Daily Archives: 08/05/2020
Vidéo. « la logique de l’épuration ethnique de l’administration continue de plus belle». Entretien de RMI avec Dr. Dia Alassane, Président CVE/VR
RMI-Info– Dr. Dia Alassane, enseignant chercheur en linguistique à l’université de Nouakchott a été porté en février dernier à la tête de la Coalition Vivre Ensemble/ Vérité et Réconciliation. Dr Dia compte aujourd’hui parmi les leaders politiques nationaux dont les voix comptent le plus sur l’échiquier politique en Mauritanie.
Soutenu par une forte plateforme de partis politiques, d’associations et de personnalités indépendantes, le président de la CVE/VR est un exemple concret du renouvellement de la classe politique. Dans sa première interview exclusive qu’il accorde à Rmi-info, Dr Dia Alassane qualifie les dernières nominations administratives effectuées par le ministère de l’Intérieur et de la décentralisation de « révoltantes et écœurantes ».
Il a dénoncé ce qu’il appelle « la logique de l’épuration ethnique de l’administration ». Aux détracteurs du combat qu’il mène pour l’égalité et la représentativité, il martèle « Il n’y a pas plus radical que de vouloir rayer toute une composante nationale de l’administration, de la fonction publique, de la nationalité puisque le problème de l’enrôlement reste entier pour les négro-mauritaniens. »
Selon Dr. Alassane Dia, l’unité nationale ne semble pas être la priorité du président Mohamed Cheikh Ghazouani.
Entretien
Pour commencer, actualité oblige, quelle est votre appréciation vis-à-vis des dernières nominations du ministère de l’Intérieur ?
Alassane Dia:Les dernières nominations au sein du ministère de l’intérieur, comme d’ailleurs toutes les nominations égrenées à longueur des communiqués des conseils des ministres depuis au moins une dizaine d’années, sont écœurantes et révoltantes pour tout patriote sincère soucieux de la paix sociale dans notre pays.
Comment peut-on comprendre que sur 120 nominations, l’on ne compte à peine que 5 négro-africains sinon que la logique de l’épuration ethnique de l’administration continue de plus belle. Il faudrait qu’on nous dise clairement si le pays nous appartient à tous ou sil est la propriété exclusive d’une seule composante.
On ne peut appeler les gens à s’unir comme un seul homme pour combattre le covid-19 et continuer de l’autre côté à épurer l’administration territoriale en l’occurrence de sa composante noire.
Et quand vous regardez encore de plus près ces nominations en particulier pour ce qui concerne les régions de la vallée, vous vous rendez compte que la logique de l’occupation, pour ne pas dire de la colonisation, est plus actuelle que jamais.
Comment peut-on concevoir que du gouverneur au moindre planton toute l’administration des régions du fleuve soit confiée à des gens qui n’y ont aucune attache, ne parlent pas les langues nationales qui y sont dominantes et, pire, n’ont aucune connaissance des us et coutumes locales.
Ce n’est pas pour rien que dans ces régions un chameau bénéficie de plus de considération qu’un paysan peul ou soninké.
Il faut que ces nominations racistes, je ne vois pas d’autre qualificatif, cessent. Il faut que l’on arrête de nous dire à longueur de communiqués de conseil des ministres ou des concours de recrutements nationaux, publics ou privés, que nous nous ne sommes pas des fils et filles de ce pays. La Mauritanie, n’en déplaise aux chauvins tapis dans les antichambres du pouvoir, se fera avec tous ses enfants ou ne se fera pas.
Vous avez été choisi par plusieurs partis politiques et organisations de défense des droits de l’homme pour présider la CVE/VR après la séparation avec la coalition électorale de base fondée lors de la présidentielle de juin 2019. Pouvez-vous revenir sur le processus de votre choix ?
AD: Il faut dire que le choix de ma modeste personne pour être le premier président de cette coalition a été une surprise à la fois pour moi-même et pour l’opinion publique nationale. Il faut dire que non seulement je n’y étais pas candidat mais qu’en plus la coalition compte les figures les plus emblématiques de la lutte pour une Mauritanie débarrassée des démons du racisme et de l’esclavage naturellement mieux indiquées pour la diriger.
Mais ce sont justement ces figures historiques qui ont choisi de me confier cette lourde charge. En cela la coalition a souhaité véhiculer au moins deux messages : le premier est que ces dirigeants historiques ne tiennent comme veulent le faire croire leur détracteur à rester indéfiniment à la tête de leurs organisations respectives et que surtout ils ont choisi de passer le relais aux générations plus jeunes pour continuer le combat.
