Les Forces Progressistes du Changement (FPC) Mauritanie

Daily Archives: 09/12/2010

INVITE DU SITE: Sow Ibrahima Mifo Sow des FLAM

IBRAHIMA MIFO SOW“Le flamisme est une attitude, un état d’esprit, une fidélité à un idéal de justice, c’est la défense de la diversité, c’est l’appel à la complémentarité. C’est pourquoi, Les FLAM constituent une nécessité pour la Mauritanie ”


Sow Ibrahima Mifo, Secretaire National a l’Oganisation et a l’Orientation politique des FLAM

Á COEUR OUVERT

Flamnet reçoit comme invité, un haut responsable des Forces de libération africaines de Mauritanie (FLAM), l´actuel numéro 2 du mouvement et responsable des structures de base et de l´orientation politique des FLAM, le camarade Sow Ibrahima, Ibra Mifo pour les intimes.

Membre-fondateur du Mouvement des Élèves et Étudiants Noirs (MEEN), des FLAM et de l´UNESM, militant très actif de l´organisation, arrêté et condamné en 1986 après la publication du Manifeste du Négro-mauritanien Opprimé, banni et radié de la fonction publique pour “activités subversives”, après sa liberation de prison, il est forcé à l´exil. Il atterit d’abord au pays du vieux Houphouet Boigny où il crée et anime, avec des camarades miraculés du bagne de Walata, une Section des FLAM. Puis, juste avant le déclenchement de la guerre civile en Côte d’Ivoire, il s’envole pour les USA où il poursuit son long exil au service de son Organisation.

Ancien président de l´Association Culturelle et Sportive de la jeunesse de Djeol, ancien responsable du mouvement Jaalo-waali, une fédération d’une dizaine d´associations culturelles des riverains de la vallée du fleuve, ancien Secrétaire à l´organisation de la section des FLAM- Amérique du Nord, l’ex professeur de français au lycée de Sélibaby, de Kaëdi et de Dimbokro (Côte d´ivoire) revient, pour nous, de long en large sur l´actualité politique mauritanienne, sur l´état de son organisation, les FLAM, sur le retour des Déportés, sur les problèmes de la cohabitatione et du passif humanitaire, et aussi sur la création de l´AJD/MR.

Entretien à coeur ouvert avec l´enfant de Bilbassi.

Bonne lecture, la lutte continue!

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FLAMNET: En tant que premier responsable des structures de base des FLAM, peut-on vous demander le bilan de santé de notre organisation, sa vie actuelle? Comment se portent les FLAM ?

IBRA MIFO SOW : Les Flam portent gaillardement leur quart de siècle de lutte , de résistance et de fidélité à un idéal de vie en commun normalisé. Eu égards à toutes les épreuves – et quelles épreuves!- qui ont jalonné ses 25 années de constance, le fait que notre Organisation ait pu relever le simple défi de la présence représente en soi une prouesse politique inédite sur le plan national. Et c’est peu dire que d’affirmer que les FLAM continuent de susciter aujourd’hui encore autant, voire davantage, de passions qu’au lendemain de la publication du “Manifeste”.

Notre Mouvement vit et fonctionne en mettant en oeuvre son programme politique et ses activités militantes qui concourent à la réalisation de ses trois missions principales, qui sont: construire une organisation politique solide, mobiliser l’opinion publique autour des grands problèmes nationaux, et contribuer à l’édification d’un véritable Etat de droit dans notre pays. Un rapport exhaustif sur l’état de notre Organisation a été récemment dressé par notre Bureau Exécutif National à l’intention de toutes nos structures. Il est inutile et inapproprié de revenir ici sur les détails de ce document. Ce qu’il importe de retenir c’est que la consolidation organisationnelle demeure un défi permanent, surtout dans notre cas, quand on sait qu’on doit faire fonctionner des structures aussi dispersées que nous le sommes sur 3 continents. En dépit de l’usure du temps, des affres de l’exil et des contraintes de la distance, l’ardeur militante des flamistes est restée aussi vivante que leur foi commune dans la justesse de notre combat.

A l’heure actuelle, nos militants, tout comme nos responsables nationaux, sont occupés à finaliser les réformes structurelles ainsi que les réorientations politiques qui maintiennent actuels et adaptés notre dynamisme et nos stratégies par rapport aux donnes nationales et internationales.

Quant au chantier de la sensibilisation et de l’information, il est sans nul doute celui qui nous a valu d’être aujourd’hui l’organisation politique la plus connue de la Mauritanie. Un important travail continue de se faire en faveur de la prise de conscience de l’acui té des principaux contentieux nationaux. Sans verser dans une auto-célébration insouciante, nous pouvons à juste titre réclamer notre part de mérite dans l’évolution politique et sociale frémissante dans notre pays. Il reste encore du chemin à faire pour arriver à l’essentiel, c’est-à-dire, la traduction dans les faits des intentions de consolidation de l’unité nationale qui, en aucune façon, ne pourra se réaliser sur le lit des discriminations raciales et sociales dont fait l’objet l’immense majorité de nos populations. C’est pourquoi, les FLAM se posent-elles désormais comme un mouvement porteur de projet de société fédérateur qui place la justice sociale, l’égalité entre nos races et nos communautés et le développement économique et social harmonieux de notre pays au centre de leur action politique.


Flamnet : Depuis le discours du président de la république sur les Déportés, on assiste en Mauritanie à une campagne violente et haineuse contre les FLAM dans une certaine presse et auprès de certains cercles politiques. Comment expliquez-vous cet acharnement contre les FLAM?

IBRA MIFO SOW :  Les FLAM n’agitent que ceux dont la normalisation de la vie politique et sociale de notre pays déjoue les sombres desseins exclusivistes, eux et leurs bras séculiers, une horde de génocidaires en cabale, mais aussi ceux à qui la diabolisation de notre Mouvement assurait un plan de carrière prospérant sur une lâcheté tranquillement assumée. On se serait amusé de cette fébrilité si on n’était pas suffisamment édifié sur leurs capacités de nuisance, si on ignorait tout le mal qu’ils ont causé à l’unité nationale.

Le discours du Président de la République et la confirmation qui en a été faite par le Premier Ministre dans sa Déclaration de Politique Générale font justice à la Plate-forme dite de “Discussion pour une Mauritanie reconciliée” que nous avions soumise au candidat Sidi et plus tard au Chef de l’Etat qu’il est devenu. On ne peut que se féliciter du fait que le schéma de sortie de crise que nous avions dessiné soit suivi par les plus hautes autorités de l’Etat. Globalement on réclamait que le Président de la République reconnaisse et assume, au nom de l’Etat, les graves violations des droits humains commises à l’encontre d’une partie de nos populations, que les Déportés soient ramenés dans la dignité et rétablis dans tous leurs droits, que des mesures courageuses de réhabilitation des anciens esclaves soient prises, et en fin que le problème du passif humanitaire reçoive un traitement juste et équitable. On reste tout à fait évidemment serein sur les difficultés à vaincre avant de parvenir à la mise en oeuvre de ces bonnes intentions, et en particulier celles sur le dossier du passif humanitaire. Nous ne partageons pas les propositions qui voudraient solder ces crimes à bon compte par le biais de quelques compensations pécuniaires de condescendance distribuées aux ayants-droit. C’est à la fois simpliste et dangereux en ce qu’il constituerait un précédent préjudiciable à l’instauration d’un Etat de droit que nous appelons de tous nos voeux. Pour nous, il faut concilier le refus de l’impunité, les exigences de la vérité, le droit à la réparation avec la nécessité du pardon.

Pour important qu’il soi, le réglement de ces dossiers humanitaires, qui sont, on ne le répétera jamais assez, les conséquences logiques d’une politique aveuglément particulariste, ne constitue qu’un préalable apaisant à l’ouverture d’un débat de fond sur la cohabitation, contradiction principale qu’on n’arrive pas à dépasser faute d’avoir eu jusqu’à présent le courage d’y faire face avec lucidité. C’est ce à quoi appelait le Manifeste de 1986 qui invitait ” toutes nos nationalités à un dialogue de races et de cultures dans lequel nous nous dirons la vérité pour guérir nos maux”. C’est ce même souci de rencontre et de reconnaissance mutuelle de nos diversités entre elles qui continue de motiver l’engagement et la détermination des FLAM. Aussi longtemps qu’elle continuera à rassembler sur le même territoire les communautés qui la composent actuellement, la Mauritanie sera condamnée à assumer son destin biracial et sa diversité culturelle. Et nous pensons que la meilleure façon de péréniser cette coexistence, c’est de fixer les régles de son fonctionnement par des lois constitutionnelles qui reconnaissent et sécurisent chacune de nos identités.


Flamnet: Certaines mauvaises langues pensent qu´après le retour des Déportés et le réglement du passif humanitaire, qu´ils considérent comme votre “fond de commerce”, les FLAM n´auront plus leur raison d´être, que répondriez-vous à ces allégations?

IBRA MIFO SOW :  Les FLAM n’ont pas le destin lié avec les douloureux dossiers humanitaires de notre pays. Nous avons estimé que c’étaient des causes justes qui méritaient l’engagement et la mobilisation de tous ceux que la justice et la paix préoccupaient dans notre pays. Peut-être avons-nous été les plus déterminés, les plus actifs sur le terrain, mais nous n’étions certainement pas les seuls à nous en soucier. En tout cas, je l’espère, pour la Mauritanie. C’est pourquoi, nous, au niveau des FLAM, nous ne sommes même pas surpris par l’engouement actuel, presque général, autour de ces problèmes. On est même satisfait de la profusion d’organisations qui se sont subitement créées et qui sont dédiées à la bonne cause, devenue miraculeusement priorité nationale. Et toutes ces propositions généreuses et inspirées, tous ces grands discours patriotiques, tous ces appels pathétiques, toute cette mauvaise conscience qui s’en veut, tous ces nouveaux ralliés rivalisant d’ardeur et de zèle, tous ces enquêteurs-compulateurs, experts avisés de la gestion des préjudices, toutes ces bousculades audacieuses, je veux dire, tout ce don de soi bruyant ne peut tout de même pas être que factice. Nous, nous voulons croire qu’il y avait bien une prédisposition qui n’attendait qu’un prétexte, par exemple la volonté du prince, pour s’exprimer au grand jour. Si, aujourd’hui, tout le monde est unanime à reconnaître qu’un grand mal a été fait et qu’il mérite d’être réparé, on ne peut donc pas reprocher aux FLAM de s’en être occupées.

Sur le cas particulier de ces dossiers conflictuels et sur celui plus général de la cohabitation, notre seul tort est d’avoir eu raison avant tout le monde. C’est parce que nous sommes conscients des menaces sérieuses que constituaient à terme ces problèmes contre la paix et la stabilité aussi bien de notre pays que de la sous-région, que nous nous sommes opposés à leur occultation.

Pour les Déportés, nous avons refusé la solution de l’incognito que les racoleurs du régime défunt voulaient imposer dans les camps en les vidant rien que pour sauvegarder l’image de marque de O/ Taya dont ils étaient devenus des alliés objectifs contre les FLAM et la justice. Tout comme nous nous opposons à l’absolution pure et simple des bourreaux que le système a utilisés pour la basse besogne de la purification éthnique. Cette attitude d’intransigeance n’est dictée que par notre amour pour notre pays. Malheureusement, on ne peut pas en dire de même de nos autorités nationales et de la classe politique traditionnelle bien accommodante qui s’étaient toujours illlustrées dans une indifférence suicidaire face aux barricades et aux tranchées qui assiègaient la République.

Nous n’avons rien à nous reprocher, rien, ni d’avoir porté à nu les plans de dénégrification ourdis par le système, ni d’avoir résisté activement sur le champs de bataille pour notre survie, ni encore moins d’avoir refusé notre soutien inconditionnel à une transition qui a excellé dans l’exercice du dilatoire face aux problèmes essentiels de notre unité nationale.

Ceux qui prédisent ou souhaitent la disparition des FLAM méconnaissent la portée de notre combat, l’impact incommensurable de notre influence morale, politique et philosophique sur l’immense partie de nos populations.Tous ceux qui luttent pour la sauvegarde de nos identités, pour le respect des droits nationaux et qui refusent le régne de l’arbitraire et de l’exclusion sont des flamistes qui s’ignorent. Le flamisme est une attitude, un état d’esprit, une fidélité à un idéal de justice, c’est la défense de la diversité, c’est l’appel à la complémentarité. C’est pourquoi, Les FLAM constituent une nécessité pour la Mauritanie. Notre lutte continuera donc en se raffermissant, en mobilisant davantage et surtout en s’inscrivant plus résolument dans la dynamique de la proposition et de la rencontre. Rien ne nous divertira de cet engagement. Nous laissons par conséquent le terrain de l’anathème et de l’invective à ceux auxquels il ne reste plus que la gestion de la vacuité et du spécieux.


Flamnet: Envisagez-vous un retour ou un redeploiement de votre organisation à l’interieur compte-tenu de l’évolution de la situation? Que diriez-vous à ceux qui se demandent si l’exil a encore un sens ou pourquoi les FLAM sont toujours en exil?

IBRA MIFO SOW :  Il y a eu à un moment donné dans l’histoire politique de notre pays des conditions objectives qui ont contraint notre Organisation à l’exil. Ce n’était ni une solution de facilité, ni une option irréversible. Il n’a jamais été dit, nulle part dans nos textes, que les FLAM doivent demeurer indéfiniment en exil. On peut même dire que cela a été un accident de parcours. Mais nous avons pu positiver cet accident, en nous saisissant de cette opportunité ni voulue, ni même prévue, il faut le reconnaître, pour en faire un outil redoutable au service de notre résistance et de la lutte contre les injustices auxquelles peu de gens osaient s’opposer de l’intérieur. Ce combat-là n’a pas été vain.

Si les conditions qui nous ont poussés, puis maintenus pendant si longtemps hors de chez nous disparaissent, il n’y aura aucune raison pour que nous ne rentrions pas. J’espère même que cela se fera le plus tôt possible. Mais, c’est nous qui devons évaluer la réalité de l’évolution de ces conditions et en particulier de celles liées à la sécurité. Car, il ne faut pas oublier que ce sont nos militants et nos sympathisants qui ont été les principales victimes de la terreur qui prévalait dans notre pays. Nous avons subi la fureur du système dans nos libertés, dans notre chair, dans nos vies de famille, nous et tous ceux qui sont susceptibles de sympathie pour notre combat afin que soit étouffée à jamais toute velléité de remise en cause du cours hégémonique de la beydanisation de la vie politique et socio-économique de la Mauritanie.

Il y a, actuellement, au sein de toutes nos structures, un débat ouvert sur l’appréciation de la nouvelle donne nationale et sur l’impulsion à donner à notre lutte. Il permettra à nos militants de faire des propositions motivées sur les objectifs et les stratégies à assigner à notre Mouvement. A l’issue de leurs réflexions, nous convoquerons l’une de nos instances de délibération, le congrès ou le conseil national, pour statuer. Il n’ y aura donc ni précipitation, ni improvisation. Une chose est cependant sure, comme ne cesse de le rappeler notre Président, les FLAM ne se déroberont pas devant leur devoir. Le terrain national, nous le connaissons bien et nous avons des atouts solides à y faire prévaloir.


