Les Forces Progressistes du Changement (FPC) Mauritanie

Monthly Archives: September 2021

L’Appel de Manifestation du Cadre de Concertation des Rescapés Mauritaniens

Répondant á l appel de protestation du Cadre Concertation des Rescapés Mauritaniens en Europe et aux Etats Unis (CCRM-E/USA) contre la nomination du Général Ely Zaid Ould MBareck au poste de chef de la Task Force conjointe pour Bangui, les membres Muritani Min Njejjttaa (MMN) et ses alliés ont organisé une manifestation au siège des Nations Unies á New York où se déroule la 76 eme Session de l’ Assemblée Générale. Selon des sources concordantes et fiables, le Général Ely Zaid est un bourreau responsable de nombreux actes de torture y compris le meurtre du Lieutenant Yaya Sarre. Par conséquent, les rescapés et les familles des victimes estiment que Général Zaid est moralement et légalement inapte à servir les Nations Unies dont la mission est de promouvoir la paix, la sécurité, les droits de l’homme et l’état de droit. Il est á rappeler que ses actes de tortures s’inscrivent dans le cadre d’ une tentative de génocide planifié par le gouvernement Mauritanien, qui est plus préoccupé par la protection des préparateurs comme l’ atteste la loi d’amnistie n° 93-23 du 14 juin 1993, que de respecter le droit á la justice des victimes. A travers le Général Zaid, notre protestation vise tous ceux qui sont couverts cette loi scélérate. Les rescapés et les victimes des familles ont vécu l’annonce de la nomination du General Zaid comme une onde de choque “qui nous a fait revivre les premières heures de notre souffrance en tant que veuves terrifiées par les exécutions sauvages de nos maris,” a émotionnellement fait remarquer Aissata Niang, Présidente de MMN. Ce sentiment a été renforcé par le poignant témoignage du Lieutenant Mansour Kane, rescapé de torture, qui a vécu dans son âme et sa chair ces traitements inhumains et dégradants.C’ est pourquoi, dès que les victimes ont appris la nouvelle de sa nomination, leur réaction a été immédiate. Elles ont alerté les services compétents au sein de l’ONU dont le bureau du Haut-commissariat aux Droits de l’Homme des Nations Unies à Nouakchott qui a contacté des rescapés pour collecter leurs témoignages. Sur cette base, nous nous attendions au moins, à ce que la nomination soit au moins ajournée dans l’attente d’une enquête de moralité.Quelle ne fut pas notre déception lorsque nous apprîmes la confirmation de sa nomination à travers des images choquantes dans les media. Cela a ravivé la peine des survivants qui font face à des cicatrices psychologiques et physiques indélébiles, comme un couteau double tranchant remué dans une plaie. Alors maintenir sa nomination sans tenir dûment compte de tels témoignages reviendrait purement et simplement à soutenir le bourreau contre ses victimes, et de choisir la politique au détriment des droits de l’homme. Cela va être un mauvais précédent qui sapera inévitablement la foi des gens dans la mission des Nations Unies. Considérant le poids écrasant des témoignages, nous espérons que, comme les affaires précédentes, il est impératif que les services compétents de l’ONU fassent les vérifications nécessaires pour découvrir la vérité. Nous gardons espoir que les mesures appropriées seront prises au nom de la justice. La réalisation d’ une telle justice demande les condition suivantes:1. L’annulation de la nomination du Général Ely Zaid Ould MBareck sur la base des allégations sérieuses de violations des droits contre lui.2. L’ abrogation de la loi d’amnistie n° 93-23 du 14 juin 1993 pour protéger les auteurs de ces graves crimes. Et la création d’une commission d’enquête indépendante pour faire lumière sur les crimes commis durant la période 1986 á 1992.3. L’application totale des accords tripartites relatifs au retour organisé des refugies Mauritaniens signé par le Sénégal, la Mauritanie et le Haut Commissariat des Nations Unies. Enfin nous remercions tous ceux qui ont effectué le déplacement pour soutenir cette demande de justice des victimes qui continue d’ être ignorée par le gouvernement. Nos remerciements particuliers á Elinor Pettay, Black Panther Movement Harlem Chapter et á Dr. Michelle James, John Jay College et Criminal Justice pour leur présence hautement appréciée. New York, le 20 Septembre 2021

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Mauritanie : Ould Ghazouani recule de deux pas sous la pression populaire et celle de l’opposition

Kassataya – Le président mauritanien surprend les observateurs en révélant ce début de semaine lors de l’ouverture des états généraux du secteur du BTP à Nouakchott, la création d’un mécanisme national d’importation des produits de première nécessité pour lutter contre la hausse récurrente des prix. Par ailleurs, Ould Ghazouani n’exclut aucun sujet tabou lors de la prochaine concertation nationale faisant allusion au passif humanitaire.