Maintenant que vous prenez vos marques en tant que Président de CVE/VR, quelles sont vos priorités ?
AD: La priorité pour nous est d’abord de raffermir notre base c’est-à-dire les militants et sympathisants des partis et mouvements composant la coalition mais également ces gens qui ne sont encartés nulle part mais qui croient fermement en la coalition. Parallèlement à cette démarche, nous comptons nous ouvrir à l’ensemble de l’opinion nationale et ce à travers un certain nombre d’activités que nous avons en perspective et que vous avions entamé d’ailleurs avec une conférence sur les langues nationales avant que la crise mondiale du covid-19 ne vienne tout arrêter.
Nous souhaiterions tendre la main à tous les Mauritaniens à travers ces activités de vulgarisation de nos positions, de nos partis-pris pour le devenir du pays et déconstruire l’image mensongère que nos détracteurs veulent nous accoler.
Justement beaucoup d’observateurs de la scène politique nationale reprochent à certains leaders négros-mauritaniens leur radicalité politique. Face à cette critique quelle est votre approche : la continuité dans la radicalité politique ou un renouveau stratégique ?
AD: Ecoutez, cette prétendue radicalité n’existe que dans l’esprit de ceux-là même qui leur en font le reproche. Il n’y a pas plus radical que de vouloir rayer toute une composante nationale de l’administration, de la fonction publique, de la nationalité puisque le problème de l’enrôlement reste entier pour les négro-mauritaniens. Maintenant si vous voulez savoir si ma façon de gérer les choses sera la même que celle de ces leaders historiques, je vous répondrai assurément non.
Même si du point de vue des idées et des principes je suis parfaitement en phase avec eux, j’appartiens à une autre génération et j’ai eu un parcours différent du leur. Cela a forcément son impact sur la façon de gérer les choses.
Depuis qu’il s’est installé au pouvoir, le Président El Ghazouani a multiplié des grandes annonces. D’abord son programme électoral « mes engagements », puis le lancement, tout dernièrement du programme quinquennal des « priorités », à cela s’est ajouté le programme d’urgence lié au Covid 19 Quelles sont vos lectures, vos constats et attentes ?
AD: Ce que je peux constater c’est que, neuf mois après son installation, il n’y a encore rien de nouveau sous le ciel de Mauritanie. La pauvreté continue à faire des ravages surtout en cette période particulière de Covid-19 dont la gestion, du point de vue économique et social, est tout simplement catastrophique.
Les populations, privées de leurs moyens de subsistance par les mesures de confinement, sont abandonnées à leur propre sort et la famine menace de partout. L’assistance distribuée reste non seulement insuffisante mais surtout discriminatoire.
Tout cela est dû à l’opacité la plus totale qui entoure la gestion des fonds publics alloués à la situation et d’ailleurs que valent cinq milliards de nos anciennes ouguiyas face à la détresse d’au moins trois quarts des Mauritaniens.
Pourquoi a-t-on choisi arbitrairement de n’assister que 30.000 familles et encore ? Nous avons vu, dans certains quartiers de Nouakchott, des gens censés recenser les familles devant bénéficier de l’aide alimentaire dire à des familles pauvres que tous ceux qui habitent dans des « maisons en terrasse » ne sont pas éligibles à l’assistance.
A l’intérieur du pays, c’est encore plus grave. Dans la vallée du fleuve, les populations ont le sentiment que l’Etat cherche délibérément à les affamer.
Que dire encore de tous ces Mauritaniens qui travaillent dans l’informel et qui n’ont plus aucune source de revenu ? Je pense par exemple à tous ceux qui vivaient de l’enseignement privé. Si du point de vue sanitaire, nous nous en tirons plutôt à bon compte, force est de constater que les mesures d’accompagnement qui doivent aller de pair avec la privation de nos libertés ne sont pas à la hauteur.
Pensez-vous que depuis sa prise de fonction, le chef de l’Etat El Ghazouani a réellement posé les jalons pour le règlement de la question de la cohabitation nationale à savoir le dossier du passif humanitaire, la mise en place de la justice transitionnelle, et la question des discriminations ethniques au sein de l’armée et des corps constitués.
AD: Malheureusement pour le pays, l’unité nationale ne semble pas être sa priorité, les nominations au sein du ministère de l’intérieur dont nous avons parlé plus haut viennent encore nous le rappeler. En fait, il pense pouvoir régler le problème de l’unité nationale à coups de millions injectés dans la lutte contre la pauvreté à travers les programmes Taazour et Awlewiyati, ce qui n’est pas efficient parce qu’en réalité c’est une façon de maintenir une catégorie de la population dans un statut d’éternels assistés, à moins que cela ne soit l’objectif caché.
