Daily Archives: 02/09/2011
Bruxelles: appel à manifester le 15 septembre
Manifestation le 15 Septembre 2011 à 11h devant les Institutions Européennes à Bruxelles (Rond – point Schuman) de la Communauté Mauritanienne de Belgique :
Pour dénoncer le caractère raciste, discriminatoire et esclavagiste du pouvoir ould Abdel Aziz à l’encontre des populations noires de Mauritanie.
La Coordination des Mauritaniens de Belgique.
Mauritanité ! Qu’en dit l’histoire ?La construction politique de la Mauritanie : 1946-1960 (suite)
La construction politique de la Mauritanie : 1946-1960
Imaginée en Décembre 1899 par l’administration coloniale, la construction du cadre historique et géographique de la Mauritanie s’est poursuivie jusqu’en 1944. Mais c’est en novembre 1946 que commence sa construction politique. A l’instar des ressortissants des autres colonies, les Mauritaniens sont appelés à voter pour élire leurs représentants : un Député à l’Assemblée Nationale Française, un Sénateur et un Conseiller au Grand Conseil de l ‘Union de l’Afrique de l’Ouest. Ces élections symbolisaient le début d’une individualisation politique et territoriale par rapport au Sénégal.
Nous avons choisi de mettre en lumière cette période (1946 – 1960) très importante de l’histoire de notre pays, paradoxalement peu connue, alors qu’elle met en scène un nombre impressionnant d’acteurs dont certains, encore en vie ou disparus aujourd’hui, ont accepté d’être pour nous il y a un peu plus de vingt cinq ans de grands témoins. Des témoignages corroborés et complétés par des sources consignées dans les Archives nationales de Mauritanie et du Sénégal. C’est donc une période sensible, très sensible, voire trop sensible qui a vu naître les premières formes d’organisations politiques, les premiers enjeux de lutte pour la conquête, le contrôle du pouvoir et finalement notre présent.
L’élection de novembre 1946 : premier test pour la Mauritanie, premières frictions.
En 1945, l’annonce des prochaines élections avait suscité des hostilités entre Maures et Noirs. Les documents d’archives (Sous – série 2 G 45 : 134, Archives Nationales du Sénégal) indiquent cette unanimité chez les Maures que « le représentant de la Mauritanie ne saurait être un Noir »; et qu’ils commençaient à manifester une volonté de renouer avec le monde Arabe, évoquant un « éveil de la race Maure …… et le désir d’être rattachés de fait au Maroc ».
Les Noirs de la vallée du Fleuve Sénégal et du Hodh, qui se sentaient très attachés à leurs frères de sang du Sénégal et du Soudan (actuel Mali), estimaient que « seule une candidature européenne pourrait partager les voix en Mauritanie ».
Deux candidats briguaient le suffrage des mauritaniens à l’occasion de cette élection.
D’un côté, Horma Ould BABANA, interprète, engagé en politique en 1944 en adhérant au Bloc Africain de Lamine GUEYE et L.S. SENGHOR. Ce parti, affilié à la Section Française de l’Internationale Ouvrière (SFIO) n’avait pas obtenu de grands succès auprès des populations de la vallée lors d’élections précédentes. A l’occasion de la campagne électorale d’août 1946, Lamine GUEYE et SENGHOR parcoururent le long de la vallée, et partout ils présentèrent Horma comme un chérif, un descendant du Prophète à qui devrait revenir de fait la députation d’un territoire dont les habitants sont des musulmans. Il avait déjà le soutien des tribus du Tagant et une masse importante des Noirs de la Vallée, victimes des brimades des chefs de cantons locaux.
De l’autre Yvon RAZAC administrateur français, candidat de l’administration coloniale.
A l’issue de l’élection de novembre 1946, Horma Ould BABANA est élu député de la Mauritanie par 6 076 voix contre 3 525 pour Yvon RAZAC.
