulvérisées si l’immense voisin malien devait s’effondrer. Qu’à Dieu ne plaise ! Le président de la République du Sénégal doit créer un nouveau cadre dédié au Sahel directement rattaché à lui avec un agenda créatif, basé sur des compétences pointues. Ce nouveau cadre devra disposer d’un monitoring permanent des évènements, des enchaînements significatifs qui dégagent les tendances lourdes.
Tous les scénarii doivent être envisagés. Qu’est-ce qui empêcherait donc le chef de l’État du Sénégal à effectuer une visite de travail au Mali à la rencontre de la nation malienne, ne serait-ce que pour la soutenir moralement ? Ou d’inviter les acteurs maliens à Dakar comme le président Wade l’avait fait avec la Mauritanie après le coup d’État.
Certes, il y a la susceptibilité de la CEDEAO à gérer. Il faut juste faire en sorte que les partenaires de l’espace communautaire acceptent des initiatives positives complémentaires. Un nouvel agenda du Sénégal sur le Sahel et le Mali peut impulser une perspective dynamique avec des objectifs structurants :
– aider à une réévaluation du schéma politico-diplomatique de sortie de crise plus englobant que l’accord de paix et de réconciliation ;
– proposer une ingénierie politique plus adaptée afin d’aider à la stabilité institutionnelle ;
– engager une relecture audacieuse et substantielle de la doctrine de lutte anti-terroriste ;
– plaider pour un engagement plus volontariste du leadership africain dans la prise en charge des dossiers de crise ;
– promouvoir l’autonomisation de la réflexion stratégique en dotant la CEDEAO d’un véritable centre d’excellence axé sur les questions sécuritaires et menaces fondamentales.
Plus généralement, sur la question du Mali, Dakar et Abidjan doivent parler d’une même voix. Le Sénégal dispose aussi d’un point d’entrée culturel au Nigeria (grâce à Sheikh al Islam Baye Niass) qui peut aider à fluidifier cet axe indispensable. Une nouvelle posture du Sénégal plus présente peut engendrer une plus value politique et diplomatique pouvant encourager un dialogue constructif avec des acteurs non régionaux aux tendances autocratiques, qui offrent aux aventuriers de l’espace communautaire des alternatives dangereuses.
Un sursaut de dignité fondé sur le volontarisme, l’exemplarité dans la prise en charge des besoins et l’autonomisation de la réflexion stratégique, peut créer de nouveaux paramètres dans le sens du repositionnement des puissances étrangères aujourd’hui dans l’impasse.
Hussein BA
Seneweb / Le Témoin
Mauritanie : le retour par la petite porte à Nouakchott du colonel Ely Zayed Ould Mbarek

Les Nations-Unies ont finalement cédé à la pression des organisations nationales et internationales des droits de l’homme et des témoignages des rescapés de la prison mouroir de Oualata en retirant la nomination du colonel Ely Zayed Ould Mbarek à la tête de la MINUSCA à Bangui en RCA.
C’est une mauvaise nouvelle pour la Mauritanie et pour Ould Ghazouani qui avait pris la responsabilité de proposer un présumé tortionnaire de l’armée des années braise de 86 à 92 à occuper de hautes fonctions comme émissaire des Nations-Unies à la MINUSCA à Bangui en RCA. Quelques mois auront suffi aux Nations-Unies pour retirer la nomination du colonel Ely Zayed Ould Mbarek.
C’est une première bataille politique gagnée par les rescapés de Oualata et toutes les victimes négro-mauritaniennes de la vallée sous le régime du génocidaire Ould Taya et en particulier les FPC qui ont contribué à un véritable travail de mémoire et de diffusion du génocide mauritanien. C’est une victoire morale pour tous les combattants mauritaniens de la liberté qui n’ont de cesse dénoncer les exactions ou les tortures commises par les éléments de l’armée contre les dirigeants du premier mouvement de libération africaine de Mauritanie pour avoir publié le « Manifeste du négro-mauritanien ».
