Les Forces Progressistes du Changement (FPC) Mauritanie

Jemal Abdel Nasser Ould Ethmane Sid’Ahmed Yessa: Porte-parle de Conscience et Resistance

Ould yessaJemal Abdel Nasser Ould Ethmane Sid’Ahmed Yessa. Un nom long comme le fleuve intarissable de son verbe tissé à la soie. Ce jeune premier, à vrai dire, n’est pas à présenter. On s’y perdrait en conjectures. La légende a déjà décidé qu’on ne le classera pas dans un moule convenu. Une chose est cependant sûre: ce frêle petit aristocrate ne laisse pas indifférent. On peut dire même qu’il dérange. Enormément.

 

D’abord, l’etablishment de ses origines, le doux cocon qu’il snobe allègrement. Ensuite tous les autres. La plèbe comme les élites. C’est que le porte-parole, le vrai commandant en Chef de CR a le goût immodéré du particularisme. Et du paradoxe aussi. Il revendique la tactique de l’énigme comme une qualité qu’il cultive à vanité. C’est une ruse de guerre qui lui a permis de survivre et de mener presque à son terme sa résistance. Car les ennemis, c’est ce qui lui manque le moins. Des ennemis intimes, acharnés et qui ne lésinent pas sur les moyens. Mais O/ yessa n’est pas un enfant de choeur. S’il sait encaisser des coups, il sait en rendre aussi. C’est un démolisseur qui charge à coups de flèches- plumes- trempées à la cire. Et, On y résiste rarement.

 

Ould Yessa, c’est aussi une obsession pour l’esthétique, le distingué. Un grand chevalier qui se souvient des salons gothiques et des duels à la Roland. Il a en horreur absolue le banal l’imparfait, sauf celui du subjonctif. D’où qu’il vienne. Il met autant de rigueur dans la construction de son discours qu’il répugne à s’accompagner des suiveurs politiques, de la masse des vilains. D’ailleurs, la politique des grands groupes, c’est pas son truc. C’est à croire finalement que ce qui le motive ce n’est pas tant le pouvoir en soi, mais le plaisir de l’engagement. En somme, un idéaliste qui mêle grands principes et bonnes manières.

 

C’est sûr, Ould Ethmane El Yessa est attendu comme une précieuse curiosité au pays des tourbillons. Mais Jemal restera toujours insaisissable. C’est cela aussi le destin des artistes.
Entretien avec l´enfant terrible de Housseiniya ou de Ashram? (Tagant)……

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FLAMNET: Il y a eu ces derniers jours un certain cafouillage quant à la position de C&R par rapport au retour,le président qui rentre ,le porte-parole qui reste. Certains même ont parlé des tergiversations, ce qui vous vaut, d’ailleurs, les sarcasmes de Mohamed Baba, l’un de vos anciens compagnons. Pouvez-vous nous expliciter votre position?

 

JEMAL O/ YESSA: L’impression que vous évoquez est justifiée par une contradiction apparente dans nos attitudes; cependant, il n’y a, là, nulle hésitation. Le Président de l’Organisation, comme tous les membres résidents en Mauritanie et dans les pays limitrophes, avaient reçu, de notre instance exécutive, l’autorisation de sortir de la clandestinité et cela, dès le lendemain du coup d’Etat du 3 août. Leur présence ouverte sur le sol national est en totale conformité avec nos décisions; le siège de l’organisation et son porte-parole, de même que les autres membres du Conseil d’Evaluation demeurent en exil, jusqu’à nouvelle délibération; certains y verront, de notre part, le recours à une dose d’ambivalence dans la manoeuvre ce qui, dans un contexte aussi instable, ne me semble pas à blâmer.

Pour ce qui est des sarcasmes, je vous répondrai qu’en politique deux espèces ont une certaine longévité: les gens qui font l’histoire et les aboyeurs; les premiers, pour maintenir leur notoriété, ont besoin des seconds. C’est dur d’être un roquet et de ne pouvoir échapper à sa condition.


FLAMNET: Pourquoi êtes-vous finalement resté en exil alors que plus rien apparemment ne s’opposait à votre retour que vous avez déjá annoncé sur les ondes de RFI? Est-ce encore un autre coup tordu du petit renard que vous êtes, ou est-ce par conviction qu’il y a encore de la place pour la lutte à partir de l’extérieur?

 

JEMAL O/ YESSA:  J’ai annoncé deux résolutions: m’ « apprêter » à revenir en Mauritanie et rendre mon statut de réfugié politique; les deux intentions tiennent toujours; la seconde est un choix irrévocable. Au demeurant, je n’ai jamais précisé le jour de mon retour.