En 1948, se créa une véritable fronde contre Horma, rassemblant les courants conservateurs Maures et Noirs ainsi que les tribus les plus engagées aux côtés de l’administration coloniale. Ses électeurs Maures se montraient «…impatients et, ne supportant plus l’influence noire, étaient (désormais) prêts à embrasser toute doctrine extrémiste quelle que soit l’étiquette pour couvrir leurs aspirations nationales » (source : 2 G 47 : 20, Archives Nationales du Sénégal, rapport politique du premier trimestre 1947, page 7). Tandis que les chefs traditionnels et une partie de l’intelligentsia Noirs de la Vallée se sentant trahis par l’administration coloniale et noyés dans un ensemble Maure, vont tenter de s’organiser en vue de défendre l’intérêt de leur communauté à travers un groupement politique.
L’apparition des premières formations politiques
– L’Union Générale des Originaires de la Vallée du Fleuve (U.G.O.VA.F) créée fin 1946 à Dakar. Elle connut trois phases :
En 1946, l’U.G.O.VA.F (U.G.O.F dans certaines sources) n’était qu’une simple association d’élèves et anciens élèves Haal Poular en et Soninko des deux rives, sortants pour la plupart de l’école Normale William Ponty, pour « créer un climat familial ». Présidée par Abdoulaye WATT, l’association comptait parmi ses membres : Thierno Saydou Nourou TALL, Samba GANDEGA, Aly Bocar KANE, Mamoudou Samba Boli BA, Moustapha TOURE, Ismail SY, Demba Labbo DIOUM, Aly Ciré BA, Boubou SALL…
En 1947, l’U.G.O.VA.F évolue pour défendre les intérêts de la communauté noire en territoire de Mauritanie et devient une association politique affiliée à la SFIO avec un seul objectif : Veiller aux intérêts des « fluviaux ». Le renouvellement de ses instances en 1948, verra apparaitre deux tendances qui occasionneront le départ des « futurs Mauritaniens » vers l’Entente Mauritanienne.
En 1951, Hamath BA, médecin en poste à Boghé sollicite et obtient le soutien de l’U.G.O.VA.F pour sa candidature aux législatives de 1951.
– L’Union Progressiste Mauritanienne (U.P.M). Créée en 1948 à Rosso, elle regroupait des chefs traditionnels, des fonctionnaires locaux et des administrateurs civils Français en service dans les Territoires du Sénégal et de Mauritanie. L’UPM se proposait de « réaliser l’union de tous les habitants de la Mauritanie, sans distinction de race ou de parti pour qu’ils deviennent éléments actifs de l’Union Française… ».
A sa naissance, il était présidé par Bouna Mokhtar, la vice-présidence était assurée par Sidi El Moktar N’DIAYE. Parmi ses membres les plus influents de l’époque, on peut citer : Mohamed Ould Daddah, Mokhtar Ould Daddah, Amadou Diadié Samba Diom BA, Thiécoura DEMBELE, Ahmed Saloum Ould HAIBALE, Abdallahi Ould Cheikh SIDIYA.
Patronnée par le Général de Gaulle et Abdallahi Ould Cheikh SIDIYA, l’U.P.M représentait une alliance de «grandes familles Maures et Noirs» avec une prédominance du Trarza et l’appui d’Émirs comme celui du Tagant Abderrahmane Ould Bakar Ould Soueid AHMED.
– L’Entente Mauritanienne, créée en 1950 par Horma Ould Babana à Rosso et une équipe de jeunes qualifiés de « socialistes » dont N’Diawar SARR, Di Ould Zein, Dieri SIDIBE, Harouna SALZMAN, Dey Ould Sidi BABA, rejoints par Samba GANDEGA et Mamoudou Samba Boli BA qui viennent de quitter l’U.G.O.VA.F. L’Entente ambitionnait de « faire évoluer le pays d’une structure archaïque et féodale vers un statut démocratique, avec l’aide de la France ». Le parti va s’affilier d’abord à la S.F.I.O, puis à l’Union Démocratique des Socialistes Républicains (U.D.S.R).
L’élection de Juin 1951 : un paysage politique redessiné
La perspective de l’élection de 1951 pour le renouvellement du siège de député représentant le Territoire de Mauritanie à l’Assemblée Nationale Française, fait naître un regain d’activités au sein des partis en présence.