Ce qui est sûr, c’est que le problème de l’unité nationale st beaucoup plus complexe que cela. Il se décline d’abord en termes de dignité du citoyen. Il faut que tous les enfants se sentent respectés dans leur dignité pour que l’unité nationale devienne une réalité.
Dignité économique bien sûr parce que chaque Mauritanien doit au minimum pouvoir subvenir à ses besoins eu égards aux immenses richesses de notre sous-sol, dignité culturelle et linguistique, dignité dans le partage du pouvoir et des responsabilités, etc.
L’enquête sur la décennie d’Abdel Aziz est plus urgente que les questions nationales ?
AD: J’ai l’impression que l’enquête sur la décennie d’Aziz n’a d’autre but que de légitimer le pouvoir de Ghazouani et de l’affranchir définitivement de l’image de marionnette de l’ancien Président que les Mauritaniens se faisaient de lui. La vérité est que tous ceux qui gravitent encore aujourd’hui autour du pouvoir, à commencer par Ghazouani lui-même, ont toujours été là et ils sont tous, de manière directe ou indirecte, comptables de la gestion criminelle de Ould Abdel Aziz à qui l’on cherche à faire porter le chapeau tout seul aujourd’hui.
Tout récemment le gouvernement s’est engagé dans une vaste campagne de recrutement des jeunes sans emploi …vous qui êtes en contact direct avec la jeunesse, sentez-vous que les autorités réussissent ou c’est tout simplement un effet d’annonce destiné à attirer des bailleurs de fonds et servir de matière pour la prochaine campagne électorale présidentielle ?
AD: Comme je l’ai dit auparavant, je ne peux que constater avec les Mauritaniens lucides que la situation socio-économique du n’a pas évolué dans le bon sens. Elle s’est même dégradée à cause de la pandémie du coronavirus et de sa gestion calamiteuse.
Toujours sur les annonces gouvernementales, le ministère du développement rural a envoyé il y a quelques mois des missions à l’intérieur du pays pour recenser les terres arables. Quelle est votre position sur la question foncière ?
AD: J’espère simplement que cette mission ne consiste pas à recenser les seules terres arables de la vallée pour les spolier au profit de puissances étrangères et des hommes d’affaires dits de l’agro-business qui n’ont d’ailleurs aucun rendement pour le pays puisqu’ils ne produisent quasiment rien du tout, comme nous le rappelle encore une fois la crise sanitaire en cours.
Le problème avec la réforme de 1983 qui continue à régir la propriété foncière, c’est qu’elle semble faite spécialement pour la vallée du fleuve. Je n’ai pas connaissance d’autres spoliations dans les autres régions du pays et pourtant ce ne sont pas les terres fertiles qui y manquent. Cette réforme doit être revue notamment en ce qui concerne la non reconnaissance de la propriété foncière coutumière qui est la porte ouverte à toutes les spoliations.
Le débat sur les langues nationales et leur place ne cesse de faire des remous sur la scène politique nationale. Quelle est votre vision globale sur les langues nationales ?
AD: Ma position est que les langues nationales doivent prendre toute la place qui leur revient de droit dans la vie nationale, c’est-à-dire qu’elles doivent en gagner tous les rouages. Cela passe nécessairement par leur officialisation aux côtés de l’arabe et du français.
« Toutes nos langues nationales font partie de notre patrimoine culturel et sont le moyen de communication d’une partie de notre peuple. Nous ne pouvons retrouver notre identité nationale si une partie de notre culture est négligée. »
Ces propos sont de Hasni Ould Didi qui était alors ministre de l’éducation nationale et qui préparait les Mauritaniens à l’officialisation de toutes nos langues nationales décidée par le CMRN en 1979 et qui devait être effective en 1985. Que de temps perdu depuis mais il est vrai qu’entre temps, a germé l’idée du génocide qui sera froidement exécuté quelques années plus tard et qui continue sous d’autres formes aujourdhui.
Quel est votre message aux partenaires stratégiques et financiers de la Mauritanie surtout concernant la question sécuritaire et la lutte contre le terrorisme dans le Sahel ?
AD: J’ai le sentiment qu’il n’y a pas de véritable volonté de combattre le terrorisme dans le Sahel puisque le combat se limite au seul domaine militaire dont ne voit d’ailleurs pas l’efficacité jusqu’à présent malgré les énormes budgets engloutis.