Flamnet: Que pensez-vous de la naissance de l’AJD/MR? Les FLAM ont-elles été consultées pour la création de ce rassemblement ? Quelles seront les relations entre les FLAM et ce parti dans la perspective d’un redeploiement?

IBRA MIFO SOW :  Je voudrais d’abord rendre hommage à la constance de l’AJD qui a ainsi aujourd’hui pu servir de socle à un plus grand rassemblement, et puis, saluer l’humilité et la générosité de ses dirigeants. Nous connaissons la valeur de ces hommes et de ces femmes qui ont été, pour la plupart, des camarades de combat et avec lesquels les ponts n’ont jamais été coupés. Les FLAM et l’AJD ont su maintenir entre elles des rapports utiles et respectueux de la souveraineté de chacune de nos Organisations. Nous ne doutons pas non plus des qualités du Président Sarr. Je crois qu’il n’a jamais perdu de vue le caractère prioritaire de la résolution de la question nationale. Nous nous félicitons de l’unanimité qui l’a porté à la tête de son nouveau parti. De façon générale, nous considérons que cette organisation a en son sein beaucoup d’hommes et de femmes de convictions qui prennent parfaitement au sérieux la mission qu’ils se sont assignée.

Est-ce que les FLAM ont été contactées? Je réponds que non. Du moins, pas dans les régles de l’art. Il est vrai, il y a eu, in extremis, quelques initiatives individuelles, relevant plutôt de l’ordre de la confidence, comme par acquis de conscience. Or, il en faut beaucoup plus pour engager les FLAM. A notre connaissance, il y avait bien une commission de contacts qui a eu, sans doute, des alliances plus stratégiques à négocier. Nous ne reprochons rien à personne. Chacun a ses priorités. L’essentiel actuellement sera de garder solides les passerelles qui existent et qui nous permettront à un moment donné d’envisager l’avenir ensemble. A condition évidemment que l’excès de “réalisme” ne prenne pas en ôtage la substance de la cause que nous avons en partage. Dans tous les cas, les défis à relever sont si immenses que nous ne serons jamais de trop à plusieurs pour y faire face.


Flamnet : Votre dernier mot à nos militants et aux mauritaniens d´une manière générale …

IBRA MIFO SOW :  Nos militants sont actuellement entrain de finir la réflexion sur des sujets d’importance capitale pour notre combat pour la Mauritanie. Il s’agit entre autres d’une proposition de Projet de Société et d’une Charte sur la Cohabitation pour que la Mauritanie régle ses contentieux nationaux et se prépare à un développement harmonieux. C’est un nouveau cap pour notre Organisation et je sais que nos militants sont prêts et parés à l’aborder avec disponibilité et discipline. C’est parce qu’ils sont restés mobilisés et déterminés que des pans entiers d’injustices commencent à tomber.

Les FLAM n’ont aucun autre dessein que celui de contribuer, ensemble avec toutes les forces progressistes de notre pays, à l’édification d’un véritable Etat de droit. Notre combat acharné contre les injustices et en faveur de l’égalité de nos races et de nos cultures le prouve éloquemment. La normalisation de la cohabitation entre nos communautés est possible. C’est ensemble qu’on le fera en nous enrichissant de nos différences et en assumant le droit de chacune de nos identités à la reconnaissance pleine et entière.

Je remercie Flamnet et ses animateurs pour le travail de promotion de la liberté et de la justice qu’ils font en faveur de la Mauritanie. Je vous encourage à continuer le travail d’informations et d’explications que vous menez pour mieux faire comprendre le sens de notre combat. Nos concitoyens ont besoin de mieux nous connaître, eux qui sont restés si longemps abusés par une presse aux ordres d’une dictature qui a bati sa longévité sur le mensonge et la falsification. La Lutte continue.

FLAMNET : Merci camarade et nous disons encore avec vous : La lutte continue de plus belle!


Propos recueillis par Kaaw Touré et Abdoulaye Thiongane

le 14 septembre 2007

 

INVITE DU SITE: Harouna Rachid Ly (Écrivain, Journaliste)

harouna lyAuteur du livre-témoignage: « 1989, gendarme en Mauritanie»

« Le discours qui valait hier à leurs auteurs le qualificatif «d´ennemis de la nation» était devenu subitement un cheval de bataille qu´enfourchaient tous les prétendants aux trônes. «Unité nationale», «retour des déportés», «règlement du passif humanitaire», «esclavage»; on eût dit que, brusquement, tout le monde s´était réveillé FLAMISTE»

 

  

FLAMNET reçoit aujourd´hui un grand homme de lettres, une plume sûre, un combattant de la liberté, un intellectuel de haute facture qui n´est plus à présenter aux mauritaniens, nous voulons nommer Harouna Rachid Ly l´enfant chéri de Wouro Dialaw.

Ancien gendarme mais révoqué pendant les années de braise pour délit de faciès. Oui, c´était un crime d´être un noir et fier de sa négritude pendant le régne de sa majesté Ould Taya et Rachid était fier de ses origines donc un «ennemi de la nation».

 

Rachid LY travaille maintenant dans un Cabinet d’Avocat à Nouakchott. Il a collaboré à plusieurs journaux indépendants comme le Calame de feu Habib Ould Mahfoudh, Al Bayane et est actuellement rédacteur-en-chef de l’hebdomadaire “La Nouvelle Expression”.

 

Écrivain et auteur de plusieurs ouvrages dont: Le réveil agité, Editions L’Harmattan, (Paris, France, 1997), Que le Diable t´emporte! publié à compte d’auteur( Nouakchott, 2000), Le trésor des Houya-Houya, Editions Manuscrit.com, (Paris, France, 2001) et maintenant il vient de publier «1989, Gendarme en Mauritanie», Editions Cultures Croisées, Roissy-en-Brie, France, ( 2007). C´est pour parler de son nouveau livre, de la démocratisation en Mauritanie, de la question nationale, de la situation de la presse au pays et d´autres questions d´actualité que nous avons donné la parole à ce fin observateur et acteur de la scène politique mauritanienne.

Pour la petite histoire Rachid est l´un des rares mauritaniens de l´intérieur à écrire à visage découvert et à participer aux débats sans langue de bois dans le FORUM FLAMNET pendant les années de plomb de Taya.

Entretien…..

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FLAMNET: Bonjour Rachid, voulez-vous vous présenter aux lecteurs de FLAMNET?

 

RACHID LY:  Je m’appelle Harouna LY dit Rachid. Je suis natif de Wouro-Dialaw (Département de Bababé). Après quelques années passées à la Gendarmerie nationale, j’ai quitté ce corps (ou du moins j’ai été ousté) le 6 juin de l’an de disgrâce 1989. Depuis, je travaille dans un cabinet d’avocat. A mes heures perdues, je suis écrivain et, « subsidiairement », je suis rédacteur en chef du journal « La Nouvelle Expression ». Pour rappel, l’honneur nous a été donné de « bosser », avec feu Habib Ould Mahfoud, « L’homme qui est mort debout », (Dieu l’Agrée dans Son Vaste Paradis. Amin) à Al-Bayane et, par la suite, au Calame, journaux pionniers qui ont tracé la voie à la presse indépendante de notre pays.

 

FLAMNET: Nous savons que vous venez de mettre la dernière main sur un ouvrage, voulez-vous nous donner la primeur des thèmes qui y sont abordés?

 

RACHID LY:  Il s’agit d’un livre aussi bien autobiographique qu’un ouvrage qui fait le survol de la vie de la Mauritanie ces dernières années. Il a pour titre «1989, Gendarme en Mauritanie». Sans prétention, j’y aborde l’histoire de quelques groupuscules politiques avant la pantalonnade de la démocratisation des années 90; la vie d’un gendarme négro-mauritanien dans une ville du Nord mais surtout le processus qui, après les sanglants pogroms de Dakar et de Nouakchott d’avril 1989, a conduit à l’arrestation, la déportation ou la révocation de plusieurs fonctionnaires noirs mauritaniens.

 

FLAMNET: Gendarme en 1989 en Mauritanie et noir en plus ça ne devait pas être facile au

royaume de Taya?

 

RACHID LY:  Ce n’était pas facile. Il faut croire que les corps constitués (armée, gendarmerie, garde.), en prenant le pouvoir le 10 juillet 1978, avaient fait de l’homme de l’uniforme, sans aucun mandat du peuple, le dépositaire du dernier recours de cette notion quelque peu biscornue de la légitimité nationale ; si bien que des « petits caporaux », s’estimant fondés à avoir opinion sur la chose « politique », s’étaient mis à transposer les « problèmes civils » aux choses militaires. L’institution militaire n’était plus à l’abri des relents nationalistes au sens étroit du terme. Le malheur est aussi que, dans ce capharnaüm où les seules senteurs ne venaient plus que de la botte et du ceinturon, il était devenu comme une mode d’accoler des couleurs aux membres des forces armées : pro-baathistes, pro-nasséristes, pro-FLAM. Si chez nos compatriotes maures des corps constitués, les « moukhabaratt » avaient un choix étendu dans l’étiquetage, pour les négro-mauritaniens en uniforme, « on » pratiquait un raccourci saisissant : FLAM. Une bonne trouvaille pour les justifications a posteriori : on ne s’embarrassait plus de scrupule pour vider le gendarme négro-mauritanien, par exemple ; puisque dans l’entendement embrumé des excités de la calotte crânienne, s’il n’était pas Sénégalais (côté pile), il était « un ennemi de la nation » (côté face), autre vocable « brandi » à tout bout de champ pour aplatir le peuple.

 

FLAMNET: Est-il facile d´être Négro-mauritanien et de mener une carrière désengagée?

 

RACHID LY:  Pas du tout. A moins d’être un mauvais citoyen. Ecoutez, je trouve que les gens qui se comportent de cette façon rendent un mauvais service au pays. « Houbboul watan minal iimaan » (« L’amour de la patrie est un devoir »). Rester dans son coin, cultiver son petit jardin, compter ses sous ou ses cors au pied est un comportement que tout bon citoyen doit abhorrer. Un citoyen (qu’il soit négro-mauritanien) ou de toute autre communauté nationale doit montrer qu’il est un citoyen ; remplir ses devoirs sans faille et réclamer ses droits sans faiblesse. Le désengagement est synonyme de démission – mieux, de l’aplatissement ; et c’est bien parce le camp de ceux qui préféraient la position horizontale était plus compact que celui de ceux qui étaient debout, que les applaudisseurs, les courtisans et les magouilleurs ont transformé ce pays en une marre de boue et de gadoue dans laquelle s’ébattaient des colonies de canards (boiteux, s’entend). Le pays n’avancera pas avec cette engeance.

 

FLAMNET: Votre ouvrage vient après “J’étais à Oualata” de Boye et “L’enfer d’Inal” de SY. Peut-on à votre avis parler d’une floraison ou d’un printemps de la littérature de la mémoire?

 

RACHID LY:  Permettez-moi d’abord de rendre un hommage mérité à nos deux aînés (Boye Alassane Harouna et Mahammadou SY) pour leur témoignage inestimable à verser dans les pages de l’histoire de notre pays. Ces livres, à eux deux, représentent un ensemble de faisceaux qui éclairent et jettent une lumière crue sur les turpitudes d’un système et d’un régime qui a conduit la Mauritanie dans les récifs. Il fallait le faire ; en bons soldats, ils l’ont fait et je crois que cela mérite d’être salué. « floraison ou printemps de la littérature de la mémoire », je le pense. Les paroles s’envolent, les écrits restent. Si l’on se place sur l’angle de l’épuration et du passif humanitaire, on ne peut que se féliciter de ce travail de mémoire et de tout acte qui contribue à faire refluer les partisans de « la mise sous séquestre de l’Histoire ».

 

FLAMNET: Quelle est la situation de la presse en Mauritanie, est-ce que c´est facile d´exercer ce métier aujourd´hui au pays sans grands soutiens financiers ou sponsors?

 

RACHID LY:  La presse mauritanienne se divise, grosso modo, en trois catégories : celle qui est plus ou moins debout (même si c’est branlant); celle qui a la langue sur les genoux et « la presse couchée » (au sens propre et figuré du terme). Les deux premières tirent leur épingle du jeu et sont à encourager. Elles ont contribué, cahin-caha, à l’enracinement (un bien grand mot !) de l’Etat de droit et l’ancrage (pourquoi pas ?!) de la démocratie. La dernière est une ivraie qu’il faut « éradiquer ». A dire vrai, la situation de la presse en Mauritanie n’est pas des meilleures. D’abord, l’Etat ne lui consent la moindre subvention et récemment elle a connu une cascade de plaintes (même si parfois elle ne peut s’en prendre qu’à elle-même). Ensuite, la pub et autres insertions ne sont pas légion et ne bénéficient pas au grand nombre. Enfin, s’il ne fallait compter que sur le lectorat, beaucoup de journaux auraient mis la clé sous le paillasson. Malgré tout, il faut saluer le courage de ce quatrième pouvoir qui, même sous l’ère Taya, a su émettre des notes discordantes. Quant aux couinements de ces ouistitis que l’on surnomme sous nos cieux Peshmergas, tout le monde essaie de faire avec. Non, à dire vrai, sans soutiens financiers ou sponsors, comme vous dites, exercer le métier de journaliste relèverait, pour le moins, des dix travaux d’Hercule.


FLAMNET: Comment expliquez-vous le refus du CMJD d´aborder pendant la transition les questions qui “fâchent” à savoir le racisme d´Etat, l´esclavage, les déportations, le passif humanitaire, etc…

 

RACHID LY:  Je ne l’explique pas, je le déplore. Sur ces questions, si le CMJD avait pris le taureau par les cornes, il serait entré dans l’Histoire par la grande porte ; dommage qu’il ait opté pour le soupirail. Pour se dédouaner à bon compte, il s’était mis à enfourcher le même cheval que Taya et ses partisans : « Tout réfugié mauritanien peut revenir » ; ou nouvelle trouvaille : « Il reviendra au prochain pouvoir, plus légitime, de régler la question (des déportés) »; au foot, on appelle ça, au mieux, « botter en touche ! » et au pire « des sorties hasardeuses d’un gardien peu bondissant» (ou bondissant mal)! Soyons reconnaissons au CMJD d’avoir débloqué la situation d’impasse dans laquelle se trouvait le pays mais étonnons-nous de sa propension à remettre aux calendes post-transitoires le règlement de dossiers si saillants au motif d’une « plus grande légitimité » du pouvoir civil qui lui succédera, présupposant donc son manque de légitimité (lui le CMJD) à régler ces questions. Légitimité, dit-on. Est-il légitime de renverser un régime civil, fut-il celui de Maaouya ? Le CMJD n’a-t-il pas modifié la Constitution, signé une Charte, des décrets, des traités et des conventions ? N’a-t-il pas libéré des condamnés ? Disons les choses sans faux fuyants ni formules alambiquées : le CMJD n’avait aucun mandat du peuple pour agir. tout s’est fait, ici, par consentement, consensus (pour ne pas dire par hochement de tête) et ce, suivant le « principe » (éculé ?) du « choix du moindre mal ». C’est dire donc que l’argument «de la légitimité » n’est pas suffisant. Nos vaillants libérateurs ont choisi la stratégie du contournement au lieu d’y aller à la hussarde. C’est dommage.