En effet, le règlement du passif humanitaire constitue le talon d’Achille de tous les locataires du palais de Nouakchott depuis la chute du génocidaire Ould Taya en 2005. Le seul président élu démocratiquement en 2007, SIDIOCA a été renversé en 2008 par le général Ould Aziz.

Élu en 2009, il arrête le processus de rapatriement des réfugiés au Sénégal. 20000 seulement sont entrés officiellement. Et depuis, près de 15000 réfugiés au Sénégal et au Mali attendent leur retour et leur réintégration en Mauritanie.

C’est une page sombre de l’histoire mauritanienne qui ne sera fermée qu’après une réconciliation nationale à laquelle les victimes des déportations de 1989, les veuves et orphelins des 28 soldats assassinés en 1991 à Inal, appellent de tous leurs vœux.

En succédant à Ould Aziz qui a soldé le passif humanitaire, Ould Ghazouani n’a pas fait mieux. En prenant l’initiative d’une concertation nationale, la coordination des députés de la majorité et de l’opposition entend traiter toutes les questions d’intérêt national sans tabous.

L’occasion est belle avec les assises nationales sur le secteur du BTP pour le chef de l’Etat qui n’exclut pas un débat ouvert à tous les problèmes des Mauritaniens. Les observateurs pointent une pression de l’opposition dont le parti pour la défense de l’Environnement qui vient de claquer la porte de la coalition qui regroupe 7 partis.

Pour autant la question du passif humanitaire ne peut être réglée par une concertation par définition n’engage pas forcément le pouvoir à accepter ce qui sera dit et ce qui sera retenu. C’est une question de rapport de force pour l’instant favorable à la majorité malgré la volonté de l’opposition à aller plus loin que les années précédentes.

La seconde pression est populaire avec en première ligne les femmes Leaders dans la rue tous les mercredis à Nouakchott, les femmes de la Sebkha et les femmes à Nouadhibou réclamant la diminution des prix des denrées alimentaires.

En créant un mécanisme national d’importation des produits alimentaires, Ould Ghazouani marque des points et répond aux attentes des ménages pauvres qui devraient pouvoir vivre plus dignement. La covid-19 n’explique pas tous les malheurs des Mauritaniens.

Cherif Kane

Manifestation à New York pour protester contre un général tortionnaire mauritanien nommé par l’ONU (images)

Senalioune – Des citoyens mauritaniens ont manifesté, ce lundi devant le siège des Nations Unis à New York, pour protester contre la nomination d’un général tortionnaire, Ely Zaid Ould M’bareck, à la tête du commandement des casques bleus de la Minusca.

Ely a été promu au Grade de Général en mars dernier. Ould M’bareck a commandé auparavant la première Région militaire en 1990 ou plusieurs soldats negro-mauritaniens ont été torturés.

Le lieutenant Yahya Sarre, un negro-mauritanien de Niabina, a été arrêté sous des fausses accusations. Il sera torturé ensuite tué par Ely Zaid Ould M’bareck à Bir-Mogrhrein en novembre 1990.

Le régime mauritanien l’a toujours protégé en lui donnant le commandement de l’exercice militaire américain « Flintlock 2020 » qui s’est tenue en février 2020 à Atar au nord du pays.

Cette manifestation est organisée par Muritani Min Njejittaa basée aux Etats Unis. Une organisation qui regroupe des victimes du génocide de 1990, des veuves et orphelins.

Les manifestants ont appelé à la révocation du général par le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, et que la justice soit faite à l’égard de tous les militaires tortionnaires en Mauritanie.

