Les Forces Progressistes du Changement (FPC) Mauritanie

Monthly Archives: June 2013

Samory Ould Bèye, SG de la CLTM: «Messaoud Ould Boulkheir était notre Mandela national… Ce n’est plus le cas aujourd’hui»

Samory Ould Bèye, Secrétaire Général du Syndicat Libre des Travailleurs mauritaniens (CLTM) et membre fondateur du parti El Moustaqbel, est l’une des figures de proue de la lutte contre l’esclavage et pour la reconnaissance des droits des harratines. Entretien.


Samory Ould Bèye, SG de la CLTM: «Messaoud Ould Boulkheir était notre Mandela national… Ce n’est plus le cas aujourd’hui»
 

Quelles appréciations faites-vous de la situation aujourd’hui des travailleurs en Mauritanie ?

Samory Ould Bèye : la situation du travailleur mauritanien est critique, aussi bien dans le secteur public que privé. Dans le public, les droits des travailleurs sont en quelques sortes compressés. Ses heures supplémentaires ne sont pas payées, ses primes et les avantages des missions ne sont plus respectés. Du coté du secteur privé, la situation est pire. À peu prés 80 % des travailleurs n’ont pas de contrat de travail et vivent dans l’instabilité de l’emploi et de la précarité. Ils sont confrontés à ces pratiques arbitraires et abusives quotidiennement que ça soit au niveau du secteur minier, du BTP que du secteur agricole. Les normes de travail ne sont plus respectées, la réglementation internationale du travail en vigueur est bafouée, aucun conseil d’administration ne prévoit la représentativité des travailleurs…

Que pensez-vous de la crise entre les dockers et les autorités, et de son dénouement ?
 
C’est une situation grave à multiples visages. Sur le plan juridique, on assiste à une violation des textes qui régissent le travail puisque l’accord qui a été fait n’a pas concerné les syndicats, et en plus il a été signé directement entre le ministre et les employés.

Tout cela a été conduit exprès pour fragiliser les organisations syndicales. Cela visait aussi à créer d’autres problèmes pour deux objectifs, à savoir détruire le syndicat et avoir un groupe instrumentalisé à des fins politiques dans une vision électoraliste. Alors que des dockers ont été soutenus financièrement après avoir eu accès aux medias officiels pour s’en prendre aux organisations légalement constituées, les autres groupes des dockers s’activent sous l’égide des autorités. Pendant la fête des travailleurs du 1er mai, les groupes des dockers constitués en dehors des structures syndicales ont été autorisés à défiler sans une couverture légale dans un pays soi-disant de droit. Ils scandaient des slogans favorable à Ould Abdel Aziz, ses photos en bandoulière. Il y avait même la présence d’un de ses conseillers dans la marche. C’est un groupe reçu plusieurs fois par le ministère de l’équipement alors qu’il n’est pas légal.

Ceci est une tentative pour diviser les dockers et fragiliser les structures syndicales. Mais cela n’arrivera pas. Le ministre a trahi aussi son engagement après avoir signé un accord avec les structures syndicales des dockers. Comment se fait-il que, trois semaines après un compromis, une commission du ministère de l’équipement débarque au port pour réviser la liste des dockers professionnels dans un soi-disant but d’en extraire les personnes âgées, les militaires retraités entre autres. Ceci nous ne l’acceptons pas, et nous travaillerons pour l’empêcher. D’ailleurs, conséquemment, la situation au Port est toujours difficile.

La situation des dockers se résumerait-elle à une sorte d’esclavage moderne ?

La situation des dockers montre aussi un autre visage de cette Mauritanie de l’injustice et de la discrimination. Ça prouve en réalité que la communauté harratine se trouve dans une situation particulière par rapport aux autres communautés dans la mesure où la majorité de la population est harratine (environ 80%). Tous les travaux misérables sont réservés aux harratines. La Mauritanie connait depuis son indépendance un déséquilibre entre les communautés. Cette situation doit être corrigée en premier lieu, à travers des politiques nationales qui permettront à l’ensemble des communautés nationales de s’impliquer dans la gestion des affaires du pays et en second, de bénéficier des richesses nationales à travers une clé de répartition raisonnable. La situation dans laquelle vit la communauté harratine aujourd’hui dans le domaine social et économique est assimilée aux pratiques de l’esclavage.

