Monthly Archives: December 2010
INVITE DU SITE: Samba Thiam
“Nous sommes pour beaucoup dans ce qui change positivement et dont certains s’adjugent la paternité. Nous ne disputerons les honneurs des victoires à personne, mais si les FLAM n’existaient on n’en serait pas là. Le plus important est de mettre en échec ce plan machiavélique de dénégrification de la Mauritanie, conçu par les nationalistes arabes racistes. Tout le reste devient secondaire face à cet objectif ! “
Le Président des FLAM met les pieds dans le plat. Et ça déménage. Des vérités qui crépitent, dru. Des vérités jusque-là tues. Dans le brouhaha généralisé, où laudateurs incorrigibles, agiles accommodateurs et opposants invétérés disaient tout et son contraire, Samba Thiam avait préféré laisser les crieurs s’essouffler. Maintenant, il dit tout sur tout. Le but, rétablir la vérité et rabaisser le caquet aux conjecteurs. Tant pis pour les convenances. Seuls comptent la Mauritanie et les principes.
Cette crise, paradoxalement, a ceci de positif en ce qu’elle a permis aux Mauritaniens de se découvrir. Les mythes, les préjugés et aussi les masques sont par terre. On sait désormais qui vaut quoi et qui est où. Les barrières traditionnelles ont bougé. Le grand mythe de la mouvance négro- africaine est fortement ebranlé. Mais le Président des FLAM ne perd pas espoir. Le destin de la cause appartient à la jeune relève lasse de patienter dans l’anti-chambre. Elle ne doit plus se dérober, au risque de laisser la vieille garde finir d’effilocher irrémédiablement l’héritage sacrificiel. Pour des considérations “crypto-personnelles”, regrette le Président. Qu’elle prenne donc ses responsabilités. Voilà un message on ne peut plus clair.
Le Président avec le sens de la formule dont il a le secret, campe les principaux acteurs du moment. Aziz, un putschiste récidiviste, certes, mais les urnes ont parlé. Apparemment. Il faut lui accorder la chance de la rédemption, et l´attendre au pied du mur. Saar, un intime adversaire; il n’a pas su apprécier à sa juste valeur le poids de ses responsabilités historiques dans la consolidation de la mouvance. Messaoud, la découverte. C’est son alter-ego, partageant le même tempérament, “chaud”, ( aime-t-il à confier ), la même intransigeance face aux principes et aussi le refus de la compromission. L’avenir dira si les effets de la découverte iront au-delà de la “sympathie”.
Un entretien intense de franchise avec un homme qui se livre tel qu’il est, direct, spontané. D’analyses politiques pointues, en révélations francassantes, voilà l’avant-goût des “mémoires” d’un président des FLAM que la légende avait trop vite fait de figer dans la peau d’un résistant austère mais qui se révèle aussi être un intellectuel à l’immense culture générale..Bref, le président a la parole: Entretien….
FLAMNET: Maintenant que l’élection du Général Ould Abdoul Aziz parait définitivement acquise et acceptée presque unaniment, et que la crise politique nationale semble se résorber par ce fait, quelles analyses faites-vous de ce qui s’est passé?
PRESIDENT: Il n’est pas toujours aisé de cerner les contours d’une situation à laquelle vous n’avez pas été directement impliqué. Voilà pourquoi ma perception des choses, dans le cas qui nous occupe, restera nécessairement incompléte, voire imparfaite. Si je devais donc me hasarder à décrypter l’imbroglio de ces élections, je dirais en raccourci que la chose s’est jouée sur fond des rapports de force, qui ne furent pas à l’avantage de l’opposition, c’est certain. Le dénouement de la crise aboutit à la légitimation du pustch, au finish ! Si nous suivons la chronologie des événements, nous devons reconnaitre que le général a manoeuvré, habilement, tout le long de la crise .
D’abord en jouant sur la division de l’opposition, pour avoir maintenu Ould Daddah en laisse, sans jamais le laisser deviner ses intentions – secrètes – jusqu’aux Etats généraux; il a réussi à retarder, le plus longtemps possible l’unité d’action de cette opposition.
Et quand cette opposition se regroupera enfin, après moult hésitations et tergiversations de Ould Daddah, le général a déjà une longueur d’avance: il est en pleine campagne, mettant la pression à un dégré supérieur sur une opposition qui, craignant alors de tomber dans le piége du boycott de 1992, a été contrainte de revoir ses ambitions à la baisse ; Il ne s’agissait plus de rejeter le putsch mais de retarder l’échéance du 6 juin, afin de ne pas se faire marginaliser. Ce qui équivalait en fait déjà à une reconnaissance implicite de Aziz. Aller donc aux élections à tout prix, même de la manière la plus bâclée et la plus risquée! Les accords de Dakar, avec leurs pièges et leurs zones d’ombre, habilement manoeuvrés par le president Wade, qui n’a jamais caché son indulgence pour le putsch, dans la situation de lassitude intérieure et de l’impatience de la communauté internationale, ces accords donc apparaissaient comme un prétexte pour sauver l’honneur à une opposition à court d’initiatives. Au terme de ces accords le Général ne cedait sur rien d’essentiel; juste sur un point d’honneur, le retour symbolique de Sidi qui constituait, disait il, “une ligne rouge”. L’essentiel, c’est-à-dire le contrôle de l’Appareil administratif ,- du 1er Ministre au chef d’arrondissement en passant par gouverneurs et préfets -, le contrôle des médias publics, la date, si rapprochée, presque impossible à tenir, toutes choses que l’accord protegeait, tout jouait en défaveur de cette opposition.
De concession en concession « pour la paix civile » ce qui donc devait arriver arriva, c’est -à-dire la victoire du Général, avec des fraudes certainement importantes, mais si subtilement accomplies que les observateurs internationaux n’y virent que du feu .
Ma conviction est que si nous sommes arrivés à ce dénouement, c’est essentiellement parce que l’opposition n’était pas résolue à aller jusqu’au bout à l’action. Je veux dire à la confrontation directe, un face à face. Cette opposition a misé, pour l’essentiel, sur l’action extérieure, sur les sanctions qui ne viendront pas parce que ,là aussi, les alliés secrets du Général avaient su être efficaces. Or, l’on sait que partout où l’opposition a été prête à en découdre, le compromis a été plus ou moins acceptable. Là, elle s’était presque rendue, avec armes et bagages, ce que le groupe de contact avait du reste compris, intrônisant doucement un putschiste, agrippé de toutes ses forces au pouvoir parce que jouant, il est vrai, sa tête .
En résumé le Général est venu, s’est assis, nous soumettant par le fer, seule une confrontation directe et sans recul pouvait l’enlever de là, mais cette option là, nous le savons tous, ne fut jamais le penchant des tenants du « compromis- processuel ». Ce qui risquait d’être perdu ici, avec le Général, ce sont les acquis du « printemps de liberté » auquel nous avions pris goùt , qui nous permettait d’exprimer nos idées, ou même d’insulter, sans nous faire embastiller; les libertés et les Généraux font rarement bon ménage.
Le dénouement de notre crise appelle des questions qui interpellent sur le devenir même du continent; Aidait-on ainsi l’UA à se sortir du cycle infernal des coups d’Etat?; et L’UA elle-même aidait-elle le continent en épaulant le genre Al Bashir ? C’est toute la question !
FLAMNET: Pensez – vous que le Général Aziz puisse combattre le racisme d´Etat en Mauritanie ?
PRESIDENT: Vous avez mis le doigt sur la plaie, en évoquant ce problème .
Le problème fondamental de la Mauritanie demeure cette discrimination raciale que nous appelons aussi racisme d’Etat, pour menacer l’unité, voire l’existence même du pays !
Voilà pourquoi nous pensons que ce problème devrait figurer comme priorité absolue pour tout celui qui a en charge le destin de notre pays, y compris donc Aziz .
Oui, pour répondre enfin à votre question .
Oui, si Aziz le veut il le peut à condition bien sûr qu’il rejette toute alliance avec les nationalistes arabes chauvins et racistes, ceux-là mêmes ayant inspiré et nourri ces politiques nocives depuis 40 ans. Oui s’il n’ a pas, par derrière lui, tous ces pseudo progressistes. Pour l’instant, en tout cas, il bénéficierait d’un préjugé plutôt favorable; le parti Sawab- ce repaire du Baas – aurait migré vers Ould Daddah et les Nasseriens sont restés ailleurs.
S’il le veut il le peut, dis-je, pour disposer de deux ou trois atouts majeurs : l’Armée, aujourd’hui, derrière lui, un passé plus ou moins propre, dans les événements tragiques survenus entre 1986 à 1990, le tempérament et le cran qu’il faut pour cela. Si Aziz se décidait à aborder et à résoudre ce grave et douloureux problème, l’histoire, certainement, retiendrait son nom, pour l’éternité, pour avoir rendu le plus grand service à ce pays
Nonobstant toutes ces réserves, Aziz est là, bien en place. Si vous devez donc le toucher d’un mot quels Changements lui conseilleriez-vous?
PRESIDENT: Avant d’aller à un changement, il faudrait d’abord prendre lucidement conscience que la voie choisie jusque là est dangereuse et ne mène nulle part.
Une fois cela fait, je pense que le changement pour être réussi, devra reposer sur un certain nombre de lignes directrices ou principes, par une vision nouvelle de l’unité nationale, les idées -forces qui doivent la fonder, dans la redéfinition de l’Identité du pays, le respect des identités respectives, le profil des hommes à choisir, etc.
Ainsi donc, nous aurons besoin de recentrer nos rapports mutuels dans le sens du respect réciproque, les alignant sur le principe « qu’aucune minorité ne devra dépendre de la générosité de la majorité pour avoir ses droits ».
Notre vision de l’Unité nationale devra, également, radicalement se modifier. Jusqu’ici la notion que nous avons de cette Unité nationale a été réduite ou assimilée à l’unitarisme plutôt qu’à l’unité dans la diversité; on a cherché à unifier et non pas à unir.
Par cette volonté d’uniformisation, à tout prix, on a cherché, en fait, à détruire consciemment l’autre personnalité négro-africaine de la Mauritanie. Or, comme affirmait J H Griffin, chercheur en milieu Afro – américain du sud des Etats -Unis ,« personne, pas même un saint, ne peut vivre sans le sentiment de sa valeur individuelle. De tous les crimes , c’est le plus odieux, parcequ’il détruit ( jusqu’à ) l’esprit et le désir de vivre ». Pour tous les mêmes droits et les mêmes lois, sans exception aucune, voilà les conditions pour jeter les bases d’un changement réel du futur.
Sur la base de ces principes qui fondent l’Etat de droit respectueux des libertés fondamentales, nous amorcerons alors un nouveau départ, dans un vaste mouvement d’ensemble bien compris, dont le lit majeur serait la jeunesse, réservoir approprié, dans notre futur choix des hommes. Il nous faut des hommes neufs et jeunes, en rupture totale avec l’emprise de la vieille génération source du naufrage de nos rêves et de nos illusions passées d’une Mauritanie fraternelle et riche de sa diversité .
Des hommes pilotes, propres et jeunes, soucieux du devenir en commun, conscients des enjeux du changement indispensable, nourris d’un idéal élevé, peu portés vers l’accumulation de biens matériels, détachés du carcan tribal ou ethnique qui emprisonne . C’est pour dire, en conclusion, que nous ne pouvons avancer sans le rétablissement de la grande Justice. Cette Justice qui symbolise l’équité, l’égalité; cette égalité des chances et des droits qui devra imprégner tous les actes de gouvernement , dans tous ses démembrements.
FLAMNET: Comment concrétement souhaiteriez-vous voir materialisé ces principes généraux ?
PRESIDENT: Nous l’avions elaboré dans notre plate-forme , dont je résume les axes :
Redéfinir l’identité du pays, par l’affirmation du caractère bi-racial et multicuturel de la Mauritanie,(La Mauritanie arabe et négro-africaine, -et non pas « africaine, ce qui en fait ne veut rien dire, j’y reviendrai un jour- ),
La reconnaissance de l’égalité de toutes nos nationalités et l’affirmation de leur égalité devant l’emploi et la justice, avec son corollaire, c’est-à-dire, la reconnaissance de l’égalité de toutes nos langues et cultures nationales et leur égal droit à la promotion, l’abolition de l’esclavage. ( Je note au passage qu’en Afrique on a tendance à reconnaître les langues nationales , mais sans reconnaître les peuples qui les parlent comme Nationalités avec tous leurs droits) .
Ces principes à inscrire dans la Constitution devront être completés par des mesures de bon sens, telle que la nomination équilibrée dans les grands postes de la République, et l’élaboration de critéres légaux pour la promotion et l’équité dans le recrutement de la fonction publique .
Dans cette même plate forme nous recommandions aussi qu’après un débat de fond sur ces questions là, des états généraux, de l’Education, de l’Administration et de la justice, de l’Economie et de l’Armée, fussent organisés, afin que tout se redressât dans un même élan !
FLAMNET: On a remarqué que le candidat issu de la communauté Négro-mauritanienne n’a pas fait un bon score. Faut-il en conclure qu’il est encore prématuré qu’un Négro-mauritanien soit président de la République de la Mauritanie, après l’intermède de l’actuel président du Sénat ?