Pour la première fois les Nations-Unies ont cédé à la pression des victimes mauritaniennes et ouvrent ainsi la voie à l’aboutissement de plaintes internationales contre l’ancien président Ould Taya, exilé au Qatar et les nombreux tortionnaires militaires en liberté comme le boucher de Oualata le capitaine Ghaly Ould Souvy qui vient d’adresser une lettre de soutien au colonel Mbarek et d’autres hauts gradés de l’armée toujours en activité et soupçonné de génocidaire comme le chef des armées Ould Meguett.
L’émissaire des Nations-Unies rentre ainsi par la petite porte à Nouakchott et laisse derrière lui des traces indélébiles de l’horreur des camps de Oualata.
Cherif Kane
Coordinateur journaliste
Crise algéro-marocaine : le Sahara occidental «n’est pas à négocier», met en garde le roi du Maroc

Le Figaro – Le discours de Mohammed VI était très attendu dans un contexte très tendu entre le royaume marocain et l’État algérien.
Le Sahara occidental, territoire disputé entre le Maroc et les indépendantistes sahraouis soutenus par l’Algérie, «n’est pas à négocier», a affirmé ce samedi soir le roi du Maroc, Mohammed VI, dans un discours retransmis par la télévision nationale.
«Aujourd’hui comme par le passé, la ‘Marocanité’ du Sahara ne sera jamais à l’ordre du jour d’une quelconque tractation», a souligné le monarque marocain, dans un contexte de vives tensions avec l’Algérie à propos de cette ancienne colonie espagnole.
«En fait, si nous engageons des négociations, c’est essentiellement pour parvenir à un règlement pacifique de ce conflit régional artificiel», a souligné Mohammed VI dans un discours prononcé à l’occasion du 46e anniversaire de la «Marche Verte» vers le Sahara occidental.
En novembre 1975, une «Marche verte», à l’appel du roi Hassan II, mobilise 350.000 Marocains qui franchissent la frontière du Sahara occidental, alors colonie espagnole, au nom de «l’appartenance» du territoire au royaume. Le Conseil de sécurité de l’ONU a appelé il y a une semaine «les parties» au conflit du Sahara occidental à reprendre les négociations «sans conditions préalables et de bonne foi».
Bombardement ?
Ces négociations sont à reprendre, sous l’égide du nouvel émissaire de l’ONU, l’Italo-Suédois Staffan de Mistura, «en vue de parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable» dans la perspective d’une «auto-détermination du peuple du Sahara occidental», précise l’ONU, dans une résolution qui prolonge d’un an la mission onusienne (Minurso) dans la région. Le discours du souverain marocain, très attendu, survient au moment où les relations entre les deux frères ennemis du Maghreb sont au plus bas.
En août dernier, après des mois de frictions, Alger a rompu ses relations diplomatiques avec le Maroc, l’accusant «d’actions hostiles». Rabat a regretté une décision «complètement injustifiée».
La tension est encore montée d’un cran ces derniers jours après que l’Algérie a fait état d’un bombardement ayant causé la mort de trois camionneurs algériens au Sahara occidental, territoire disputé entre le Maroc et les indépendantistes sahraouis du Front Polisario, qu’Alger a attribué à Rabat.
Le Figaro avec AFP
M. Dia Alassane, président de la Coalition Vivre Ensemble/Vérité Réconciliation (CVE/VR) : ‘’Il faut que le Président arrête de crier sur tous les toits que le pays n’est pas en crise’’

Le Calame : Votre coalition a décidé d’aller au dialogue en gestation. Qu’en attendez- vous ? Pensez-vous que les conditions sont suffisamment réunies pour un véritable dialogue politique ?
M. Dia Alassane : Nous avons décidé d’aller au dialogue parce que par principe nous ne fermons jamais la porte aux discussions. Les crises les plus graves, même celles qui dégénèrent en guerres, finissent toujours par être résolues autour d’une table. Et Dieu sait, malgré les dénégations du Président Ghazwani, que la crise, dans notre pays, est non seulement très profonde mais multiforme et qu’elle peut à tout moment nous faire sombrer dans le chaos. Si nous pouvons nous éviter cette menace en nous mettant tous autour d’une table, c’est tant mieux.