Je ne dirai pas moderne mais classique. Après 50 ans d’indépendance, le pays doit être assorti des bases d’un Etat-nation qui assure à tous les Mauritaniens, les chances égales et le traitement de droit. Cet Etat doit aujourd’hui assumer toutes ses responsabilités et les conséquences qui peuvent découler des erreurs historiques commises par la classe dominante. Parce qu’il y a un contrôle quasi absolu de cette classe de toutes les fonctions importantes, dans le partage des richesses, la gestion des institutions de l’Etat… et qui gère un système d’Etat basé sur la discrimination, d’exclusion et d’exploitation de l’homme.

Qu’a apporté Samory et compagnie ou plutôt, votre parti El Moustaqbel à la communauté harratine ?

Nous avons beaucoup fait pour la communauté harratine et ça remonte depuis le temps d’El Hor. Jamais nous n’avons cessé de lutter pour un meilleur devenir de cette communauté ; et nous continuons ce combat pour les droits des harratines dans ce pays. Nous avons commémoré l’anniversaire du mouvement El Hor cette année avec une particularité : nous avons produit un livre blanc pour la première fois, sur des questions relatives à la harratanité. Nous avons combattu le système à travers des déclarations, des prises de positions, des documents, des communiqués à travers les médias, des discours… Nous avons contribué à la prise de conscience, de l’éveil des harratines.

Sur le terrain de la lutte pour les droits des haratines, vous semblez peu visible, contrairement à Biram Ould Abeid…

Il faut distinguer notre combat et celui de Biram. Lui, agit en qualité d’un défenseur des droits de l’homme en s’attaquant aux problèmes de l’esclavage. Mais El Hor pose l’équation en termes de problème de communauté, en termes de projet de société. Notre parti n’aborde pas seulement le problème de l’esclavage, mais celui de toute la communauté haratine. Comme d’ailleurs nous abordons les problèmes de l’ensemble des autres communautés du pays, soumises à l’exploitation et au déni de droit.

La nouvelle création du parti RAG, ne consacre-t-elle pas une énième division des harratines ?

Ceci est vrai. Cela est arrivé malgré nous, malgré la nécessité impérieuse de s’unir, de nous renforcer les uns les autres. Aujourd’hui on est en face de cette décomposition mais cela va à l’avenir connaitre une autre figure. Puissent les harratines prendre plus de maturité et s’unir autour d’un seul et unique idéal. Les prémices d’un tel état de fait étaient visibles le mois dernier quand une conférence a été organisée à la Maison des jeunes à l’issue de laquelle tous les harratines quelques soient leurs organisations ont adhéré à un document appelé « le manifeste harratine » qui est un message fort adressé au système en place dans le pays.

Croyez-vous à l’unité des harratines au moment où l’élite affiche des divisions profondes dans des problèmes de leadership ?

Quand il y a la maturité, cette prise de conscience pour l’unité, que ça soit au niveau de l’élite, ou au niveau de la base, devient très facile. Je ne dirai pas que les harratines vont se regrouper dans un seul cadre mais ce sera l’unité d’action des différentes composantes harratines. Les prémices commencent à clore.

Le torchon brûle-t-il toujours entre El Moustaqbel et Messaoud Ould Boulkheir ?

Nous sommes en divergence avec lui sur des questions de fond. Faut-il rappeler qu’à la création d’El Hor vers les années 90 et 91, nous l’avons placé comme premier responsable de notre mouvement. On a fait de lui Notre Mandela National. On avait espoir que notre Mandela conduira notre projet à bon port et qu’il nous sortira des sentiers battus. Malheureusement cela n’a pas était le cas. Rappelez-vous que pendant l’avènement parlementaire en 2007, Messaoud avait tenu dans un très grand meeting un discours dans lequel il avait annoncé la fin de son combat pour le règlement du problème harratine. Il avait soutenu en substance que c’est à l’esclave désormais de se libérer ou de rester esclave. Cela nous avait profondément choqués.