Alioune Ly

Au Mali, une nouvelle guerre d’influence entre la France et la Russie

France24 – Les discussions sur le déploiement de paramilitaires russes au Mali ravivent de vieux souvenirs pour Bamako qui, fut un temps, collaborait étroitement avec Moscou. Une situation perçue d’un mauvais œil par la France.

Une présence “absolument inconciliable” avec celle des troupes françaises. Le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a vertement réagi, mercredi 15 septembre, à la possibilité d’un accord entre le Mali et le sulfureux groupe paramilitaire russe Wagner pour le déploiement de mercenaires dans le pays.

Selon l’agence Reuters, un contrat serait sur le point d’être signé entre la milice proche de Vladimir Poutine et la junte malienne pour le déploiement de plusieurs centaines de personnels russes, chargés de former les soldats maliens et d’assurer la protection de certains hauts dirigeants.

Ce possible rapprochement entre la Russie et le Mali n’est pas sans rappeler l’étroite collaboration sécuritaire et économique nouée entre les deux pays du temps de l’URSS. Un sujet délicat pour Paris et Moscou qui ravive des tensions historiques.

L’URSS, “un vieux rêve malien”

Le 23 octobre 2019, plus de quarante chefs d’État africains sont réunis à Sotchi lors du sommet Russie-Afrique. Un événement historique par lequel Vladimir Poutine compte officialiser le réengagement de la Russie sur le continent africain.

Présent sur place, le président malien, désormais déchu, Ibrahim Boubacar Keita se lance dans une offensive de charme : “Nous avons besoin que votre amitié se manifeste dans un domaine dont chacun sait que vous êtes champion, la lutte contre le terrorisme. Vous l’avez dit vous-même que vous êtes qualifié dans ce domaine monsieur le président Poutine. Cette qualification, nous en avons besoin aujourd’hui.”

Embourbé depuis 2012 dans une lutte sans fin contre les jihadistes, le pays connaît depuis plusieurs années une dégradation de sa situation sécuritaire malgré l’opération antiterroriste internationale Barkhane, dirigée par la France au Sahel. Épisodiquement, des manifestations éclatent pour demander le départ des troupes françaises. Des manifestations où fleurissent parfois des drapeaux russes.

“Il existe un vieux rêve malien, actuellement brandi par les courants dits patriotes, de voir le pays rompre avec la France pour embrasser une coopération avec Moscou”, explique Niagalé Bagayoko, docteure en science politique, spécialiste des questions de sécurité en Afrique francophone.

“Ce vœu renvoie à une vision fantasmée de la coopération nouée avec l’URSS et le bloc soviétique, notamment sur le plan militaire, par le président Modibo Keïta et poursuivie par son successeur Moussa Traoré. Il est également véhiculé par la France, qui ne cesse de dire que la Russie veut prendre sa place.”

Au début des années 1960, qui marquent la fin de l’ère coloniale pour la plupart des pays d’Afrique, l’URSS s’engage dans une stratégie d’alliances sur le continent.

Le bloc soviétique se trouve alors un parfait allié en la personne du premier président malien, Modibo Keïta, socialiste, qui souhaite rompre avec l’ancienne puissance coloniale. L’URSS reprend alors la recherche de ressources minières, jusqu’ici gérée par la France, et fournit en parallèle équipements et formation militaires au pays.

“L’URSS, qui bénéficiait d’un énorme territoire riche en ressources, avait peu d’intérêts économiques sur le continent. Ses investissements avaient, avant tout, pour but d’utiliser l’Afrique comme théâtre d’influence dans un contexte de guerre froide avec l’Occident”, décrypte Anastasiya Shapochkina, maîtresse de conférences en géopolitique à Sciences-Po, spécialiste de la Russie.

Au Mali comme dans le reste de la région, ces investissements massifs restent largement déficitaires pour les Soviétiques, dont l’expérience africaine se solde par un échec.

Réengagement russe

Après la chute de l’URSS en 1991, la Russie, ruinée, se recentre sur elle-même. Durant la décennie suivante, elle se concentre sur sa sphère d’influence privilégiée, constituée par les pays de l’ex-bloc soviétique. Mais à partir de 2012, alors que le Mali part en guerre contre les islamistes qui ont pris le contrôle du nord, Bamako va tout faire pour progressivement renouer une alliance militaire avec Moscou.