PRESIDENT: Je voudrais répondre à votre question en commençant par la fin, par le président intérimaire.
Je ne crois pas que ceux qui l’ont placé là pour les besoins de leur propre agenda l’aient jamais pris vraiment au sérieux. Il aurait dû mériter plus; mais il faut reconnaitre aussi qu’il n’aura rien tenté pour marquer son passage à la présidence.
Concernant maintenant le score de celui que vous qualifiez de « candidat des négro- africains », je dois d’abord vous rappeler qu’il n’y en eut pas un mais plusieurs, du moins au regard des proclamations et professions de foi entendues ici ou là , en 2007 comme en 2009.
Maintenant si vous faites allusion à celui qui bénéficia du meilleur score parmi eux, en l’occurrence Ibrahima Moctar Sarr, je pense que son recul tient à plusieurs facteurs:
Le premièr renvoie, à mon avis, à l’attitude de la personnalité elle-même qui a crû pouvoir se passer de l’apport de ses alliés naturels et de ses sympathisants. Certains propos, mal placés, que lui prête la rumeur, tenus, semble-t-il, au cours des meetings de campagne, ont dû fortement le desservir. En laissant publiquement entendre qu’il n’avait besoin de l’aide de personne, il s’aliénait un bon nombre de ces sympathisants. Grisé par les 8% de 2007, Ibrahima Sarr n’a pas su comprendre qu’ils avaient été le fruit d’un travail collectif, souterrain, de groupes. Il se sera surestimé, oubliant que la meilleure arme d’un leader c’est d’abord l’humilité.
Le deuxième facteur de sa baisse de score tient au contexte particulier de ces élections.
Mr Sarr, en bon démocrate, s’est rangé, de facto, du côté des putschistes, alors que ses partenaires naturels ont choisi le camp anti- putsch. Ceux qui devaient tirer dans la même direction se retrouvèrent alors ramant en sens contraire.
Cet aspect des choses, ajouté à la position officiellle très controversée de AJD/MR face au putsch militaire au sein même de ses partisans, contribua, sùrement, à la baisse drastique constatée.
Dernière raison enfin et non des moindres, l’éclatement du parti suite à l’échec de sa direction politique à trouver une solution consensuelle ou médiane face au putsch militaire .
Voilà ce qui je crois, explique la baisse de performance de IMS, comme aiment à l’appeler ses fans !
Maintenant pour revenir à l’aspect essentiel de votre question qui était de savoir « s’il n’était pas encore prématuré qu’un Négro mauritanien soit président de la République de la Mauritanie », je réponds, sans hésitation, oui !
Oui, cela me semble tout à fait prématuré, à cause de la nature du Système en cours en Mauritanie, qui verrouillait, pour l’instant , toute possibilité dans ce sens. Je m’explique :
Supposez que vous et moi, appartenant au même foyer familial élargi, décidions de compétir, pour le titre de ?’chef de famille”. Pour que nous ayons les mêmes chances, au départ, il faudrait que vous et moi nous nous reconnaissions, mutuellement, les mêmes droits dans cette concession n’est ce pas ? et qu’ensuite ces mêmes droits puissent nous être reconnus, vous et moi, de manière impartiale, par les autres membres de la famille, ceux-là mêmes appelés à choisir n’est-ce pas ? Dès lors qu’il y a inégalité de départ à ce niveau, il est clair que la compétition devient biaisée, forcement, pour avantager un des prétendants au titre !
Ce sont ces données égalitaires essentielles, de base, qui n’existent pas dans cette grande maison qu’est la Mauritanie, pour transposer mon exemple à ce pays. L’Etat,- cadre dans lequel devrait se situer notre compétition – n’est pas perçu comme s’il nous appartenait à tous, Noirs et Arabo-berberes, avec les mêmes droits. Une idéologie, plus ou moins dominante, plus ou moins acceptée, véhicule l’idée que la Mauritanie est arabe. Exclusivement, et rien d’autre. Et s’il se trouve que les tenants d’une telle idéologie contrôlent l’appareil politique et administratif, l’appareil militaro-sécuritaire, comment voudriez vous, dans de telles conditions, qu’un candidat Négro-mauritanien puisse passer le cap de la présidence ? Utopie pure et simple d’une telle éventualité n’est-ce pas ?
Voilà pourquoi certains slogans de campagne, mal choisis à mon avis, me font à la fois rire et pleurer ! « Ina wona !» « c’est possible ! » entendez, moi Négro- africain je peux gagner la Présidentielle! « je vais battre Aziz !».
Ils font rire, pour donner l’impression que le candidat (négro-africain) les scande pour surmonter son angoisse, pour se donner du courage devant l’impossible épreuve …dont il est convaincu, en son âme et conscience, qu’il ne peut surmonter! Il est vrai que le pré-conditionnement psychologique existe, et même marche quelque fois; on en voit parfois l’illustration concrète dans certaines competitions sportives ; mais pas dans ce cas ! .on n’est pas sur le terrain du sport, ici !
Ces slogans font aussi pleurer parcequ’ils pourraient envoyer des messages brouillés sur notre réalité en donnant l’illusion de succès à une bonne partie de notre peuple, au point de se satisfaire du peu ( comme c’est le cas maintenant avec la glorification des 4e et 5e places, qui ne reflètent certainement pas ce que devrait être nos ambitions au sein de notre pays), en même temps qu’ils désinforment sérieusement l’opinion internationale et tous ces braves observateurs étrangers, déjà complétement égarés devant notre subtile et complexe réalité, en leur faisant croire que notre Démocratie en est vraiment une, qu’elle consacre à tous les mêmes chances et les mêmes droits, rigoureusement, alors qu’il n’en n’est rien !.
Là où il y a déni de citoyenneté pour les uns (Négro-africains),et déni d’humanité pour les autres(Haratine-Abeids-ou esclaves) l’on ne peut parler de Démocratie.
Je crois deviner la question qui doit vous brûler les lèvres: alors quoi ? Si cette démocratie n’est pas celle qu’il faut, et la lutte armée pas envisageable, alors quoi ?
Je repondrais en disant qu’il faudra continuer, continuer la pression et encore continuer, nourri de l’optimisme de Sam Cooke. Il s’agit de cet African – américain qui, pour défier les lois de ségrégation raciale en vigueur aux Etats-Unis, pénétra dans un Motel reservé aux Blancs( whites only ); il fut arrêté et jeté en prison; libéré, il composa alors un chant dédié au « Changement » dont je vous livre le refrain; « it’s has been long, long time coming, but I know is gonna come.O, yes it will ! ».
Pour la Mauritanie aussi je nourris cette même conviction; le Changement viendra. Ca sera long, long à venir, mais il viendra !
FLAMNET: Revenons un peu en arrière, M. le président, si vous le voulez bien, sur les reproches faits à notre organisation. Certains se posent des questions, pourquoi les FLAM qui ont toujours refusé d’intégrer le processus démocratique s’engagent-elles subitement après le coup d’état du 6 août pour réclamer le retour du Président sidi Ould Abdallah? Quelles étaient les relations entre les FLAM et le Président déchu ?
PRESIDENT : Cette question a fait l’objet de polémique que je trouve absolument sans objet .
En effet, il n’y aucun lien entre notre position face au processus démocratique et le retour de Sidi ? Notre démarcation du processus devrait- elle nous lier les mains, nous empêcher même d’apprécier les situations internes ? Certainement pas ! Sidi a été amené par les électeurs internes, qui lui ont reconnu sa légitimité, y compris ceux qui, maintenant, le critiquent et qui se désavouent. Devrions nous, aux FLAM, nier la réalité de son élection, de sa légitimité en dépit de l’avis unanime de tous? Il ne faudrait pas quand même pas nous demander de vivre sur la lune !
Enfin Sidi, est venu et a agi, en posant des actes significatifs de haute portée, sur lesquels je n’ai pas besoin de m’appesantir, actes qui recoupaient, du reste, nos revendications; pourquoi ne devrions-nous pas alors réclamer le retour de quelqu’un qui servait nos intérêts politiques? Ceux qui s’opposaient à son retour, ne le faisaient-ils pas par intérêt ? N’est ce pas parce qu’ils pensaient qu’il « n’était pas bon » .pour leurs intérêts ? Cette manière de voir est tout à fait stupide!
Enfin, ceux qui l’ont enlevé interrompaient brutalement et en toute illégalité un processus de normalisation de la vie politique nationale ( retour des déportés, avancée des libertés publiques…). En plus, ils étaient des inconnus pour nous ( du moins leur passé les situe dans le cercle de protection de Ould Taya pendant ses années de turpitude sanguinaire ), nous ne savions rien de leurs intentions ou de leurs objectifs pour le pays. Avec Sidi au moins nous savions où il allait ! C’est aussi simple que ça, seule cette loi de l’intérêt était en jeu ! Nos relations avec lui étaient des relations simples, basées sur la considération et le respect mutuels en tant qu’acteurs politiques également soucieux de l’unité nationale de notre pays, et sur rien d’autre .
FLAMNET: Dans ce cas, pourquoi les FLAM ne se sont-elles pas engagées ouvertement et officiellement à la présidentielle du 18 juillet en soutenant un candidat, par exemple ?
PRESIDENT: Notre ligne politique, à nos jours, est une ligne de résérve vis-a vis du processus démocratique, que nous estimons vicié à la base. Ce que j’ai déjà expliqué !
A partir du moment donc où nous nous défions de ce processus en général, nous ne saurions soutenir officiellement un candidat sans apparaître incohérents. Maintenant le jour que nous intégrerons ce processus, malgré les réserves, par notre redéploiement à l’intérieur, alors et alors seulement nous serons dans une situation de compétition plus active, jugeant de soutenir celui-là ou celui-ci!
FLAMNET: Parlons-en justement de l’avenir des FLAM ! Comment le voyez-vous?
PRESIDENT: Les FLAM dérangent beaucoup, visiblement. Elles font aussi encore peur, terriblement, même à l’extérieur. Elles dérangent je crois, parce que ceux que nous combattons à l’interieur ont compris que nous les avons compris !
Quand au cours de cette campagne électorale , j´ai vu pousser, ça et là, comme des champignons, des comités de soutien à X ou Y , j’ai compris combien nous inspirions, encore, crainte et frayeur ! Ma conviction a été et demeure que l’Organisation ne se “massifiera” pas de sitôt, et qu’elle devra reposer sur un noyau, dur comme l’acier. La répression a laissé des sequelles et des traces profondes dans les esprits .Mais globalement elles se portent encore bien.
FLAMNET: Venons-en maintenant aux relations entre les FLAM et l’AJD/MR, objet de toutes conjectures. Malgré tout ce que vous avez dit sur le processus, les gens se disent que les FLAM auraient dû quand même soutenir l’AJD/MR pendant ces élections.
PRESIDENT: Oui, j’ai remarqué, que cette question était devenue récurrente, quelque fois formulée avec une pointe d’irritation ou de frustration .
Il est vrai que les FLAM partagent avec l’AJD/MR rigoureusement les mêmes objectifs, un même discours, pensé, conçu, et théorisé, par les FLAM (rendons à César ce qui appartient à César. Ko jom boru loppata boru-mum !). Seulement la problématique, ici, ne se situait pas à ce niveau, le discours ou les objectifs n’étant pas en jeu. Ce qui était en jeu c’etait l’appréciation d’une situation, conjoncturelle, non sans conséquences.
Il s’agissait, en fait, plutôt d’un positionnement face à une question de principe : fallait- il, oui ou non, soutenir un putsch contre une démocratie balbutiante, même très imparfaite, mais prometteuse?
C’était toute la question !
Nous, les FLAM, nous choisîmes, nettement, le camp de la Démocratie, l’ AJD/MR adopta, quant à elle, une position de ni oui, ni non, basculant, de facto, dans le camp du Général. Cette réalité nous transforma donc en adversaires, conjoncturels il est vrai, mai en adversaires tout de même. Dans ces conditions, vous le comprenez, les FLAM ne pouvaient pas, sans risquer de paraître inconséquentes et incohérentes, accorder leur soutien à un parti qui, de facto, se situait du côté de l’adversaire. Ensuite, c’est certainement le plus important, personne ne s’est jamais peut-être demandé si l’AJD/MR et leur candidat avaient sollicité notre soutien ou même s’ils en avaient besoin. Malgré notre disponibilité pour la concertation entre nos organisations politiques, ils n’ont jamais exprimé le désir de se concerter avec nous. L’exemple le plus récent de ce manque d’intérêt est la dernière visite de Ibrahima Sarr aux USA où il savait pouvoir nous trouver pour débattre de ce qui nous liait et aussi de ce qui nous opposait, pourquoi pas. Nos efforts d’ouverture et de main tendue n’ont trouvé aucun échos en retour de leur part.
Il roulait pour le putschiste et le soutenir reviendrait donc à soutenir le putsch que nous combattions. Enfin, il est bon de préciser que, de manière officielle, nous n’avons soutenu personne , même si notre sympathie allait vers Messaoud. Mais pour résumer, disons que notre argument essentiel était que Ibrahima Sarr ne pouvait pas passer, car le Système s’y opposait.