Lutter contre le terrorisme, c’est d’abord lutter contre l’idéologie qui l’a engendré, et travailler à plus d’équité et de justice sociale pour que les populations abandonnées à elles-mêmes ne soient pas des cibles faciles des marchands d’illusions qui le portent.
Ce que j’observe, c’est que dans notre pays qui est présenté comme un champion de la lutte antiterroriste, l’intolérance religieuse, le fanatisme aveugle gagnent du terrain sous l’œil bienveillant du pouvoir.
Ce que j’observe, c’est que partout dans la sous-région, des milices sont constituées non pour combattre les terroristes mais pour s’attaquer à de paisibles populations en particulier de la communauté peule qui est entrain de subir un génocide dans l’indifférence la plus totale. Il faudrait vraiment repenser en profondeur cette question de la lutte contre le terrorisme.
La rédaction
Ahmedou Ould Abdallah à Biladi : “Diriger un Etat n’est pas un butin de guerre”
RMI Biladi–Biladi : Excellence, actualité oblige, que pensez-vous du traitement de la pandémie du Covid-19 par nos autorités nationales ? Et que peut-on faire pour envisager sereinement l’avenir ?
Ahmedou O. Abdallah (AOA): Comme bon nombre d’observateurs, je me réjouis de la réponse rapide, déterminée et organisée du gouvernement face à cette pandémie.
* Je m’en réjouis d’autant plus qu’elle a été difficile à prendre, à mettre en œuvre avec fermeté et encore plus à poursuivre le temps requis. Malgré notre inexpérience en ce domaine, tout a été fait sans grand tintamarre ou discours populistes si fréquents dans nos pays.
Les ministères les plus concernés – Santé, Intérieur, Défense – ont agi en bonne équipe, avec fermeté et souplesse. Cette approche forme et prépare citoyens et institutions à la responsabilité collective et à l’esprit national.
Par les risques mortels qui lui sont associés d’une part et par la réaction gouvernementale pour y faire face d’autre part, cette crise consolidera les bases de l‘Etat national. En effet, face à ce danger, l’organisation de la réponse et sa mise en œuvre sont venues du centre du pouvoir national et pas d’une entité internationale.
Chez nous, comme de par le monde, le Covid-19 a créé, ou réhabilité, l’état nation. Pas le nationalisme chauvin mais l’évidente réalité: la sécurité de tous est de la responsabilité de l’Etat, le décideur visible et assumé.
Cette naissance, ou renaissance, de l’état national, le décideur en premier sur le front, le Covid-19 vient de la confirmer chez nous mais aussi en Europe et en Asie par exemple. La solidarité entre compatriotes y est plus forte et plus acceptée qu’à l’intérieur d’un vaste ensemble régional. Face au Covid-19, le devoir de protection des citoyens a bousculé les organisations régionales des plus solides quand bien même elles demeurent des institutions essentielles.
Biladi : La Mauritanie, comme la région et d’ailleurs le reste du monde, est impactée, surtout économiquement et socialement, par cette terrible pandémie du Covid-19. A votre avis, que peut entreprendre le gouvernement pour faire face à cette situation ?
AOA: Comme la plupart des gouvernements de la région et du monde, le nôtre a dû et continue à faire face à une “guerre imprévue’’ et à durée encore indéterminée. Mais on en connait les conséquences économiques et la possibilité de prendre, autant que faire se peut, des mesures préventives.
L’économie étant mondialisée, les réponses varient selon les pays : développés, intermédiaires et autres. Tout en pensant “qu’il n’y a pas d’alternative à l’optimisme’’, nous devons rester solidaires et, si possible, disciplinés pour gérer les difficultés à venir.
Ainsi, les Investissements -Directs Etrangers – IDE – seront-ils ou plus faibles ou différés. Notre projet phare de gaz naturel Ahmeyim tombe dans cette catégorie. Heureusement, il est entre les mains de BP, un géant qui a connu et bien géré des cas plus graves. Mieux, la crise et d’autres facteurs ont ramené les hydrocarbures à de très bas prix, autour de 30 USD le baril. Pas si mauvais pour notre pays.
Les transferts de fonds effectués par nos commerçants et travailleurs établis à l’extérieur seront atteints. Souvent informels, ils vont directement aux familles des intéressés. Autre perte, le tourisme souffrira davantage qu’avec le terrorisme, réduisant revenus et emplois.
Face à ces difficultés, il y existe des raisons de garder un optimisme fut-il prudent. D’abord, notre production d’or, formelle et informelle, reste importante et augmente. Une valeur refuge actuellement cotée à plus de 1700 USD l’once. La production du fer restera liée à la reprise de l’économie mondiale et particulièrement celle de la Chine. Par ailleurs, le secteur de la pèche de surface et de fond, produit de qualité, devrait reprendre, tout comme les exportations de bétail sur pieds, dès la fin des confinements.