Le gouvernement signe d’abord un accord avec l’exportateur d’armes russe Rosoboronexport pour l’achat de 3 000 fusils d’assaut Kalachnikov pour un montant de près d’un million d’euros. Bamako, qui souhaite renouveler une partie de son équipement militaire russe acquis à l’époque soviétique, entame des négociations plus poussées avec Moscou.

En 2016, à la suite de la visite du vice-ministre russe des Affaires étrangères, Mikhaïl Bogdanov, au Mali, Moscou fait don de deux hélicoptères à l’armée malienne précisant alors que “d’autres équipements vont suivre”. En juin 2019, le président Ibrahim Boubacar Keïta conclut un accord militaire de défense avec la Russie.

“L’intensification des liens militaires est dans l’intérêt de nos deux pays”, commente alors Sergueï Choïgou, le ministre russe de la Défense, soulignant que Moscou souhaite contribuer à la “création de conditions pour une paix et une stabilité durables”.

Tensions avec la France

Si la France observait avec une certaine méfiance le réengagement russe au Mali, le gouvernement s’était jusqu’ici abstenu de critiques trop appuyées considérant la lutte contre le terrorisme comme la priorité ultime.

Mais pour Jean-Yves Le Drian, les discussions sur le déploiement des paramilitaires russes constituent aujourd’hui une ligne rouge : “Wagner, c’est une milice (…). (Ils) se sont illustrés dans le passé en Syrie, en Centrafrique, avec des exactions, des prédations, des violations de tous genres qui ne correspondent pas à une solution quelconque”, a déclaré le chef de la diplomatie française, laissant planer la menace d’un retrait total du soutien militaire français au Mali.

“Cette réaction renvoie, à mon sens, une image de puissance qui est plus intéressée par le contrôle de son pré carré que par la lutte contre le terrorisme”, estime Niagalé Bagayoko.

“Du côté de la junte malienne, par contre, c’est un coup de maître qui permet de séduire une partie de l’opinion et d’affirmer l’indépendance du pouvoir. Dans ce contexte où la France prépare une réduction graduelle de ses effectifs militaires, les Maliens jouent sur la rivalité franco-russe pour faire monter les enchères. Toutefois, je pense que cette stratégie a ses limites car la Russie n’a aucun intérêt à aller combattre les terroristes au Sahel.”

Une analyse partagée par Anastasiya Shapochkina : “Malgré la rhétorique, l’Afrique représente un partenaire marginal pour la Russie et Vladimir Poutine n’a aucune envie de reproduire les erreurs du passé. En envoyant des milices en Afrique francophone, il veut avant tout montrer un pouvoir de nuisance pour que la France ne s’ingère pas dans ses affaires intérieures. C’est pourquoi la Russie utilise un groupe comme Wagner, contrôlé par le Kremlin, mais qui n’a pas d’existence légale et ne représente, à ce titre, aucun engagement de la part du pouvoir. C’est un groupe dont l’Occident a bien raison de se méfier car c’est une mafia motivée par l’appât du gain dont le bilan dans la lutte antiterroriste est extrêmement contestable.”

Jouant sur les mots, la Russie nie toute implication dans des pourparlers : “Il n’y a aucun représentant des forces armées russes là-bas (…) et aucune négociation officielle n’est en cours”, déclarait, le 16 septembre, à la presse, Dmitri Peskov, le porte-parole du président Poutine. La France a, depuis, lancé une offensive diplomatique auprès du pouvoir malien et a quelque peu adoucit sa position.

“Notre priorité est de pouvoir poursuivre la lutte contre le terrorisme et nous espérons que les conditions dans lesquelles nous l’avons lancée ne serons pas modifiées à l’avenir”, a déclaré la ministre de la Défense, Florence Parly.

Texte par : David RICH

OMVS : Les étapes d’une expertise exemplaire : 1 – 1972/2000 : l’ambition à l’épreuve des réalités

L’Organisation de Mise en Valeur du Fleuve Sénégal (OMVS) fêtera en mars 2022 le cinquantième anniversaire de sa création. L’occasion pour Le Calame de revisiter le parcours de cette organisation symbole d’une intégration sous-régionale réussie.