Si l’Entente et l’U.G.O.VA.F n’eurent aucun mal à désigner respectivement Horma Ould Babana et Hamath BA comme candidats, du côté U.P.M, le choix du candidat ne fut pas simple : l’administration coloniale interfèrera et préfèrera Sidi El Moktar N’DIAYE.
En prélude à cette élection, l’UGOVAF tenta d’exploiter le sentiment d’insécurité, régnant au Gorgol et au Brakna surtout, créé par celui qui est présenté comme un brigand : Ould MSEIK ou MSEIKINE, de son vrai nom Mohamed Ould MSEIKINE qui s’attaquait principalement aux Haal pulaar en du Brakna. Cette politisation se fera par l’entremise des représentants locaux (Boghé) du Rassemblement Démocratique Africain (RDA) : Oumar BA et Mamadou Sada WANE. L’administration mettra fin aux jours de Ould MSEIKINE en 1952. Était-il brigand, manipulé ou révolté contre les injustices que subissaient les Haratines ?
A l’issue du scrutin de Juin 1951, l’U.P.M sort vainqueur avec 39 646 voix contre 23 323 voix pour l’Entente Mauritanienne et son candidat, Sidi El Moktar N’DIAYE, est donc élu Député. Mais cette victoire est contestée par les autres partis qui voient dans cette élection une mascarade orchestrée par l’administration coloniale visant à favoriser celui des candidats qui représenterait le mieux ses intérêts. En effet, depuis la découverte des mines de fer à Zouerate et de cuivre à Akjoujt, la France a beaucoup investi à partir de 1946 pour exploiter ces richesses. Cet engagement du capitalisme français s’accompagne désormais d’une ingérence dans les affaires politiques de la Mauritanie.
Ce qui n’a pas empêché l’UPM de connaitre une crise dès 1953, lors du choix du candidat au Grand Conseil de l’AOF. A la demande des Noirs de ce parti d’être représentés par Moktar TOURE, l’UPM imposera Souleymane Ould Cheikh SIDIYA. Celui-ci battra N’Diawar SARR de l’Entente par 22 voix contre 2 (Circulaire 338/INT – AP du 19 Avril 1952 et Série B55, Archives Nationales de Mauritanie). La base de ce parti reproche à ses dirigeants de faire preuve d’inertie. Sa jeunesse, sensible à la fermentation politique au Maghreb et en Afrique Noire va claquer la porte avec son chef de file Mohamed Ould JIDDOU et forme l’Association de la Jeunesse Mauritanienne (A.J.M) à Rosso avec Yacoub Ould BOUMEDIENE et Mohamed Ould JIDDOU. L’AJM restera un creuset d’idées et un foyer de formation politique de jeunes Maures hostiles à toute éventuelle intégration de la Mauritanie à l’Afrique de l’Ouest. Elle évoluera lentement mais progressivement vers un mouvement pan arabiste, voire pro marocain.
L’élection de 1956 : Nouvelle recomposition, affirmation plus claire des clivages
Pour ce deuxième renouvellement du poste de la représentation du Territoire de Mauritanie, trois candidats s’affronteront : Sidi EL Moktar N’DIAYE pour l’UPM, Horma Ould BABANA pour l’Entente et Mohamed Ould JIDDOU de l’A.J.M.
Sidi El Moktar NDIAYE remporte l’élection de janvier 1956 avec 106 000 voix contre 7 731 voix pour le candidat de l’Entente et 584 à celui de l’AJM.
Après cette défaite, l’Entente Mauritanienne implose :
– d’un côté Horma Ould BABANA rejoint le Maroc la même année et s’aligne sur les positions du parti Al Istiqlal de Allal El Fassi qui avait des visées territoriales sur la Mauritanie. Ces revendications, formulées en 1956, vont se préciser en 1957 et devenir officielles en 1958. Horma Ould BABANA va épouser ces revendications qui prendront un caractère armé (Armée de Libération Nationale) avec à leur actif le siège de la ville d’Atar et plusieurs attaques en Territoire mauritanien jusqu’à la veille du Congrès d’Aleg.