Pendant les élections de 2009, il tiendra des propos qui l’éloignent du projet de ses amis en présentant des excuses aux morts à la place des harratines. Aucun harratine n’a jamais commis un crime… Nos divergences avec lui ont atteint un nouveau pallier lors des journées de concertation suite aux résultats présidentielles. Nous avons déclaré que les maures n’ont jamais voté pour les harratines. Messaoud a changé de veste et il a été frustré et déclarera la dissolution d’El Hor. C’est en ce moment que j’ai écrit une lettre critique sur la situation du pays et de la condition des harratines que j’ai envoyée au Secrétaire des Nations Unies. Cette lettre a changé la donne. Plus tard, Ould Abdel Aziz m’appellera pour connaitre les raisons de cette lettre. Il dira être prêt à négocier, prêt à se rendre dans les adwabas pour voir la condition de la population. Même des leaders de nationalistes arabes sous la férule d’Abdoul Salam Ould Horma sont venus me voir pour discuter.

C’est à partir de cela que Messaoud s’est rendu auprès de Aziz pour lui dire de contenir Samory qui agissait contre lui, qui sème la zizanie dans le mouvement des jeunes, des femmes de l’APP. Il s’est tourné vers les coordinateurs régionaux pour discuter de ma situation et me discréditer à leurs yeux. Ceci n’a pas marché. D’ailleurs, la majorité des harratines m’ont donné raison. Notre Mandela n’est plus ce Mandela qu’on espérait tant. Il a abandonné les causes des gens au milieu du chemin, au moment où la pression des esclavagistes, et du système de l’Etat se fait fort.

Comment se porte votre formation politique ?

Nous sommes là. Il n’y a pas une sortie de la COD où les membres d’EL Moustaqbel ne prennent la parole. Ils développent un discours très clair sur le déséquilibre national, l’unité nationale et prennent part aux débats et aux émissions. El Moustaqbel est en pleine campagne d’implantation. Le parti va surprendre les Mauritaniens à l’image de l’ancien parti Action pour le Changement (AC).

A voir l’activité des structures syndicales, la votre n’est-elle pas un peu absente du champ de bataille ?

La CLTM est diabolisée. Elle est victime du Système. Pour autant, elle est sur le terrain. Nous avons des positions de principe. Nous ne faisons de la propagande comme certains. Les actions menées pour un meilleur traitement des travailleurs dans les sociétés, c’est la CLTM. Celles qui sont menées au port, c’est toujours la CLTM. Les activités avec les autorités portuaires, c’est avec la CLTM seule. La force principale au niveau du port c’est la CLTM.

 
 
Source: Le calame 

Flamnet-Agora: Diaspora et developpement par Fatimétou SOW DEYNA

altEn 2005, la population mondiale comptait 200 millions de migrants, soit 3% en valeur relative. Ce phénomène, qui a doublé durant les 25 dernières années, a essentiellement comme point de départ le sud et comme espace d’accueil, les pays du nord.

Confronté deux siècles plutôt, avec la traite négrière, au même phénomène de départ massif de ses populations, le continent africain a tenté, cette fois ci avec les pays du nord, de décourager les nombreux candidats à l’émigration clandestine. Différentes mesures ont été prises allant de la sensibilisation au financement de projets en faveur des jeunes dans leurs pays d’origine. Ceci, après que des milliers d’Africains ont péri en mer en voulant emprunter des pirogues de fortune pour se rendre en Espagne. Au Sénégal, ce phénomène est défini sous le vocable très suicidaire de «Barça ou Barsakh» (Barcelone ou la mort). La Mauritanie n’est pas épargnée. Malgré les risques encourus, de nombreux africains en quête d’Eldorado, ont fait des côtes mauritaniennes leur point de départ vers l’Espagne.

Mais, outre le combat pour décourager le flux migratoire clandestin de ses populations vers le nord, la Mauritanie se doit aussi de réfléchir sur le sort des Mauritaniens vivant hors du territoire national. Il s’agit de voir comment les faire participer dans le développement de leur pays.

Une équation que beaucoup d’autres pays en voie de développement tentent de résoudre. Le Sénégal qui compte un nombre important d’émigrés à travers le monde, veut faire de la diaspora sa quinzième région. Récemment, des experts des Nations unies se sont penchés sur la question à l’occasion d’une assemblée générale de l’organisation mondiale.