Le mois de décembre 2013 aura marqué l’histoire sous-régionale, avec l’inauguration du barrage hydroélectrique de Félou et la pose de la première pierre du chantier du barrage de Gouina, deux nouveaux sites d’exploitation,par l’OMVS, du fleuve Sénégal, en présence des quatre chefs d’Etat (Guinée, Mali, Mauritanie et Sénégal) gestionnaires associés de son bassin. Source de toute vie, l’eau construit, pour le pire et le meilleur, la société internationale…

Elle en est, de fait, la sève. C’est au milieu de ses cours qu’elle fait, ordinairement, partage, et, de l’équité de celui-ci, découlent les relations entre les nations. De sa bonne gestion, la santé et l’harmonie sociale, avant toute autre considération socio-économique. En tissant, depuis plus de cinquante ans, un réseau d’obligations et de services réciproques, du plus local au plus global, en faisant preuve d’autocritique et d’adaptation à l’imprévu, l’Organisation de Mise en Valeur du fleuve Sénégal (OMVS) a développé une vraie communauté de vie, fondement indispensable de toute intégration régionale durable. Mais cela n’a pas été sans mal – le potentiel de l’eau submerge toujours nos plans –  et bien des efforts restent à accomplir.

Dès les premiers pas, la difficulté s’est imposée en maîtresse. La fondation, en mars 1972, de l’OMVS, par trois des quatre pays riverains du fleuve – Mali, Mauritanie et Sénégal,la Guinée de Sékou Touré ayant, à l’époque, décidé de suivre des voies plus retranchées (1) – s’est, en effet, effectuée en pleine crise climatique. Quatre années, déjà, que le Sahel était en cycle de profonde sécheresse et toute la vallée était dévastée. Dans ce contexte où le repli sur soi et la compétition éventuellement belliqueuse pour la survie constituaient des risques majeurs, ces Etats choisissaient la voie de la solidarité.

Rendons, ici, justice à l’Histoire et au colonisateur. Il faut avoir l’honnêteté de reconnaître ce que celui-ci aura déblayé, de cette voie, dans la gestion du fleuve Sénégal. Certes, ses études de mise en valeurde la vallée eurent, longtemps, de strictes visées de domination, ainsi qu’en témoignent le « Plan de colonisation agricole » de 1802 ou les « Instructions nautiques entre Saint-Louis et Kayes » de 1908. Mais le souci, au demeurant plus technique que politique, de cohérence et de cohésion fait apparaître, au cours de la première moitié du 20ème siècle, des vues beaucoup plus amples : Projet d’Union Hydroélectrique Africaine (1927) ; Mission d’Etudes et d’Aménagement du Fleuve (1934) ; Mission d’Aménagement du fleuveSénégal (1938)…

Après la seconde Guerre mondiale, cette MAS évolue dans le mouvement des indépendances. Organisme commun au service des pays riverains en 1959, elle débouche sur divers accords internationaux : Convention relative à l’aménagement général du bassin (1963), instaurant un Comité Inter-Etats (CIE) chargé de promouvoir et coordonner toutes les études s’y rapportant ; Convention sur le Statut du fleuve (1964) ; Statut général de l’Organisation des Etats Riverains du fleuve Sénégal (OERS, 1968), amendé, deux ans plus tard, à Conakry, par la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement.

D’innovantes mais solides bases juridiques et institutionnelles

Les quatre conventions qui vont présider, deux années plus tard, à la fondation de l’OMVS, dépassent tous les cadres existants d’exploitation de bassin fluvial, donnant, au projet, une réelle et très innovante dimension d’intégration régionale, grâce à la prééminence accordée au processus coopératif et à la mutualisation des décisions et des efforts. L’internalisation du fleuve (2), la propriété commune de grands ouvrages (barrages et centrales hydro-électriques) et le principe d’accord unanime (3), pour toute nouveauté affectant le projet global, sont les trois points les plus saillants de cette approche. Le souci d’équité est partout visible. Si la répartition des coûts voit le Mali s’investir à hauteur de 35,3%, la Mauritanie 22,6 et le Sénégal 42,1, celle des bénéfices escomptés en suit la logique : Mali, 52% de la production hydro-électrique, irrigation de 15 000 hectares de terre et désenclavement assuré, grâce à la navigabilité du fleuve ; Mauritanie, 15% de la production hydro-électrique et irrigation de 120 000 hectares ; Sénégal, 33% de la production hydro-électrique et irrigation de 240 000 hectares.La définition de quatre volets d’action – agriculture, énergie,environnement et navigation– permet d’entrevoir la durabilité du développement proposé.