 

FLAMNET: Vous êtes un observateur averti de la scène politique nationale; Sidioca a-t-il la volonté et la marge de manoeuvre nécessaires pour résorber la question nationale? Ne risque-t-on pas d’assister à un exercice de colmatage qui se réduirait à faire rentrer les Déportés et passer sous silence tout le reste?

 

RACHID LY:  Je pense que Sidioca a la volonté de trouver une solution à « l’unité nationale »

comme il l’a dit dans sa campagne et l’a redit en plusieurs occasions. Sidi dispose-t-il d’une marge de manoeuvre ? Il est permis de penser que s’il s’est affranchi de la tutelle que voulait lui imposer ses encombrants amis d’El Mithaq, il pourrait éviter les écueils de toute autre pesanteur. Maintenant, est-ce que « la question nationale », telle que posée par les FLAM, et « l’unité nationale » du président Sidi ont la même signification ?. That is the question !! Comme diraient les sujets de sa Gracieuse Majesté. L’essentiel est que les dernières élections ont permis d’aborder les sujets tabous, ceux qui valaient à leurs auteurs le repoussant qualificatif de « ennemis du peuple ». Sincèrement, je crois que le processus vers une Mauritanie égalitaire, unie, juste et fraternelle est irréversible ; même si subsistent encore des esprits obtus et des freins de toutes sortes. La Mauritanie est revenue tellement de loin que l’espoir réside dans une rupture complète avec l’étroitesse d’esprit, la navigation à vue et les sectarismes de mauvais aloi. Restons confiants. et vigilants, car ce n’est pas une mince affaire de construire un bon citoyen et. de bons responsables. Et comme disait feu Habib Ould Mahfoud (que Dieu l’Agrée dans Son Vaste Paradis. Amin) : « Tant que certains n’appelleront pas notre pays notre chambre à coucher, il y a de l’espoir » !


FLAMNET: Pensez-vous que la démocratie est maintenant bien ancrée en Mauritanie et qu´avec la nouvelle “république” la situation des négro-mauritaniens n´est plus à déplorer?

 

RACHID LY:  Il y a eu des élections transparentes. Des instruments tendant à poser les fondements de l’Etat de droit (CENI – enterrée avec la Transition – Haute Autorité de la Presse et de l’Audiovisuel (HAPA), CNDH (Commission Nationale des Droits de l’Homme)) sont venus renforcer ceux qui existaient déjà ; d’autres verront prochainement le jour (le Conseil Economique et Social.). Mais le problème de ce pays n’est pas celui des instruments juridiques mais plutôt le comportement de ses responsables et de ses citoyens. La Mauritanie est sans doute le pays le plus complet en matière de textes, mais du formalisme de ceux-ci à la réalité sur le terrain existe un fossé que « le responsable » – ce grand enfant – comble à sa guise. Pour schématiser, je dirais que la Mauritanie est un pays démocratique mais que beaucoup de Mauritaniens ne sont pas des démocrates sincères. Nous venons de sortir d’une transition après avoir gémi longtemps sous le joug d’un système honni ; je pense qu’il est encore tôt de dresser le constat mais, l’avis général est que le nouveau président est animé de la volonté manifeste de sortir la Mauritanie de la cohorte des pays bananiers et dattiers. Je pense qu’il est utile de rappeler que les problèmes de cohabitation et d’unité nationale que le pays a connus sont dus plus au comportement irresponsable d’un système que des individus pris séparément ; un système qui a su poser les fondements solides d’une obscure technique du « diviser pour régner », qui a eu pour conséquence de cultiver l’incompréhension, semer la discorde et nourrir le ressentiment intercommunautaire. Et ce système recrutait, hélas, ses doungourous et ses seconds couteaux dans toutes les périphéries. Combien étaient-ils les négro-mauritaniens qui chantaient les louanges du régime désormais déchu ? Combien d’entre eux dansaient autour de notre scalp à peine coupé ? Qui venaient dans la Vallée prêcher la « bonne parole » en usant du chantage et de l’intimidation ? Ces Zoulous, ces VF ? Combien d’entre eux ont défendu Maaouya à Banjul, Bruxelles, Madrid, Durban ou Dakar ? Cette horde qui écrasait la Vallée du pied et du pneu était composée des fils de cette contrée. Ce n’était point des Maham, ni des Mahmoud mais des petits Mamadou bien de chez nous. Entre nos communautés, la vie n’était pas toujours rose mais la bonne entente existait, chaque maure ayant son kowri qu’il était prêt à défendre contre ses propres parents, s’il le faut ; et chaque kowri ayant son maure, son hartani auxquels il était attaché comme à la prunelle de ses yeux. Le retour d’un tel climat est possible, encore faut-il que la nouvelle république, comme vous dites, traduise dans les faits notre devise nationale : Honneur – Fraternité – Justice. « Le poisson pourrit par la tête », comme on dit ; hélas, le malheur de ce pays est toujours venu de sa tête qui pense mal.

 

FLAMNET: Que pensez-vous des FLAM, de leur lutte et du site Flamnet?

 

RACHID LY:  C’est une organisation qui, dès le départ, a su montrer du doigt les dangers qui guettent la Mauritanie. Malheureusement, ses constats, ses mises en garde furent mal perçus ou tout simplement instrumentalisés. Sans doute aussi, avaient-elles commis une erreur de n’avoir pas rallié à leur combat ou associé à leur diagnostic les autres composantes nationales, passant ainsi, aux yeux de leurs détracteurs, pour une « entité » sectaire et communautariste. Cependant, ici, pendant le printemps électoral de 2006-2007 qui avait pris les allures de catharsis, bien des masques sont tombés, bien des voiles de pudeurs, oripeaux couvrant des pans entiers de lâchetés, d’opportunisme inconscient et du réalisme bas de gamme, ont été jetés aux orties. Le discours qui valait hier à leurs auteurs le qualificatif « d’ennemis de la nation » était devenu subitement un cheval de bataille qu’enfourchaient tous les prétendants aux trônes. « Unité nationale », « retour des déportés », « règlement du passif humanitaire », « esclavage ». on eût dit que, brusquement, tout le monde s’était réveillé FLAMISTE. Comme qui dirait, « Be mbiyanooma tan cahen Be mbii alaa muuDen ! » (Il leur avait été conseillé : « Mouillons ce couscous avant de l’avaler », ils avaient rétorqué : « Que non ! Nous le préférons sec ! »).

FLAMNET est un site qui a contribué grandement au débat sur les grandes questions nationales; ce dont il doit être remercié.

 

FLAMNET: Votre dernier mot à nos lecteurs!

 

RACHID LY: La lutte pour une Mauritanie unie, juste et prospère. continue !

 

FLAMNET: Oui Rachid , la lutte doit continuer et merci d’avoir répondu à notre invitation.

Propos recueillis par Kaaw Touré et Abdoulaye Thiongane.

Le mercredi 13 juin 2007

 

Mamadou Sidy Ba: Membre-fondateur des FLAM, membre du conseil national et Conseiller Politique des FLAM

mamadou sidy baA l´occasion du 23éme anniversaire des Forces de libération africaines de Mauritanie Flamnet reçoit comme invité un membre fondateur des FLAM, une figure emblématique du Mouvement Noir, nous voulons nommer le camarade Ba Mamadou Sidy que les jeunes flamistes surnomment affectueusement “masses fondamentales” pour rappeler son passé dans le mouvement maoïste et kadihine dont il fut un membre actif et responsable.

 

Grand tribun, débatteur devant l´éternel et un des idéologues les plus envie de la pensée flamiste. Il est aujourd´hui avec le président Samba Thiam, les camarades Ibrahima Abou sall, Abdoul Ghoudouss Camara, Idrissa Ba dit Pathé, Abdoulaye Malickel Sy pour ne citer que les aînés, les symboles vivants de la fidélité, de la constance, de l´abnégation, du courage, du désintéressement pour les jeunes générations du mouvement .

 

Arrêté en septembre 1986 suite á la publication du manifeste du Négro-mauritanien opprimé, il fut condamné à 4 ans de réclusion et déporté avec nos autres camarades á la prison mouroir de Oualata mais grâce à Dieu certains survivent miraculeusement aux dures conditions de détention. Aprés sa libération il traverse le fleuve pour rejoindre les “masses fondamentales” et continuer la lutte avec la deuxiéme génération flamiste en exil. Elu Secrétaire national á l´organisation, á l´orientation politique et à la formation idéologique au 3éme congrés ordinaire des FLAM, il sillonne tous les camps des réfugiés de Dagana à Samba Yidé Samba Niamé au coeur du Boundou et de Gadiaga, il implante des comites de base, anime des centaines de conférences publiques qui restent encore vivantes dans les mémoires des nouvelles recrues des camps pendant les années de braise.

 

Syndicaliste dans l´âme, membre du conseil national et par ailleurs conseiller politique du président des FLAM, témoin et acteur politique, le “Satigui” de Sagné-lobali à coeur ouvert revient de long en large sur la création des FLAM, du bagne de Oualata, sur la transition en cours, de la dissidence de nos ex-compagnons de lutte et sur d´autres questions d´actualité.

Une interview à ne pas rater pour les adeptes de la “vérité historique”. Quand Mamadou Sidy parle les ennemis ou les adversaires doivent trembler parceque l ´homme, comme notre ” lion ” de Baltimore n´a pas sa langue dans la poche, en Côte d´ivoire on aurait dit sa bouche ne porte pas de caleçon.

Entretien…..

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FLAMNET: Camarade “les masses…” c´est pour nous un grand plaisir de recevoir sur Flamnet un de nos doyens et membre fondateur des FLAM, voulez-vous vous présenter á nos lecteurs?

 

MAMADOU SIDY BA:  Je suis né le 15 octobre 1951 à Sagné-Lobali (département de Maghama), dans la région du Gorgol. Je suis marié et pére de 5 enfants; depuis février 2005 je suis devenu un grand-pére avec la naissance de mon petit-fils en France qui porte d’ailleurs mon prénom. Infirmier d’état de formation, je fus recu en 1982 au concours d’entrée au Centre d’Enseignement Superieur en Soins-Infirmiers de Dakar. Il s’agit d’une école inter-états qui forme des spécialistes dans les domaines de l’enseignement dans les écoles infirmiéres de l’administration des services de santé et de la recherche en sciences infirmiére. En 1985, j’obtiens mon diplôme (reclassé dans le corps des professeurs adjoints techniques ). Je fus affecté à la direction de santé publique, au service de la planification sanitaire, des études et des projets de santé. J’étais également chargé de cours à l’Ecole Nationale de Santé Publique; c’est là où je fus arrêté le 13 septembre 1986 par deux officiers de Police maures. Cette arrestation devait me conduire de la prison civile de Nouakchott , à la prison de Oualata et enfin, celle d’Aïoun -Atrouss.


FLAMNET: Les FLAM célébrent leur 23 ans d´existence et de résistance et vous-êtes un des membres fondateurs de l´organisation, si on vous demandait de nous raconter les FLAM qu´allez-vous nous dire?

 

MAMADOU SIDY BA:  Il s’agit là d’une question vaste et touffue; nous pouvons en parler des heures et des heures. J’essayerai simplement ici de mettre en relief les aspects fondamentaux qui ont marqué le développement des luttes, du Mouvement Noir jusqu’à ses formes organisées ( UDM, MPAM, ODINAM ) pour aboutir à la fusion de ces organisations politiques et syndicale pour donner naissance à nos glorieuses et justes FORCES de LIBERATION AFRICAINES de MAURITANIE.

 

Pour bien comprendre l’histoire, il faut remonter aux années 1975. Cette année a été marquée par l’éclatement d’une grave crise politico-idéologigue au sein du MND-PKM due à l’appréciation des réformes opérées par le régime au temps Moctar Ould Daddah. Il s’agissait notamment de :

 

1) la création de la monnaie nationale-en 1972.

 

2) de la révision des accords de coopération avec la France.

 

3) de la nationalisation de la société MIFERMA.

 

4) de radicalisation de la langue arabe dans le systéme éducatif, dans l’administration et dans tous les secteurs-clés de la vie nationale.

 

Cette crise du MND-PKM a fait apparaître deux tendances au sein de cette organisation; l’une était taxée de ” intégrationniste” et l’autre de ” anti-intégrationniste”. Les ” intégrationnistes” estimaient que ces réformes entreprises par le régime de Ould Daddah nous amenaient vers plus d’indépendance nationale et la démocratie; il fallait donc dans leur analyse intégrer le pouvoir Daddah en vue de radicaliser ces réformes en renforçant l’aile réformiste progressiste. Les “anti-intégrationnistes” voyaient dans ces réformes comme de la poudre jetée aux yeux du peuple pour conduire la Mauritanie vers plus de dépendance vis á vis de l’étranger et à plus d’oppression nationale et sociale. La bataille faisait rage au sein du MND-PKM; les références à MAO, LENINE, KARL MARX, PKI etc…pullulaient dans les débats pour défendre telle ligne politique. C’est dans cette situation précise que j’ai été amené à poser la question pour comprendre la place de la question nationale dans cette dialectique de contradictions, étant donné que certains estimaient que l’impérialisme ( nous aux années 1975 ) n’était plus le danger principal. Cette question avait été ressentie comme un coup de tonnerre. Les deux tendances ont réaffirmé le caractére secondaire de la question nationale.

 

Mes camarades arabo-berbères ont perçu dans cette question posée comme un symptôme du nationalisme étroit. Il faut dire qu’à l’époque les Négro-africains organisés dans le MND avaient peur d’être taxés de nationalistes étroits. Notre camarade de longue date Ba Oumar Moussa dira plus tard, en réaction aux propos d’un chauvin ” Si tu veux, je ne suis pas un nationaliste étroit mais un nationaliste fermé “. Personnellement, j’avais compris au cours de toute cette période de débats idéologiques que la question nationale n’était pas seulement reléguée au second plan, mais plutôt aux calendes grecque. J’avais beaucoup refléchi avant de prendre une décision. J’avais des amis; J’étais le responsable du Secours ROUGE, je coordonnais les activités du MND-PKM dans le domaine des prestations de soins; j’étais l’un des rares militants à pouvoir rendre visite aux camarades en clandestinité; je passais la nuit dans les bidonvilles; bref, j’étais au sein des masses fondamentales. Je ne regrette pas ce passé; il m’a permis d’ouvrir les yeux; j’ai enfin décidé d’oeuvrer pour l’avénement d’un Mouvement Noir en vue de prendre en charge la question nationale. En 1977, une premiére réunion se tenait chez notre camarade Camara Abdoul Khoudouss; le MOUVEMENT NOIR était en gestation. J’assurais le rôle de coordinateur; car, il fallait travailler dur, bousculer les mouvements politiques traditionnels ( MND-PKM, Nasserisme-khadaffite et Nasserisme originel-Baathiste-irakien et syrien, Fréres musulmans, PPM etc…il était indispensable de créer l’espace pour le développement du courant du Nationalisme Négro-africain.