FLAMNET: Certains qui se réclament de la mouvance Négro -africaine déplorent le manque d’ unité entre AJD/MR et FLAM. Y a-t-il des contentieux entre les responsables de ces deux mouvements, ou autres relations conflictuelles depuis Walata?
PRESIDENT: Je crois, à cause de l’intérêt grandissant de la question, qu’il ne serait pas mauvais de revenir, largement, en arrière, tant sur les relations de deux organisations, que sur les rapports personnels entre les dirigeants, que nous sommes.
Je parlerai ici sous le contrôle des témoins historiques .
D’abord il me semble important de préciser, que les relations de coopération entre l’AJD-canal historique et les FLAM, ont toujours eté bonnes, même très bonnes, sans nuages aucun, pendant plusieurs années. Les choses vont commencer à se gâter, de manière subite, avec AJD/MR. Allez donc demander à leur leader actuel les raisons d’un tel changement, parce qu’à notre niveau, nous sommes tout aussi perplexes que le public?
Personnellement j´ai surtout connu et côtoyé Ibrahima Sarr en prison, partageant, à Walata, la même chaîne aux pieds.
Nous nous sommes retrouvés au Sénégal que j’avais gagné, sans attendre pour honorer un engagement pris depuis la prison d’aller insuffler la lutte à partir de l’extérieur, dès notre sortie de prison, en decembre 1990. Quand il s’y rendit en 1991 pour voir, je suppose, sa maman à Bokki, je lui rendis visite, parcourant près de 20 km à pied, traversant deux cours d’eau, entre Aeré- law et Bokki. Nous discutâmes longuement dans la nuit , et j’eus même à lui proposer de céder volontairement, ma place, au sein de l’Organisation, pour emporter son adhésion à rejoindre la résistance.
Le lendemain matin il me raccompagna jusqu’à la lisière du village où nous nous quittâmes. Lorsque Je parcourus à peu près une centaine de mètres, je ressentis comme un regard peser sur ma nuque; je me retournai alors et le vis au loin, debout immobile sur la place, qui me regardait fixement cheminer, comme pour graver ma silhouette dans sa mémoire. Puis je repris ma route sans plus me retourner.
Notre discussion n’ayant pas abouti, nous nous séparâmes donc en bons camarades, repartant chacun, vers d’autres horizons. Le climat entre lui et l’Organisation, et partant ses responsables, va se détériorer, quelques années plus tard, par ses prises de position négatives, très critiques à l’endroit des FLAM. Cela commença à travers des articles et des interviews, où il attaquait les FLAM dont il se démarquait, pour ne pas dire qu’il reniait; puis cela continua dans l’hostilité de ses rapports avec quelques camarades de l’intérieur, au sein de l’Alliance- (AMN), restés sympathisants, ce qui finira par la purge ultérieure de l’AC de tous ces élements qu’il indexa, les soupçonnant d’être proches des FLAM.
Et comme l’histoire récéle de ces petites ironies, ce sont ces mêmes éléments qui le tirèrent de sa traversée du désert, pour en faire, aujourd’hui, un leader politique connu !
La même phobie de l’infiltration des FLAM devait refaire surface dans la première crise de l’AJD/MR .
A la veille des élections présidentielles de 2007, nous tentâmes de le joindre, comme du reste nous le fîmes avec Ba Mamadou Alassane, pour concertation, à propos de l’attitude commune que nous pourrions adopter, face aux élections en perspective; il se déroba, à l’opposé de Mr Ba.
Quand il récolta ses 8%, j’eus toutes les peines du monde pour le joindre, parce qu’il s’y refusait. C’était pour le féliciter, mais surtout l’inviter à coordonner pour déterminer, ensemble, une stratégie commune, face à Daddah ou Sidioca qui pourraient, éventuellement, nous solliciter tous les deux, mais séparement. Je m’entendis répondre qu’il exigeait, au préalable, une délégation des FLAM, pour d’abord laver le linge sale de famille, avant d’envisager un quelconque échange. Me faisant violence, dans l’intérêt de la lutte, je me résolus alors à lui envoyer deux personnes de l´intérieur; Il leur contesta toute légitimité .
Et ce n’est pas fini ! J’avais entendu dire qu’il serait remonté à cause d’un article écrit par notre camarade Bara Ba qui l’aurait écorché quelque peu. Mais Bara, ne l’avait-il pas aussi, me semble -t-il, dès le lendemain, inondé de fleurs pour avoir battu le MND à plate couture ? Alors ? Quelle est cette susceptibilité à fleur de peau venant d’un homme politique ?
J’avais attendu et esperé l’occasion propice pour qu’on « lavât », enfin, ce linge sale, en famille. En tournée de campagne électorale, il vint aux Etats-Unis en mai 2009, mes militants et moi mêmes lui souhaitâmes la bienvenue. Il repartit sans même daigner nous retourner la politesse!
S’il y a problème entre l’AJD/MR et les FLAM il faut, je crois, à la lumière de ce que j’ai affirmé plus haut, en chercher les raisons du côté de l’AJD/MR. Comprenez bien que je sois navré de nous offrir en spectacle devant des adversaires qui en feront des gorges chaudes, mais les FLAM ont beaucoup encaissé , et le public méritait de savoir .
Quelle fut son attitude dans les FLAM, en 83, en 86, après 86, quel rôle il joua dans la rédaction du Manifeste, quelle est la personnalité de ce compagnon de détention que j’ai observé attentivement, quels étaient ces hommes qui furent « l’ âme » même de cette Organisation, les réponses vous seront données dans nos mémoires, si Dieu le veut.
Si à mon niveau je ne perds pas de vue la ligne d’horizon entre ces deux formations politiques que tout devrait unir, je ne vois la solution de l’avenir que dans la réleve. Les directions vieillissantes devront céder la place à des jeunes moins marqués, loin des complexes et des considérations crypto-personnelles. Pour ma part, je suis prêt, dans l’intérêt supérieur de la cause. L’unité se refera car il y a de part et d’autre tant de gens convaincus qui ont tant donné à cette lutte, qu’ils ne permettraient jamais le sabotage de l’oeuvre commune.
FLAMNET: Vous pensez là certainement à nos ex-Camarades partis sous d’autres cieux ?
PRESIDENT: Ils sont partis, mais leurs coeurs continuent de battre encore pour l’Organisation. J´ai comme l’impression , que ceux qui se sont intégrés dans d’autres structures, sont très mal dans leur peau; et tous les autres qui flottent sans pouvoir se choisir un point de chute, est révélateur que la flamme des FLAM, cette teneur du discours, sans concession et ni compromission, sans flip-floperie, ils ne le retrouvent nulle part! Ils ne sont en harmonie ou en phase qu’avec les positions et discours du mouvement, qui portent aussi leur empreinte indélébile .
Qu’ils reviennent donc, car l’Organisation a besoin de tous ses fils !
FLAMNET: Despote vous, parait-il monsieur le Président, si on en croit certains ?
PRESIDENT: Quand j’entends ce genre d’attaque, à mi-voix quelque fois même de l’intérieur des rangs, je souris . Je souris face aux réactions, parfois virulentes, d’anciens camarades, hors des rangs aujourd’hui. Et puis, quel homme politique n’a pas ses détracteurs, extérieurs ou même intérieurs ?
Je crois deviner ce qu’on me reproche, derrière ce jugement ; Je suis un homme rigoureux, exigeant vis-à-vis de moi-même ; exigeant vis-à-vis des cadres avancés de l’Organisation qui, à mon avis, doivent servir de modèle, être d’une certaine hauteur, et refuser de trainer certaines faiblesses dignes de simples militants de base; prendre conscience qu’ils doivent constituer le socle dur du mouvement, avec tout ce que cela implique comme conséquences.
Je suis peut être autoritaire, mais sûrement pas excessif; Je suis également, et surtout quelqu’un d’ allergique au désordre et à l’anarchie. A chacun ses devoirs, à chacun sa place et pas de confusion de rôles .
Enfin je hais ce « JE » , si inconvenant, comme dirait Yehdih.
En tout état de cause, c’est bientôt la relève, je souhaite à mon futur successeur plus de succès, qui sera peut -être beaucoup plus cool » dans cette entreprise, loin d’être facile, de gestion, à mains nues, d’hommes et de femmes, aux origines, caractères et tempérements si divers et complexes
FLAMNET: Pensez -vous comme certains que la question identitaire n’a plus de pesant et n’est plus au centre des préocupations des Négro- mauritaniens?
PRESIDENT: Ce n’est pas du tout mon avis. La question identitaire ne peut pas disparaître, comme ça, comme par magie, pour demeurer la question centrale en Mauritanie. Ceux qui tiennent ces propos sur la base unique de la baisse, il est vrai, drastique, du score de Ibrahima Sarr ou de celui, faible, de Kane Hamidou Baba se trompent complétement. Non la question identitaire demeure vivante à l’intérieur, de sa prise en compte ou non dépendra pour beaucoup l’avenir de notre pays.
FLAMNET: Dans ce combat pour la reconnaissance de nos diversités, il y a quand même certains groupes qui brillent par leur discrétion. Notre ami Boubacar Diagana a osé recemment secoué le cocotier, comme on le dit ailleurs. Cela doit vous interpeller, non ? Votre Guidimakha natal, Mr le Président?
PRESIDENT : Camarade Boubacar Diagana, nous a confié ses impressions, au cours du vote pendant ces élections, sans susciter, je crois, trop de susceptibilités sur la question. Si je devais quand même m’y risquer, je dirais que je partage tout à fait son dépit; depuis des années je ne cesse de dire que les Soninko sont absents de la lutte. Et les Wolofs, où sont ils ? Et lorsqu’il se produit des nominations en Conseil des Ministres, on entend ici et là des récriminations sur l’absence de tel ou tel groupe. Tristement comme pour demander « l’égalité dans l’oppression du Système » comme le soulignait Tocqueville. Mais l’histoire nous apprend qu’on ne respecte que ceux qui luttent, pas ceux qui gémissent !
FLAMNET: On le sait, vous attendez beaucoup de vos cadres. De façon générale, que pensez-vous de nos Intellectuels? Jouent-ils leur rôle dans notre société en crise?
PRESIDENT: Ma conception du rôle de l’intellectuel, je la tire un peu de Garaudy, de Bourdieu et de Troyat.J’adhère parfaitement au rôle selon eux, qui devrait être dévolu à l’intellectuel : un rôle de vigile et d’alerte au danger, à l’image des oies du Capitol ; un rôle d’objecteur de conscience, de « porteurs de flambeaux pour éclairer l’injustice dont souffre l’humanité ».
L’intellectuel doit sortir de sa réserve, analyser et critiquer la réalité sociale en vue de contribuer à sa transformation, nous dit P Bourdieu. Pour une fois au moins, sur ce point là, Ibrahima Sarr ravit mon adhésion; n’est pas toujours intellectuel « celui-là bardé de diplômes » , loin s’en faut ! J´ai le sentiment, pour ma part, au regard des considérations ci-dessus mentionnées, que les nôtres ont, pour la plupart , démissionné !
Démissionné vis-à-vis de leur conscience pour nos compatriotes arabo-berbères, par leur silence, assourdissant face aux événements, par leur silence général tout court . Les Intellectuels Négro- africains en majorité ont, quant à eux, opté dans leur capitulation, pour la fuite, au sens large du terme, en cherchant à se sauver,- se sauver tout seul- , laissant l’immense majorité, seule, face à ses problèmes vitaux. Et les plus hardis parmi ceux-là se complaisant dans des rôles de chroniqueurs littéraires ou politiques, choisissant, comme dirait Bourdieu « de penser la politique sans penser politique » Faut il peut -être rappeler cette pensée de B. Plain : « chaque homme porte, outre sa propre charge, le poids de tous les autres hommes ».
FLAMNET: On tend à fonder notre unité sur un dénominateur commun. Alors, l’Islam et l’Arabe, n’est-ce pas tout trouvés? L’avenir donc aux tenants de l’islamisme modéré!
PRESIDENT: Islamiste « modéré » c’est comme ca que ça commence, pour finir en GIA algérien, dont l’évocation me donne toujours la chair de poule. Franchement je me méfie un peu de cet Islamisme modéré, surtout à travers un homme, qui donne l’impression de dissimuler sa trace, cheminant, toujours tout seul, silencieux et nébuleux sur toutes les questions vitales. La Mauritanie a-t-elle besoin d’un parti islamiste ? Un parti islamiste dans une République islamique!!! J’avoue que souvent cette question me taraude l’esprit; peut -être parce que je me sens un musulman tiède ? ou peut-être une crainte plus profonde que ça, contenue dans ces mots de Kateb Yacine : « je ne suis ni arabe ni musulman , mais algérien », il criait sa révolte contre l’envahissement de cette culture arabo- islamique qui étouffait son identité kabyle.
Je me méfie aussi de cette confusion entre l’Islam et l’Arabe qui, quelque part, à contribué à nous perdre. L’Islam est un message accesssible à tous les peuples, l’arabe est une langue d’un peuple. « Dieu ne nous impose pas une langue, il nous impose une foi » disait un célébre auteur. Par ailleurs, L’unité nationale ne se fait pas forcément autour d’une langue. l’unité se fait quand on parle un même langage, plutôt qu’une même langue, pour empreinter cette métaphore à quelqu’un.
