Les Forces Progressistes du Changement (FPC) Mauritanie

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OLAN : lettre ouverte adressée au Président de la République Islamique de Mauritanie

Monsieur le Président de la République, par cette missive, nous, Organisation pour l’Officialisation des Langues Nationales (OLAN), attirons votre attention sur l’extrême gravité de certains aspects de la loi d’orientation de l’éducation nationale.

L’aspect fondamental de cette loi concerne la gestion du patrimoine culturel et linguistique du pays. Il est inutile de rappeler qu’il s’agit là d’un point extrêmement sensible. Il n’est nul besoin non plus d’exposer dans les détails ce que furent les conséquences de son traitement inégalitaire opté par notre pays depuis son indépendance.

Or il n’y a rien de plus naturel pour un pays à la croisée des cultures d’assumer sa diversité, d’officialiser cette dernière en adoptant un régime de politique linguistique égalitaire (comme c’est le cas dans beaucoup de pays du monde ayant une configuration linguistique similaire à la nôtre : citons par exemple la Suisse, la Belgique, le Luxembourg) afin de tirer des bénéfices humains et économiques dont regorge un multilinguisme institutionnalisé.

D’un autre côté, l’unilinguisme forcé dans un pays multilingue de base a toujours mené à des conflits, à l’oppression culturelle et physique sur des franges de sa population. Il relève d’un fait évident que la démarche de notre État vis-à-vis de cette question s’aligne sur le choix d’un unilinguisme forcé sur une population diverse comprenant des masses humaines parlant des langues différentes et dont l’évolution démographique en fait des groupes culturels non réductibles.

Ainsi le rapport de masse observable entre les communautés sociolinguistiques du pays ne permet aucune réduction à une prétendue langue de ciment. Voilà ce qui explique que toutes les tentatives de l’arabisation du pays ont rencontré de fortes résistances depuis soixante ans. Tout au long de ces tentatives, tantôt constitutionnelles tantôt réformatrices du système éducatif, ont peu à peu transféré cette question, pourtant à vocation fondatrice d’un choix de nation, sur les bancs de l’école. C’est dans ce contexte qu’elle revint en puissance lors des débats houleux autour de la loi d’orientation de l’éducation nationale.

Depuis la sortie de la note de présentation du projet de loi en mars dernier, jusqu’au vote du projet de loi, OLAN s’est dressée contre le projet de loi en pointant particulièrement l’article 65 et l’annexe. Cet article 65 est en effet décliné de façon qu’il y ait des contradictions internes entre le traitement réservé à l’arabe et celui réservé aux langues pulaar, sooninke et wolof.

Nous y avons aussi décelé un traitement inégalitaire entre l’arabe et ces langues au niveau du choix de la deuxième langue. Pour ce qui concerne l’annexe, nos principales protestations concernent la clause sur l’expérimentation et l’évaluation comme passage obligé afin de faire passer les dispositions de l’article 65 concernant le pulaar, sooninke et wolof. Nous ne comprenons pas pourquoi imposer une telle condition sur un droit légitime.

Nous y voyons aussi un autre traitement inégalitaire au moment où l’arabe est déjà une base d’un système qui échoue chaque année mais qu’aucune évaluation n’est encore demandée le concernant.

Malgré nos protestations pacifiques à travers des communiqués et des sit-in dont celui du 25 juillet, jour de vote du projet de loi à l’assemblée nationale, a été réprimé par les forces de l’ordre devant et dans l’enceinte de l’assemblée nationale, la loi est maintenant passée sans tenir compte des amendements que nous avions proposé.

Nous vous rappelons que cette loi, sous sa forme actuelle, va produire un grand déséquilibre entre les communautés sociolinguistiques du pays. Il n’est pas difficile de prévoir que dans le moyen et le long terme, un tel déséquilibre conduira à l’aliénation culturelle des communautés non arabes du pays.

Compte tenu de ce danger et de l’intérêt à bâtir une nation unie dans sa diversité, OLAN vous demande :

– De surseoir à la promulgation de la loi et de considérer tous les moyens de corriger ses faiblesses.

– D’officialiser toutes les langues nationales à savoir le pulaar, sooninke et wolof.

Considérant votre engagement à servir l’intérêt suprême de la nation, nous comptons sur votre sagesse pour bâtir la nation plurielle mauritanienne.

Nouakchott, le 03 Août 2022

Mauritanie : la loi sur la réforme de l’éducation vivement critiquée par l’universitaire Mamadou Kalidou Bâ

Le360 Afrique – La Mauritanie vient d’adopter une énième réforme de son système éducatif qui est loin de faire l’unanimité. Mamadou Kalidou Bâ, professeur universitaire et écrivain, critique vivement la loi d’orientation relative à cette réforme.

Le Parlement mauritanien a adopté récemment la loi d’orientation relative à la réforme du système éducatif. Mais ce texte est loin de faire l’unanimité, car s’il constitue une avancée en réintégrant l’enseignement des langues nationales dans le système éducatif, il contient de nombreux points d’ombre.

L’universitaire Mamamou Kalidou Bâ, professeur à la Faculté des lettres et des sciences humaines de l’université Al Aasriya de Nouakchott et écrivain, juge «catastrophique» l’article 65 du texte incriminé qui prévoit une période d’évaluation indéterminée pour des langues prêtes à être enseignées depuis plusieurs d’années, conformément à une expérience nationale datant des années 1980, validée à la fois par le gouvernement mauritanien et l’UNESCO.

L’enseignement relève à travers le texte deux déficits énormes. Tout d’abord, il s’agit d’un recul par rapport à la réforme de 1979 qui avait mené à la création d’un Institut des Langues Nationales (ILN), avec un taux de réussite se situant entre 75% et 95% au niveau des classes expérimentales au primaire. Ainsi, pour l’universitaire, cette option relative à l’évaluation comporte un dessein inavoué.

Quant au second déficit, Bâ relève que le projet de loi ne prévoit pas une officialisation à terme des langues nationales, estimant qu’une telle démarche porte atteinte au principe d’égalité des citoyens.

Par De notre correspondant à Nouakchott
Amadou Seck