La Mauritanie n’a jamais été autant divisée que ces dernières années ; le repli communautaire et les velléités indépendantistes, aussi bien au nord qu’au sud du pays, n’ont jamais été aussi prononcés. Alors nous attendons que ce dialogue soit l’occasion de rediscuter du contrat national. Avons-nous véritablement la volonté de vivre ensemble ? Si oui, dans quelles conditions ? Répondre à ces questions est primordial par rapport à tout le reste puisque c’est la base pour asseoir une véritable unité nationale toujours chantée mais jamais réalisée. Bref, c’est d’un deuxième Aleg que nous avons besoin, qui aura l’avantage d’impliquer, cette fois-ci, l’ensemble des composantes nationales de notre peuple.
Je doute cependant que l’Etat soit dans les mêmes prédispositions vis-à-vis de ce dialogue puisque le président de la République persiste à dire que « tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes » qu’est la Mauritanie.
Que vous a inspiré le premier tour de table organisé, il y a quelques jours par les acteurs politiques pour la mise en place d’une commission de préparation, voire de supervision ?
Je pense qu’il est effectivement très important d’impliquer l’ensemble des parties prenantes dans la préparation, la supervision du dialogue et plus tard le suivi de la mise en œuvre des décisions consensuelles qui en sortiront. Mon inquiétude réside plutôt dans le manque d’implication de l’Etat dans ce qui se prépare. On a entendu le Président Ghazwani dire dans une de ses dernières sorties qu’il se positionnait en arbitre entre les différents bords politiques qui croiseront le fer au dialogue. Or l’Etat est à la base et du génocide des années 1990 et de toutes les politiques de discrimination et d’exclusion qui ont suivi et qui minent l’unité nationale. Il doit donc être impliqué au premier chef dans la recherche de solutions aux problèmes qu’il a lui-même créés et ce sera à lui de les mettre en œuvre. Mais l’impression que l’on a jusque-là, c’est que l’exécutif ne veut pas du dialogue, il y va un peu à marche forcée.
Pensez-vous que la feuille de route élaborée par les partis politiques tient compte des problèmes qui préoccupent la CVE/VR ? Et quelles sont les propositions de solutions que préconise votre coalition ? Les engagements du président Ghazwani de mettre en œuvre les recommandations consensuelles des acteurs politiques vous rassurent-t-il ?
Pour la feuille de route qui avait été élaborée par les partis représentés à l’assemblée, non seulement elle ne nous engage pas, nous et nos partenaires de la Coordination des coalitions et partis politiques de l’opposition démocratique (CCPOD), mais elle est caduque. Nous considérons que la réunion qui s’est tenue en vue de mettre sur pied une commission de préparation est le véritable point de départ des assises qui s’annoncent et que l’ordre du jour sera discuté dans le cadre de cette préparation. La CVE/VR veillera à ce que ces préoccupations prioritaires y figurent en bonne place.
Quant au Président, il faut déjà qu’il arrête de crier sur tous les toits que le pays n’est pas en crise et qu’il n’a pas par conséquent besoin de dialogue. Le gouvernent devra, comme je l’avais dit plus haut, être partie prenante du dialogue et l’engagement du Chef de l’Etat à mettre en œuvre les recommandations consensuelles qui en seront issues devra prendre une forme beaucoup plus solennelle.
Depuis son arrivée au pouvoir, le président Ghazwani prône la création d’une école républicaine. Quel contenu attendez-vous de ce projet ? Les concertations engagées récemment par le ministère de l’Éducation nationale, de la Réforme et de la formation professionnelle ont-elles constitué, selon vous, un important point de départ pour ce projet ?
Une école républicaine suppose une école qui tienne compte de la diversité nationale mais surtout qui instaure l’équité pour tous les enfants du pays à travers le recours à l’ensemble de nos langues nationales comme médium d’enseignement. Le timing des journées de concertation autour de la réforme du système éducatif et les débats que cela a provoqués ne semblent pas indiquer que l’on en prenne véritablement le chemin. Il aurait été plus logique d’attendre les conclusions du dialogue annoncé en ce qui concerne le statut des langues et le type de citoyen nouveau que nous voulons pour notre pays pour réunir la famille scolaire qui ne doit se préoccuper que de l’aspect technique et de la mise en œuvre de la réforme dans le respect de l’orientation globale imprimée par les politiques.