«La diaspora n’est ni vache à lait ni solution miracle »

On retient de leurs réflexions que la diaspora a un rôle essentiel à jouer dans le développement de son pays d’origine. En effet, au moment où l’Aide publique au développement stagnait à 105 milliards de dollars en 2005, les envois de fonds s’élevaient à 167 milliards dollars sur la même période. Il existe plusieurs types de diaspora dont les plus productifs sont ceux qui ont quitté leur pays pour des raisons politiques, tandis que les émigrés économiques accomplissent des tâches qui n’exigent pas de hautes qualifications. Chaque diaspora a des spécificités qu’il faut identifier pour pouvoir créer un lien productif entre elle et son pays d’origine.

Mais, la diaspora n’est ni une vache à lait ni une solution miracle.

En effet, les ressortissants d’une diaspora ne peuvent rien faire de productif dans leur pays d’origine s’ils n’y trouvent pas des relais et des réseaux de soutien. Il faut aussi qu’au sein des diasporas, qu’il y ait un cadre qui permette à leurs membres de se rencontrer et d’identifier ensemble les secteurs dans lesquels ils pourraient se lancer avec succès.

Mais, ce serait une erreur de faire reposer de manière disproportionnée, nos espoirs de développement sur les seules épaules de la diaspora.

Fatimétou SOW DEYNA, Journaliste

Spécialiste en média et en relations publiques

www.flamnet.info

Flamnet- rétro:11 juin, voilà 3 ans qu´il nous quittait. Quand Murtudo Diop rendait hommage aux FLAM avant sa mort

MoURToUDO diop et kaaw touréTout d’abord je remercie ALLAH Seigneur des mondes de m’avoir donné l’occasion de témoigner brièvement sur FLAM, en tant que témoin et acteur de l’histoire. En dépit des toutes les tentatives de liquidation par les gouvernements racistes et esclavagistes mauritaniens, FLAM a survécu contre vents et marrées, et continue de porter haut et fort le flambeau de l’espoir, la flamme de la liberté, de l’égalité et de la justice, car l’état mauritanien est le dernier bastion de l’apartheid en Afrique de l’Ouest, mais un apartheid sournois et hypocrite. Les responsables mauritaniens n’ont cessé jusqu’ici de créer des actions néfastes et de les enterrer par le mensonge ; ils utilisent la religion pour légitimer l’injustice ; Mais un célèbre politicien américain avait bien dit : « On peut tromper un peuple en un temps, une partie du peuple tout le temps ; mais on ne peut pas tromper le peuple tout le temps ».

Halte au génocide biométrique

altDeux ans après son lancement, l’opération d’enrôlement des populations, initiée par le régime de Mohamed Ould Abdel Aziz, n’en finit pas de démontrer son caractère raciste et discriminatoire à l’endroit des populations noires du pays. Si les conditions de l’enrôlement avaient été allégées du fait de la contestation menée par Touche pas à ma nationalité, les complications pour les populations noires ont repris de plus belle dans l’ensemble des centres d’accueil du citoyen à travers le pays où l’obtention de la moindre pièce d’état-civil est un véritable parcours du combattant pour les plus chanceux et un mirage pour bon nombre d’autres.

Cette exclusion systématique des citoyens noirs de l’enrôlement et de l’accès aux nouvelles pièces d’état-civil dites sécurisés a atteint son paroxysme avec le traitement réservé à la diaspora négro-mauritanienne d’Europe dont la mauritanité est soumise à la présentation d’une pièce délivrée par un autre Etat, en l’occurrence la carte de séjour du pays d’accueil, condition d’autant plus révoltante qu’elle n’est exigée nulle part ailleurs dans les centres ouverts dans les autres régions du monde.

Touche pas à ma nationalité :

          condamne avec la plus grande vigueur ces pratiques discriminatoires et racistes que l’on peut qualifier de génocide biométrique puisqu’il s’agit d’épurer les registres de l’état-civil de la composante noire du pays

          rappelle le caractère dangereux de telles pratiques qui hypothèquent l’existence même du pays

          exprime sa solidarité avec les membres de la diaspora que le régime raciste cherche à transformer en apatrides

          exige le traitement digne et égalitaire de tous les mauritaniens dans l’accès à l’enrôlement et aux titres dits sécurisés.