– de l’autre côté, certains Noirs de l’Entente forment, à Kaédi, le Bloc Démocratique du Gorgol (BDG) en 1956 et lorgnent de plus en plus les Fédéralistes comme SENGHOR qui propose une indépendance du Sénégal dans un cadre fédéral avec le Soudan (actuel Mali).
L’AJM de son côté ne s’en relèvera pas. Naitra de ses cendres la NAHDA, crée en août 1958 à Kaédi par Bouyagui Ould ABIDINE et Mohamed TAGHI avec un programme politique « révolutionnaire », inspiré des luttes du Machrek et du Maghreb. Seulement ce parti, composé exclusivement de Maures, était tellement pan arabiste qu’il finira par épouser l’idée du Grand Maroc, mettant en cause l’existence de la Mauritanie dans ses frontières de 1944.
La tension était tellement perceptible qu’un administrateur français a cru bon d’attirer l’attention d’un groupe de Maures en 1956 en ces termes « Si vous ne faites pas instruire vos enfants, les Noirs continueront à occuper toutes les bonnes places et l’on continuera à voir le médecin noir commander à l’infirmier maure » (Francis de CHASSEY : La Mauritanie 1900 – 1975).
Le Congrès d’Aleg : Mythe et réalités
Avec l’entrée en vigueur de la loi-cadre, chaque Territoire peut élire sa propre Assemblée Territoriale et un Conseil de Gouvernement. En Mauritanie ses élections auront lieu en 1957.
Pour l’élection du Conseil de Gouvernement, l’UPM présente la candidature de Mokhtar Ould DADDAh. il est élu en mai 1957 Vice-président du Conseil de Gouvernement. Son élection symbolise la continuité des bonnes relations entre la France et sa tribu, celle de Cheikh Sidiya Baba (Oulad Biéri). Son mariage avec une française renforce cette idée. Dès lors, la France ne pouvait craindre de lui une attitude contestatrice.
Mokhtar Ould Daddah forme alors un Conseil de Gouvernement (premier gouvernement de Mauritanie) composé de huit membres : Cinq Maures, deux Français et un Noir : Amadou Diadié Samba Diom BA au portefeuille technique de Ministre des Travaux publics.
Désormais, avec la confiance de la France, Mokhtar Ould DADDAH est « programmé » pour prendre en mains la destinée de la future Mauritanie. Maitre à bord du navire Mauritanie, il place alors l’unité nationale au premier plan de ses préoccupations, forme une équipe gouvernementale ouverte aux anciens de l’Entente, appelle les Mauritaniens « à faire ensemble la patrie» et convoque un congrès de regroupement des forces politiques : c’est le très célèbre congrès se tiendra du 2 au 5 mai 1958 à Aleg dont les deux premiers jours seront marqués par d’après discussions sur l’orientation politique et la conception du type d’État en Mauritanie. Le Congrès d’Aleg verra la participation de tous les poids lourds de la période 1946/1958 et confirmera le poids politique de certains autres éléments du Sud comme Youssouf KOITA, Dah Ould TEISS, Gaye Silli SOUMARE, Petit BA, Hamath NGAIDE, et Yaya KANE.
A l’issue de ce congrès, les participants optent pour la participation à la Communauté Française avec option pour l’indépendance, créent un nouveau parti, unitaire : le Parti du Regroupement Mauritanien (P.R.M, qui deviendra Parti du Peuple Mauritanien) et désignent un comité paritaire, composé de 4 Noirs et 4 Maures, chargé de réfléchir sur la cohabitation. Ce comité était dirigé par Gaye Silli SOUMARE et Mohamed Ould CHEIKH. Mais ses conclusions resteront lettres mortes. Deux tendances se dégagent alors parmi les congressistes Noirs. L’une, autour du Dr Moussa Sao, Abdoul Aziz BA, Racine TOURE, Bocar Alpha BA, prône la Fédération. L’autre choisit de jouer la carte de la Mauritanie unitaire, « trait d’union entre l’Afrique méditerranéenne et l’Afrique noire ».