Certes, il faut vendre pour générer des revenus mais il faut aussi éviter les gaspillages et les déperditions des fonds par gestion hasardeuse ou par déficit de transparence. Dieu sait pourtant que le pays dispose de bonnes expertises dans les domaines miniers en particulier.
En définitive, au-delà de la crise du Covid-19, tout le monde a besoin de tout le monde pour produire, vendre et acheter. Notre pays doit y être prêt dès la fin des confinements.
Biladi : Vous avez été parmi ceux qui se sont ouvertement opposés au changement de certains symboles de l’Etat (identité nationale, drapeau, etc) y compris dans une interview au journal Biladi en 2016. Y a-t-il quelque chose à entreprendre pour les faire revenir ?
AOA: L’identité nationale est “la marque déposée’’, le patrimoine immatériel d’un pays. Partie de son histoire, elle transcende les politiques gouvernementales. Des symboles y sont associés : culture, noms de familles et de lieux, drapeau, hymne national, etc. Qu’une personne décide, à elle seule, de changer ces fondamentaux est incompréhensible et sur ce point notre silence fut, pour le moins, un manque de vigilance.
Face au combat contre le Covid-19, la solidarité des citoyens est intimement liée à l’idée d’appartenance à une communauté. Toute nation a ses symboles et ses spécificités dont précisément les patronymes. Dans le Golfe aucun Etat n’a osé supprimer le AL si spécifique à la région. Ni les Ecossais et les Hollandais se dessaisir des Mc et Van si communs. Aujourd’hui, tout mauritanien recensé a un Numéro d’Identité Nationale spécifique à lui. Aucune confusion n’étant guère possible entre individus, pour quoi imposer cette mutilation ?
Le Marechal Mobutu du Congo a changé le nom du pays et ses symboles et Kadhafi en fit autant pour la Libye. Dans les deux cas, les autorités qui les suivirent eurent la sagesse d’y revenir dessus sans débats et sans délais.
En attendant une enquête judiciaire sur les marchés de l’Etat Civil des années 2011/ 2016, mes vœux les plus chers, au-delà de la victoire sur Covid-19, est que le Président Ould Ghazwani fasse à ses compatriote, et se fasse à lui-même, un cadeau de fin de Ramadan. Ce cadeau serait : la restauration du drapeau et de l’hymne national, le nom de Moktar Ould Daddah pour l’aéroport de Nouakchott et la liberté aux citoyens de garder leurs patronymes.
Biladi : Notre pays connait actuellement un grand débat relatif à son passé politique proche et lointain. Comment voyez-vous ce débat ?
AOA: Les débats techniques sont toujours les bienvenus. Ils peuvent enrichir les gouvernements et le public pour une meilleure compréhension des questions nationales et internationales.
Dans le contexte actuel, des discussions sur le Covid-19 seraient fort opportunes. Face à un danger réel et dont le remède reste encore à trouver, se concentrer sur ce qui renforce le front intérieur et la future économie nationale me semble bien indiqué.
S’agissant de la Commission parlementaire chargée de faire la lumière sur la gestion des affaires publiques au cours des années 2009 – 20019, il convient de féliciter le Parlement pour son établissement. Et aussi le gouvernement pour ne pas s’y être opposé. Cette Commission est une première et, par sa seule mise en place, d’ores et déjà une réussite. Il lui reste, par les compétences avérées de certains de ces membres, à mener un travail objectif à bon terme.
L’impunité dévalorise les fonctions gouvernementales, discrédite le service public, aggrave les inégalités et mine le sentiment national. Il est permis d’espérer que les travaux de cette Commission aideront à y mettre fin, au moins pour un temps.
Il convient de former un consensus national pour l’aider à mener sa mission avec sérieux et dans la sérénité. A cet égard, il est important de souligner que le mandat de la Commission est, me semble-t-il, de mener une investigation sur la gestion publique d’une période donnée et non sur elle-même, ses membres ou d’autres personnalités politiques. Curieusement, certaines personnes ne semblent pas vouloir comprendre, ou accepter, ce mandat.
Cette Commission est la bienvenue et doit bénéficier d’un vaste consensus politique des nationaux et de nos partenaires. Je la vois aussi comme une mesure de prévention et de dissuasion contre les incuries des élites publiques et privées en Mauritanie et dans la région. Diriger un Etat n’est pas un butin de guerre.
Propos recueillis par Moussa O. Hamed
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