Quelle place pourrait occuper l’officialisation puis l’enseignement des langues nationales dans ce dispositif de réforme ? Que vous inspire ce débat sur la transcription des langues nationales Pulaar, Soninké, Wolof en caractère arabe ?
L’officialisation des langues nationales pulaar, soninké et wolof relève d’une exigence de justice, d’équité et de reconnaissance vis-à-vis de l’ensemble de nos composantes nationales. Cela va créer une administration de proximité, en rupture avec celle de type colonial qui sévit dans la vallée, et aidera à une meilleure inclusion des locuteurs de ces langues de la part des pouvoirs publics, des locuteurs revigorés qui s’impliqueront davantage dans les politiques de développement. Cette officialisation permettra une plus grande visibilité à notre belle diversité en offrant un égal accès aux médias à toutes nos langues et cultures. C’est encore cette officialisation qui permettra de corriger l’inégalité structurelle de notre système éducatif en généralisant l’enseignement des et en langues nationales pour que nous en finissions avec les écoles d’élites et les concours de recrutement où ne sont généralement admis que les éléments de la composante arabe qui ne sont ni plus ni moins intelligents que les autres mais qui ont le privilège d’étudier dans leur langue. Bref, l’unité nationale, la quiétude et la cohésion sociale qui n’ont pas de prix passent nécessairement par l’officialisation de toutes nos langues nationales.
Pour ce qui est de la transcription des langues nationales, il n’y a pas plus méprisant pour une communauté linguistique que de vouloir lui imposer un alphabet. La transcription des langues négro-africaines n’est pas un sujet de discussion, surtout pas pour de petits chauvins haineux aux idéologies panarabistes importées du Moyen Orient.
La HAPA a relevé le non-respect de la diversité par les médias publics et privés voire même dans l’administration. Elle a invité ces institutions à se conformer à la Constitution. Que vous inspire cette réaction du nouveau président du gendarme des médias ?
C’est tout à l’honneur de la Hapa et surtout de son nouveau président parce que cette situation n’est pas nouvelle et le supposé gendarme de l’audiovisuel ne l’avait jamais dénoncée auparavant. Cela dit, tout reste à faire dans le sens du rééquilibrage de nos différentes langues et cultures dans nos médias publics et privés. Comment peut-on comprendre que des antennes locales de Radio Mauritanie comme celles de Kaédi, Maghama ou encore Sélibaby émettent entre 60% et 80% de leur programme en arabe ; Cela ressemble à s’y méprendre au modèle centralisateur et assimilationniste du jacobinisme par lequel la France coloniale nous avait imposé sa langue. L’officialisation de toutes nos langues nationales serait une panacée pour corriger de tels déséquilibres
Quelques années après l’assassinat de Lamine Mangane, membre de TPMN, une structure que vous présidez par ailleurs, où en est l’enquête ?
L’enquête en est toujours au point zéro. Bala Mangane, le père du jeune garçon, avait déposé plainte, dès le lendemain de l’affaire, par l’intermédiaire de son avocate Me Fatimata Mbaye. Mais selon celle-ci, il n’y a jamais le moindre début de l’exécution d’une quelconque instruction. Interpellée sur l’affaire à l’Examen Périodique Universel (EPU) de Novembre 2015, la Mauritanie avait répondu qu’une enquête avait été diligentée et qu’elle avait conclu à un non-lieu, ce qui est évidemment faux. La famille et TPMN courent toujours pour que justice soit rendue à ce jeune martyr de la citoyenneté pour tous.
TPMN a été un fer de lance dans la dénonciation du recensement biométrique des populations. Quelle appréciation vous en faites quelques dizaines d’années après ?