Le 28 Septembre 1958, les Mauritaniens adhèrent par référendum à la Communauté et se dotent d’une Constitution le 22 Mars 1959 puis d’un deuxième Gouvernement de 10 membres, élargi à d’anciens militants de l’entente Mauritanienne. La représentativité des Noirs semble être fixée à un sur cinq. Ils sont deux : Amadou Diadié et Mamoudou Samba Boli BA qui occupe le portefeuille de l’urbanisme et de l’habitat.
Les revendications des noirs du Sud vont passer de la représentativité proportionnelle à la mise en cause de la cohabitation. Cette règle va se confirmer dans le 29 Septembre 1961 avec la nomination du troisième Gouvernement : Sur onze membres, seuls deux sont noirs, il s’agit de Bocar Alpha BA qui fait son entrée à la santé et Mamoudou Samba Boli BA aux finances.
L’évolution politique du pays va continuer à susciter des contestations qui ont conduit à la création des deux nouveaux partis, à assise régionale. D’un côté, l’Union Nationale Mauritanienne (U.N.M) créée en Juillet 1959 visait à « préserver les liens historiques avec la Fédération du Mali (Sénégal et Mali). Ses principaux animateurs étaient des mécontents du congrès d’Aleg : Ould KHATTRI , Abdoul Aziz BA, Tène Youssouf GUEYE et Yaya KANE. De l’autre, l’Union Socialiste des Musulmans Mauritaniens (U.S.M.M) créée à Atar en 1960. Mal connue, l’USMM exprimerait avant tout un particularisme régional de l’Adrar. Ce regain de régionalisme marque le climat politique de notre pays à la vieille de son accession à la souveraineté internationale. Plus tard, en 1963, avec l’Union Générale des Originaires de la Mauritanie du Sud (UGOMS) puis en 1966 avec le Manifeste des 19, des cadres de la Vallée réclamaient toujours une plus grande place pour les Noirs.
Le 28 novembre 1960, notre pays accède à l’indépendance nationale avec d’importantes réserves de cuivre et de fer surtout. Le minerai de fer de Fort – Gouraud (Zouerate) était estimé à 100 millions de tonnes d’un minerai titrant de 63 à 67% de fer, exploité par la société Française des Mines de Fer de Mauritanie (MIFERMA) dont l’État Français était actionnaire principal depuis juin 1952. Quant au cuivre d’Akjoujt, il est exploité par la société Française des Mines de Cuivre d’Akjoujt (MICUMA) depuis 1953.
A suivre, la cohabitation en collaboration avec Abderrahmane NGAIDE dit Bassel.
Boubacar DIAGANA & Ciré BA
SAMBA THIAM, PRÉSIDENT DES FLAM AUX ETATS UNIS : «Le recensement en Mauritanie pourrait engendrer de graves troubles»
Samba Thiam, un des leaders du Mouvement des Forces de Libération Africaines de la Mauritanie, Flam par acronyme, depuis les Etats Unis, est très inquiet du recensement qui est entrain de s’opérer en Mauritanie et qui met en marge les populations souvent noires, dont les Wolofs, les Peuls, les Soninkés, les Bambaras, les Harratines….au profit des Bhidans ou maures blancs qui constituent à 99% les commissions de contrôles et de recensement. Selon lui, « au regard des événements de 1989 qui avaient fini de semer une véritable psychose chez certaines populations, nées en Mauritanie et ne connaissant que la Mauritanie, et pourtant déportées, les risques sont encore là de créer des troubles pouvant secouer même le Sénégal».
LE PAYS – En quoi serait discriminatoire le recensement actuel à l’encontre des Mauritaniens noirs?