Nous engageons nos militants et sympathisants à se mobiliser pour mettre fin au caractère discriminatoire et raciste de l’enrôlement et annonçons une série d’activités dont la première est un sit-in que nous organisons en partenariat avec d’autres organisations de la société civile devant le palais présidentiel ce mercredi 12 juin 2013 à partir de 10 heures.

La coordination.

Ladji Traoré, secrétaire général de l’Alliance Populaire Progressiste (APP) : ‘’L’affaire des journaliers est très grave, c’est une abdication de l’Etat devant sa fonction essentielle de direction du travail’’

altLe Calame : Que pensez-vous de la gestion,  par le gouvernement, de la grève, à Zouérate, des  journaliers de la SNIM, que la Majorité impute à la COD ?

Ladji Traoré : Tout d’abord, je vous remercie beaucoup, je remercie le Calame de l’honneur qu’il me fait de m’interroger sur des questions d’une actualité aussi brûlante. Mais, concernant celle que vous me posez, sachez que vous vous adressez, avant l’homme politique, à un syndicaliste. Je vais donc commencer par vous donner la réponse d’un syndicaliste.

Rappelez-vous : la MIFERMA, en 1971, avait six cents travailleurs occasionnels journaliers. Et ce n’est qu’après la grève de 1971-72 que ces six cents ont été embauchés, tous ensemble, obtenant, de surcroît, un certain nombre d’avantages sociaux, comme la construction de logements, à Zouérate, et l’édification de ce qu’on appelle, à Nouadhibou, la « cité-chômage ». Ce n’est donc pas la première fois de son histoire que la SNIM a recours à de la main d’œuvre occasionnelle. Mais il y a un autre problème, aujourd’hui, avec ce type de main d’œuvre. De plus en plus, les entreprises opérant en Mauritanie – nationales, comme la SNIM, ou étrangères, comme celles qui viennent de s’installer – passent, au lieu d’embaucher directement les travailleurs, par des intermédiaires, des tâcherons ou des bureaux de placement, pour recruter. C’est devenu une véritable profession, vous le savez, un immense business. Je sais qu’on essaie, aujourd’hui, de faire passer, dans l’opinion, l’idée que l’embauche directe n’est pas nécessaire et que ce sont les sociétés elles-mêmes qui préfèrent passer par ces intermédiaires-là. De mon point de vue, c’est très grave, c’est une abdication de l’Etat devant sa fonction, essentielle, de direction du travail, qui consiste à recenser le potentiel de main d’œuvre et de techniciens et à les placer, en priorité, dans les sociétés qui viennent s’installer chez nous, sans passer par des intermédiaires. Le fond du problème est là. Etre embauché et déclaré à la sécurité sociale, toucher un salaire régulier, correspondant à sa qualification, bénéficier des soins de santé et d’une pension de retraite garantie, c’est vraiment mieux que de passer par des accords circonstanciels. Je pense donc que le problème vient de loin. Ce n’est seulement que les accords aient été mal gérés par l’administration, non, il y a un problème de fond, il s’agit du statut du travailleur dans ce pays. Qu’on abolisse, sinon minimise, dans un cadre strictement défini, le travail intérimaire et qu’on embauche directement les citoyens avec des salaires et autres droits complets, telle en est la solution.

– Entre la COD qui conditionne sa participation aux élections à la formation d’un gouvernement d’union ou d’ouverture, une majorité présidentielle qui le refuse et déclare que les élections auront lieu, quoiqu’il advienne, à la date fixée par la CENI,  et  un président de l’Assemblée nationale qui tente de rapprocher les positions, le dialogue auquel chacun se dit disposé a-t-il encore une chance ?