Le temps nous a donné raison. L’Etat, à travers les commissions mises en place dans les régions dans les départements et communes de la vallée du fleuve, reconnait implicitement le tort fait à ces populations, Mais dix ans après, il faut avouer que l’exclusion de l’état-civil continue de plus belle pour bon nombre de Noirs de Mauritanie. De fait, le combat de TPMN reste plus que jamais d’actualité jusqu’à ce que chaque Mauritanienne et chaque Mauritanien puissent obtenir ses papiers d’état-civil sans entraves dues à son appartenance ethnique et/ou statut social.
Quelle évaluation faites-vous des deux ans du président Ghazwani ?
Ce sont deux années perdues durant lesquelles le Président a bénéficié non seulement d’un état de grâce de la part de l’opposition mais également d’un immense espoir de changement de la part des populations. Mais il ne les a pas malheureusement mises à profit pour travailler mais à nous distraire avec l’affaire Aziz. Pour ne rien arranger la pandémie du covid 19 est arrivée avec la gestion opaque, calamiteuse et clientélistes des immenses fonds dédiés à la lutte contre la maladie. Puis il y a les concours, les nominations et les mouvements au sein des administrations des forces armées et de sécurité qui renforcent chaque jour que Dieu fait l’exclusion sur la base de l’appartenance ethnique et raciale. L’inflation continue de frapper de plein fouet le pouvoir d’achat de nos compatriotes qui sont de plus en plus nombreux à ne plus pouvoir assurer leur pitance quotidienne. On me rétorquera que le climat politique est apaisé avec l’opposition mais cela n’a malheureusement aucune incidence sur le panier de la ménagère.
Quels rapports entretiennent aujourd’hui les deux CVE ? Sont-elles parvenues à concocter une contribution commune pour le dialogue politique en vue ?
Nous entretenons des rapports de cordiale fraternité et nous essayons autant faire se peut d’accorder nos violons pour l’essentiel. Nous travaillons ensemble mais également avec nos autres partenaires de la CCPOD à l’élaboration d’une plateforme commune de l’opposition.
Propos recueillis par Dalay Lam
Préparatifs des concertations politiques : Premier tour de table

Les acteurs politiques de la majorité et de l’opposition ont tenu, le mercredi 27 Octobre, une réunion préparatoire au lancement des concertations politiques. Maîtresse d’œuvre, la présidence de l’UPR a, semble-t-il, ratissé large. Plus de trente partis, mouvements politiques et personnalités indépendantes étaient conviés à ce premier tour de table. Rencontre d’échanges, selon diverses sources, sur les périphéries des prochaines concertations. On s’est juste contenté d’écouter les différents points de vue, évaluer le rapport majorité-opposition et fixer le cadre du dialogue, en explorant son format et son chronogramme, la composition du comité de pilotage et sa présidence, etc. Le retour à Nouakchott, il y a quelques jours, de l’ex-candidat à la présidentielle de 2019, Sidi Mohamed Boubacar, entrerait-il dans les manœuvres de positionnement autour de celle-ci ?
Aux termes de longs discours parfois « hors sujets », cette première rencontre a donc permis de jauger le point de vue des acteurs politiques mauritaniens. Et marque, même si le débat est resté très général, le début « des choses sérieuses ». Avant de se séparer, les participants se sont donné une à deux semaines pour approfondir leur contribution et permettre ainsi d’actualiser la feuille de route concoctée par les partis politiques.
On notait l’absence du président de l’APP, Messaoud ould Boulkheïr qui a préféré envoyer un représentant. Du côté du RFD, c’est l’avocat Yakoub Diallo qui a représenté le parti : il pilote depuis quelque temps ce dossier « technique ». Comme on l’a déjà constaté, le président Ahmed ould Daddah s’est mis quelque peu en retrait. Du côté de l’UFP, c’est Mohamed ould Khlil qui a représenté son parti, le président Maouloud étant actuellement à l’étranger.
Éclosion, enfin, d’un long processus enclenché depuis Février 2020 avec la mise en place du cadre de concertation des partis politiques représentés à l’Assemblée nationale ? La lutte contre le COVID en était l’argument, le président Ghazwani ayant appelé à un consensus autour de la pandémie. Lesdits partis avaient saisi la perche pour parler d’autres enjeux nationaux qui ne pouvaient, en fait, être débattus qu’à travers un dialogue national inclusif. Un cadre que quitteront d’ailleurs quelque temps Tawassoul, principal parti de l’opposition démocratique, et l’AJD/MR du président Ibrahima Sarr. Tous deux dénonçaient les visées, « pas du tout claires » de ce processus et le peu de « lisibilité » de ses actions.