 

En 1978, au cours d’une réunion du Comité Directeur un camarade Sarr Abou fut un compte-rendu relatif à ses entretiens avec un certain Saidou Kane qui venait de Belgique. Le comité me confia la tâche de contacter Saidou pour voir la possibilité de l’organiser. Je ne connaissait Saidou ; j’ai demandé à Abou Sarr d’arranger un rendez-vous; ce qu’il fit le lendemain. J’ai été trés émerveillé lors de ce premier entretien avec Saidou; nous avons commencé á discuter de 21h à 6h du matin. Nous avions une parfaite identité de vue sur les questions nationale et sociale. Le lendemain, j’ai tenu une réunion du CD pour faire le compte-rendu qui devait aboutir au recrutement de Saidou dans cette structure embryonnaire ( il s’agit là de fait historique indéniable car les acteurs sont toujours vivants ). La présence de Saidou fera faire bondir de façon spectaculaire le mouvement. Les débats entre les nationalistes noirs et les autres étaient sur la place publique; plus de complexe d’être taxés de nationalistes-étroits. Le mouvement Noir voyait son audience renforcée surtout dans le milieu scolaire. Bien sûr il y’avait quelques insuffisances et surtout ce MOI morbide, mais généralement l’objectif dans cette étape historique avait été largement atteint. L’UNION DEMOCRATIQUE DE MAURITANIE était née le 16 mars 1978 et j’ai assuré la présidence de cette organisation jusqu’au jour de mon départ à Dakar en formation. Aprés l’UDM, le MOUVEMENT POPULAIRE AFRICAIN DE MAURITANIE ( MPAM ) devait voir le jour et il sera suivi par l’ODINAM. Si la pluralité de ces organisations contribuait au réveil et à la consolidation du nationalisme négro-africain, elle faisait déjà apparaître certaines divergences tactiques et stratégiques.

 

Le MEEN s’est retrouvé en premiére ligne pour demander la fusion de ces organisations. Cette attitude conciliatrice a été trés mal perçue au niveau de l’UDM car nous avons contribué à la création de cette organisation, et nous supportions mal que MEEN ne supporte dans cette crise son organisation-mére l’UDM. D’autant qu’en 1979 lors de la grève des éléves noirs contre la circulaire 02, nous avions dessaisi un camarade du CD la gestion du dossier scolaire parceque ce camarade avait engagé la responsabilité de l’UDM pour arrêter la grève. Je dis publiquement que l’UDM n’a jamais pris cette décision; il s’agissait d’une initiative personnelle contraire aux tactiques et stratégies de l’organisation. Voila, ici encore rétablie la vérité historique ( je suis sûr qu’il n’ y aura pas de contradicteur car c’est la stricte vérité ). C’est pourquoi, j’ai proposé et obtenu le recrutement de Sao Saïdou dans le COMITE DIRECTEUR NATIONAL de L’UDM, qui devait prendre le dossier scolaire en charge pour prévenir toute dérive. Des Indépendants Noirs ont également tenté de réaliser la fusion de ces organisations (M’BODJ Samba Beddou, BAAL Fadel) qui n’ont pas voulu adhéré dans une organisation pour disent-ils ne faire des jaloux. Au cours d’une réunion convoquée par ces deux, en qualité de représentant de l’UDM, j’ai estimé qu’il était mieux de créer un cadre de concertation en vue de la fusion de ces mouvements politiques négro-africains; car je voyais déjà certaines attitudes paternalistes qui n’étaient pas, à mon avis, de nature à developper le futur mouvement. Cette proposition fut acceptée à l’unanimité.

 

A partir de 1982 va commencer une longue et difficile négociation qui va être sanctionnée par la tenue du congrés constitutif des FLAM les 14, 15 et 16 mars 1983 á Nouakchott; L’UDM était représentée par Saidou Kane et moi-même; le MPAM était représenté par Samba Thiam et Ba Fara, l’ODINAM était représenté par Ly Djibril Hamet et un autre et le MEEN était représenté par feu Kébé Moussa, Ali Kane et Tandia Yacouba dit Basilla; il y’avait aussi Aboubackri Khalidou Ba et d’autres camarades qui n’étaient pas organisés. Aprés l’adoption des textes fondamentaux de l’organisation il fallait désigner le bureau; certains ont pensé á un dosage entre les organisations; j’ ai immédiatement rejeté cette façon de procéder qui nous raméne en arriére j’ai proposé un volontariat pour la commission de désignation. Cette proposition fut acceptée; je sorti volontaire pour la commission de désignation; je fus suivi par Samba Thiam et Kébé Moussa ; A trois donc nous avions mis en place le premier Bureau Executif National des FLAM. Il faut préciser, pour l’histoire que j’ai personnellement donné le nom FLAM à l’organisation, cette proposition a d’abord été entériné par l’UDM; au niveau du congrés, j’étais président de la commission Statuts et Réglément intérieur, j’ai proposé et fait accepter le nom FLAM et enfin le congrés a adopté le nom. les FLAM étaient nées; Je vois le regretté Kébé Moussa danser. Dehors Dieu nous envoya une fine pluie pour rafraîchir l’atmosphére.

 

FLAMNET: Vous êtes un des rares membres de l´organisation avec le président Samba Thiam et camarade Pathé á avoir assister á tous les congrés du mouvement, quelle appréciation faites vous de nos derniéres assises de Cincinnati, du climat et de l´orientation politique ?

 

MAMADOU SIDY BA :  J’ai assisté à tous les congrès , excepté celui qui s’est tenu en 1985 car j´étais en formation à Dakar . Quant à mes appréciations sur nos derniéres assises á CINCINNATI, Je dirai que les FLAM se portent bien. Les débats ont été francs : certains ont parlé durant des heures sans être interrompus, chacun a vidé son sac sans jamais perdre de vue l’essentiel. Le congrés de CINCINNATI a été le plus grand congrés que les FLAM aient connu. S’agissant de l’orientation politique: j’étais membre de la commission d’orientation comme vous d´ailleurs ; cette décision de non implication dans le processus de transition en cours en Mauritanie décidée par le congrès est une réaction face à l’intransigeance des actuelles autorités de Nouakchott qui ne donnent aucun signe pour montrer leur volonté d’oeuvrer pour régler les questions nationale et sociale. Bien sûr, en politique, l’implication à terme est une dimension incontournable dans le développement de la lutte.Toujours est -il que l’implication nécessite certains préalables indispensables. Elle ne peut être politiquement d´actualité parce le régime n´a fait aucune concession significative à l´endroit de la communauté Négro-mauritanienne.



FLAMNET: Quels commentaire faites vous des derniéres déclarations d´Ely Ould Mohamed Vall á Dakar qui nie l´existence des réfugiés mauritaniens au Sénégal et les traite même “d´aventuriers” et réfute les théses de l´existence d´un racisme d´Etat en Mauritanie et que dites-vous de l´arrestation de nos camarades du Sénégal?

 

MAMADOU SIDY BA:  Sur ce point, je vous renvoie à l’article du camarade Salah Eddine Sy publié dans le forum Flamnet. ELY a parlé exactement comme TAYA. Cette négation de l’existence de réfugiés mauritaniens au Sénégal, montre qu’il n’a aucune volonté pour régler ce probléme: car, pour régler un probléme il faut reconnaître son existence d’abord. Le fait que ELY réfute les théses du racisme d’Etat érigé en systéme depuis 1960 montre que son orientation est de radicaliser le systéme en place. Les noirs n’ont rien á gagner avec ce moustachu á la Saddam. Quant aux arrestations de nos camarades dirigés par mon ami, mon frère et camarade Mamadou Wane, je pense qu’ils ont fait preuve de courage et de détermination.


FLAMNET: Vous êtes aussi un rescapé de la prison de Oualata, quels sont les moments qui vous ont beaucoup marqué pendant ces années de détention et pouvez-vous nous raconter de la vie militante de nos camarades dans les prisons de Nouakchott, Oualata et Aioun? de votre rencontre avec les baathistes en 1987 et de leur libération avant vous?

 

MAMADOU SIDY BA: Vous savez on ne parlera jamais assez de nos conditions de détentions de la prison civile de Nouakchott á celle d’Aioun en passant par Oualata. Des camarades comme Ibrahima Abou Sall et mon ami Boye Alassane Harouna ont beaucoup écrit dans cette rubrique. Deux faits m’ont particuliérement marqué: le premier c’est l’arrestation des Baathistes qui ont été libérés dans la même semaine; ce qui montre que même en prisons , Noirs et Maures sont différemment traités; le deuxième c’est les conditions inhumaines á OUALATA qui ont entraîné la mort de: Ba Alassane Oumar, Téne Youssouf Gueye, Ba Abdoul Koudouss et Djigo Tapsirou.

D’autre part, il faut préciser que la prison était pour nous un véritable centre de formation théorique, politique et idéologique. Je me rappelle encore des brillants exposés des camarades Ibrahima Abou Sall, Téne Youssouf Guéye , Samba Thiam et l’ex camarade Ibrahima Sarr.

 

FLAMNET: Quelle interprétation faites vous des événements du 3 août et de la transition qui est en cours en Mauritanie?

 

MAMADOU SIDY BA:  Les événements du 3 août ont été bien accueillis par les mauritaniens de façon générale. J’attendais un changement radical et surtout une volonté rapide de régler le probléme des réfugiés ( qui est conjoncturel ), une volonté d’oeuvrer pour réunir les conditions favorables pour résoudre les questions nationale et sociale . Ely n’a rien fait de cela, pire il va jusqu’à nier l’existence des réfugiés au Sénégal.

 

FLAMNET: Quelques camarades á leur tête l´ex- compagnon de lutte Mamadou Bocar que vous avez vous-même recruté au sein des FLAM viennent de quitter les rang pour créer une organisation paralléle quelle lecture faites-vous de cette dissidence?

 

MAMADOU SIDY BA: Oui, j’ai recruté Mr Ba Mamadou Bocar en 1986 dans le cadre du comité de soutien; nombre de membres de ce comité n’étaient pas d’accord mais par la force de l’argumentation ils ont cédé.

Mamadou Bocar Ba est un ami, un cousin, un beau-fils; nos rapports sont antérieurs aux FLAM, et persisteront en dehors de toutes considérations politiques. Il a pris ses responsabilités devant l’histoire et il va les assumer. La création de FLAM-R est á mon avis regrettable car les FLAM unies sont plus fortes que les FLAM divisées. Je leur demande de se ressaisir et de rejoindre la maison-mére. La voie que les dissidents suivent est sans issue; les récents propos du moustachu sont suffisamment révélateurs.

 

FLAMNET: Compte tenu de votre trés longue experience politique, du PKM aux FLAM comment analysez vous l’incapacité de la classe politique á prendre en charge les questions majeures du pays comme la question nationale et de les réléguer toujours aux questions secondaires?

 

MAMADOU SIDY BA:  Je l’ai déjà dit plus haut; les maures ont largement atteint leur objectif initial. Depuis l’accession de la Mauritanie à la souveraineté internationale: avoir un Etat arabo-berbére. Ils ont acquis des avantages qu’ils ne lâcheront pour les beau yeux des négres ou de gaîeté de coeur. Ce systéme ne fera jamais des réformes contre sa propre nature; il faut qu’il y soit obligé.

Pour la classe politique maure la question nationale n’existe pas. C’est à nous de régler cette question; et nous la réglerons inchaallah . Il faut que le pouvoir beydane comprenne que s’il continue cette politique de discrimination raciale tout en continuant de rester sourd face aux revendications justes de la communauté Négro-africaine , alors il risque de tout perdre.


FLAMNET: Quelle réponse apportez- vous à ceux qui vous accusent d’être des exilés de luxe et qui refusent la dure réalité du terrain et du verdict des urnes?

 

MAMADOU SIDY BA:  Haha, Exilés de luxe? Vous savez rien n’est plus cher que la terre natale; c’est la répression, et le racisme d’Etat qui nous ont jetés dans les dures chemins de l’exil. Quant au verdict des urnes nous n’avons pas peur car nous avions dans le passé remporté des victoires dans le congrès de l’UNESM avec Ba Oumar Sileye comme Secrétaire Général et Ba Amar Abdoulaye comme Secrétaire chargé des relations extérieures; nous n’avons pas peur du verdict des urnes , parce que les maures ont vu ce qu’on pouvait faire au niveau du syndicat des travailleurs; au niveau des municipalités. Le jour que les FLAM décideraient de s’impliquer, ils sauraient que les FLAM, les VÉRITABLES FLAM sont de retour; alors le pouvoir n’a qu’à avoir le courage de réunir les conditions que nous avons définies; mais ELY n’a pas ce courage.

 

FLAMNET: Que pensez-vous du site Flamnet?

 

MAMADOU SIDY BA:  Je te félicite camarade Kaaw Touré pour ce travail que tu abats chaque jour pour le mouvement . Flamnet est aujourd’hui à la pointe de l’information. Continuez dans cette voie, vous êtes dans la bonne voie.

 

FLAMNET: Votre dernier mot á nos jeunes militants et aux lecteurs de Flamnet.

 

MAMADOU SIDY BA:  Continuons à briser les chaînes de l’oppression nationale et sociale et brandissons notre drapeau tricolore toujours à l’avant pour mettre fin au Systéme d´Apartheïd mauritanien et oeuvrer pour l’avénement d’une véritable démocratie intégrale en Mauritanie. La lutte continue!

 

FLAMNET: Merci camarade des “masses fondamentales” et la lutte continue de plus belle.

 

Propos recueillis par Kaaw Touré, Abou Hamidou Sy, Abdoulaye Thiongane, Ibrahima Diallo Babayel .

 

05 SEPTEMBRE 2005

 

 

Jemal Abdel Nasser Ould Ethmane Sid’Ahmed Yessa: Porte-parle de Conscience et Resistance

Ould yessaJemal Abdel Nasser Ould Ethmane Sid’Ahmed Yessa. Un nom long comme le fleuve intarissable de son verbe tissé à la soie. Ce jeune premier, à vrai dire, n’est pas à présenter. On s’y perdrait en conjectures. La légende a déjà décidé qu’on ne le classera pas dans un moule convenu. Une chose est cependant sûre: ce frêle petit aristocrate ne laisse pas indifférent. On peut dire même qu’il dérange. Enormément.

 

D’abord, l’etablishment de ses origines, le doux cocon qu’il snobe allègrement. Ensuite tous les autres. La plèbe comme les élites. C’est que le porte-parole, le vrai commandant en Chef de CR a le goût immodéré du particularisme. Et du paradoxe aussi. Il revendique la tactique de l’énigme comme une qualité qu’il cultive à vanité. C’est une ruse de guerre qui lui a permis de survivre et de mener presque à son terme sa résistance. Car les ennemis, c’est ce qui lui manque le moins. Des ennemis intimes, acharnés et qui ne lésinent pas sur les moyens. Mais O/ yessa n’est pas un enfant de choeur. S’il sait encaisser des coups, il sait en rendre aussi. C’est un démolisseur qui charge à coups de flèches- plumes- trempées à la cire. Et, On y résiste rarement.

 

Ould Yessa, c’est aussi une obsession pour l’esthétique, le distingué. Un grand chevalier qui se souvient des salons gothiques et des duels à la Roland. Il a en horreur absolue le banal l’imparfait, sauf celui du subjonctif. D’où qu’il vienne. Il met autant de rigueur dans la construction de son discours qu’il répugne à s’accompagner des suiveurs politiques, de la masse des vilains. D’ailleurs, la politique des grands groupes, c’est pas son truc. C’est à croire finalement que ce qui le motive ce n’est pas tant le pouvoir en soi, mais le plaisir de l’engagement. En somme, un idéaliste qui mêle grands principes et bonnes manières.

