Scène politique: Vers un second front contre le pouvoir ?
La scène politique continue à bouillir et, à en croire les protagonistes, majorité et coordination de l’opposition, le compromis est loin de se dessiner. L’initiative du président de l’Assemblée nationale, Messaoud Ould Boulkheïr, censée apaiser une situation de plus en plus exécrable, via un gouvernement d’union nationale, tarde à prendre effectivement corps. Selon des informations dignes de foi, le président de l’APP y poserait les dernières retouches, pour en faire une proposition concrète. L’idée de Messaoud vise, comme on sait, l’organisation d’élections municipales et législatives auxquelles toutes les formations politiques prendraient part. Le gouvernement d’union nationale serait une première étape, vers les élections, de « cohabitation paisible », entre les différents fronts politiques. En attendant, les acteurs politiques continuent à se concerter et à se positionner, à travers des petites phrases. Et il ressort, de tout cela, un constat, paradoxal, d’unanimité : on s’accorde, partout, à reconnaître l’impérieuse nécessité de sortir la Mauritanie de son impasse actuelle. Les voix de certains partenaires – et non des moindres – sont venues en échos de celles des USA et de l’UE, pour soutenir une démarche consensuelle qui ne remette, en aucun cas, les fondamentaux du pouvoir en place, comme au Gabon et au Togo. La COD, qui hésite à dialoguer, ne demande, selon ses leaders, que des garanties minimales, pour participer à des élections.
Si la majorité présidentielle s’est montrée, pour sa part, assez timorée voire prudente, dans sa réaction à l’initiative du président de l’Assemblée nationale, elle ne serait pas « totalement hostile » à l’idée d’élections « consensuelles», parce qu’elles permettraient, tout de même, de sortir les institutions de « l’illégalité » (l’expression est de la COD). Certains responsables de l’UPR semblent, même, favorables à toute démarche visant à « apaiser » la scène politique. Mais il y aurait anguille sous roche, « quelque part », parce que le patron de la majorité – en l’occurrence, le président de la République – ne s’est pas prononcé « clairement » sur l’initiative de Messaoud Ould Boulkheïr, ce qui laisse libre court à toutes les surenchères de certains de ses partisans estimant qu’il n’y pas de crise politique en Mauritanie et laissant entendre que les élections municipales et législatives auront lieu, quoiqu’il arrive, avant la fin de 2012. Une date difficile à tenir, dans la mesure où la CENI est loin d’être opérationnelle, l’enrôlement des populations traîne en longueur et, plus déterminant, le consensus, entre les différents pôles politiques, reste à peine un vœu, variablement pieux.
Majorité fissurée
Face aux deux fronts, un troisième, qui soutient, activement, l’initiative de Messaoud Ould Boulkheïr, semble, désormais, se constituer ou être en voie de construction. A côté de la CAP, formée de l’APP, El Wiam et Sawab, il y aurait, en effet, une coordination formée de certains partis de la majorité. L’Adil, d’Ould Wagf, le RDU, d’Ould Abdeiderrahmane, et le MPR, de Kane Hamidou Baba, réclament, comme l’AJD/MR, un dialogue-bis, en vue d’organiser des élections apaisées. Selon certaines informations, d’autres partis politiques et quelques personnalités de la société civile pousseraient également en ce sens. La naissance d’un tel front, qui bénéficierait du soutien de certains partis membres de la COD, risque d’isoler davantage le président Mohamed Ould Abdel Aziz et sa majorité. Il lui sera reproché, tout naturellement, de faire « obstruction » à l’apaisement de la scène politique, en organisant seul des élections qu’il remporterait sans coup férir. Ce faisant, il gagnerait assurément la bataille mais certainement pas la guerre.
La récente conférence de presse des partis « dialoguistes » est venue renforcer les craintes des observateurs de voir les acquis du dialogue de septembre-octobre dernier prendre un sérieux coup de froid. Le leader d’APP accepterait-il de continuer à discuter avec une partie qui ne voudrait pas de son initiative ? Une question qui taraude tous ceux qu’inquiète l’environnement sous-régional de la Mauritanie. Les tournures prises par les évènements, avec, notamment, la récente bavure de l’armée malienne, doivent interpeller la classe politique et la rappeler à son devoir de préserver le pays de tout risque de déstabilisation. Autant est incompréhensible, de la part de partis politiques, le slogan exigeant le départ d’un président de la République élu par les Mauritaniens et reconnu par la Communauté internationale, autant est négatif le refus du président de la République et de sa majorité de dialoguer avec la COD, ce qui permettrait de « perfectionner » le dialogue initié avec les partis de la CAP. Il y va de l’intérêt de notre pays. Des sacrifices s’imposent. A toutes les parties et, en premier lieu, à celui qui préside aux destinées de la Nation.
Source: Le calame