Dotée d’une personnalité juridique indépendante et de ressources humaines conséquentes, l’organisation reste cependant solidement cadrée par les Etats-membres, engagés, sans équivoque, dans son fonctionnement. L’OMVS est, ainsi, chapeautée parla Conférence annuelle des chefs d’Etat et de gouvernement qui définit les grandes orientations et prend les décisions économiques générales, le tout à l’unanimité de ses membres. La conception et le contrôle des actions relèvent du Conseil semestriel des ministres, tandis qu’un Haut-commissariat (4) en applique les décisions et rend compte des résultats.

1972-1994 : méfaits de la pensée fragmentée

Si l’énoncé des missions de l’OMVS voit poindre une attention aux réalités écolo-sociales localisées – préserver l’équilibre des écosystèmes du bassin, réaliser l’autosuffisance alimentaire des populations de la vallée, sécuriser et améliorer leurs revenus, notamment – l’époque est encore très largement dominée par les priorités macro-économiques et cette pensée mécaniste qui s’acharne à mesurer le progrès agricole en tonnes de production à l’hectare. On ne perçoit, en aucune manière, sinon, de façon trop parcellaire, les potentiels conflits d’intérêts entre les diverses missions assignées à l’organisation interétatique. On ne suit, pas plus, les retombéesen cascadedes barrages monumentaux (Diama, 1986 ; Manantali, 1987) sur les écosystèmes et, par voie de conséquence, sur les établissements humains qui en sont parties étroitement prenantes, en dépit d’une disposition statutaire stipulant que « les projets devront faire  apparaître leurs incidences sur […] l’état sanitaire des eaux, les caractéristiques biologiques de sa faune  et  de  sa  flore […] ». A un niveau de décision plus globale – les grandes institutions internationales – on ne tient aucun compte des  lourdes perturbations causées, par le Programme d’Ajustement Structurel (PAS) – libéralisation des importations de céréales et désengagement de l’Etat de son soutien aux cultures irriguées, par exemple – sur un projet de si grande ampleur. Enfin, réalité d’un Sahel entré tardivement dans la modernité, de grosses lacunes subsistent, dans l’appréhension pratique et la conduite, au quotidien, des logiques techniques.

Les résultats d’une telle fragmentation des actions et de la pensée commencent à s’enchaîner dès le début des années 90. Salinisation accélérée du delta, en aval du barrage de Diama ; invasion, en amont, des plantes aquatiques, obstruant canaux d’irrigation et stations de pompage,gênant la circulation des pirogues et détruisant de nombreuses frayères où s’assurait la reproduction des poissons; surdéveloppement de l’avifaune, notamment granivore qui pille jusqu’à la moitié des récoltes ;pullulation des insectes, notamment l’anophèle, vecteur du paludisme, qui connaît un spectaculaire accroissement ; et des mollusques, hôtes privilégiés du schistosome, vecteur quant à lui, de la bilharziose, tandis que diverses autres maladies hydriques – choléra, diarrhées, onchocercose et filariose lymphatique, chez les humains ; fasciolose ouparamphistomose, au sein du bétail – prennent un caractère endémique, affectant dangereusement le quotidien des populations riveraines.

Le changement brutal de la valeur et du régime du foncier, multipliant les conflits spéculatifs, entre les populations riveraines (5) ; la fin, tout aussi brutale, des cycles naturels de crue et décrue, peu ou prou compensée par d’inadéquats lâchers de barrage, perturbant gravement l’agriculture traditionnelle ; le coût, faramineux, de l’aménagement des périmètres rizicoles où l’emploi, massif, d’engrais et de pesticides a pollué les eaux ; le retard, considérable, dans la mise en valeurdes terres irriguées, ou leur abandon pur et simple, faute de financement ;débouchent, au tournant du 21ème siècle, sur un constat accablant, ainsi résumé par la Banque Africaine de Développement (BAD) : « La riche vallée du Sénégal est devenue la région la plus pauvre du pays ». Faillite des volets agricole et environnemental, inactivité des volets énergie et navigation : l’OMVS est submergée par la complexité des problèmes, ne parvient pas à mettre en œuvre de bonnes solutions et, exsangue, se révèle incapable de rembourser ses dettes.