 

C’est sûr, Ould Ethmane El Yessa est attendu comme une précieuse curiosité au pays des tourbillons. Mais Jemal restera toujours insaisissable. C’est cela aussi le destin des artistes.
Entretien avec l´enfant terrible de Housseiniya ou de Ashram? (Tagant)……

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FLAMNET: Il y a eu ces derniers jours un certain cafouillage quant à la position de C&R par rapport au retour,le président qui rentre ,le porte-parole qui reste. Certains même ont parlé des tergiversations, ce qui vous vaut, d’ailleurs, les sarcasmes de Mohamed Baba, l’un de vos anciens compagnons. Pouvez-vous nous expliciter votre position?

 

JEMAL O/ YESSA: L’impression que vous évoquez est justifiée par une contradiction apparente dans nos attitudes; cependant, il n’y a, là, nulle hésitation. Le Président de l’Organisation, comme tous les membres résidents en Mauritanie et dans les pays limitrophes, avaient reçu, de notre instance exécutive, l’autorisation de sortir de la clandestinité et cela, dès le lendemain du coup d’Etat du 3 août. Leur présence ouverte sur le sol national est en totale conformité avec nos décisions; le siège de l’organisation et son porte-parole, de même que les autres membres du Conseil d’Evaluation demeurent en exil, jusqu’à nouvelle délibération; certains y verront, de notre part, le recours à une dose d’ambivalence dans la manoeuvre ce qui, dans un contexte aussi instable, ne me semble pas à blâmer.

Pour ce qui est des sarcasmes, je vous répondrai qu’en politique deux espèces ont une certaine longévité: les gens qui font l’histoire et les aboyeurs; les premiers, pour maintenir leur notoriété, ont besoin des seconds. C’est dur d’être un roquet et de ne pouvoir échapper à sa condition.


FLAMNET: Pourquoi êtes-vous finalement resté en exil alors que plus rien apparemment ne s’opposait à votre retour que vous avez déjá annoncé sur les ondes de RFI? Est-ce encore un autre coup tordu du petit renard que vous êtes, ou est-ce par conviction qu’il y a encore de la place pour la lutte à partir de l’extérieur?

 

JEMAL O/ YESSA:  J’ai annoncé deux résolutions: m’ « apprêter » à revenir en Mauritanie et rendre mon statut de réfugié politique; les deux intentions tiennent toujours; la seconde est un choix irrévocable. Au demeurant, je n’ai jamais précisé le jour de mon retour.

Si mes camarades et moi sommes restés et retenus de participer au retour triomphal de nos alliés, c’est surtout par solidarité avec nos compatriotes déportés et réfugiés, au Sénégal et au Mali; rentrer ou ne pas rentrer ne constitue qu’une objection symbolique au silence du CMJD, sur une revendication essentielle de la Déclaration de Dakar. Nos positions sur les passif de l’ère Ould Taya ne varient pas.

 

Hormi cette question, rien, de notre point de vue, ne justifie plus que de se livrer à la contestation hors de Mauritanie, encore moins de se porter candidat au statut de réfugié politique. Toutes les conditions de sécurité sont actuellement réunies, pour se faire entendre, de nos compatriotes, à l’intérieur de nos frontières. Il serait déshonnête de ne pas en convenir.

 

FLAMNET: Il est certainement prématuré de porter un jugement définitif sur l’action de la junte au pouvoir à Nouakchott, pourriez-vous quand même nous faire un bilan d’étape? En d’autres termes, que pensez-vous des mesures prises par la junte depuis le 03 Aout?

 

JEMAL O/ YESSA: Elles auraient été bonnes, en général, si n’y présidait, manifestement, le souci d’endiguer les aspirations au changement; aussi, les jugeons-nous insuffisantes, notamment par la composition du Gouvernement de transition où siègent les acteurs les plus zélés de la fraude à grande échelle sous Ould Taya.
Néanmoins et pour éviter de paraître trop subjectif, je remarque que la gestion très économique de la contrainte, durant les premières semaines du coup d’Etat, exprime une certaine maîtrise et cela rassure. Je déplore, cependant, que l’amnistie ait tardé et constate que le changement entamé le 3 août demeure, strictement, une affaire bidhano-bidhane. Tant que l’Etat mauritanien ne se sera pas prononcé – d’abord en termes de réparation – sur les conséquences des crimes ethniques de 1989-1991, la Mauritanie ne regagnera son unité perdue et n’avancera vers l’Egalité.


FLAMNET: Quel commentaire faites-vous des propos du chef de la junte rapportés par Francois Soudan l´ex- griot apologiste de Taya, lá oú il dit: ” IL n’y aura pas d’action en justice ou de procès contre Taya. Si certains s’aventurent sur ce terrain, nous les rappellerons à l’ordre. Nous respectons sa personne, et nous lui souhaitons une retraite paisible ” n´est-ce pas lá une volonté de couvrir l´impunité?

 

JEMAL O/ YESSA:  C’est une erreur, grave, laquelle mérite une explication. Les partisans du CMJD prétendent que le propos ne correspond pas aux termes ni aux dispositions d’esprit de Ely Ould Mohamed Vall. Alors, que ce dernier procède à un démenti et nous serons édifiés. Des mots aussi lourds ne peuvent s’annuler par la simple proclamation de sa bonne foi. Je m’étonne que les partis de l’ex-opposition ne s’empressent pas de marquer leur réprobation.


FLAMNET: La junte et son chef semblent plus préoccupés à rassurer les partisans de Taya qu’à mettre en place un véritable projet démocratique impliquant collectivement les Mauritaniens. Comment expliquer ce manque de vision et d’intelligence politique?

 

JEMAL O / YESSA:  Les instigateurs du coup d’Etat du 3 août viennent du noyau dirigeant, du premier cercle autour de Ould Taya; leur mentalité n’est pas la rupture mais le ravaudage. Ces gens mènent la politique de leurs limites. Ils conçoivent la transition comme leur sortie en douceur, le meilleur moyen de contenir les dégâts. Les rapports entre eux et le pouvoir qu’ils viennent de décapiter sont organiques. Les mêmes intérêts matériels les lient. Il en découle un esprit de corps et quelques peurs en partage.

 

FLAMNET: On peut dire que l’ex opposition légale est entrain de se chercher, hésitant entre opposition frontale, dialogue critique et démission par rapport à ses responsabilités. Quelle serait, à votre avis, la meilleure posture à adopter?

 

JEMAL O/ YESSA:  Je crois qu’il faut afficher la fermeté envers le CMJD; ce serait la manière la plus habile de l’aider à achever sa mission. Les allégeances, les marches de soutien, la complaisance, les pieds de grue devant les domiciles de colonels, tout cela ne sacrifie à l’honneur et manque d’efficience. La rationalité des partis est différente de la nôtre; à leurs yeux, il faut se rapprocher du Conseil Militaire, lui plaire, en courtiser les membres, pour ne pas subir le poids d’éventuelles préférences lors des élections. La mentalité relève des réflexes d’adaptation à l’arbitraire. En 20 ans de sujétion, des habitudes s’imposent.

 

FLAMNET: Considéré par certains comme un héros, alors pour d’autres vous ne seriez qu’un “manipulateur, un intriguant “, voire un “putschiste” dont tout le monde croit avoir vu la main derrière la tentative de Coup d’Etat de Juin 2003. Qu’est-ce qui rend O/ Yessa si controversé?

 

JEMAL O/ YESSA:  Je n’ai jamais participé à la préparation directe d’un coup d’Etat; à dire vrai, je n’en ai pas eu l’occasion. Néanmoins, j’estime qu’un putsch, y compris sanglant, vaut bien mieux qu’une dictature, même réformable; je suis de cette vieille école dans la lutte, pour qui l’injustice se combat, d’emblée et sans retenue. A ce titre, je préfère le désordre à l’iniquité.

Oui, en quelques années de combat, contre une dictature féroce où pas une vilenie ne m’a été épargnée, nous avons dû apprendre et mettre en oeuvre les rudiments de la guerre psychologique, que les profanes appellent « intrigue » ou « manipulation ». La scélératesse de l’adversaire et la disproportion de ses moyens avec les nôtres, rendaient nécessaires les mesures de déception, d’infiltration et de contre-propagande.

Pour le reste, des compatriotes, dont d’authentiques opposants, ne m’aiment pas et se sont jurés ma perte. Il suffit que je prenne une direction, pour qu’ils s’y placent en embuscade. Avec le temps, j’ai remarqué combien ils me faisaient de la réclame, sans rémunération, de ma part. Aussi, en guise de remerciement, ai-je résolu de ne jamais polémiquer avec eux ; s’ils me lisent aujourd’hui, je leur répèterais la même exhortation : « allez-y, dites tout le mal que vous pensez de moi, c’est gratuit » !

 

FLAMNET: Si on vous a entendu réclamer le règlement des dossiers sur le “passif humanitaire” et la déportation, l´esclavage on ne voit pas vous mobiliser assez pour le problème de la cohabitation. Le statu quo actuel vous satisfait-il, ou est-ce que vous croyez qu’il est nécessaire de régler par des lois constitutionnelles ce que les FLAM appellent “La Question nationale et sociale”?

 

JEMAL O/ YESSA:  Exceptée la reconnaissance de l’identité bi culturelle de la Mauritanie, la constitution doit garantir l’égalité des citoyens et ne jamais établir de distinctions entre eux; la différence de naissance, de couleur ou de repères anthropologiques ne constitue pas une source de droit; je suis hostile à tout partage de pouvoir sur des bases ethniques et demeure attaché à l’organisation administrative de l’Etat centralisé et fort, comme garant de l’unité sous le primat de la Loi, votée par les représentants du peuple Je crois qu’il s’agit, là, d’une divergence nette entre les FLAM et nous.

 

FLAMNET: Pour finir, pourrait-on envisager O/ Yessa demain aux FLAM ? (rires).

 

JEMAL O/ YESSA:  J’envisage que les contradictions vitales de la Mauritanie se dissolvent dans la justice retrouvée, d’où l’extinction des FLAM ou leur reconversion éclatée entre les formations conventionnelles; ce jour-là, je viendrai vers vous, en recruteur, au moment de l’inventaire, avec ma liste de militants laïcs et socio-démocrates. Je suis certain de ne pas repartir seul.

 

FLAMNET: Vous avez vu Flamnet naitre et, pour la petite histoire, vous étiez d´ailleurs le 3 éme invité du site, 6 ans aprés quel regard portez-vous sur le petit parcours du site?

 

JEMAL O/ YESSA:  Les analyses, enquêtes et entretiens publiés sur Flamnet sont, en général, de très bonne tenue; le forum, lui, manque souvent de dignité; une poignée de rigolos, pas très rigoureux et souvent sous pseudonyme, y exerce, régulièrement, le chantage à la réputation. L’image des FLAM s’en trouve froissée, ce que je regrette, en ami du mouvement.

 

FLAMNET: Quel est votre dernier mot á nos lecteurs et á nos compatriotes?

 

JEMAL O/ YESSA:  Je recommande de se méfier, toujours, des marchands de modération, de consensus et de paix; ce sont, empiriquement, les plus dangereux alliés de l’autoritarisme. Quand le pays y bascule, ils sont les premiers à anesthésier l’esprit de résistance.

 

FLAMNET: Merci donc cher ami et La lutte continue !

 

Propos recueillis par Kaaw Touré, Abdoulaye Thiongane et Ibra Mifo Sow.

23 SEPTEMBRE 2005

INVITE DU SITE: Mohamed Ould Ciré, ancien diplomate

Ould cireMohamed Yahya Ould Cire: Ancien diplomate, initiatuer du mouvement EL HORR, President de AHME (Europe) a coeur ouvert:

 

” … Les haratine sont noirs, je suis négro-africain et à ce titre je revendique ma négritude. « Arabe-noir » n’a aucun sens parce qu’il n’y a pas d’arabe noir. Sociologiquement, il n’y a pas d’arabe noir, il y a des arabes qui ont réduit des noirs à l’esclavage et, à ce titre, ils les ont acculturés. Ce sont donc des Noirs esclaves dans une communauté arabe donnée. Le fait de vouloir faire des Haratine des arabes est un prolongement de l’esclavage. Il s’agit d’une nouvelle idéologie pour les maintenir sous le joug des Maures….

Les FLAM mènent un combat juste et elles doivent poursuivre ce combat jusquà atteindre leur but. En tout cas le combat extérieur est important car il destabilise le régime en place. L’indicateur, le plus probant, est l’intérêt que porte le chef de l’Etat à l’activité des FLAM.”

Mouhamed Yahya Ould Ciré, Président de l’Association des Haratine Mauritaniens en Europe a accepté de se livrer à coeur ouvert aux mauritaniens par le biais de Flamnet. Cet homme a occupé plusieurs postes dans la diplomatie mauritanienne. Réfugié en France depuis 5 ans pour son refus de servir d’esclave administratif au système raciste et esclavagiste dirigé par Ould Taya. Ce fondateur d´El Hor, a crée aujourd’hui son Association qui est en totale rupture idéologique avec les organisations et associations mauritaniennes anti-esclavagistes.

Dans cette interview fleuve, il définit pour nous l’esclavage en Mauritanie dans toutes ces acceptions qu’il va caractériser, il se positionne par rapport á la question “Quelle identité pour les Haratine?” Il traite également du rôle des Organisations et Associations mauritaniennes anti-esclavagistes, des dissensions qui existent entre l’AHME et ces organisations, entre lui et ses anciens camarades de lutte, Boydiel, Ould Boulkheir “l´arabe-noir”, Boubacar Ould Messaoud. Il fustige et accuse certains hommes du microcosme politico- droit de l’hommiste mauritanien.

Outre, c’est à coeur ouvert que notre diplomate trés peu porté au discours diplomatique nous parle des difficultés rencontrées dans sa longue carrière diplomatique, difficultés liées à sa condition sociale de Hartani.

Cette interview avec l’aîné Mohamed Yahya Ould Ciré sera un des événements majeurs de la littérature politique en Mauritanie.
Entretien….

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Flamnet: Bonjour Frére, Comme il convient de faire avec tous ceux que nous avons reçu sur Flamnet, Vous voulez vous présenter à nos lecteurs ?

 

MOHAMED YAHYA CIRÉ: Je suis un ancien diplomate mauritanien. J’ai obtenu mon certificat d’études primaires en arabe et en français en 1965 à Tékane ( région du Trarza, département de R’Kiz), mon brevet franco-arabe en 1971, au lycée de Rosso ; mon baccalauréat série lettres modernes (en français) en 1974, au lycée de Nouakchott ; mon diplôme de l’ENA de Mauritanie en 1976 (section diplomatie) ; mon DEA de sciences politques en 1985 (Paris II,).

J’ai servi au Ministère des Affaires Etrangères de 1976 à 1979. Puis de 1979 à 1980, j’ai accompli les fonctions de conseiller à l’Ambassade de Mauritanie de Kinshasa(Zaïre). De 1980 à 1986, je fus conseiller à l’Ambassade de Mauritanie à Paris. De 1986 à 1992, j’ai travaillé comme Consul première classe au Consulat général de Mauritanie à Paris. De 1992 à 1998, j’ai rempli la fonction de Consul général de Mauritanie en Guinée Bissau. En ce qui concerne mes activités militantes, je suis un acteur dans la lutte de libération des Haratine et Président de l’Association des Haratine de Mauritanie en Europe (AHME).