FLAMNET: On vous compare souvent à Ibrahima Moctar Sarr, dans vos qualités de leader dirigeant, qu’elle est votre réaction ?
PRESIDENT: Franchement, pour parler comme les ivoiriens, au moins sur un point, je crois qu’il n’y a pas match! J´ai conduit ce mouvement pendant 16 ans, avec des hauts et des bas, bien entendu, mais dans la cohésion, sans fissure majeure. Et la scission intervenue en février 2006 ( 16ème année), fut le résultat d’une conjonction de deux facteurs; une intoxication, intensive venue de l’extérieur, croisant une subversion interne dont j’avais mal mesuré l’ampleur et la profondeur, qui aurait pu être jugulée.
Combien a-t-il fallu à mon vis-vis pour casser l’AJD/MR? moins de deux ans !
16 ans et deux ans, il n’y a pas match, avouez le !
FLAMNET: Et cette gueguerre entre FLAMNET et AVOMM.COM?
PRESIDENT: Je ne partage pas toujours ce qui se fait ici et là, mais enfin le PRÉSIDENT n’est pas toujours tout puissant, comme le lui prête la rumeur. Il me parait utile de rappeler que l’avomm n’est pas une organisation satellite des FLAM .
Il faut dire enfin qu’on ne peut vanter la liberté d’expression, et s’offusquer à chaque fois que nous sommes griffés, dès lors que cela se fait dans les régles; avec courtoisie , avec des idées , sans insultes inutiles.
Mais j’ajoute que si l’AVOMM souhaite toujours réussir sa mission de bons offices entre l’AJD et les FLAM, elle devra s’éloigner de la ligne partisane, sans se faire l’avocat ni de l’un ni de l’autre. Que l’AJD et les FLAM s’agripent, mais qu’ils le fassent dans leurs sites respectifs !
Maintenant que FLAMNET et l’Avomm.com ont fait la paix des braves, calmons-nous, et tentons de gérer l’avenir de manière plus coopérative et plus ouverte; consacrons nos énergies aux défis qui nous concernent tous et qui demandent notre solidarité. Je ne récuse pas le droit au débat, c’est nécessaire. Mais je rappelle avoir toujours demandé que les militants croisent le fer, se battent pied à pied, si nécessaire, mais par la force de l’argumentation, sans arguties.
Maintenant que de temps en temps on nous griffe un peu, Ibrahima avec ses grandes oreilles et moi avec mon grand nez, c’est normal, pour des hommes politiques; pourvu simplement que cela fut fait à la manière du Cafard libéré, avec civilité .
FLAMNET: Quelles sont vos relations avec les autres partis d’opposition et acteurs politiques , Daddah , Messaoud entre autres ?
PRESIDENT: Nous entretenons de bons rapports avec le PLEJ, DEKALEM, ADEMA du Dr Zein, de L´IMEJ, nous approchons l’APP, à travers son leader Messaoud Ould Boulkheir, avec lequel nous espérons construire des relations de confiance.
FLAMNET: Que pensez vous du rapatriement des réfugiés en Mauritanie ?
PRESIDENT : Quand j’entends certaines personnes dire, même dans nos rangs, que les réfugiés ne doivent pas rentrer, parcequ’il n’y a pas ceci, il n’y a pas cela, je suis attristé; parce qu’ils me donnent l’impression de n’avoir rien compris !
En effet, la question fondamentale n’est pas les petites miséres qu’ils vivent une fois revenus, bien qu’il faille ameliorer, mais le droit fondamental du retour !
Le plus important est de mettre en échec ce plan machiavélique de dénégrification de la Mauritanie, conçu par les nationalistes arabes racistes. Tout le reste devient secondaire face à cet objectif ! Il ne faudrait donc pas tirer sur la corde au point de perdre de vue cette finalité première!
Maintenant ces réfugiés doivent comprendre, qu’il ne suffit pas seulement de revenir, en demeurant des observateurs passifs, face à leurs droits fondamentaux, encore spoliés. Ils doivent continuer activement à se battre pour recouvrer leurs biens et leur dignité !
FLAMNET: A quand le retour des FLAM en Mauritanie justement ? Beaucoup nous reprochent d’être loins du terrain, et pensent que nous sommes en déphasage avec les question de l’heure ?
PRESIDENT: Je ne puis vous donner une date précise, mais une chose est sûre, elles s’y préparent, très sérieusement .
Maintenant ceux qui pensent que nous sommes en déphasage avec l’intérieur se trompent lourdement. Nous n’avons jamais été absents de nos réalités. L’important n’est pas d’être à Nouakchott ou à Tachott mais d’avoir de l’influence sur le cours des choses, d’être utile à ceux qui sont là bas. Nous sommes pour beaucoup dans ce qui change positivement et dont certains s’adjugent la paternité. Nous ne disputerons les honneurs des victoires à personne, mais si les FLAM n’existaient on n’en serait pas là. Si les FLAM n´existaient pas il y´a longtemps que la question négro-africaine aurait été mise en coupe réglée. Nous sommes à l’air de la Communication, il ne se passe pas un événement qui nous échappe de l’intérieur. Mieux, j´ai quelque fois l’impression d’être plus informé que certains de l’intérieur. Ces affirmations donc ne reposaient sur rien !
FLAMNET: Et notre projet d’Autonomie, abandonné ?
PRESIDENT: Pas du tout . Je vous renvoie au Mémorandum qui en définissait les grands contours. Seulement il demeure un point de vue sectoriel de parti,- notre mouvement-, or les lignes générales définies plus haut, sorte de questions principielles, transcendent les projets de partis politiques. Ce sont des lignes que doit intégrer chaque programme de formation politique, pour que la Mauritanie soit viable.
FLAMNET: Dernier mot aux militants et à nos compatriotes.
PRESIDENT: Juste leur rappeler que la voie choisie, n’est pas simple. Qu’elle exige sacrifices et abnégation. Voilà pourquoi ils doivent s’armer de courage, et tenir quoi qu’il arrive, il n’y a pas d’autre option. Ils se doivent enfin d’être confiants; confiants en eux-mêmes, confiants en leur direction, confiants en l’avenir car notre victoire est certaine .
Aux compatriotes je dirais qu’il est possible de faire de ce pays un havre de paix et de prosperité, où il fait bon vivre, il suffit de le vouloir, avec un bon commandant en chef, ferme et déterminé, doté de vision, entouré de jeunes, tels que décrits plus haut, et dans un vaste mouvement d’ensemble c’est parti. C’est ma conviction «quand les hommes changent les nations changent » dit-on.
FLAMNET: Merci monsieur le Président et la lutte continue!
Propos recueillis par Kaaw Touré, Ibra Mifo Sow, Abdoulaye Thiongane et Moustapha Barry(Walfadjri).
Le 02 août 2009
INVITE DU SITE: Sow Ibrahima Mifo Sow des FLAM
“Le flamisme est une attitude, un état d’esprit, une fidélité à un idéal de justice, c’est la défense de la diversité, c’est l’appel à la complémentarité. C’est pourquoi, Les FLAM constituent une nécessité pour la Mauritanie ”
Sow Ibrahima Mifo, Secretaire National a l’Oganisation et a l’Orientation politique des FLAM
Á COEUR OUVERT
Flamnet reçoit comme invité, un haut responsable des Forces de libération africaines de Mauritanie (FLAM), l´actuel numéro 2 du mouvement et responsable des structures de base et de l´orientation politique des FLAM, le camarade Sow Ibrahima, Ibra Mifo pour les intimes.
Membre-fondateur du Mouvement des Élèves et Étudiants Noirs (MEEN), des FLAM et de l´UNESM, militant très actif de l´organisation, arrêté et condamné en 1986 après la publication du Manifeste du Négro-mauritanien Opprimé, banni et radié de la fonction publique pour “activités subversives”, après sa liberation de prison, il est forcé à l´exil. Il atterit d’abord au pays du vieux Houphouet Boigny où il crée et anime, avec des camarades miraculés du bagne de Walata, une Section des FLAM. Puis, juste avant le déclenchement de la guerre civile en Côte d’Ivoire, il s’envole pour les USA où il poursuit son long exil au service de son Organisation.
Ancien président de l´Association Culturelle et Sportive de la jeunesse de Djeol, ancien responsable du mouvement Jaalo-waali, une fédération d’une dizaine d´associations culturelles des riverains de la vallée du fleuve, ancien Secrétaire à l´organisation de la section des FLAM- Amérique du Nord, l’ex professeur de français au lycée de Sélibaby, de Kaëdi et de Dimbokro (Côte d´ivoire) revient, pour nous, de long en large sur l´actualité politique mauritanienne, sur l´état de son organisation, les FLAM, sur le retour des Déportés, sur les problèmes de la cohabitatione et du passif humanitaire, et aussi sur la création de l´AJD/MR.
Entretien à coeur ouvert avec l´enfant de Bilbassi.
Bonne lecture, la lutte continue!
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FLAMNET: En tant que premier responsable des structures de base des FLAM, peut-on vous demander le bilan de santé de notre organisation, sa vie actuelle? Comment se portent les FLAM ?
IBRA MIFO SOW : Les Flam portent gaillardement leur quart de siècle de lutte , de résistance et de fidélité à un idéal de vie en commun normalisé. Eu égards à toutes les épreuves – et quelles épreuves!- qui ont jalonné ses 25 années de constance, le fait que notre Organisation ait pu relever le simple défi de la présence représente en soi une prouesse politique inédite sur le plan national. Et c’est peu dire que d’affirmer que les FLAM continuent de susciter aujourd’hui encore autant, voire davantage, de passions qu’au lendemain de la publication du “Manifeste”.
Notre Mouvement vit et fonctionne en mettant en oeuvre son programme politique et ses activités militantes qui concourent à la réalisation de ses trois missions principales, qui sont: construire une organisation politique solide, mobiliser l’opinion publique autour des grands problèmes nationaux, et contribuer à l’édification d’un véritable Etat de droit dans notre pays. Un rapport exhaustif sur l’état de notre Organisation a été récemment dressé par notre Bureau Exécutif National à l’intention de toutes nos structures. Il est inutile et inapproprié de revenir ici sur les détails de ce document. Ce qu’il importe de retenir c’est que la consolidation organisationnelle demeure un défi permanent, surtout dans notre cas, quand on sait qu’on doit faire fonctionner des structures aussi dispersées que nous le sommes sur 3 continents. En dépit de l’usure du temps, des affres de l’exil et des contraintes de la distance, l’ardeur militante des flamistes est restée aussi vivante que leur foi commune dans la justesse de notre combat.
A l’heure actuelle, nos militants, tout comme nos responsables nationaux, sont occupés à finaliser les réformes structurelles ainsi que les réorientations politiques qui maintiennent actuels et adaptés notre dynamisme et nos stratégies par rapport aux donnes nationales et internationales.
Quant au chantier de la sensibilisation et de l’information, il est sans nul doute celui qui nous a valu d’être aujourd’hui l’organisation politique la plus connue de la Mauritanie. Un important travail continue de se faire en faveur de la prise de conscience de l’acui té des principaux contentieux nationaux. Sans verser dans une auto-célébration insouciante, nous pouvons à juste titre réclamer notre part de mérite dans l’évolution politique et sociale frémissante dans notre pays. Il reste encore du chemin à faire pour arriver à l’essentiel, c’est-à-dire, la traduction dans les faits des intentions de consolidation de l’unité nationale qui, en aucune façon, ne pourra se réaliser sur le lit des discriminations raciales et sociales dont fait l’objet l’immense majorité de nos populations. C’est pourquoi, les FLAM se posent-elles désormais comme un mouvement porteur de projet de société fédérateur qui place la justice sociale, l’égalité entre nos races et nos communautés et le développement économique et social harmonieux de notre pays au centre de leur action politique.
Flamnet : Depuis le discours du président de la république sur les Déportés, on assiste en Mauritanie à une campagne violente et haineuse contre les FLAM dans une certaine presse et auprès de certains cercles politiques. Comment expliquez-vous cet acharnement contre les FLAM?
IBRA MIFO SOW : Les FLAM n’agitent que ceux dont la normalisation de la vie politique et sociale de notre pays déjoue les sombres desseins exclusivistes, eux et leurs bras séculiers, une horde de génocidaires en cabale, mais aussi ceux à qui la diabolisation de notre Mouvement assurait un plan de carrière prospérant sur une lâcheté tranquillement assumée. On se serait amusé de cette fébrilité si on n’était pas suffisamment édifié sur leurs capacités de nuisance, si on ignorait tout le mal qu’ils ont causé à l’unité nationale.