Ces partis restent, comme l’APP, « très réticents et prudents ». Iront-ils jusqu’à boycotter les concertations ? La question reste posée. Plusieurs observateurs redoutent une division de l’opposition, comme ce fut l’ordinaire des dialogues précédents. Parallèlement à la mise en place dudit cadre, le principal parti de la majorité présidentielle avait enclenché un processus de concertations internes sur les questions nationales, comme l’unité et la cohésion sociale. Des actions qui ne pouvaient qu’aboutir à un dialogue politique inclusif pour se donner du poids auprès du président de la République.
Vers un nouveau pacte républicain ?
Ce dialogue politique inclusif était également réclamé par plusieurs partis de l’opposition. En effet, la dernière présidentielle avait fait apparaître une fracture au niveau national, à travers la candidature de la Coalition Vivre Ensemble (CVE),portée par le docteur Kane Hamidou Baba, et celle de Biram Dah Abeïd, dénonçant tous deux la « marginalisation » de la composante noire du pays et accusés, en conséquence, de « communautarisme ». Le malaise apparu au lendemain de la proclamation des résultats de l’élection, le lourd dossier du passif humanitaire, la place des langues nationales dans le système éducatif et l’administration et la question récurrente de l’esclavage et de ses séquelles n’ont cessé de constituer comme un goulot d’étranglement pour le pouvoir. La tenue, en début d’année scolaire, de concertations sur le système éducatif et ses recommandations interrogent par ailleurs bon nombre d’observateurs.
Toutes ces préoccupations ne peuvent, selon lesdits acteurs politiques, trouver un consensus qu’au sein d’un dialogue politique sérieux et inclusif. Mais le président Ghazwani s’y était opposé, pensant que l’ouverture des portes de son palais aux acteurs de l’opposition suffirait à normaliser les relations entre son pouvoir et celle-ci. Or nombre de ses acteurs espèrent beaucoup plus que des entretiens privés. Ils veulent un véritable changement d’avec le régime et les pratiques de gouvernance de son prédécesseur.
La persistance de celles-ci, déplorables, le recyclage d’anciennes figures aziziennes, les lenteurs et hésitations dans la gestion du dossier d’Ould Abdel Aziz tendirent l’atmosphère entre les deux camps. Le président de la République se dit alors prêt à accepter des « concertations politiques » avec l’opposition. Mieux, de déclarer que son gouvernement en accompagnerait le processus et mettrait en œuvre les recommandations de ses participants. De leur côté, les leaders de huit partis dont Messaoud ould Boulkheïr affirmaient, lors d’une conférence de presse commune, que ce serait le « dialogue » ou rien. Les uns et les autres conviendront ensuite que les deux formules veulent dire la même chose et en engageaient enfin les préparatifs.
Ce troisième dialogue politique va-t-il permettre de refonder la Mauritanie, mettre en place un nouveau pacte républicain ? Cela suppose que les acteurs politiques mauritaniens de tout bord acceptent de débattre sans passion des questions qui minent le socle de l’unité nationale. Ils doivent comprendre que la Mauritanie ne doit laisser aucun de ses fils au bord de la route. L’école républicaine dont parle le président Ghazwani ne peut servir de fuite en avant ni de prétexte à un nouveau tour de vis.
Perceptibles depuis quelques années, diverses pratiques donnent l’impression à certains mauritaniens d’être étrangers en leur propre pays. Le dialogue doit permettre au pouvoir de repartir sur un bon pied, corriger les insuffisances accumulées et, partant, relancer l’espoir suscité chez les Mauritaniens par l’élection d’Ould Ghazwani, après une décennie de régime trop centralisé, gabegie et exclusion. Les acteurs politiques lui déblayeront le terrain à travers ces concertations. Pourvu qu’il en soit ainsi !
Dalay Lam
le calame