 

Flamnet : C’est quoi l’AHME ?

 

MOHAMED YAHYA CIRÉ: L’Association des Haratine de Mauritanie en Europe (AHME) est née le 11 aout 2001. L’objectif de l’association est l’abolition de l’esclavage en Mauritanie- Eradication du phénomène dans toutes ses manifestations- La libération et l’Emancipation des Haratine (victimes de l’esclavage en Mauritanie)-Dénonciation des pratiques esclavagistes et de la complicité de l’Etat mauritanien- Informer et sensibiliser l’opinion publique européenne, africaine et internationale.

Le mot haratine signifie affranchis. Le singulier du mot haratine est hartani. L’usage de la notion est impropre car, dans la réalité, les esclaves ne sont pas affranchis. Il s’agit d’un idéal vers lequel nous tendons. Pour plus de détail sur la notion de haratine, nous vous renvoyons à notre journal, Le Cri du Hartani n°7 et 8 que vous pouvez aussi trouver sur le site de AHME : www. Haratine.com ou www.haratine-esclavage.org.

 

Flamnet: Qu’est-ce que l’esclavage? Parlez nous de la lecture que vous en avez, peut-on vraiment parler de l’existence de l’esclavage en Mauritanie à l’orée de ce 21 éme siècle? A Nouakchott, le régime parle pourtant de séquelles et évoque même la loi d’abolition du CMSN, mieux on nomme un Hartani comme premier ministre? Que dites-vous?

 

MOHAMED YAHYA CIRÉ: En Mauritanie, l’esclavage est un système qui prive l’être humain de ses droits juridiques, politiques, économiques etc. Ainsi l’esclave est un « homme » réduit à un objet, à un animal à la disposition de son propriétaire ou de son maître. L’esclave peut être vendu, loué, échangé ou donné. Il travaille sans être payé. Il n’a aucun droit sur ses propres enfants. Il ne peut se marier sans le consentement de son maître.

 

Juridiquement, l’esclavage peut être défini comme suit : « En Mauritanie ou ailleurs : l’esclavage est d’abord le droit d’user, de disposer et parfois d’abuser d’une personne qui n’est pas libre dans l’expression de sa volonté.

 

A la différence de la formule contractuelle dans laquelle l’expression des consentements et la rencontre des volontés créent l’obligation juridique, il sagit d’un engagement dicté, par le rapport de forces historique et matériel couvert par l’idéologie traditionnelle, légitimé par la mentalité dominante et toléré par les autorités de l’Etat. » Cf Rapport SOS esclaves 1996, ONG mauritanienne : Qu’est-ce que l’esclavage en Mauritanie? P 2.

L’esclavage demeure en Mauritanie et comme le disait Abraham Lincoln, « si l’esclavage n’est pas mauvais, rien au monde n’est mauvais.» L’esclavage existe encore bel et bien en Mauritanie.

Il y a, en réalité, plusieurs formes de manifestation de cet esclavage.

 

– L’esclavage traditionnel: Il consiste à faire les travaux de la maison la cuisine, le linge, le nettoyage de la maison, la recherche de l’eau, la garde du troupeau , la traite des vaches des chamelles, des chèvres, des brebis, Il consiste aussi à cultiver les champs, piler le mil, le sorgho, conduire les caravanes. Voilà un exemple de la condition de vie d’un esclave, aujourd’hui encore en Mauritanie. « Soueïlim travaille neuf mois pour Mohamed Ould Heïmâd. Il assurait le gardiennage du troupeau ( une quarantaine d’ovins et de caprins), la traite des animaux, le ramassage du bois, la corvée d’eau, le pilage du grain et la préparation des repas. Il travaillait sans relâche ne disposant que de quelques heures de repos par jour. Sa nourriture consistait en fonds de marmite; il n’avait pas droit au lait des animaux qu’il gardait et recevait rarement un verre de thé. On lui donnait pour se vêtir un petit boubou en tergal tous les cinq moins, tantôt neuf et, tantôt usager et une fois l’an, un pantalon ayant déjà servi ; il n’avait ni chaussures ni couverture pour se protéger du froid. Lorsqu’il tombait malade, il ne recevait aucun soin mais était accusé de fénéantise. Il n’avait ni tente, ni case, ni natte et se couchait au pied d’un arbre entouré de branchages. Quand la nuit tombait, il s’abritait chez des voisins ou sous des arbustes. Il n’a reçu aucune éducation. Enfant, Soueïlim était souvent battu ; devenu grand il était surveillé de près par ses maîtres : Pas de loisirs, insultes et reprimandes de rigueur. Les maîtres se sont opposés à son mariage. Hors la fuite, il n’avait aucune perspective de libération.>>(Messaoud Boubacar « L’ esclavage en Mauritanie : de l’idéologie du silence à la mise en question, in journal des africanistes Tome 70-fasc1-2 Edition Société des Africanistes 2001 p 311-312)
La vente des esclaves continue encore. « Quant à ceux qui sont restés avec leur maître, rien n’a changé. Absolument rien. Ce sont ceux-là qu’on loue, qu’on vend qu’on donne. » (Interview de Messaoud Ould Boulkheir par Antoinette Delafin in l’Autre Afrique du 6 aout au 2 septembre 1998) Nous rappelons que le texte d’abolition de l’esclavage date de 1981. Au moins, 17 ans après, les pratiques anciennes se sont perpétuées et continuent encore de nos jours.

 

– L’esclavage administratif est celui pratiqué au sein de l’administration, il revêt deux aspects.

 

1/l’utilisation du hartani dans l’administration publique. Le hartani, dans ce cas, quelque soit ses compétences et sa position hièrarchique, doit être au service du maure ( arabe ou berbère). Il demeure le bon esclave (abd) « le bon négre ». Ceci est d’autant plus grave qu’il s’agit du domaine du non dit.

 

2/ Le recrutement des esclaves par leurs maîtres dans l’administration en vue d’un profit. Grâce au maître, l’esclave est recruté au sein de l’administration. Dans un premier cas, le salaire revient, entièrement, au maître et dans un second, l’esclave et le maître se partagent le salaire.

L’esclavage moderne : Il sagit d’une utilisation des haratine, dans les villes, par tous les maures qui le souhaitent. Les esclavagistes habitent les villes peuvent prendre leurs esclaves pour chauffeur ou pour travailler dans leurs entreprises sans être payés.

Le second aspect touche tous les Noirs. Certains maures font travailler des Noirs et refusent de les payer et si la victime portait plainte on l’amène à la police où elle est battue puis mise en prison. J’ai, personnellement, en tête un exemple criant de l’esclavage moderne en 1993.

 

En tant que Consul général de Mauritanie, en Guinée Bissau, j’ai accompagné en 1993 le ministre bissau-guinéen de la défense, Monsieur Samba Lamine Mané qui était porteur d’un message de son Président au chef de l’Etat mauritanien, Ould Taya. Au cours du deuxième jour de son séjour, il a souhaité rencontrer la communauté bissau-guinéenne à Nouakchott. Il a pu renconter 181 membres de sa communauté grâce à la direction de la sûreté. Les plaintes des ressortissants portaient sur le fait qu’ils travaillaient sans être payé. Soixante (60) cas, de ce type, ont été recensés au cours de cette réunion. Le Ministère des Afffaires Etrangères a été saisi du problème et le ministre de la défense aussi. Une bonne partie de ces plaintes concerne des officiers militaires, des cadres de l’administration publique et des commerçants.
 

Aucun cas n’a été réglé. En 1994, à partir de Bissau, j’ai téléphoné pour connaître la suite donnée à cette question, Khattry Ould Jiddou( sécrétaire général du minitère des affaires étangères) m’a répondu que je n’étais pas le Consul Général de Guinée Bissau. Autrement dit, ce n’était pas à moi de m’en occuper mais cette tâche revenait aux diplomates de Guinée Bissau .

 

– L’esclavage politique consiste à l’utilisation des voix haratine dans les élections. N’ayant pas de droit de vote, parce que sans personnalité juridique, l’esclave n’a pas droit au vote. Cependant, il peut voter sous l’ordre de son maître et à son profit. Dans ce cas son vote est pris en considération. Ainsi les maîtres d’esclaves monnaient le vote de leur escalves auprès du parti au pouvoir ou de l’opposition. Tous les partis politiques, d’aujourd’hui, cherchent une clientèle haratine sans que leur programme ne contienne des mesures visant l’éradication de l’esclavage. Ils font voter des Haratine comme le font les esclavagistes traditionnels. Il s’agit d’une nouvelle utilisation de l’esclave dans des institutions modernes.

 

– Le néo-esclavage. Il arrive que l’esclave achète sa liberté auprès du maître et à cette fin, il peut s’endetter et cette dette peut durer sa vie entière ainsi que celle de sa progéniture. Le maître d’esclave peut devenir pauvre et libèrer, à cette occasion, son esclave afin de l’exploiter de façon indirecte. L’esclave ainsi affranchi donne au maître une redevance à vie. Certains maîtres affranchissent leurs esclaves selon la loi islamique. En signe de reconnaissance, l’esclave continue à servir son ancien maître. Les avantages de ce type de pratiques résident dans le fait que les maîtres n’entretiennent et ne surveillent plus leurs anciens esclaves et continuent à profiter d’eux.

 

En ce qui concerne la thèse des séquelles, d’abord l’ordonnance n° 81234 du 9 novembre 1981 n’a pas été appliquée. Aucun décret, aucune circulaire n’a été édicté en vue de son application. La commission nationale ( Art 3 de l’ordonnance) qui était chargée du suivi ne s’est jamais réunie. Cette même commission est composée, entre autres, d’oulémas qui sont, dans cette affaire, juges et parties, parce que détenteurs eux-mêmes d’esclaves. D’autre part, l’esprit du texte même pose problème puisque cette abolition « donnera lieu à une compensation au profit des ayant droit. », Art 2. Je précise que les ayants droit sont les maîtres d’esclaves.

Quant à la nomination de Sghair Ould M’bareck, il s’agit d’un camoufflage politique, en ce sens qu’elle ne change rien aux données relatives à la conditon des esclaves. Si la volonté politique était réellement de lutter contre l’esclavage, il aurait fallu défénir un programme à cet effet, le porter à la connaissance du public et s’engager à l’appliquer. A partir de là, on peut nommer un hartani ou non pour son application. En plus, cette nommination peut servir de prétexte pour dire que les Haratine sont des citoyens comme les autres qui peuvent accéder au pouvoir. Alors qu’en réalité le rôle du premier ministre, dans un pays comme la Mauritanie, n’est que de façade. Le vrai pouvoir revient à Ould Taya et à son entourage.

Enfin, Sghair ould M’bareck est connu des Haratine pour avoir été à l’origine de la première scission au sein d’EL HOR ( Organisation de Libération et d’Emancipation des Haratine) en 1986, sur incitation de l’actuel pouvoir. Je rappelle que cette division a eu lieu, juste, après la parution du Manifeste du négro-mauritanien opprimé. En effet, c’était en réaction à cette parution que ce premier éclatement a été suscité. La nouvelle tendance ainsi créée a été appelée El Hor authentique, laquelle authenticité voulait dire l’arabité des Haratine. Or pour moi, les Haratine ne sont pas des Arabes.

 

Sghair a eu une longévité ministérielle, jamais égalée ( Ministre de l’éducation, Ministre de la justice, etc.). Dans les ministères qu’il a eu à occuper, il n’a jamais nommé des cadres Haratine dans son département ministériel. Cela aurait, au moins, prouvé son courage politique et sa volonté de contribuer à la cause haratine. Depuis sa nommination, comme premier ministre, il s’est défait de tous les cadres haratine nommés avant lui. La thèse des séquelles trouve en Sghair un bon serviteur (bon esclave) puisqu’elle vise à cacher une réalité par des artifices. L’esclavage existe bel et bien encore aujourd’hui. « l’esclavage existe toujours. Il est vécu de la même manière que par le passé et tire sa source de l’Islam, dans un pays à 100% musulman. »

 

Si nous acceptons la thèse des séquelles de l’esclavage, défendue par l’Etat, pourquoi refuser de reconnaître Sos esclaves, pourquoi dissoudre le parti Action pour le Changemnt (A.C.) et refuser Le parti Convention pour le Changemnt (C.C.), dès sa création ? Si la thèse du régime était juste, il aurait acepté ces organisations, car ces structures auraient pu aider à la lutte contre les prétendus séquelles de l’esclavage prônées par le pouvoir. La thèse des séquelles de l’esclavage sert à empêcher les Haratine de prendre en charge leurs problèmes et de lutter, efficacement, contre l’esclavage. Le pouvoir n’acceptera jamais une organisation politique ou associative ayant à sa tête un hartani intègre (miltant, d’une manière conséquente, pour la libération des Haratine) .

 

Flamnet: Comment vous définissez-vous « arabe-noir », comme le revendique Messaoud Ould Boulkheir, arabe tout court, Négro-africain, Hartani?

 

MOHAMED YAHYA CIRÉ: Je me définis comme Hartani, de père et de mère haratine. J’en tire une fierté. Je revendique, donc entièrement cette haratinité. Cf « Le Cri du Hartani » n° 7et 8 ou le site. Puisque les haratine sont noirs, je suis négro-africain et à ce titre je revendique ma négritude. « Arabe-noir » n’a aucun sens parce qu’il n’y a pas d’arabe noir. Sociologiquement, il n’y a pas d’arabe noir, il y a des arabes qui ont réduit des noirs à l’esclavage et, à ce titre, ils les ont acculturés. Ce sont donc des Noirs esclaves dans une communauté arabe donnée. Les Haratine sont un exemple dans la communauté arabo-berbère de Mauritanie. Je préfère le mot soudane au mot maure noir parce que soudane renvoie à une réalité historique et sociologique. Les premiers arabes qui sont entrés en contact avec les Africains les ont appelé soudane parce qu’ils sont noirs. C’est pourquoi le Soudan actuel a été appelé Soudan. Or, c’est à partir du Soudan que les Arabes ont créé l’une des premières routes de la traite négrière transsaharienne. L’Egypte a joué un rôle important dans cette déportation des esclaves.

 

L’ancien Soudan français, Mali actuel, a été un foyer de la traite transsaharienne. Le Maroc a joué aussi, dans ce domaine, un rôle considérable. Le mot Soudane venant des arabes convient mieux aux esclaves arabes puisqu’il rappelle un contact et une réduction à l’esclavage. J’écarte le mot soudane, dans ce contexte, parce qu’il ne permet pas de faire la différence entre les noirs réduits à l’esclavage maure et les autres. Un Hartani qualifié d’arabe n’a aucun sens puisqu’aucune tribu arabe, aucun pouvoir, aucun Etat arabe n’a réduit des arabes à l’esclavage, au moins depuis la naissance de l’Islam.

L’élément culturel, en soi, ne suffit pas à determiner l’arabité des haratine.( Cf Cri du hartani n°4). Puisque les Haratine sont, en Mauritanie, avec d’autres noirs, pour les différencier, tous ceux parmi eux qui ne sont pas victimes de l’esclavage arabo-berbère, nous les désignerons sous le vocable de négro-africains. Quant au mot Haratine, il est spécifique aux victimes de l’esclavage maure ayant leur identité propre à cause de leur histoire particulière et leur situation actuelle. Les autres négro-africains ne sont pas victimes de cette forme d’esclavage, mais plutôt d’un racisme des populations maures et d’Etat.