Samba Thiam : Il l’est par sa conception et dans son exécution ! Dans tous les pays du monde, ce genre d’operation, aussi importante que l’enrôlement en vue de la refonte d’un’Etat civil, s’accompagne généralement, d’une vaste sensibilisation, d’une large médiatisation en vue d’informer les populations, pour en maximiser, justement, le succès. Ce ne fut pas le cas de ce recensement qui a été concocté dans l‘ombre et l’opacité totale, et se mène presque en sourdine, comme si l’on cherchait à cacher quelque chose. Au ministere de l’interieur , on constitua un comité chargé de la supervision de l’operation, dont le premier responsable recevrait ses consignes non pas du ministre de l’interieur , mais de la Présidence de la République. Qu’est-ce qu’un président de la République vient chercher dans une ‘’ banale ‘’ histoire d’ opération de recensement« ordinaire » de population ? Ensuite , provocation ultime, alors que ce recensement est censé concerner toute la population mauritanienne, dans sa diversité ( Bidhaans , Wolofs , Pulaars, Soninkes , bambaras, Haratines), on crée un comité chargée de la supervision de l’opération, composé à 99% de Bidhaans, ou maures blancs, et des commissions régionales- à son image – toutes mono-ethniques ! Des commissions mono-ethniques chargées de recenser une population pluri-ethnique !
N’y a-t-il pas là quelque chose de suspect, à tout le moins de troublant ?!
Voilà qui explique, en partie , les inquiétudes grandissantes de la population négro-africaine, et cela dès le depart; dans la manière dont ce projet a été conçu; dans son éxecution qui s’accompagne d’humiliation, de provocation ; j’y reviendrai !Inquiétudes légitimes au regard de notre passé récent, marqué par des déportation et des exécutions sommaires; souvenirs douloureux ravivés par les propos d’un Ministre qui parle « d’épurer » le fichier; inquiétudes qui s’expliquent et se justifient par l’environnement d’une idéologie ambiante d’une « Mauritanie arabe » qui distille l’illusion que les Mauritaniens noirs seraient des étrangers venus du Sénégal ! Or l’histoire du peuplement, ici, prouve que les tard-venus dans ce pays ce sont bien les Berbères arrivés au 6e siecle et la fraction arabe – dont celle du président- venue seulement au 16e siecle , qui trouverent sur place les Gangaris et les Tekruurs ! En second lieu , ce recensement est apparu, par la suite, carrément discriminatoire dans son exécution, suscitant une levée de boucliers, un tollé général d’indignation , de la part des populations noires mauritaniennes! D’abord par les pratiques et comportements vexatoires des agents recenseurs qui n’affichent aucun égard pour les personnes âgées, sommées de justifier leur « mauritanité » en présentant les pièces d’état civils de leurs ascendants. Vous avez 45 ans et on vous demande de présenter l’acte de naisance ou de dècès de votre père âgé de 65 ans , dans une Mauritanie « officielle » vieille à peine de 51 ans ! Et ces agents du Gouvernement ne sont pourtant pas sans savoir que dans l ’Afrique, rurale, en général et en Mauritanie, en particulier, le recours aux « pratiques » d’actes d’état civil – déclaration de naissance, de décès – , n’est pas entré dans les mœurs ! Comme pour en rajouter , lorsque vous êtes né au Sénégal ou à l’étranger, vous êtes d’office rejeté, comme si on choisissait son lieu de naissance ! Rejeté aussi lorsque vous portez un nom qui sonne « étranger » , comme Ouedraogo par exemple; Ou encore parce que votre nom a été écorché ou déformé ! quelque fois à dessein, quelque fois involontairement par l’agent recenseur par déformation culturelle . Le paroxysme est atteint enfin, lorsque que le premier ministre des Finances de la Mauritanie indépendante et un des premiers colonels de l’Armée mauritanienne –tous négro-africains –se voient rejetés par ces commissions. Les populations négro-africaines ont de quoi être inquiètes, légitimement. Dernier élément, pour le moins insolite : des commissions de recensement de populations qui s’entourent de policiers et gendarmes, c’est du jamais vu ! qu’est-ce à dire sinon que le Gouvernement cherche à intimider , menacer, voire réprimer ces populations ? Pour rassurer tout le monde , le général , dans une communication récent , répond aux critiques pour dire « que jusqu’ici le plus grand nombre enregistré concerne certaines localités du Sud ! » ; c’est donc la preuve qu’il n’y avait pas de discrimination, laisse –t-il implicitement entendre ! Argument superficiel , et pas du tout convaincant ! Parce que cette assertion ne prouve strictement rien dans son fond , car rien ne dit que le taux des rejets n’est pas proportionnel au nombre d’inscrits ! Si on a inscrit autant , on a aussi peut –être rejeté presque autant , car on assisterait pas à une telle tempête de protestations , à une telle colère montante , partout dans le sud et à Nouakchott, si les rejets avaient été négligeables ou insignifiants ! Sûrement pas ! Des laudateurs , pour soutenir le Général et défendre son projet décrié, s’égosillent à affirmer qu’il n’y aurait rien à craindre ! que cette opération est sans rapport avec la nationalité, et ne saurait donc priver quelqu’un de sa nationalité ! Ces tristes laudateurs , comme toujours, trompent le peuple.