Le discours du Président de la République et la confirmation qui en a été faite par le Premier Ministre dans sa Déclaration de Politique Générale font justice à la Plate-forme dite de “Discussion pour une Mauritanie reconciliée” que nous avions soumise au candidat Sidi et plus tard au Chef de l’Etat qu’il est devenu. On ne peut que se féliciter du fait que le schéma de sortie de crise que nous avions dessiné soit suivi par les plus hautes autorités de l’Etat. Globalement on réclamait que le Président de la République reconnaisse et assume, au nom de l’Etat, les graves violations des droits humains commises à l’encontre d’une partie de nos populations, que les Déportés soient ramenés dans la dignité et rétablis dans tous leurs droits, que des mesures courageuses de réhabilitation des anciens esclaves soient prises, et en fin que le problème du passif humanitaire reçoive un traitement juste et équitable. On reste tout à fait évidemment serein sur les difficultés à vaincre avant de parvenir à la mise en oeuvre de ces bonnes intentions, et en particulier celles sur le dossier du passif humanitaire. Nous ne partageons pas les propositions qui voudraient solder ces crimes à bon compte par le biais de quelques compensations pécuniaires de condescendance distribuées aux ayants-droit. C’est à la fois simpliste et dangereux en ce qu’il constituerait un précédent préjudiciable à l’instauration d’un Etat de droit que nous appelons de tous nos voeux. Pour nous, il faut concilier le refus de l’impunité, les exigences de la vérité, le droit à la réparation avec la nécessité du pardon.
Pour important qu’il soi, le réglement de ces dossiers humanitaires, qui sont, on ne le répétera jamais assez, les conséquences logiques d’une politique aveuglément particulariste, ne constitue qu’un préalable apaisant à l’ouverture d’un débat de fond sur la cohabitation, contradiction principale qu’on n’arrive pas à dépasser faute d’avoir eu jusqu’à présent le courage d’y faire face avec lucidité. C’est ce à quoi appelait le Manifeste de 1986 qui invitait ” toutes nos nationalités à un dialogue de races et de cultures dans lequel nous nous dirons la vérité pour guérir nos maux”. C’est ce même souci de rencontre et de reconnaissance mutuelle de nos diversités entre elles qui continue de motiver l’engagement et la détermination des FLAM. Aussi longtemps qu’elle continuera à rassembler sur le même territoire les communautés qui la composent actuellement, la Mauritanie sera condamnée à assumer son destin biracial et sa diversité culturelle. Et nous pensons que la meilleure façon de péréniser cette coexistence, c’est de fixer les régles de son fonctionnement par des lois constitutionnelles qui reconnaissent et sécurisent chacune de nos identités.
Flamnet: Certaines mauvaises langues pensent qu´après le retour des Déportés et le réglement du passif humanitaire, qu´ils considérent comme votre “fond de commerce”, les FLAM n´auront plus leur raison d´être, que répondriez-vous à ces allégations?
IBRA MIFO SOW : Les FLAM n’ont pas le destin lié avec les douloureux dossiers humanitaires de notre pays. Nous avons estimé que c’étaient des causes justes qui méritaient l’engagement et la mobilisation de tous ceux que la justice et la paix préoccupaient dans notre pays. Peut-être avons-nous été les plus déterminés, les plus actifs sur le terrain, mais nous n’étions certainement pas les seuls à nous en soucier. En tout cas, je l’espère, pour la Mauritanie. C’est pourquoi, nous, au niveau des FLAM, nous ne sommes même pas surpris par l’engouement actuel, presque général, autour de ces problèmes. On est même satisfait de la profusion d’organisations qui se sont subitement créées et qui sont dédiées à la bonne cause, devenue miraculeusement priorité nationale. Et toutes ces propositions généreuses et inspirées, tous ces grands discours patriotiques, tous ces appels pathétiques, toute cette mauvaise conscience qui s’en veut, tous ces nouveaux ralliés rivalisant d’ardeur et de zèle, tous ces enquêteurs-compulateurs, experts avisés de la gestion des préjudices, toutes ces bousculades audacieuses, je veux dire, tout ce don de soi bruyant ne peut tout de même pas être que factice. Nous, nous voulons croire qu’il y avait bien une prédisposition qui n’attendait qu’un prétexte, par exemple la volonté du prince, pour s’exprimer au grand jour. Si, aujourd’hui, tout le monde est unanime à reconnaître qu’un grand mal a été fait et qu’il mérite d’être réparé, on ne peut donc pas reprocher aux FLAM de s’en être occupées.
Sur le cas particulier de ces dossiers conflictuels et sur celui plus général de la cohabitation, notre seul tort est d’avoir eu raison avant tout le monde. C’est parce que nous sommes conscients des menaces sérieuses que constituaient à terme ces problèmes contre la paix et la stabilité aussi bien de notre pays que de la sous-région, que nous nous sommes opposés à leur occultation.
Pour les Déportés, nous avons refusé la solution de l’incognito que les racoleurs du régime défunt voulaient imposer dans les camps en les vidant rien que pour sauvegarder l’image de marque de O/ Taya dont ils étaient devenus des alliés objectifs contre les FLAM et la justice. Tout comme nous nous opposons à l’absolution pure et simple des bourreaux que le système a utilisés pour la basse besogne de la purification éthnique. Cette attitude d’intransigeance n’est dictée que par notre amour pour notre pays. Malheureusement, on ne peut pas en dire de même de nos autorités nationales et de la classe politique traditionnelle bien accommodante qui s’étaient toujours illlustrées dans une indifférence suicidaire face aux barricades et aux tranchées qui assiègaient la République.
Nous n’avons rien à nous reprocher, rien, ni d’avoir porté à nu les plans de dénégrification ourdis par le système, ni d’avoir résisté activement sur le champs de bataille pour notre survie, ni encore moins d’avoir refusé notre soutien inconditionnel à une transition qui a excellé dans l’exercice du dilatoire face aux problèmes essentiels de notre unité nationale.
Ceux qui prédisent ou souhaitent la disparition des FLAM méconnaissent la portée de notre combat, l’impact incommensurable de notre influence morale, politique et philosophique sur l’immense partie de nos populations.Tous ceux qui luttent pour la sauvegarde de nos identités, pour le respect des droits nationaux et qui refusent le régne de l’arbitraire et de l’exclusion sont des flamistes qui s’ignorent. Le flamisme est une attitude, un état d’esprit, une fidélité à un idéal de justice, c’est la défense de la diversité, c’est l’appel à la complémentarité. C’est pourquoi, Les FLAM constituent une nécessité pour la Mauritanie. Notre lutte continuera donc en se raffermissant, en mobilisant davantage et surtout en s’inscrivant plus résolument dans la dynamique de la proposition et de la rencontre. Rien ne nous divertira de cet engagement. Nous laissons par conséquent le terrain de l’anathème et de l’invective à ceux auxquels il ne reste plus que la gestion de la vacuité et du spécieux.
Flamnet: Envisagez-vous un retour ou un redeploiement de votre organisation à l’interieur compte-tenu de l’évolution de la situation? Que diriez-vous à ceux qui se demandent si l’exil a encore un sens ou pourquoi les FLAM sont toujours en exil?
IBRA MIFO SOW : Il y a eu à un moment donné dans l’histoire politique de notre pays des conditions objectives qui ont contraint notre Organisation à l’exil. Ce n’était ni une solution de facilité, ni une option irréversible. Il n’a jamais été dit, nulle part dans nos textes, que les FLAM doivent demeurer indéfiniment en exil. On peut même dire que cela a été un accident de parcours. Mais nous avons pu positiver cet accident, en nous saisissant de cette opportunité ni voulue, ni même prévue, il faut le reconnaître, pour en faire un outil redoutable au service de notre résistance et de la lutte contre les injustices auxquelles peu de gens osaient s’opposer de l’intérieur. Ce combat-là n’a pas été vain.
Si les conditions qui nous ont poussés, puis maintenus pendant si longtemps hors de chez nous disparaissent, il n’y aura aucune raison pour que nous ne rentrions pas. J’espère même que cela se fera le plus tôt possible. Mais, c’est nous qui devons évaluer la réalité de l’évolution de ces conditions et en particulier de celles liées à la sécurité. Car, il ne faut pas oublier que ce sont nos militants et nos sympathisants qui ont été les principales victimes de la terreur qui prévalait dans notre pays. Nous avons subi la fureur du système dans nos libertés, dans notre chair, dans nos vies de famille, nous et tous ceux qui sont susceptibles de sympathie pour notre combat afin que soit étouffée à jamais toute velléité de remise en cause du cours hégémonique de la beydanisation de la vie politique et socio-économique de la Mauritanie.
Il y a, actuellement, au sein de toutes nos structures, un débat ouvert sur l’appréciation de la nouvelle donne nationale et sur l’impulsion à donner à notre lutte. Il permettra à nos militants de faire des propositions motivées sur les objectifs et les stratégies à assigner à notre Mouvement. A l’issue de leurs réflexions, nous convoquerons l’une de nos instances de délibération, le congrès ou le conseil national, pour statuer. Il n’ y aura donc ni précipitation, ni improvisation. Une chose est cependant sure, comme ne cesse de le rappeler notre Président, les FLAM ne se déroberont pas devant leur devoir. Le terrain national, nous le connaissons bien et nous avons des atouts solides à y faire prévaloir.
Flamnet: Que pensez-vous de la naissance de l’AJD/MR? Les FLAM ont-elles été consultées pour la création de ce rassemblement ? Quelles seront les relations entre les FLAM et ce parti dans la perspective d’un redeploiement?
IBRA MIFO SOW : Je voudrais d’abord rendre hommage à la constance de l’AJD qui a ainsi aujourd’hui pu servir de socle à un plus grand rassemblement, et puis, saluer l’humilité et la générosité de ses dirigeants. Nous connaissons la valeur de ces hommes et de ces femmes qui ont été, pour la plupart, des camarades de combat et avec lesquels les ponts n’ont jamais été coupés. Les FLAM et l’AJD ont su maintenir entre elles des rapports utiles et respectueux de la souveraineté de chacune de nos Organisations. Nous ne doutons pas non plus des qualités du Président Sarr. Je crois qu’il n’a jamais perdu de vue le caractère prioritaire de la résolution de la question nationale. Nous nous félicitons de l’unanimité qui l’a porté à la tête de son nouveau parti. De façon générale, nous considérons que cette organisation a en son sein beaucoup d’hommes et de femmes de convictions qui prennent parfaitement au sérieux la mission qu’ils se sont assignée.
Est-ce que les FLAM ont été contactées? Je réponds que non. Du moins, pas dans les régles de l’art. Il est vrai, il y a eu, in extremis, quelques initiatives individuelles, relevant plutôt de l’ordre de la confidence, comme par acquis de conscience. Or, il en faut beaucoup plus pour engager les FLAM. A notre connaissance, il y avait bien une commission de contacts qui a eu, sans doute, des alliances plus stratégiques à négocier. Nous ne reprochons rien à personne. Chacun a ses priorités. L’essentiel actuellement sera de garder solides les passerelles qui existent et qui nous permettront à un moment donné d’envisager l’avenir ensemble. A condition évidemment que l’excès de “réalisme” ne prenne pas en ôtage la substance de la cause que nous avons en partage. Dans tous les cas, les défis à relever sont si immenses que nous ne serons jamais de trop à plusieurs pour y faire face.
Flamnet : Votre dernier mot à nos militants et aux mauritaniens d´une manière générale …
IBRA MIFO SOW : Nos militants sont actuellement entrain de finir la réflexion sur des sujets d’importance capitale pour notre combat pour la Mauritanie. Il s’agit entre autres d’une proposition de Projet de Société et d’une Charte sur la Cohabitation pour que la Mauritanie régle ses contentieux nationaux et se prépare à un développement harmonieux. C’est un nouveau cap pour notre Organisation et je sais que nos militants sont prêts et parés à l’aborder avec disponibilité et discipline. C’est parce qu’ils sont restés mobilisés et déterminés que des pans entiers d’injustices commencent à tomber.
Les FLAM n’ont aucun autre dessein que celui de contribuer, ensemble avec toutes les forces progressistes de notre pays, à l’édification d’un véritable Etat de droit. Notre combat acharné contre les injustices et en faveur de l’égalité de nos races et de nos cultures le prouve éloquemment. La normalisation de la cohabitation entre nos communautés est possible. C’est ensemble qu’on le fera en nous enrichissant de nos différences et en assumant le droit de chacune de nos identités à la reconnaissance pleine et entière.
Je remercie Flamnet et ses animateurs pour le travail de promotion de la liberté et de la justice qu’ils font en faveur de la Mauritanie. Je vous encourage à continuer le travail d’informations et d’explications que vous menez pour mieux faire comprendre le sens de notre combat. Nos concitoyens ont besoin de mieux nous connaître, eux qui sont restés si longemps abusés par une presse aux ordres d’une dictature qui a bati sa longévité sur le mensonge et la falsification. La Lutte continue.
FLAMNET : Merci camarade et nous disons encore avec vous : La lutte continue de plus belle!
Propos recueillis par Kaaw Touré et Abdoulaye Thiongane
le 14 septembre 2007
INVITE DU SITE: Harouna Rachid Ly (Écrivain, Journaliste)
Auteur du livre-témoignage: « 1989, gendarme en Mauritanie»
« Le discours qui valait hier à leurs auteurs le qualificatif «d´ennemis de la nation» était devenu subitement un cheval de bataille qu´enfourchaient tous les prétendants aux trônes. «Unité nationale», «retour des déportés», «règlement du passif humanitaire», «esclavage»; on eût dit que, brusquement, tout le monde s´était réveillé FLAMISTE»
FLAMNET reçoit aujourd´hui un grand homme de lettres, une plume sûre, un combattant de la liberté, un intellectuel de haute facture qui n´est plus à présenter aux mauritaniens, nous voulons nommer Harouna Rachid Ly l´enfant chéri de Wouro Dialaw.