 

Le fait que les Haratine ne revendiquent pas leur origine entraîne un complexe d’infériorité, toujours exploitable en leur détriment. Tous les mouvements noirs, anti-esclavagistes, qui ont lutté pour leur libération, qu’il s’agisse des Noirs américains, des Colombiens, ont revendiqué leur origine noire car celle-ci est partie intégrante de leur personnalité. Le fait de vouloir faire des Haratine des arabes est un prolongement de l’esclavage. Il s’agit d’une nouvelle idéologie pour les maintenir sous le joug des Maures.


Flamnet: Dans le numéro 1 de votre journal « LE CRI DU HARTANI » vous faites référence au poéme du poète Hartani Mohamed Deyo qui disait » Si j’ai traversé la terre de Rome c’est parce que je veux me séparer des arabes. Je ne suis pas les chiens qui n’apprécient que ceux qui les étranglent. Quel message voulez-vous lancer par ce cri, voulez-vous vous séparer des arabes vous aussi et pourquoi. Pensez-vous que les arabes sont par nature esclavagistes.

 

MOHAMED YAHYA CIRÉ: Dans ce poème, le premier vers s’adresse aux arabes. C’est un cri de colère contre l’arbitraire des tribus hassan qui dominaient la tribu haratine, Oulad Aïd, à laquelle appartiennent l’auteur et moi-même. Ce poème a été écrit suite à une révolte contre l’Emir du Trarza Ahmed Salem Ould Brahim Salim de la tribu Oulad Ahmed Mindemane, dans les années 1920. Une grande partie des Oulad Aïd s’est exilée, à cette occasion, au Sénégal, non loin du village de Bokhoul, situé à neuf kilomètres, environ, de Dagana. Elle voulait échapper à la domination arabe et se mettre sous la protection de l’administration coloniale française au Sénégal.

C’est une des premières, sinon la première révolte haratine en Mauritanie appeléé Scharr Bedenndi. Les dissidents sont restés cinq ans dans cette localité dénommée Bedenndi. C’est, seulement suite à un accord entre l’administration française et l’Emir, dans lequel la Horma (redevance imposée aux Haratine Oulad Aïd) fut supprimée. L’accord stipulait aussi la supression de toute relation de sujetion et que les terres culivables revenaient, désormais, suite à un contrat vente aux Oulad Aïd et non à l’Emir ou à sa tribu.

Le second vers s’adresse aux autres haratine Oulad Aïd qui ne se sont pas ralliés à la révolte et sont restés en Mauritanie. Ma propre famille en fait partie. L’auteur de ce texte critiquait leur attitude de soumission aux Arabes.

En ce qui concerne la deuxième partie de la question, je répondrais en disant que mon souci est la libération et l’émancipation des haratine. Personnellement, je pense que ces objectifs ne peuvent être atteints sans une une rupture totale et définitive avec le système féodal maure, soutenu par l’Etat. Je suis convaincu que sans une crise profonde engendrée par la lutte, les Haratine ne se libéreront pas. L’esclavage est très ancré dans la mentalité maure. Il est l’enjeu de grands interêts économiques sociaux et culturels. Les Maures ne renonceront à leurs intérêts que contraints et forcés. Aucun peuple n’est par essence esclavagiste. Seulement, l’histoire humaine est faite de rapports de forces et les Maures ont bénéficié d’une situation dont ils ont profité et continuent de profiter. Il reste que la mentalité esclavagiste est, tellement, enracinée, qu’aujourd’hui, il faut, nécessairement, faire basculer les rapports de forces. Le problème n’est pas de se séparer mais de savoir comment nous pouvons ensemble, en tant que Mauritaniens, vivre dans des rapports égalitaires de droits.
Si se séparer siginifie rompre avec le tribalisme et l’allégeance aux Maures, je suis d’accord car on ne peut faire autrement pour se libérer. Les Haratine doivent constiuer un bloc, indépendant des Maures, pour défendre leurs intérêts. Si séparer veut dire séparation territoriale, alors je ne suis pas, pour le moment, dans cette optique.


Flamnet: Que dites-vous du racisme d’Etat qui frappe la communauté négro-africaine de Mauritanie avec les déportations, l’épuration et les assassinats en prison et dans la vallée? Et quelle propostion préconisez-vous pour trouver une solution définitive à la fameuse question nationale et sociale en Mauritanie?

 

MOHAMED YAHYA CIRÉ: Il y a, en Mauritanie, un racisme d’Etat qui touche tous les Noirs, en général. Pour les négro-africains, il se matérialise par une discrimination raciale institutionnalisée qui touche notamment le partagre du pouvoir, l’occupation des terres et la reconnaissance de leur identité culturelle.
De 1989 à 1992, il y a eu une épuration ethnique des déportations, des charniers du fait de l’Etat et des nationalistes arabes. La solution consiste à un partage équitable du pouvoir politique, lequel doit déboucher sur un partage économique, social et culturel où tous les citoyens retrouveront leurs droits. D’une manière générale, le problème est celui de la refondation des bases de l’Etat où l’égalité des citoyens ne serait plus un vain mot. Mais cela ne se fera que lorsque le nouveau contrat sera la résultante de revendications de toutes les communautés. Pour arriver à ce nouveau contrat, beaucoup de questions préalables devraient être résolues, dont notamment la question de la composition démographique de la Mauritanie. Les Maures ne peuvent pas continuer à compter les haratine parmi eux.


Flamnet: Vous avez été un fonctionnaire du ministère mauritanien des affaires étrangères jusqu’à votre rappel en Mauritanie, c’était en quelle année déjà? Des suites d’un problème que vous avez «exposé sur la scène internationale. Voulez-vous revenir pour nos lecteurs sur les circonstances qui ont prévalu à votre rappel à Nouakchott et les raisons de votre exil en France?

 

MOHAMED YAHYA CIRÉ: J’ai été rappelé en janvier 1998, suite à des rapports difficiles à la fois avec l’Etat et la communauté maure mauritanienne en Guinée Bissau. Dès mon arrivée, en tant que consul en 1992, j’ai trouvé que la résidence du consul général était occupé par une bonne cinquantaine de maures dont des diplomates et le personnel administratif local. Ceci avait été permis par mon prédecesseur, Monsieur Bilal Ould Werzeg, lui même d’origine haratine. Le premier problème était de sortir ces gens de cette résidence. Le consul premier classe et le comptable Ahmedou Ould Saleck refusaient de la quitter. Ceci est mon premier combat qui m’a crée des ennemis parmi les diplomates et les autres maures qui habitaient dans la résidence.

 

Deuxièment, j’ai trouvé que Bilal avait constitué un comité de réprésentants de la communauté mauritanienne en Guinée Bissau dont, au moins, une dizaine touchait des salaires. J’ai mis fin à cette situation. Ce qui n’a pas plus aux interessés. Ce comité était composé d’un representant par tribu. Tout ce monde a utilisé ses influences en Mauritanie pour salir mon image. Or, je croyais simplement rétablir une situation, en me basant sur les règles de l’admimistration. Du point juridique, rien ne m’obligeait à partager cette résidence, exclusivement destinée au Consul général. D’autre part, je ne voyais pas pourquoi je devais payer des commerçants maures pour représennter leur propre tribu auprès du consulat. Ces fonctions devaient être bénévoles.

Ensuite j’ai eu à traiter trois cas relatifs à l’esclavage. Deux, parmi eux, suite à des plaintes de la part de deux haratine qui ont travaillé pour leur maître d’esclaves sans être payés. Le premier a travaillé deux ans, le second quatre ans. J’ai instruit ces affaires. Après avoir vérifié que les interessés ont travaillé sans être payés, ce qui n’a pas été facile parce que les esclavagistes refusaient de reconnaître la relation de l’esclavage. J’ai ensuite demandé qu’on leur paie au salaire minimum interprofessionnel garanti ( SMIG) de Guinée-Bissau de l’ordre de trente mille (30.000) francs CFA pour le nombre de temps travaillé. Les intéressés m’ont ramené les sommes que j’ai remises aux plaignants.

 

Le troisième cas était un cas d’héritage. Il s’agissait d’un hartani de la tribu de Tinwajib. Après son décès, son maître est venu de Mauritanie pour recupérer l’héritage. J’ai demandé une procuration judiciaire pour dégager la responsabilté de mon administration. L’intéressé m’a dit qu’il n’a jamais entendu parler d’une procuration judiciaire. Je lui ai dit que la pièce était exigée par la loi. Il m’a amené une procuration signée par un greffier. Je lui ai dit que la procuration ne pouvait être signée que par le juge. Finalement, il est parti sans recupérer l’héritage. Une fois rentré en Mauritanie, il s’est plaint auprès du Ministère des Affaires Etrangères et de la Présidence d’où l’intervention de l’ancien sécrétaitre général du ministère des affaires étrangère qui me conseillait de remettre l’héritage au maître. Je lui ai demandé une lettre ou un fax, l’intéressé ne m’a jamais envoyé l’un ou l’autre. Je suis donc resté sur mes positions.

 

Quatrièmement, je veux aussi signaler le cas de Mohamed Mahmoud Ould Dih, propriétaire de deux pharmacies à Bissau qui s’était engagé dans un trafic de véhicules ( 4 x 4). Avant mon arrivée, il avait l’habitude de se faire délivrer des certificats de déménagement auprès du consulat. Ces certificats lui servaient à ne pas payer les frais de douanes en Mauritanie. Le certificat de déménagement est, en principe, établi pour les gens qui rentrent définitivement en Mauritanie, après avoir longtemps séjourné dans un pays donné. Normalement, ce certificat est délivré pour des biens déjà utilisés dans le pays d’accueil. Lorsque j’ai découvert ce trafic, j’ai interdit, dorénavant, de lui en établir. Pour se venger de moi, il s’est allié à certains anciens représentants de la communauté mauritanienne que j’avais refusé de rénumérer. Ce groupe a adressé une lettre au Ministère des Affaires Etrangères pour me dénigrer.

 

Cinquièmement, avant de rejoindre le consulat, en 1992, Kattry Ould Jiddou, toujours sécrétaire général du Ministère des Affaires Etrangères m’a parlé du cas de son cousin, Mohamed Fadel Ould Hamada. Ce dernier avait déjà été recruté au Consulat. Il m’a demandé de lui attribuer un salaire de 200.000 ouguiya soit 4000 francs français de l’époque pour qu’il puisse subvenir aux besoins de sa famille élargie restée en Mauritanie. Lors de ma prise de service, j’ai trouvé que l’intéressé n’était même pas présent au consulat. Renseignements pris, j’ ai découvert qu’il percevait un salaire de 1200 FF sans fournir un travail au sein du Consulat. Il vivait à Bafata, ville située à 150 Kilomètres de Bissau où réside une forte communauté mauritanienne composée, quasi-exclusivement, de membres de sa propre tribu qui est aussi celle du sécrétaire général Khattry, à savoir Laghlal.

 

En fait, son travail consistait à s’occuper des problèmes de sa propre tribu auprès de la douane, de la police et de l’administration en général. J’ai demandé à ce qu’il rentre rapidement à Bissau et j’ai exigé à ce qu’il y reste pour accomplir des fonctions administratives. Je lui ai attribué, six mois après, une augmentation de salaire de 200 FF, mais je n’ai pas accédé à la demande du sécrétaire général parce que la grille des salaires du personnel administratif local, ne permettaitt pas lui donner 4000FF et je ne voyais pas aussi la raison de le traîter avec faveur au détriment des autres membres du personnel. J’en ai rendu compte au sécrétaire général, en lui expliquant ma position. Il m’en a gardé une rancune perceptible dans ses agissements ultérieurs.

Sixièmement, en 1995 Mohamed Ould Mohamed Ali, ancien consul général de Mauritanie au Sénégal m’a demandé, au téléphone, d’aider Ahmedou Ould Saleck ( comptable du consulat de Bissau) pour préparer sa retraite car il était à cinq ans de sa retraite. Je lui demandé des éclaircissements. En réponse, il m’a dit qu’Ahmedou, après trente ans de carrière n’avait pas de maison et qu’il fallait l’aider à en avoir, avant sa retraite.

Je lui ai répondu que ce dernier avait son salaire et percevait des indemnités et que je n’avais rien d’autre à faire pour lui, en dehors des règles administratives. S’il voulait l’aider qu’il le prenne comme comptable. Un an après, il y a eu un détournement d’un montant 14 millions d’ouguiyas (environ 400.000 francs français) ce qui constituait, la moitié de notre budjet annuel. Ce détournement a été fait en Gambie et non en Guinée Bissau. L’argent a été envoyé de la Banque Centrale de Mauritanie à Nouakchott à la Banque Centrale de Gambie. Recupérée en dalasi ( monniae locale) la somme a été échangée en francs français au marché noir. Ainsi cette opération a permis à Ahmedou et Mohamed Ould Dah, cousin du Consul de Dakar d’avoir une plus-value de cinquante mille francs français qu’ils se sont partagés. Cette opération n’aurait jamais pu se faire sans l’intervention de Moulaye et Brahim Sow, Consul et comptable en Gambie.

 

Une semaine plus tard, Ahmedou arrive en Guinéée Bissau avec 200.000 francs français, les autres 200.000 ont servi à acheter des marchandises en Gambie, réexpédiées à Dakar pour être vendu.

Je signale ce détournement à Nouakchott. Six mois après, dans le cadre d’une inspection, un contrôleur des finances en la personne de Bâ Abdoul Houdou et un fonctionnaire des Affaires Etrangères en la personne de Bazeïd Ould Bowah arrivent pour une double inspection financière et adminitrative. Ce contrôle m’imputait une responsabilté de mauvaise gestion financière et administrative du Consulat de 1992 à 1998.

 

L’inspecteur financier, après une semaine de contrôle de dix ans de gestion (1988-1998), a arrêté son travail. Après avoir constaté la responsabilté comptable d’Ahmedou dans la mauvaise gestion, l’inspecteur s’est rendu à Dakar, malgré mon oppostion, et ce pour rencontrer le Consul général, Mohamed Ould Mohamed Ali. Le résultat de leur rencontre est que Bâ Houdou a reçu 6500000 francs CFA et il est revenu continuer son « contrôle ».

Je le lui ai remis un ordre afin qu’il se rende à Ingor, ville située à 100 km à l’Est de Bissau où venait d’être ouverte une boutique d’un montant de 13000000 de FCFA.Cette boutique m’ a été signalée par des Maures qui me disaient qu’elle a été ouverte pour les parents d’Ahmedou. Le contrôleur s’est rendu sur lieu sans poser des questions aux gérants de la boutique .

A son retour, il me dit que je n’avais pas droit au logement en tant que consul général. Il fallait donc que je rembourse 3000francs français par moi pour les cinq ans d’occupation du logement. En plus, je n’avais plus droit à la prise en charge des frais relatifs au personnel attaché à la résidence et que les sommes versées, à ce titre, devraient être remboursées. Or tous les huit consuls généraux, que posséde la Mauritanie, sont logés par l’Etat. De septembre 1992 à janvier 1998, mon salaire était de 11000 francs français, subitement, je retombais à 4600 et on me dit de rembourser le reste. Aucun consul général ne touche cette somme. Voilà comment on a essayé de m’imputer une responsabilté pour une mauvaise gestion financière du Consulat. (Cf Cri du Hartani n°6 pour plus de détails.)