Si mes camarades et moi sommes restés et retenus de participer au retour triomphal de nos alliés, c’est surtout par solidarité avec nos compatriotes déportés et réfugiés, au Sénégal et au Mali; rentrer ou ne pas rentrer ne constitue qu’une objection symbolique au silence du CMJD, sur une revendication essentielle de la Déclaration de Dakar. Nos positions sur les passif de l’ère Ould Taya ne varient pas.

 

Hormi cette question, rien, de notre point de vue, ne justifie plus que de se livrer à la contestation hors de Mauritanie, encore moins de se porter candidat au statut de réfugié politique. Toutes les conditions de sécurité sont actuellement réunies, pour se faire entendre, de nos compatriotes, à l’intérieur de nos frontières. Il serait déshonnête de ne pas en convenir.

 

FLAMNET: Il est certainement prématuré de porter un jugement définitif sur l’action de la junte au pouvoir à Nouakchott, pourriez-vous quand même nous faire un bilan d’étape? En d’autres termes, que pensez-vous des mesures prises par la junte depuis le 03 Aout?

 

JEMAL O/ YESSA: Elles auraient été bonnes, en général, si n’y présidait, manifestement, le souci d’endiguer les aspirations au changement; aussi, les jugeons-nous insuffisantes, notamment par la composition du Gouvernement de transition où siègent les acteurs les plus zélés de la fraude à grande échelle sous Ould Taya.
Néanmoins et pour éviter de paraître trop subjectif, je remarque que la gestion très économique de la contrainte, durant les premières semaines du coup d’Etat, exprime une certaine maîtrise et cela rassure. Je déplore, cependant, que l’amnistie ait tardé et constate que le changement entamé le 3 août demeure, strictement, une affaire bidhano-bidhane. Tant que l’Etat mauritanien ne se sera pas prononcé – d’abord en termes de réparation – sur les conséquences des crimes ethniques de 1989-1991, la Mauritanie ne regagnera son unité perdue et n’avancera vers l’Egalité.


FLAMNET: Quel commentaire faites-vous des propos du chef de la junte rapportés par Francois Soudan l´ex- griot apologiste de Taya, lá oú il dit: ” IL n’y aura pas d’action en justice ou de procès contre Taya. Si certains s’aventurent sur ce terrain, nous les rappellerons à l’ordre. Nous respectons sa personne, et nous lui souhaitons une retraite paisible ” n´est-ce pas lá une volonté de couvrir l´impunité?

 

JEMAL O/ YESSA:  C’est une erreur, grave, laquelle mérite une explication. Les partisans du CMJD prétendent que le propos ne correspond pas aux termes ni aux dispositions d’esprit de Ely Ould Mohamed Vall. Alors, que ce dernier procède à un démenti et nous serons édifiés. Des mots aussi lourds ne peuvent s’annuler par la simple proclamation de sa bonne foi. Je m’étonne que les partis de l’ex-opposition ne s’empressent pas de marquer leur réprobation.


FLAMNET: La junte et son chef semblent plus préoccupés à rassurer les partisans de Taya qu’à mettre en place un véritable projet démocratique impliquant collectivement les Mauritaniens. Comment expliquer ce manque de vision et d’intelligence politique?

 

JEMAL O / YESSA:  Les instigateurs du coup d’Etat du 3 août viennent du noyau dirigeant, du premier cercle autour de Ould Taya; leur mentalité n’est pas la rupture mais le ravaudage. Ces gens mènent la politique de leurs limites. Ils conçoivent la transition comme leur sortie en douceur, le meilleur moyen de contenir les dégâts. Les rapports entre eux et le pouvoir qu’ils viennent de décapiter sont organiques. Les mêmes intérêts matériels les lient. Il en découle un esprit de corps et quelques peurs en partage.

 

FLAMNET: On peut dire que l’ex opposition légale est entrain de se chercher, hésitant entre opposition frontale, dialogue critique et démission par rapport à ses responsabilités. Quelle serait, à votre avis, la meilleure posture à adopter?

 

JEMAL O/ YESSA:  Je crois qu’il faut afficher la fermeté envers le CMJD; ce serait la manière la plus habile de l’aider à achever sa mission. Les allégeances, les marches de soutien, la complaisance, les pieds de grue devant les domiciles de colonels, tout cela ne sacrifie à l’honneur et manque d’efficience. La rationalité des partis est différente de la nôtre; à leurs yeux, il faut se rapprocher du Conseil Militaire, lui plaire, en courtiser les membres, pour ne pas subir le poids d’éventuelles préférences lors des élections. La mentalité relève des réflexes d’adaptation à l’arbitraire. En 20 ans de sujétion, des habitudes s’imposent.