Ancien gendarme mais révoqué pendant les années de braise pour délit de faciès. Oui, c´était un crime d´être un noir et fier de sa négritude pendant le régne de sa majesté Ould Taya et Rachid était fier de ses origines donc un «ennemi de la nation».
Rachid LY travaille maintenant dans un Cabinet d’Avocat à Nouakchott. Il a collaboré à plusieurs journaux indépendants comme le Calame de feu Habib Ould Mahfoudh, Al Bayane et est actuellement rédacteur-en-chef de l’hebdomadaire “La Nouvelle Expression”.
Écrivain et auteur de plusieurs ouvrages dont: Le réveil agité, Editions L’Harmattan, (Paris, France, 1997), Que le Diable t´emporte! publié à compte d’auteur( Nouakchott, 2000), Le trésor des Houya-Houya, Editions Manuscrit.com, (Paris, France, 2001) et maintenant il vient de publier «1989, Gendarme en Mauritanie», Editions Cultures Croisées, Roissy-en-Brie, France, ( 2007). C´est pour parler de son nouveau livre, de la démocratisation en Mauritanie, de la question nationale, de la situation de la presse au pays et d´autres questions d´actualité que nous avons donné la parole à ce fin observateur et acteur de la scène politique mauritanienne.
Pour la petite histoire Rachid est l´un des rares mauritaniens de l´intérieur à écrire à visage découvert et à participer aux débats sans langue de bois dans le FORUM FLAMNET pendant les années de plomb de Taya.
Entretien…..
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FLAMNET: Bonjour Rachid, voulez-vous vous présenter aux lecteurs de FLAMNET?
RACHID LY: Je m’appelle Harouna LY dit Rachid. Je suis natif de Wouro-Dialaw (Département de Bababé). Après quelques années passées à la Gendarmerie nationale, j’ai quitté ce corps (ou du moins j’ai été ousté) le 6 juin de l’an de disgrâce 1989. Depuis, je travaille dans un cabinet d’avocat. A mes heures perdues, je suis écrivain et, « subsidiairement », je suis rédacteur en chef du journal « La Nouvelle Expression ». Pour rappel, l’honneur nous a été donné de « bosser », avec feu Habib Ould Mahfoud, « L’homme qui est mort debout », (Dieu l’Agrée dans Son Vaste Paradis. Amin) à Al-Bayane et, par la suite, au Calame, journaux pionniers qui ont tracé la voie à la presse indépendante de notre pays.
FLAMNET: Nous savons que vous venez de mettre la dernière main sur un ouvrage, voulez-vous nous donner la primeur des thèmes qui y sont abordés?
RACHID LY: Il s’agit d’un livre aussi bien autobiographique qu’un ouvrage qui fait le survol de la vie de la Mauritanie ces dernières années. Il a pour titre «1989, Gendarme en Mauritanie». Sans prétention, j’y aborde l’histoire de quelques groupuscules politiques avant la pantalonnade de la démocratisation des années 90; la vie d’un gendarme négro-mauritanien dans une ville du Nord mais surtout le processus qui, après les sanglants pogroms de Dakar et de Nouakchott d’avril 1989, a conduit à l’arrestation, la déportation ou la révocation de plusieurs fonctionnaires noirs mauritaniens.
FLAMNET: Gendarme en 1989 en Mauritanie et noir en plus ça ne devait pas être facile au
royaume de Taya?
RACHID LY: Ce n’était pas facile. Il faut croire que les corps constitués (armée, gendarmerie, garde.), en prenant le pouvoir le 10 juillet 1978, avaient fait de l’homme de l’uniforme, sans aucun mandat du peuple, le dépositaire du dernier recours de cette notion quelque peu biscornue de la légitimité nationale ; si bien que des « petits caporaux », s’estimant fondés à avoir opinion sur la chose « politique », s’étaient mis à transposer les « problèmes civils » aux choses militaires. L’institution militaire n’était plus à l’abri des relents nationalistes au sens étroit du terme. Le malheur est aussi que, dans ce capharnaüm où les seules senteurs ne venaient plus que de la botte et du ceinturon, il était devenu comme une mode d’accoler des couleurs aux membres des forces armées : pro-baathistes, pro-nasséristes, pro-FLAM. Si chez nos compatriotes maures des corps constitués, les « moukhabaratt » avaient un choix étendu dans l’étiquetage, pour les négro-mauritaniens en uniforme, « on » pratiquait un raccourci saisissant : FLAM. Une bonne trouvaille pour les justifications a posteriori : on ne s’embarrassait plus de scrupule pour vider le gendarme négro-mauritanien, par exemple ; puisque dans l’entendement embrumé des excités de la calotte crânienne, s’il n’était pas Sénégalais (côté pile), il était « un ennemi de la nation » (côté face), autre vocable « brandi » à tout bout de champ pour aplatir le peuple.
FLAMNET: Est-il facile d´être Négro-mauritanien et de mener une carrière désengagée?
RACHID LY: Pas du tout. A moins d’être un mauvais citoyen. Ecoutez, je trouve que les gens qui se comportent de cette façon rendent un mauvais service au pays. « Houbboul watan minal iimaan » (« L’amour de la patrie est un devoir »). Rester dans son coin, cultiver son petit jardin, compter ses sous ou ses cors au pied est un comportement que tout bon citoyen doit abhorrer. Un citoyen (qu’il soit négro-mauritanien) ou de toute autre communauté nationale doit montrer qu’il est un citoyen ; remplir ses devoirs sans faille et réclamer ses droits sans faiblesse. Le désengagement est synonyme de démission – mieux, de l’aplatissement ; et c’est bien parce le camp de ceux qui préféraient la position horizontale était plus compact que celui de ceux qui étaient debout, que les applaudisseurs, les courtisans et les magouilleurs ont transformé ce pays en une marre de boue et de gadoue dans laquelle s’ébattaient des colonies de canards (boiteux, s’entend). Le pays n’avancera pas avec cette engeance.
FLAMNET: Votre ouvrage vient après “J’étais à Oualata” de Boye et “L’enfer d’Inal” de SY. Peut-on à votre avis parler d’une floraison ou d’un printemps de la littérature de la mémoire?
RACHID LY: Permettez-moi d’abord de rendre un hommage mérité à nos deux aînés (Boye Alassane Harouna et Mahammadou SY) pour leur témoignage inestimable à verser dans les pages de l’histoire de notre pays. Ces livres, à eux deux, représentent un ensemble de faisceaux qui éclairent et jettent une lumière crue sur les turpitudes d’un système et d’un régime qui a conduit la Mauritanie dans les récifs. Il fallait le faire ; en bons soldats, ils l’ont fait et je crois que cela mérite d’être salué. « floraison ou printemps de la littérature de la mémoire », je le pense. Les paroles s’envolent, les écrits restent. Si l’on se place sur l’angle de l’épuration et du passif humanitaire, on ne peut que se féliciter de ce travail de mémoire et de tout acte qui contribue à faire refluer les partisans de « la mise sous séquestre de l’Histoire ».
FLAMNET: Quelle est la situation de la presse en Mauritanie, est-ce que c´est facile d´exercer ce métier aujourd´hui au pays sans grands soutiens financiers ou sponsors?
RACHID LY: La presse mauritanienne se divise, grosso modo, en trois catégories : celle qui est plus ou moins debout (même si c’est branlant); celle qui a la langue sur les genoux et « la presse couchée » (au sens propre et figuré du terme). Les deux premières tirent leur épingle du jeu et sont à encourager. Elles ont contribué, cahin-caha, à l’enracinement (un bien grand mot !) de l’Etat de droit et l’ancrage (pourquoi pas ?!) de la démocratie. La dernière est une ivraie qu’il faut « éradiquer ». A dire vrai, la situation de la presse en Mauritanie n’est pas des meilleures. D’abord, l’Etat ne lui consent la moindre subvention et récemment elle a connu une cascade de plaintes (même si parfois elle ne peut s’en prendre qu’à elle-même). Ensuite, la pub et autres insertions ne sont pas légion et ne bénéficient pas au grand nombre. Enfin, s’il ne fallait compter que sur le lectorat, beaucoup de journaux auraient mis la clé sous le paillasson. Malgré tout, il faut saluer le courage de ce quatrième pouvoir qui, même sous l’ère Taya, a su émettre des notes discordantes. Quant aux couinements de ces ouistitis que l’on surnomme sous nos cieux Peshmergas, tout le monde essaie de faire avec. Non, à dire vrai, sans soutiens financiers ou sponsors, comme vous dites, exercer le métier de journaliste relèverait, pour le moins, des dix travaux d’Hercule.
FLAMNET: Comment expliquez-vous le refus du CMJD d´aborder pendant la transition les questions qui “fâchent” à savoir le racisme d´Etat, l´esclavage, les déportations, le passif humanitaire, etc…
RACHID LY: Je ne l’explique pas, je le déplore. Sur ces questions, si le CMJD avait pris le taureau par les cornes, il serait entré dans l’Histoire par la grande porte ; dommage qu’il ait opté pour le soupirail. Pour se dédouaner à bon compte, il s’était mis à enfourcher le même cheval que Taya et ses partisans : « Tout réfugié mauritanien peut revenir » ; ou nouvelle trouvaille : « Il reviendra au prochain pouvoir, plus légitime, de régler la question (des déportés) »; au foot, on appelle ça, au mieux, « botter en touche ! » et au pire « des sorties hasardeuses d’un gardien peu bondissant» (ou bondissant mal)! Soyons reconnaissons au CMJD d’avoir débloqué la situation d’impasse dans laquelle se trouvait le pays mais étonnons-nous de sa propension à remettre aux calendes post-transitoires le règlement de dossiers si saillants au motif d’une « plus grande légitimité » du pouvoir civil qui lui succédera, présupposant donc son manque de légitimité (lui le CMJD) à régler ces questions. Légitimité, dit-on. Est-il légitime de renverser un régime civil, fut-il celui de Maaouya ? Le CMJD n’a-t-il pas modifié la Constitution, signé une Charte, des décrets, des traités et des conventions ? N’a-t-il pas libéré des condamnés ? Disons les choses sans faux fuyants ni formules alambiquées : le CMJD n’avait aucun mandat du peuple pour agir. tout s’est fait, ici, par consentement, consensus (pour ne pas dire par hochement de tête) et ce, suivant le « principe » (éculé ?) du « choix du moindre mal ». C’est dire donc que l’argument «de la légitimité » n’est pas suffisant. Nos vaillants libérateurs ont choisi la stratégie du contournement au lieu d’y aller à la hussarde. C’est dommage.
FLAMNET: Vous êtes un observateur averti de la scène politique nationale; Sidioca a-t-il la volonté et la marge de manoeuvre nécessaires pour résorber la question nationale? Ne risque-t-on pas d’assister à un exercice de colmatage qui se réduirait à faire rentrer les Déportés et passer sous silence tout le reste?
RACHID LY: Je pense que Sidioca a la volonté de trouver une solution à « l’unité nationale »
comme il l’a dit dans sa campagne et l’a redit en plusieurs occasions. Sidi dispose-t-il d’une marge de manoeuvre ? Il est permis de penser que s’il s’est affranchi de la tutelle que voulait lui imposer ses encombrants amis d’El Mithaq, il pourrait éviter les écueils de toute autre pesanteur. Maintenant, est-ce que « la question nationale », telle que posée par les FLAM, et « l’unité nationale » du président Sidi ont la même signification ?. That is the question !! Comme diraient les sujets de sa Gracieuse Majesté. L’essentiel est que les dernières élections ont permis d’aborder les sujets tabous, ceux qui valaient à leurs auteurs le repoussant qualificatif de « ennemis du peuple ». Sincèrement, je crois que le processus vers une Mauritanie égalitaire, unie, juste et fraternelle est irréversible ; même si subsistent encore des esprits obtus et des freins de toutes sortes. La Mauritanie est revenue tellement de loin que l’espoir réside dans une rupture complète avec l’étroitesse d’esprit, la navigation à vue et les sectarismes de mauvais aloi. Restons confiants. et vigilants, car ce n’est pas une mince affaire de construire un bon citoyen et. de bons responsables. Et comme disait feu Habib Ould Mahfoud (que Dieu l’Agrée dans Son Vaste Paradis. Amin) : « Tant que certains n’appelleront pas notre pays notre chambre à coucher, il y a de l’espoir » !
FLAMNET: Pensez-vous que la démocratie est maintenant bien ancrée en Mauritanie et qu´avec la nouvelle “république” la situation des négro-mauritaniens n´est plus à déplorer?