Avez-vous lu le document de compromis national du président Messaoud ? Si vous l’avez lu personnellement, vous comprenez bien que je sois, moi, secrétaire général de l’APP, convaincu de la valeur de cette initiative. Nous avons le plaisir d’y avoir associé un panel important de gens et de structures : association des maires, société civile dans son ensemble, patronat, centrales syndicales et, naturellement, tout le personnel politique. A l’heure où je vous parle, personne n’a dit qu’il n’est pas d’accord pour le dialogue. Mais le dialogue ne se déroule pas dans la rue, il faut que les partenaires trouvent un agenda, puissent s’asseoir, se parler et arriver à des compromis nécessaires. C’est la position de Messaoud Ould Boulkheïr, moi-même et notre parti. Nous ne sommes pas pressés, nous sommes convaincus que le dialogue est incontournable, dans les conditions actuelles du pays, si l’on veut aller en paix, vers des élections inclusives et justes. Et là, nous, nous posons notre condition. Il faut que le recensement soit revu, parce que l’enrôlement n’est pas réalisé correctement. Ni à l’intérieur du pays ni, surtout, à l’étranger. Nous voulons que les Mauritaniens de l’intérieur, comme les Mauritaniens de l’étranger, participent à ces élections. C’est leur droit fondamental. Nous pensons qu’il ne faut priver aucun mauritanien, où qu’il se trouve, de ses droits. Le recensement est mal fait, il y a des blocages qu’il faut lever rapidement, avant le recensement à vocation électorale (RAVEL) et disponibiliser les cartes d’identité à temps. Il y a trop des gens recensés depuis longtemps qui attendent encore leur carte d’identité  et l’on entend dire, comme je l’ai lu dans une interview ce matin même, que les cartes produites et distribuées ont rapporté 2,5 milliards d’ouguiyas. Mais ce n’est pas une opération commerciale ! Ce n’est pas une affaire, c’est un travail citoyen, c’est un travail politique. Il faut permettre à tous les Mauritaniens de se faire recenser et de participer régulièrement aux élections. Nous, c’est le préalable que nous posons à tout. Le reste, nous pensons que c’est à la classe politique, quand elle va s’asseoir autour d’une table, de trouver un compromis – il est nécessaire – et d’apporter des solutions apaisantes pour le pays.

– En dépit des manœuvres et publications, par les protagonistes, de leur vision sur les élections, le facilitateur qu’est  le président Messaoud  garde un silence troublant, pour la classe politique. Vous qui l’approchez, pouvez-vous dire, à l’opinion qui  guette sa sortie, dans quel état d’esprit il est aujourd’hui ; en bref, qu’est-ce qu’il mijote ?

– Je vous remercie. Je pense, comme je l’ai toujours dit, que nos collègues les journalistes sont trop pressés. Comment le président Messaoud peut-il lancer une initiative aussi importante, audacieuse et compliquée – parce que faire s’asseoir, autour d’une même table, la COD, la CMP et la CAP, discuter et arriver à compromis n’est pas chose aisée – sans prendre le temps que cela doit prendre ? Il faut donner du temps au temps.

– Mais il y a des élections qui approchent à grands pas ?

Nous pensons, justement, qu’il ne revenait pas à la CENI de fixer, de manière unilatérale, la date des élections. La CENI doit faire preuve de sagesse, suivre l’évolution de la scène politique, les tractations et opérations en cours, comprendre, en définitive, vers quoi se dirige la classe politique et non pas fixer, comme ça, de manière unilatérale, la date, imposer un calendrier… Non, ce n’est pas dans ses prérogatives ; non, ce n’est pas son rôle. Son rôle, c’est de s’assurer que l’ensemble des conditions politiques, civiles et techniques sont remplies, pour fixer la date. Nous pensons que nous en sommes loin, surtout au plan politique.

– La COD a choisi, depuis quelque temps, d’accabler le pouvoir qu’il accuse de transformer la Mauritanie en narco-Etat. Ne pensez-vous pas que son attitude perturbe le climat de dialogue ? 

Monsieur Dalay Lam, je vis, comme vous, cette atmosphère pénible, je suis plus ou moins informé que les gens de la COD mais je suis, en tout cas, de ceux qui n’aiment pas jeter de l’huile sur le feu. Quand on veut négocier, on doit s’abstenir de raviver les flammes. Sinon, on a vu, autour de nous, au Mali, dans tout le Sahel et jusqu’au golfe de Guinée, ce qui peut résulter d’une telle attitude. Nous ne sommes pas des boute-au-feu, bien au contraire, nous voulons la paix et nous nous efforçons d’apaiser la tension.

– Pour autant, le pouvoir peut-il faire fi des revendications de l’opposition,  relatives aux garanties de transparence des élections ?