Comment ?
En effet , tout est lié ou relié . Nous sommes face à une chaîne où tous les maillons sont reliés : sans recensement , pas d’état civil , et sans état civil pas de nationalité ! Sans numéro d’enrôlement , pas de carte d’identité , sans identité pas de carte d’électeur et sans carte d’électeur pas de vote ! Il ne faut pas se leurrer , ces registres d’enrôlement seront la base de toutes les pièces administratives : acte de naissance , carte d’identité , permis de conduire , certificat de nationalité . Lorsque l’enrôlement sera achevé , le Gouvernement, sans aucun doute , mettra immédiatement fin à la validité de toute pièce antérieure . Suite logique, et il n’y a que les naïfs pour croire le contraire ! Enfin si les mauritaniens Noirs affluent , massivement, vers ces centres d’enrôlement , c’est parce qu’ils se sentent inquiets ; ils se sentent menacés par ce projet qui vise à remettre en cause leur mauritanité ! Au nord et au Centre du Pays on n’observe pas cette ruée vers les centres ; les populations arabo-berbères s’y rendent au pas du promeneur, sans inquiétude … rassurés dans leur « mauritanité » qui saute aux yeux ! Le Mauritanien blanc (Arabe) est perçu comme « naturellement mauritanien» , là où la mauritanité du Noir est perçue comme douteuse , suspecte ! C’est cela du reste qu’illustrent , au quotidien , les pratiques du contrôle au faciès des postes de garde routiers internes , installés au sud, où seuls les passagers négro- africains sont, généralement , soumis au contrôle d’identité !
Quel sont les risques d’un recensement national en Mauritanie ?
Je dirais non pas « risques »mais menaces et danger ! Nous sommes menacés par le Syndrome de « l’ivoirité » en germe, dans toutes ses conséquences ! L’on est entrain de fonder dangereusement le concept de « mauritanité ». Notre « unité nationale », déjà mise à rude épreuve avec les évènements de 1989, est de nouveau en danger ! Cet enrôlement, en réalité, a pour soubassement ce problème sur l’identité de la Mauritanie : une Mauritanie arabe, exclusivement, comme le veut et le prône une certaine idéologie ? ou une Mauritanie appartenant à la fois à l’Afrique noire et à l’Afrique blanche ou arabe? c’est toute la question ou toute la querelle ! Puisque ces négro-africains résistaient à leur assimilation, et génaient par conséquent l’arabité du pays, à la différence des 5 millions d’algériens noirs relégués à la culture de l’olive dans le sud , il fallait agir, par tous les moyens, sur leur poids démographique. Ce poids démographique des négro-africains, obsession permanente des régimes arabo-berbères-est l’enjeu, secret, de cette opération d’enrôlement . Moctar Oud Daddah s’y attaqua en inventant la théorie du quart ( ¼), sans fondement aucun . Ould Taya le suivit mais usa de méthodes grotesques et barbares pour y faire face, comme la déportation et l’élimination physique massive ; Aziz, à son tour, ne semble pas y avoir renoncé ; seulement, lui, s’y prend autrement; de manière plus fine, plus subtile, en posant les fondements légaux, juridiques du déni de « mauritanité » ou de nationalité des Négro-africains ! L’inquiétude de nos populations est donc toute légitime, car c’est dans cette trajectoire que s’inscrit ce recensement, qui vise à poser les fondements de leur exclusion , et à les rendre ainsi apatrides dans leur propre pays . Apatrides , tous ces réfugiés dépourvus de pièces d’état civil détruits par l’armée, en 1989! apatrides tous ces immigrés et exilés politiques , aux papiers périmés !