RACHID LY: Il y a eu des élections transparentes. Des instruments tendant à poser les fondements de l’Etat de droit (CENI – enterrée avec la Transition – Haute Autorité de la Presse et de l’Audiovisuel (HAPA), CNDH (Commission Nationale des Droits de l’Homme)) sont venus renforcer ceux qui existaient déjà ; d’autres verront prochainement le jour (le Conseil Economique et Social.). Mais le problème de ce pays n’est pas celui des instruments juridiques mais plutôt le comportement de ses responsables et de ses citoyens. La Mauritanie est sans doute le pays le plus complet en matière de textes, mais du formalisme de ceux-ci à la réalité sur le terrain existe un fossé que « le responsable » – ce grand enfant – comble à sa guise. Pour schématiser, je dirais que la Mauritanie est un pays démocratique mais que beaucoup de Mauritaniens ne sont pas des démocrates sincères. Nous venons de sortir d’une transition après avoir gémi longtemps sous le joug d’un système honni ; je pense qu’il est encore tôt de dresser le constat mais, l’avis général est que le nouveau président est animé de la volonté manifeste de sortir la Mauritanie de la cohorte des pays bananiers et dattiers. Je pense qu’il est utile de rappeler que les problèmes de cohabitation et d’unité nationale que le pays a connus sont dus plus au comportement irresponsable d’un système que des individus pris séparément ; un système qui a su poser les fondements solides d’une obscure technique du « diviser pour régner », qui a eu pour conséquence de cultiver l’incompréhension, semer la discorde et nourrir le ressentiment intercommunautaire. Et ce système recrutait, hélas, ses doungourous et ses seconds couteaux dans toutes les périphéries. Combien étaient-ils les négro-mauritaniens qui chantaient les louanges du régime désormais déchu ? Combien d’entre eux dansaient autour de notre scalp à peine coupé ? Qui venaient dans la Vallée prêcher la « bonne parole » en usant du chantage et de l’intimidation ? Ces Zoulous, ces VF ? Combien d’entre eux ont défendu Maaouya à Banjul, Bruxelles, Madrid, Durban ou Dakar ? Cette horde qui écrasait la Vallée du pied et du pneu était composée des fils de cette contrée. Ce n’était point des Maham, ni des Mahmoud mais des petits Mamadou bien de chez nous. Entre nos communautés, la vie n’était pas toujours rose mais la bonne entente existait, chaque maure ayant son kowri qu’il était prêt à défendre contre ses propres parents, s’il le faut ; et chaque kowri ayant son maure, son hartani auxquels il était attaché comme à la prunelle de ses yeux. Le retour d’un tel climat est possible, encore faut-il que la nouvelle république, comme vous dites, traduise dans les faits notre devise nationale : Honneur – Fraternité – Justice. « Le poisson pourrit par la tête », comme on dit ; hélas, le malheur de ce pays est toujours venu de sa tête qui pense mal.
FLAMNET: Que pensez-vous des FLAM, de leur lutte et du site Flamnet?
RACHID LY: C’est une organisation qui, dès le départ, a su montrer du doigt les dangers qui guettent la Mauritanie. Malheureusement, ses constats, ses mises en garde furent mal perçus ou tout simplement instrumentalisés. Sans doute aussi, avaient-elles commis une erreur de n’avoir pas rallié à leur combat ou associé à leur diagnostic les autres composantes nationales, passant ainsi, aux yeux de leurs détracteurs, pour une « entité » sectaire et communautariste. Cependant, ici, pendant le printemps électoral de 2006-2007 qui avait pris les allures de catharsis, bien des masques sont tombés, bien des voiles de pudeurs, oripeaux couvrant des pans entiers de lâchetés, d’opportunisme inconscient et du réalisme bas de gamme, ont été jetés aux orties. Le discours qui valait hier à leurs auteurs le qualificatif « d’ennemis de la nation » était devenu subitement un cheval de bataille qu’enfourchaient tous les prétendants aux trônes. « Unité nationale », « retour des déportés », « règlement du passif humanitaire », « esclavage ». on eût dit que, brusquement, tout le monde s’était réveillé FLAMISTE. Comme qui dirait, « Be mbiyanooma tan cahen Be mbii alaa muuDen ! » (Il leur avait été conseillé : « Mouillons ce couscous avant de l’avaler », ils avaient rétorqué : « Que non ! Nous le préférons sec ! »).
FLAMNET est un site qui a contribué grandement au débat sur les grandes questions nationales; ce dont il doit être remercié.
FLAMNET: Votre dernier mot à nos lecteurs!
RACHID LY: La lutte pour une Mauritanie unie, juste et prospère. continue !
FLAMNET: Oui Rachid , la lutte doit continuer et merci d’avoir répondu à notre invitation.
Propos recueillis par Kaaw Touré et Abdoulaye Thiongane.
Le mercredi 13 juin 2007
Mamadou Sidy Ba: Membre-fondateur des FLAM, membre du conseil national et Conseiller Politique des FLAM
A l´occasion du 23éme anniversaire des Forces de libération africaines de Mauritanie Flamnet reçoit comme invité un membre fondateur des FLAM, une figure emblématique du Mouvement Noir, nous voulons nommer le camarade Ba Mamadou Sidy que les jeunes flamistes surnomment affectueusement “masses fondamentales” pour rappeler son passé dans le mouvement maoïste et kadihine dont il fut un membre actif et responsable.
Grand tribun, débatteur devant l´éternel et un des idéologues les plus envie de la pensée flamiste. Il est aujourd´hui avec le président Samba Thiam, les camarades Ibrahima Abou sall, Abdoul Ghoudouss Camara, Idrissa Ba dit Pathé, Abdoulaye Malickel Sy pour ne citer que les aînés, les symboles vivants de la fidélité, de la constance, de l´abnégation, du courage, du désintéressement pour les jeunes générations du mouvement .
Arrêté en septembre 1986 suite á la publication du manifeste du Négro-mauritanien opprimé, il fut condamné à 4 ans de réclusion et déporté avec nos autres camarades á la prison mouroir de Oualata mais grâce à Dieu certains survivent miraculeusement aux dures conditions de détention. Aprés sa libération il traverse le fleuve pour rejoindre les “masses fondamentales” et continuer la lutte avec la deuxiéme génération flamiste en exil. Elu Secrétaire national á l´organisation, á l´orientation politique et à la formation idéologique au 3éme congrés ordinaire des FLAM, il sillonne tous les camps des réfugiés de Dagana à Samba Yidé Samba Niamé au coeur du Boundou et de Gadiaga, il implante des comites de base, anime des centaines de conférences publiques qui restent encore vivantes dans les mémoires des nouvelles recrues des camps pendant les années de braise.
Syndicaliste dans l´âme, membre du conseil national et par ailleurs conseiller politique du président des FLAM, témoin et acteur politique, le “Satigui” de Sagné-lobali à coeur ouvert revient de long en large sur la création des FLAM, du bagne de Oualata, sur la transition en cours, de la dissidence de nos ex-compagnons de lutte et sur d´autres questions d´actualité.
Une interview à ne pas rater pour les adeptes de la “vérité historique”. Quand Mamadou Sidy parle les ennemis ou les adversaires doivent trembler parceque l ´homme, comme notre ” lion ” de Baltimore n´a pas sa langue dans la poche, en Côte d´ivoire on aurait dit sa bouche ne porte pas de caleçon.
Entretien…..
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FLAMNET: Camarade “les masses…” c´est pour nous un grand plaisir de recevoir sur Flamnet un de nos doyens et membre fondateur des FLAM, voulez-vous vous présenter á nos lecteurs?
MAMADOU SIDY BA: Je suis né le 15 octobre 1951 à Sagné-Lobali (département de Maghama), dans la région du Gorgol. Je suis marié et pére de 5 enfants; depuis février 2005 je suis devenu un grand-pére avec la naissance de mon petit-fils en France qui porte d’ailleurs mon prénom. Infirmier d’état de formation, je fus recu en 1982 au concours d’entrée au Centre d’Enseignement Superieur en Soins-Infirmiers de Dakar. Il s’agit d’une école inter-états qui forme des spécialistes dans les domaines de l’enseignement dans les écoles infirmiéres de l’administration des services de santé et de la recherche en sciences infirmiére. En 1985, j’obtiens mon diplôme (reclassé dans le corps des professeurs adjoints techniques ). Je fus affecté à la direction de santé publique, au service de la planification sanitaire, des études et des projets de santé. J’étais également chargé de cours à l’Ecole Nationale de Santé Publique; c’est là où je fus arrêté le 13 septembre 1986 par deux officiers de Police maures. Cette arrestation devait me conduire de la prison civile de Nouakchott , à la prison de Oualata et enfin, celle d’Aïoun -Atrouss.
FLAMNET: Les FLAM célébrent leur 23 ans d´existence et de résistance et vous-êtes un des membres fondateurs de l´organisation, si on vous demandait de nous raconter les FLAM qu´allez-vous nous dire?
MAMADOU SIDY BA: Il s’agit là d’une question vaste et touffue; nous pouvons en parler des heures et des heures. J’essayerai simplement ici de mettre en relief les aspects fondamentaux qui ont marqué le développement des luttes, du Mouvement Noir jusqu’à ses formes organisées ( UDM, MPAM, ODINAM ) pour aboutir à la fusion de ces organisations politiques et syndicale pour donner naissance à nos glorieuses et justes FORCES de LIBERATION AFRICAINES de MAURITANIE.
Pour bien comprendre l’histoire, il faut remonter aux années 1975. Cette année a été marquée par l’éclatement d’une grave crise politico-idéologigue au sein du MND-PKM due à l’appréciation des réformes opérées par le régime au temps Moctar Ould Daddah. Il s’agissait notamment de :
1) la création de la monnaie nationale-en 1972.
2) de la révision des accords de coopération avec la France.
3) de la nationalisation de la société MIFERMA.
4) de radicalisation de la langue arabe dans le systéme éducatif, dans l’administration et dans tous les secteurs-clés de la vie nationale.
Cette crise du MND-PKM a fait apparaître deux tendances au sein de cette organisation; l’une était taxée de ” intégrationniste” et l’autre de ” anti-intégrationniste”. Les ” intégrationnistes” estimaient que ces réformes entreprises par le régime de Ould Daddah nous amenaient vers plus d’indépendance nationale et la démocratie; il fallait donc dans leur analyse intégrer le pouvoir Daddah en vue de radicaliser ces réformes en renforçant l’aile réformiste progressiste. Les “anti-intégrationnistes” voyaient dans ces réformes comme de la poudre jetée aux yeux du peuple pour conduire la Mauritanie vers plus de dépendance vis á vis de l’étranger et à plus d’oppression nationale et sociale. La bataille faisait rage au sein du MND-PKM; les références à MAO, LENINE, KARL MARX, PKI etc…pullulaient dans les débats pour défendre telle ligne politique. C’est dans cette situation précise que j’ai été amené à poser la question pour comprendre la place de la question nationale dans cette dialectique de contradictions, étant donné que certains estimaient que l’impérialisme ( nous aux années 1975 ) n’était plus le danger principal. Cette question avait été ressentie comme un coup de tonnerre. Les deux tendances ont réaffirmé le caractére secondaire de la question nationale.
Mes camarades arabo-berbères ont perçu dans cette question posée comme un symptôme du nationalisme étroit. Il faut dire qu’à l’époque les Négro-africains organisés dans le MND avaient peur d’être taxés de nationalistes étroits. Notre camarade de longue date Ba Oumar Moussa dira plus tard, en réaction aux propos d’un chauvin ” Si tu veux, je ne suis pas un nationaliste étroit mais un nationaliste fermé “. Personnellement, j’avais compris au cours de toute cette période de débats idéologiques que la question nationale n’était pas seulement reléguée au second plan, mais plutôt aux calendes grecque. J’avais beaucoup refléchi avant de prendre une décision. J’avais des amis; J’étais le responsable du Secours ROUGE, je coordonnais les activités du MND-PKM dans le domaine des prestations de soins; j’étais l’un des rares militants à pouvoir rendre visite aux camarades en clandestinité; je passais la nuit dans les bidonvilles; bref, j’étais au sein des masses fondamentales. Je ne regrette pas ce passé; il m’a permis d’ouvrir les yeux; j’ai enfin décidé d’oeuvrer pour l’avénement d’un Mouvement Noir en vue de prendre en charge la question nationale. En 1977, une premiére réunion se tenait chez notre camarade Camara Abdoul Khoudouss; le MOUVEMENT NOIR était en gestation. J’assurais le rôle de coordinateur; car, il fallait travailler dur, bousculer les mouvements politiques traditionnels ( MND-PKM, Nasserisme-khadaffite et Nasserisme originel-Baathiste-irakien et syrien, Fréres musulmans, PPM etc…il était indispensable de créer l’espace pour le développement du courant du Nationalisme Négro-africain.
En 1978, au cours d’une réunion du Comité Directeur un camarade Sarr Abou fut un compte-rendu relatif à ses entretiens avec un certain Saidou Kane qui venait de Belgique. Le comité me confia la tâche de contacter Saidou pour voir la possibilité de l’organiser. Je ne connaissait Saidou ; j’ai demandé à Abou Sarr d’arranger un rendez-vous; ce qu’il fit le lendemain. J’ai été trés émerveillé lors de ce premier entretien avec Saidou; nous avons commencé á discuter de 21h à 6h du matin. Nous avions une parfaite identité de vue sur les questions nationale et sociale. Le lendemain, j’ai tenu une réunion du CD pour faire le compte-rendu qui devait aboutir au recrutement de Saidou dans cette structure embryonnaire ( il s’agit là de fait historique indéniable car les acteurs sont toujours vivants ). La présence de Saidou fera faire bondir de façon spectaculaire le mouvement. Les débats entre les nationalistes noirs et les autres étaient sur la place publique; plus de complexe d’être taxés de nationalistes-étroits. Le mouvement Noir voyait son audience renforcée surtout dans le milieu scolaire. Bien sûr il y’avait quelques insuffisances et surtout ce MOI morbide, mais généralement l’objectif dans cette étape historique avait été largement atteint. L’UNION DEMOCRATIQUE DE MAURITANIE était née le 16 mars 1978 et j’ai assuré la présidence de cette organisation jusqu’au jour de mon départ à Dakar en formation. Aprés l’UDM, le MOUVEMENT POPULAIRE AFRICAIN DE MAURITANIE ( MPAM ) devait voir le jour et il sera suivi par l’ODINAM. Si la pluralité de ces organisations contribuait au réveil et à la consolidation du nationalisme négro-africain, elle faisait déjà apparaître certaines divergences tactiques et stratégiques.