Tournant du siècle et début du redressement

Les bailleurs rechignent, alors, à poursuivre leur appui et ce n’est qu’au prix de longues et fastidieuses négociations que les trois Etats-membres de l’OMVS parviennent à arracher le financement de la première tranche du volet énergie. Deux clauses de l’accord vont se révéler particulièrement déterminantes : d’une part, la fondation de deux sociétés chargées de la gestion financière des ouvrages, y compris le remboursement des dettes contractées pour leur réalisation, et le recours, d’autre part, à une entreprise privée, pour leur gestion technique. Les Société de Gestion de l’Energie de Manantali (SOGEM) et Société de Gestion et d’Exploitation de Diama (SOGED) voient ainsi le jour en 1997, tandis que  l’entreprise sud-africaine ESKOM se voit attribuer, sur appel d’offres, la responsabilité technique des ouvrages hydro-électriques.

Mais c’est surtout la capacité d’adaptation de l’OMVS qui va, ici, se mettre en évidence, avec la mise en œuvre, en 1999, d’un Programme d’Atténuation et de Suivi des Impacts sur l’Environnement (PASIE), bientôt officialisé par une Déclaration de Nouakchott. Financé par la BAD, la Banque Mondiale (BM), l’Agence Française de Développement (AFD) et l’Agence Canadienne de Développement International (ACDI), le PASIE entreprend une réforme profonde de l’organisation, en mettant en place plusieurs outils de suivi et de concertation, en prise directe sur la réalité du terrain, comme l’Observatoire de l’Environnement, la Commission Permanente des Eaux (CPE), les Comités Nationaux de Coordination (CNC) et les Comités Locaux de Coordination (CLC). La leçon de la première étape de l’aménagement de la vallée semble avoir été tirée : aucun projet d’envergure ne peut se développer harmonieusement et durablement sans une attention constante à son évolution, en communication étroite et permanente entre le local et le global.

(A suivre)

                                                                                                              Ahmed OuldCheikh

NOTES

  1. Suite au différend entre les présidents sénégalais et guinéen, lors de la crise de Guinée-Bissau (1970).
  2. Une solution, ingénieuse mais incomplète, à l’aberration qui avait consisté à situer la frontière sénégalo-mauritanienne sur la rive droite du fleuve.
  3. Article 4 de la convention Statut : « aucun projet susceptible de modifier, d’une manière sensible, les caractéristiques du régime du fleuve, ses conditions de navigabilité, d’exploitation agricole ou industrielle, l’état sanitaire des eaux, les caractéristiques biologiques de sa faune ou de sa flore, son plan d’eau,  ne  peut  être  exécuté  sans  avoir  été,  au  préalable, approuvé  par  les  Etats contractants ». C’est en respect de cette clause que le Sénégal renoncera, en 2000, à son projet de revitalisation des vallées fossiles, auquel la Mauritanie s’opposait résolument.
  4. Huit hauts-commissaires se sont succédé à sa tête : Mamadou Amadou Aw (1975-1979), MoctarOuldHaïba (1979-1987), Mohamed Ag Hamani (1987-1992), Baba Ould Sidi Abdallah (1992-1998), CheikhnaSeydiHamadi Diawara (1998-2002), Mohamed Salem Merzoug (2002-2013) et KabinéKomara (2013-2017), Hamed Diagne Semega (2017-en cours). Le sixième, Mohamed Salem Merzoug, s’y est à ce point distingué, qu’il y aura été effectué, à l’unanimité des chefs d’Etat, près de trois mandats (quatre années chacun) successifs. Il restera, dans les mémoires, comme l’exemplaire artisan du redressement de l’OMVS, exécutant rigoureux et fidèle des réformes pensées sous ses deux prédécesseurs.
  5. A cet égard, la réforme foncière de 1983, en Mauritanie – deux ans après la pose de la première pierre du barrage de Diama, trois ans avant sa mise en service : un timing difficilement attribuable au fortuit – abusant des déshérences conjecturelles consécutives à la sécheresse des années 70, aura été le principal ferment des évènements de 89-92.

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