Quant à l’inspection administrative, il m’a été reproché d’avoir employé quatre haratine : un sécrétaire, un cuisinier et deux gardiens. Si cela était à refaire, je le referais.

Quelque temps plus tard, j’ai été rappelé à Nouakchott. Ce rappel m’a été signifié par Mohamed Ould Maaouya, ancien sécrétaire général du Ministère des Affaires Etrangères. Sachant ce qui se tramait, je décidai de m’exiler. Je ne voulais pas être l’esclave qu’on giffle et qui tend la nuque.

 

Flamnet: Vous avez une fois dit en apparté à certains amis que Ould Taya, avant votre accréditation à Bissau, vous avait donné une misssion concernant les FLAM; Maintenant que vous êtes devenu visiblement son ennemi, et l’un des plus virulent pouvez-vous nous la révéler?

 

MOHAMED YAHYA CIRÉ: En fait, on m’avait demandé une surveillance des activités des FLAM. Si j’obtenais des informations, je devais lui en parler directement ou alors son directeur de cabinet, Louleïd Ould Wedad ou au directeur de la sureté, Ely Ould Mohamed Vall. Je n’ai jamais été un ami de Ould Taya, j’étais simplement un fonctionnaire de l’Etat.
Depuis 1986, suite au manifeste et surtout à la tentative de coup d’Etat de 1987 par les officiers négro-mauritaniens, les Négro-africains sont devenus des ennemis structurels du régime de Ould Taya. Je suis persuadé que tous les chefs de mission recoivent des instructions relatives aux Forces de Libération Africaines de Mauritanie (FLAM), là où elles peuvent agir. En ce qui me concerne, j’ai senti, chez Ould Taya, la volonté de savoir quelle était ma position par rapport aux négro-africains et de s’assurer de mon allégeance vis à vis des Maures. Mon combat actuel est le prolongement d’une action déjà ancienne. Je refuse toute forme d’injustice et à ce titre, je combats pour la libération et l’émancipation des Haratine et pour l’égalité en Mauritanie, d’une façon générale. Je ne suis pas ennemi à des individus mais à un système. Demain, même si Ould Taya partait et que le système continuait à perdurer, je poursuivrais mon combat.

 

Flamnet: Que Pensez-vous de SOS esclaves? D’El Hor? Avez-vous appartenu à ces deux structures? Et pourquoi avez-vous crée l´AHME? Qu’est-ce qui vous oppose à ces cadres qui existent déjà et qui partagent les mêmes idéaux que l’AHME.

 

MOHAMED YAHYA CIRÉ: S’agissant de SOS esclaves, je pense qu’il s’agit d’une association qui a sa raison d’être et qui lutte contre un problème qui existe à savoir l’esclavage en Mauritanie. A mon arrivée à Paris en 1992, cette assosciation avait une représentation en France, à travers la personne de Jemal Ould Yessa. Je suis rentré en contact avec lui et je lui ai parlé de ma situation. La première chose qu’il a faite est de désinformer l’OFPRA, en m’accusant d’avoir détourné de l’argent et selon lui, je ne pouvais prétendre au statut de réfugié politique. Je ne l’ai su que très tard par des amis auxquels il a avoué ce qu’il avait dit à l’OFPRA. Il est aussi vrai que je n’ai pas cherché à travailler avec lui parce que les renseignements que j’ai obtenus m’ont permis de comprendre qu’il voulait des haratine travaillant sous son allégeance. Il a réussi à le faire avec certains. Quant à moi, je n’accepterai jamais une telle conduite.

 

En 2000, Boubacar Ould Messaoud, le Président de SOS esclave est venu à Paris, nous nous sommes rencontrés, je lui ai fait part de mes griefs à l’encontre de Jemal et je lui ai dit que je ne souhaitais pas être à la tête, de la représentation de SOS esclaves à Paris, mais il faudrait mieux la confier à un autre hartani. En réponse, il m’a dit qu’il avait confiance en Jemal et qu’il souhaiterait que je puisse travailler avec lui. Je lui ai signifié mon refus. L’histoire m’a donné raison, puisque Jemal a été dénoncé par ses propres amis, à savoir Abdalah Ould Hormatallah, Mohamed Ould Asker et Jemal Ould Mohamed. Voilà ce que dit Ould Hormatallah qui l’accuse d’avoir détourner de l’argent : « J’ai par ailleurs la preuve que des détournements de fonds importants ont été faits par Nasser Ould Yessa (Jemal ) au nom et au préjudice de SOS esclaves, avec la complicité d’autres membres de l’organisation mauritanienne. »
(Voir le Calame du 30 avril 2003,Mauritanie-net archives -May 2003)

Aussi, il l’accuse d’avoir utilisé un vieux hartani dans sa tournée aux Etats Unis et d’avoir détourné la collecte faite par les Mauritaniens aux USA pour aider le vieux hartani. « Lors d’une tournée aux USA, un vieux haratine a accompagné Nasser Ould Yessa à sa demande pour témoigner lors de ses conférences en tant que victime de l’esclavage. Une collecte qui devait l’aider mais rien ne lui a jamais été donné. Dégouté, il a abandonné sa demande d’asile aux USA. Plusiseurs mauritaniens aux USA pourront attester ce fait. »

 

La question que je me pose est, qu’est devenu ce hartani?. Qu’est-ce qui peut pousser un individu à amener, dans sa valise, un vieux hartani pour une exposition qui rappelle les pratiques coloniales? A la différence de l’exposition coloniale, qui parquait les nègres dans des Zoo, le but de Jemal était double : amasser de l’argent et utiliser, pour sa promotion politique, cette personne, pour obtenir des soutiens extérieurs dans le cadre de sa conquête du pouvoir. Jemal ne défend pas les Haratine. Il est un des petits fils de l’Emir du Tagant qui cherche une prise du pouvoir, en exploitant la cause haratine. Je condamne Jamel d’avoir traiter, ainsi, un hartani. Il doit rendre compte, un jour, de cela.
C
es anciens amis au sein SOS esclaves et de Conscience et Résistance qui se déchirent, actuellement, n’ont aucune divergence sur la question de l’esclavage. Les divisions au sein de ces mouvements ont pour origine le soutien de Jemal au candidat, aux élections présidentielles de novembre 2003, Khouna Ould Haïdallah ? au lieu de Ahmed Ould Daddah qui était le candidat initial commun au groupe. « Les résistances rencontrées et les contre-alliances ont fait commettre à Ould Yessa et Ould Maloum des coups de force inaceptables, comme la décision abérrante de soutenir la candidature de Haïdallah, qui m’a décidé a agir et à précipiter l’éclatement du mouvement. » (Ibid Calame)

 

S’agissant d’El Hor, j’en suis l’initiateur, en 1974 à l’ENA de Mauritanie. C’est Bilal Ould Werzeg et moi qui avons fondé El Hor en décembre 1974. Nous nous trouvions en première année de la section de diplomatie. J’ai mis deux mois pour le convaincre. C’est sa sur Koumbeïtt Mint Werzeg ancienne sécrétaire de ministère,aujourdh’hui décédée (paix sur son âme) qui m’a aidé à le convaincre. J’ai la liste des dix premières personnes que nous avons sensibilisées en fin 1974 . Dans la liste des membres fondateurs d’El Hor, établie le 5 mars 1978, il y a quatre éléments qui sont mes anciennes recrues, y compris Bilal lui-même qui ne peuvent le contester. J’ai quitté le noyau d’El Hor suite à des divergences avec Bilal qui portaient sur deux faits. Je voulais créer une structure complexe qui serait à l’abri d’un facile démantèlemant. Bilal voyait dans ma volonté, une manière subtile de s’approprier du mouvement. Telle n’était guère mon intention. Je recherchai, surtout, l’efficacité.

L’autre point de divergence réside dans le fait que je voulais que le mouvement soit entre les mains de haratine convaincus, à l’exclusion de ceux qui pourraient être manipulés. Il fallait donc recruter avec discernement. Ainsi la prudence s’imposait dans l’approche des personnes à recruter. Il s’agit d’une pratique apprise auprès du Mouvement National Démocratiqe (MND) auquel j’appartenais, mais à qui je reprochais sa positon sur la question de l’esclavage. Car cette question était considirée comme secondaire.

 

Bilal était ouvert à certaines personnes qu’il jugeait utiles. Pour s’opposer à mes idées, il me traitait d’esclavagiste parce que mes parents possédaient des esclaves. J’étais le premier à le lui avouer, en préconisant que les membres du mouvement dont les familles avaient des esclaves devaient s’engager à les libérer auprès de leurs parents. Ce que j’ai fait auprès de ma mère dès 1975 et auprès de mon père en 1978. Ma thèse était qu’il n’y avait pas de différence entre les Haratine (affranchis ) et Abid (esclaves) parce que tous les deux étaient victimes d’un système. L’affranchissement, en soi, n’est qu’une ruse des tenants du système pour perpétuer leur domination.

 

El Hor a repris cette thèse ultérieurement. Messaoud Ould Boulkheir est venu à Paris en 2000. Nous nous sommes rencontrés avec d’autres Haratine: El Arbi Ould Saleck, Baba Ould Jiddou, le colonel Baby. Il nous a chargés de créer une cellule d’El Hor à Paris. Nous nous sommes vus après son départ pour la constituer. Des divergences sont apparues. J’avais la certitude que j’étais avec des haratine dont certains, au moins, étaient manipulés par Jemal. Après six mois d’attente, voyant que cette entreprise ne pouvait aboutir, à cause du sabotage opéré par Jemal et la faiblesse de certains haratine, nous avons créé AHME.

Enfin, en ce qui concerne Messaoud Ould Boulkheïr, je ne partage pas avec lui l’idée d’une présidence à vie d’El Hor, car anti-démocratique. Il appartient aux militants de désigner leur leader.

 

En ce qui concerne SOS esclaves, je pense que le travail fait par cette organisation est positif, mais seulement elle est minée par certains maures qui l’utilisent pour leur combat politique contre le régime en place ou pour avoir une audience à l’étranger parce que la question de l’esclavage est porteuse et non pour libérer les haratine. J’estime pour ma part que dans les conditions actuelles, la lutte ne peut être menée que par des haratine conscients, en dehors de toute récupération.

 

Ma divergence, avec El Hor et aussi SOS esclaves, réside essentiellement dans le fait que je n’accepte pas l’idée de l’arabité des Haratine, parce que sociologiquement et historiquement fausse. D’un autre côté, elle constitue, sur le plan politique, une lourde faute : jusque vers les années 90, leur thèse était le refus de l’arabité des Haratine. A partir des années 90, sous la pression du pouvoir et de la féodalité maure, ils ont accepté de la défendre Cela n’a guère, malheureusement, changé la condition des Haratine. En acceptant cette thèse de l’arabité, ils identifient les Haratine, comme une couche parmi les arabes. Au sein des arabes, il y a des riches et des pauvres, ce qui entraîne la dilution de la cause haratine. Or on sait que la condition des Haratine n’est en rien comparable à celle des arabes, même pauvres. Cette position complique la lutte des Haratine et renforce l’allégeance tribale qui détermine le positionnement des Haratine par rapport au pouvoir. Or l’ennemi de la lutte haratine est bien le tribalisme dont se servent les féodaux et les politiques.

 

Enfin, EL Hor est miné par des divisions: El Hor authentique, El Hor patriotique, El Hor radical. En dehors d’El Hor radical (qualificatif donné par le gouvernement), les deux autres premières tendances sont des créations du pouvoir de Ould Taya. Il faut noter que la tendance El Hor patriote a été créée dans une conjoncture politique délicate pour le régime : Sur le plan extérieur, il avait la révolution de Mars au Mali qui a fait chuté l’ancien chef d’Etat, Moussa Traoré qui pouvait servir d’exemple à l’opposition mauritanienne. Les relations diplomatiques avec le Sénégal étaient rompues suite à la crise de 1989. Sur le plan interne, le conflit ethnique de 89 continuait avec le massacre des officiers négro-africains.

Il y a aussi les tendances régionales, celle du capitaine Breïka (Adrar) et celle de Koné Mahmoud (régions de l’Est). EL Hor est devenu une coquille vide. Il n’ y a plus de sensibilisation, ni d’organisation, ni de publications etc. Il reste que les conditions de travail sont extrémement difficiles pour toute opposition authentique et particulièrement pour les Haratine. Mon idée est qu’on devrait refonder le mouvement sur de nouvelles bases.


Flamnet: Que pensez-vous des FLAM, de leur lutte et de leur initiative pour un forum de concertation de l’opposition démocratique? Comment doit se faire cettte unité de l’oppsoition et avec qui et pour quel objectif selon vous?

 

MOHAMED YAHYA CIRÉ: Je pense que les FLAM mènent un combat juste et qu’elles doivent poursuivre ce combat jusquà atteindre leur but. En tout cas le combat extérieur est important car il destabilise le régime en place. L’indicateur, le plus probant, est l’intérêt que porte le chef de l’Etat à l’activité des FLAM.

 

En ce qui concerne la concertation avec l’opposition, je pense que c’est une bonne initiative. Le seul problème est de pouvoir se rassembler autour d’idéaux démocratiques. Il ne faut pas, nécessairement, chercher des alliances avec des nationalistes arabes et des défaitistes négro-africains. L’histoire de la Mauritanie regorge d’exemples où la féodalité négro-africaine s’est alliée avec le pouvoir maure qui ne lui concède que des miettes. Le risque, aujourd’hui, est que les démocrates honnêtes tombent dans ce piège parce que la «démocratie » peut parfaitement s’accomoder avec le racisme et l’esclavage . Il suffit de prendre l’exemple des Etats Unis qui, de 1776 à 1865, ont pratiqué une « démocratie » qui s’est accomodée de l’esclavage. De 1865 à 1964, la « démocratie » américaine a fonctionné avec un racisme institutionalisé.

L’autre risque est de laisser les masses haratine sans conscientisation, entre les mains des esclavagistes (Etat et particuliers). Ce qui retarderait la lutte et empêcherait l’émergence d’un Etat démocratique.

Certains auteurs africains parlent, aujourd’hui, de l’ethno-démocratie, on pourra peut-être, demain, parler de l’ esclavo-démocratie ou de la féodalo-démocratie etc. Une lutte peut être longue et beaucoup de personnes peuvent s’épuiser et laisser tomber le combat. Cependant, que le combat doit continuer. L’ANC a lutté pendant 82 ans (1912-1994).

 

Flamnet: Votre dernier mot aux abonnés de Flamnet et aux mauritaniens qui vous lisent?

 

MOHAMED YAHYA CIRÉ: L’avenir de la Mauritanie dépend de la responsabilté de tous les citoyens pour le règlement des questions essentielles. Personne ne peut prévoir l’avenir mais toute question non résolue peut conduire à des catastrophes. La lutte sera longue compte tenu des rapports de forces et de l’inculture. « On peut, parfois, perdre espoir mais on n’a pas le droit de le faire perdre »

 

FLAMNET: Merci cher frére et compagnon de lutte et la lutte continue!

Propos recueillis par Kaaw Touré , Abdoulaye Thiongane et Ibrahima Diallo