Quelles sont les menaces par rapport à la stabilité de la Mauritanie?
Vous l’avez dit vous-mêmes : menaces d’instabilité interne . Notre unité nationale , bien fragile , risque d’éclater ; or la Mauritanie dans la turbulence c’est le Sénégal et le Mali qui aussi seraient affectés , au regard des liens multiples partagés avec ces pays limitrophes .
Pourquoi le Président Aziz opterait-il pour un recensement sans les noirs Mauritaniens dont les beydanes, wolofs, Peulhs…?
Il faudrait peut-être aller le lui demander vous-même, si vous voulez être édifié ! Mais une chose est sûre , le Général Aziz, depuis son arrivée au pouvoir, ne rassure pas les Noirs mauritaniens . Il ne rassure pas les Haratines qu’il emprisonne à la moindre protestation contre la pratique enracinée de l’esclavage; il ne rassure pas non plus les négro-africains lorsqu’on le voit nouer, en priorité , des relations avec le Gouvernement Soudanais auteur de 2 millions de morts au sud-Soudan ! ou lorsqu’on le voit brader à ces mêmes soudanais leurs terres de culture ! Lorsqu’ils le voient porter ses efforts à renforcer les barrières à la frontière sud , érigeant des fortins et postes frontières tous les cent mètres , alors que la menace réelle, sérieuse , vient du Nord et de l’Est avec Al Qaida ! Lorsqu’enfin ils constatent, perplexes, que l’approche de ce fameux recensement, coïncide bizarrement , avec l’ordre de fermer les consulats mauritaniens à Paris et à Dakar; et l’on sait que la France et le Sénégal concentrent le plus grand nombre d’immigrés Noirs mauritaniens !. Les négro-africains avaient espéré qu’avec la libéralisation de l’audio visuel , leurs langues et culture pourraient enfin s’exprimer librement et pleinement dans une perspective de plein épanouissement, à travers les radios rurales , régionales ! C’était sans compter avec l’article 8 du projet de loi qui stipule que les opérateurs de communication audiovisuelle doivent respecter « la diversité culturelle et linguistique de notre société conformément aux quotas des langues définis dans le cahier des charges» ! En d’autres termes , la portion congrue réservée jusque là aux langues négro-africaine ne changera pas ; même dans nos terroirs ! L’arabe restera privilégié à Rosso , Bogée , Kaëdi et Sélibaby, au détriment du Pulaar Soninké et wolof, hier et aujourd’hui, comme toujours ! Avec le Général le Système reste vivant plus que jamais!
Comment est- ce- que les Flam comptent -elles s’y prendre afin que force reste à la loi et que le justice soit préservée?
Les Flam se battront pour qu’on change plutôt ces lois scélérates qui protègent des lobbies racistes et esclavagiste , et favorisent la suprématie d’un groupe ethnique sur les autres ; Elles se battront pour la suppression des lois, comme celle en gestation sur ce recensement , pour l’instauration d’un ordre plus juste et plus égalitaire entre tous les mauritaniens . Elles recommandent toutefois aux populations de rester vigilantes , de ne pas se laisser distraire par la tactique du pouvoir qui divise le groupe Haalpulaaren, en Pulaars et Peulhs ; c’est une diversion, destinée à les éloigner de l’essentiel qui , en réalité, est que ni les uns ni les ’autres ne seront correctement recensés ; ni les Wolofs , ni les Soninkés , ni les Hartani rebelles ! Elles appellent ces populations au pied du mur, acculées, à faire preuve de détermination à ne pas céder , car leur destin serait alors scellé, pour de bon! Les Flam, avec les forces progressistes, et les compatriotes arabes honnêtes et courageux qui ne se contentent pas de dénoncer du bout des lèvres cette opération , mais se rangent en ordre de bataille, les Flam, dis- je , vont harasser sans répit le Général jusqu’à ce qu’il mette un terme à cette opération grotesque ou en corrige les anomalies majeures!
Propos recueillis par Oumar DIARRA- LE PAYS DU 31 AOUT 2011- N0 035