 

FLAMNET: Considéré par certains comme un héros, alors pour d’autres vous ne seriez qu’un “manipulateur, un intriguant “, voire un “putschiste” dont tout le monde croit avoir vu la main derrière la tentative de Coup d’Etat de Juin 2003. Qu’est-ce qui rend O/ Yessa si controversé?

 

JEMAL O/ YESSA:  Je n’ai jamais participé à la préparation directe d’un coup d’Etat; à dire vrai, je n’en ai pas eu l’occasion. Néanmoins, j’estime qu’un putsch, y compris sanglant, vaut bien mieux qu’une dictature, même réformable; je suis de cette vieille école dans la lutte, pour qui l’injustice se combat, d’emblée et sans retenue. A ce titre, je préfère le désordre à l’iniquité.

Oui, en quelques années de combat, contre une dictature féroce où pas une vilenie ne m’a été épargnée, nous avons dû apprendre et mettre en oeuvre les rudiments de la guerre psychologique, que les profanes appellent « intrigue » ou « manipulation ». La scélératesse de l’adversaire et la disproportion de ses moyens avec les nôtres, rendaient nécessaires les mesures de déception, d’infiltration et de contre-propagande.

Pour le reste, des compatriotes, dont d’authentiques opposants, ne m’aiment pas et se sont jurés ma perte. Il suffit que je prenne une direction, pour qu’ils s’y placent en embuscade. Avec le temps, j’ai remarqué combien ils me faisaient de la réclame, sans rémunération, de ma part. Aussi, en guise de remerciement, ai-je résolu de ne jamais polémiquer avec eux ; s’ils me lisent aujourd’hui, je leur répèterais la même exhortation : « allez-y, dites tout le mal que vous pensez de moi, c’est gratuit » !

 

FLAMNET: Si on vous a entendu réclamer le règlement des dossiers sur le “passif humanitaire” et la déportation, l´esclavage on ne voit pas vous mobiliser assez pour le problème de la cohabitation. Le statu quo actuel vous satisfait-il, ou est-ce que vous croyez qu’il est nécessaire de régler par des lois constitutionnelles ce que les FLAM appellent “La Question nationale et sociale”?

 

JEMAL O/ YESSA:  Exceptée la reconnaissance de l’identité bi culturelle de la Mauritanie, la constitution doit garantir l’égalité des citoyens et ne jamais établir de distinctions entre eux; la différence de naissance, de couleur ou de repères anthropologiques ne constitue pas une source de droit; je suis hostile à tout partage de pouvoir sur des bases ethniques et demeure attaché à l’organisation administrative de l’Etat centralisé et fort, comme garant de l’unité sous le primat de la Loi, votée par les représentants du peuple Je crois qu’il s’agit, là, d’une divergence nette entre les FLAM et nous.

 

FLAMNET: Pour finir, pourrait-on envisager O/ Yessa demain aux FLAM ? (rires).

 

JEMAL O/ YESSA:  J’envisage que les contradictions vitales de la Mauritanie se dissolvent dans la justice retrouvée, d’où l’extinction des FLAM ou leur reconversion éclatée entre les formations conventionnelles; ce jour-là, je viendrai vers vous, en recruteur, au moment de l’inventaire, avec ma liste de militants laïcs et socio-démocrates. Je suis certain de ne pas repartir seul.

 

FLAMNET: Vous avez vu Flamnet naitre et, pour la petite histoire, vous étiez d´ailleurs le 3 éme invité du site, 6 ans aprés quel regard portez-vous sur le petit parcours du site?

 

JEMAL O/ YESSA:  Les analyses, enquêtes et entretiens publiés sur Flamnet sont, en général, de très bonne tenue; le forum, lui, manque souvent de dignité; une poignée de rigolos, pas très rigoureux et souvent sous pseudonyme, y exerce, régulièrement, le chantage à la réputation. L’image des FLAM s’en trouve froissée, ce que je regrette, en ami du mouvement.

 

FLAMNET: Quel est votre dernier mot á nos lecteurs et á nos compatriotes?

 

JEMAL O/ YESSA:  Je recommande de se méfier, toujours, des marchands de modération, de consensus et de paix; ce sont, empiriquement, les plus dangereux alliés de l’autoritarisme. Quand le pays y bascule, ils sont les premiers à anesthésier l’esprit de résistance.

 

FLAMNET: Merci donc cher ami et La lutte continue !

 

Propos recueillis par Kaaw Touré, Abdoulaye Thiongane et Ibra Mifo Sow.

23 SEPTEMBRE 2005

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