Bon, les boute-au-feu ne viennent pas d’un seul côté. Nous l’avons déploré et le président Messaoud l’a dit au président Aziz, nous l’avons dit en maintes interviews : nous estimons que le rôle du président de la République est de rassembler tous les Mauritaniens, rassembler l’ensemble de la classe politique mauritanienne, afin de parvenir aux indispensables compromis pour aller à des élections pacifiques, inclusives et transparentes ; mettre, en suivant, le pays sur les rails, comme le prévoit les négociations antérieures. Tout le monde sait qu’en matière de démocratie, nous en sommes au tout début. Le devoir nous commande patience et négociation. Pour le moment, nous demandons, aux uns et aux autres, de nous aider à trouver un agenda consensuel, pour que s’ouvre, le plus rapidement possible, les négociations vers la sortie de crise.

– Le président de la République vient de désigner le général Negri pour commander les troupes mauritaniennes qui seront envoyées au Mali. Qu’en pensez-vous ?

Je pense que ce qui se passe au Mali, c’est, d’abord, une crise de la zone sahélienne. La Mauritanie est directement concernée par la recherche de la paix et la sortie de crise dans ce pays voisin et frère, tel que le souhaite l’ensemble des pays africains et de la sous-région. La Mauritanie doit être le porte-drapeau de cette initiative-là, aller sur le terrain, pour contribuer à la réconciliation entre les Maliens. Certes, nous avons accueilli le MNLA chez nous, en Mauritanie, mais nous ne devons pas être partie prenante, ni pour le MNLA, ni pour le gouvernement malien. Nous devons respecter et l’intégrité territoriale du Mali et la nôtre propre, parce que, qui dit intégrité territoriale du Mali pense aux débordements éventuels. Quant à la spécificité de votre question, je pense que le général Negri sera à la hauteur, parmi ses pairs, pour contenir et cantonner les protagonistes, éviter des débordements et des massacres ; veiller à la paix et à la souveraineté du Mali. Je crois que, sur ce plan, la Mauritanie a un grand rôle – peut-être même, le premier – à jouer.

– L’Alliance Patriotique a, dans une sortie récente, dénoncé l’« achat des consciences », alors même que la campagne n’a pas commencé. N’est-ce pas inquiétant ?

– Si, il y a des choses qui nous inquiètent, j’aurais dû le dire tout de suite. J’ai évoqué, tantôt, les difficultés que les citoyens éprouvent pour se faire recenser et il y a des gens qui en profitent pour acheter des consciences. Avec les lenteurs dans le retrait des cartes, pour les citoyens déjà recensés, ça laisse de la place, à certains politiciens ou à des commerçants, je ne sais pas, qui les conduit à distribuer de l’argent aux citoyens démunis – par exemple, une famille de dix à quinze personnes qui peinent à mobiliser le montant nécessaire pour retirer leurs cartes. Les irrégularités constatées, dans le recensement, la distribution des cartes d’identité et des passeports, ont ouvert la voie au commerce que nous dénonçons. Nous pensons que l’état-civil doit jouer son rôle et ce n’est, évidemment pas, une fonction commerçante, alors que l’agence se glorifie d’avoir récupéré 2,5 milliards d’ouguiyas. C’est surprenant. Ses responsables disent même que l’argent récolté pourrait déjà rembourser le coût du projet et de l’administration. On parle de quoi, là ? D’un service public ou d’un business ? Comme je l’ai dit, le rôle de l’état-civil, c’est un devoir citoyen, c’est à-dire, garantir, à tous les nationaux mauritaniens, d’avoir des pièces d’identité pour pouvoir se déplacer et voter, dans des conditions sécurisées. Oui, il y a grand commerce et nous le dénonçons.

– A votre avis, d’où vient-il, ce commerce ?

Il vient du côté des gens qui y ont intérêt. Des gens qui ont de l’argent, les gens qui veulent transformer la politique – une affaire d’idéal et de programme qu’ils n’ont pas – en une affaire de sous. Nous ne faisons pas partie de cette catégorie et nous dénonçons ces pratiques qui n’ont rien à avoir avec la politique.

Propos recueillis par Dalay Lam


Source: Le Calame