Le MEEN s’est retrouvé en premiére ligne pour demander la fusion de ces organisations. Cette attitude conciliatrice a été trés mal perçue au niveau de l’UDM car nous avons contribué à la création de cette organisation, et nous supportions mal que MEEN ne supporte dans cette crise son organisation-mére l’UDM. D’autant qu’en 1979 lors de la grève des éléves noirs contre la circulaire 02, nous avions dessaisi un camarade du CD la gestion du dossier scolaire parceque ce camarade avait engagé la responsabilité de l’UDM pour arrêter la grève. Je dis publiquement que l’UDM n’a jamais pris cette décision; il s’agissait d’une initiative personnelle contraire aux tactiques et stratégies de l’organisation. Voila, ici encore rétablie la vérité historique ( je suis sûr qu’il n’ y aura pas de contradicteur car c’est la stricte vérité ). C’est pourquoi, j’ai proposé et obtenu le recrutement de Sao Saïdou dans le COMITE DIRECTEUR NATIONAL de L’UDM, qui devait prendre le dossier scolaire en charge pour prévenir toute dérive. Des Indépendants Noirs ont également tenté de réaliser la fusion de ces organisations (M’BODJ Samba Beddou, BAAL Fadel) qui n’ont pas voulu adhéré dans une organisation pour disent-ils ne faire des jaloux. Au cours d’une réunion convoquée par ces deux, en qualité de représentant de l’UDM, j’ai estimé qu’il était mieux de créer un cadre de concertation en vue de la fusion de ces mouvements politiques négro-africains; car je voyais déjà certaines attitudes paternalistes qui n’étaient pas, à mon avis, de nature à developper le futur mouvement. Cette proposition fut acceptée à l’unanimité.
A partir de 1982 va commencer une longue et difficile négociation qui va être sanctionnée par la tenue du congrés constitutif des FLAM les 14, 15 et 16 mars 1983 á Nouakchott; L’UDM était représentée par Saidou Kane et moi-même; le MPAM était représenté par Samba Thiam et Ba Fara, l’ODINAM était représenté par Ly Djibril Hamet et un autre et le MEEN était représenté par feu Kébé Moussa, Ali Kane et Tandia Yacouba dit Basilla; il y’avait aussi Aboubackri Khalidou Ba et d’autres camarades qui n’étaient pas organisés. Aprés l’adoption des textes fondamentaux de l’organisation il fallait désigner le bureau; certains ont pensé á un dosage entre les organisations; j’ ai immédiatement rejeté cette façon de procéder qui nous raméne en arriére j’ai proposé un volontariat pour la commission de désignation. Cette proposition fut acceptée; je sorti volontaire pour la commission de désignation; je fus suivi par Samba Thiam et Kébé Moussa ; A trois donc nous avions mis en place le premier Bureau Executif National des FLAM. Il faut préciser, pour l’histoire que j’ai personnellement donné le nom FLAM à l’organisation, cette proposition a d’abord été entériné par l’UDM; au niveau du congrés, j’étais président de la commission Statuts et Réglément intérieur, j’ai proposé et fait accepter le nom FLAM et enfin le congrés a adopté le nom. les FLAM étaient nées; Je vois le regretté Kébé Moussa danser. Dehors Dieu nous envoya une fine pluie pour rafraîchir l’atmosphére.
FLAMNET: Vous êtes un des rares membres de l´organisation avec le président Samba Thiam et camarade Pathé á avoir assister á tous les congrés du mouvement, quelle appréciation faites vous de nos derniéres assises de Cincinnati, du climat et de l´orientation politique ?
MAMADOU SIDY BA : J’ai assisté à tous les congrès , excepté celui qui s’est tenu en 1985 car j´étais en formation à Dakar . Quant à mes appréciations sur nos derniéres assises á CINCINNATI, Je dirai que les FLAM se portent bien. Les débats ont été francs : certains ont parlé durant des heures sans être interrompus, chacun a vidé son sac sans jamais perdre de vue l’essentiel. Le congrés de CINCINNATI a été le plus grand congrés que les FLAM aient connu. S’agissant de l’orientation politique: j’étais membre de la commission d’orientation comme vous d´ailleurs ; cette décision de non implication dans le processus de transition en cours en Mauritanie décidée par le congrès est une réaction face à l’intransigeance des actuelles autorités de Nouakchott qui ne donnent aucun signe pour montrer leur volonté d’oeuvrer pour régler les questions nationale et sociale. Bien sûr, en politique, l’implication à terme est une dimension incontournable dans le développement de la lutte.Toujours est -il que l’implication nécessite certains préalables indispensables. Elle ne peut être politiquement d´actualité parce le régime n´a fait aucune concession significative à l´endroit de la communauté Négro-mauritanienne.
FLAMNET: Quels commentaire faites vous des derniéres déclarations d´Ely Ould Mohamed Vall á Dakar qui nie l´existence des réfugiés mauritaniens au Sénégal et les traite même “d´aventuriers” et réfute les théses de l´existence d´un racisme d´Etat en Mauritanie et que dites-vous de l´arrestation de nos camarades du Sénégal?
MAMADOU SIDY BA: Sur ce point, je vous renvoie à l’article du camarade Salah Eddine Sy publié dans le forum Flamnet. ELY a parlé exactement comme TAYA. Cette négation de l’existence de réfugiés mauritaniens au Sénégal, montre qu’il n’a aucune volonté pour régler ce probléme: car, pour régler un probléme il faut reconnaître son existence d’abord. Le fait que ELY réfute les théses du racisme d’Etat érigé en systéme depuis 1960 montre que son orientation est de radicaliser le systéme en place. Les noirs n’ont rien á gagner avec ce moustachu á la Saddam. Quant aux arrestations de nos camarades dirigés par mon ami, mon frère et camarade Mamadou Wane, je pense qu’ils ont fait preuve de courage et de détermination.
FLAMNET: Vous êtes aussi un rescapé de la prison de Oualata, quels sont les moments qui vous ont beaucoup marqué pendant ces années de détention et pouvez-vous nous raconter de la vie militante de nos camarades dans les prisons de Nouakchott, Oualata et Aioun? de votre rencontre avec les baathistes en 1987 et de leur libération avant vous?
MAMADOU SIDY BA: Vous savez on ne parlera jamais assez de nos conditions de détentions de la prison civile de Nouakchott á celle d’Aioun en passant par Oualata. Des camarades comme Ibrahima Abou Sall et mon ami Boye Alassane Harouna ont beaucoup écrit dans cette rubrique. Deux faits m’ont particuliérement marqué: le premier c’est l’arrestation des Baathistes qui ont été libérés dans la même semaine; ce qui montre que même en prisons , Noirs et Maures sont différemment traités; le deuxième c’est les conditions inhumaines á OUALATA qui ont entraîné la mort de: Ba Alassane Oumar, Téne Youssouf Gueye, Ba Abdoul Koudouss et Djigo Tapsirou.
D’autre part, il faut préciser que la prison était pour nous un véritable centre de formation théorique, politique et idéologique. Je me rappelle encore des brillants exposés des camarades Ibrahima Abou Sall, Téne Youssouf Guéye , Samba Thiam et l’ex camarade Ibrahima Sarr.
FLAMNET: Quelle interprétation faites vous des événements du 3 août et de la transition qui est en cours en Mauritanie?
MAMADOU SIDY BA: Les événements du 3 août ont été bien accueillis par les mauritaniens de façon générale. J’attendais un changement radical et surtout une volonté rapide de régler le probléme des réfugiés ( qui est conjoncturel ), une volonté d’oeuvrer pour réunir les conditions favorables pour résoudre les questions nationale et sociale . Ely n’a rien fait de cela, pire il va jusqu’à nier l’existence des réfugiés au Sénégal.
FLAMNET: Quelques camarades á leur tête l´ex- compagnon de lutte Mamadou Bocar que vous avez vous-même recruté au sein des FLAM viennent de quitter les rang pour créer une organisation paralléle quelle lecture faites-vous de cette dissidence?
MAMADOU SIDY BA: Oui, j’ai recruté Mr Ba Mamadou Bocar en 1986 dans le cadre du comité de soutien; nombre de membres de ce comité n’étaient pas d’accord mais par la force de l’argumentation ils ont cédé.
Mamadou Bocar Ba est un ami, un cousin, un beau-fils; nos rapports sont antérieurs aux FLAM, et persisteront en dehors de toutes considérations politiques. Il a pris ses responsabilités devant l’histoire et il va les assumer. La création de FLAM-R est á mon avis regrettable car les FLAM unies sont plus fortes que les FLAM divisées. Je leur demande de se ressaisir et de rejoindre la maison-mére. La voie que les dissidents suivent est sans issue; les récents propos du moustachu sont suffisamment révélateurs.
FLAMNET: Compte tenu de votre trés longue experience politique, du PKM aux FLAM comment analysez vous l’incapacité de la classe politique á prendre en charge les questions majeures du pays comme la question nationale et de les réléguer toujours aux questions secondaires?
MAMADOU SIDY BA: Je l’ai déjà dit plus haut; les maures ont largement atteint leur objectif initial. Depuis l’accession de la Mauritanie à la souveraineté internationale: avoir un Etat arabo-berbére. Ils ont acquis des avantages qu’ils ne lâcheront pour les beau yeux des négres ou de gaîeté de coeur. Ce systéme ne fera jamais des réformes contre sa propre nature; il faut qu’il y soit obligé.
Pour la classe politique maure la question nationale n’existe pas. C’est à nous de régler cette question; et nous la réglerons inchaallah . Il faut que le pouvoir beydane comprenne que s’il continue cette politique de discrimination raciale tout en continuant de rester sourd face aux revendications justes de la communauté Négro-africaine , alors il risque de tout perdre.
FLAMNET: Quelle réponse apportez- vous à ceux qui vous accusent d’être des exilés de luxe et qui refusent la dure réalité du terrain et du verdict des urnes?
MAMADOU SIDY BA: Haha, Exilés de luxe? Vous savez rien n’est plus cher que la terre natale; c’est la répression, et le racisme d’Etat qui nous ont jetés dans les dures chemins de l’exil. Quant au verdict des urnes nous n’avons pas peur car nous avions dans le passé remporté des victoires dans le congrès de l’UNESM avec Ba Oumar Sileye comme Secrétaire Général et Ba Amar Abdoulaye comme Secrétaire chargé des relations extérieures; nous n’avons pas peur du verdict des urnes , parce que les maures ont vu ce qu’on pouvait faire au niveau du syndicat des travailleurs; au niveau des municipalités. Le jour que les FLAM décideraient de s’impliquer, ils sauraient que les FLAM, les VÉRITABLES FLAM sont de retour; alors le pouvoir n’a qu’à avoir le courage de réunir les conditions que nous avons définies; mais ELY n’a pas ce courage.
FLAMNET: Que pensez-vous du site Flamnet?
MAMADOU SIDY BA: Je te félicite camarade Kaaw Touré pour ce travail que tu abats chaque jour pour le mouvement . Flamnet est aujourd’hui à la pointe de l’information. Continuez dans cette voie, vous êtes dans la bonne voie.
FLAMNET: Votre dernier mot á nos jeunes militants et aux lecteurs de Flamnet.
MAMADOU SIDY BA: Continuons à briser les chaînes de l’oppression nationale et sociale et brandissons notre drapeau tricolore toujours à l’avant pour mettre fin au Systéme d´Apartheïd mauritanien et oeuvrer pour l’avénement d’une véritable démocratie intégrale en Mauritanie. La lutte continue!
FLAMNET: Merci camarade des “masses fondamentales” et la lutte continue de plus belle.
Propos recueillis par Kaaw Touré, Abou Hamidou Sy, Abdoulaye Thiongane, Ibrahima Diallo Babayel .
05 SEPTEMBRE 2005
Jemal Abdel Nasser Ould Ethmane Sid’Ahmed Yessa: Porte-parle de Conscience et Resistance
Jemal Abdel Nasser Ould Ethmane Sid’Ahmed Yessa. Un nom long comme le fleuve intarissable de son verbe tissé à la soie. Ce jeune premier, à vrai dire, n’est pas à présenter. On s’y perdrait en conjectures. La légende a déjà décidé qu’on ne le classera pas dans un moule convenu. Une chose est cependant sûre: ce frêle petit aristocrate ne laisse pas indifférent. On peut dire même qu’il dérange. Enormément.
D’abord, l’etablishment de ses origines, le doux cocon qu’il snobe allègrement. Ensuite tous les autres. La plèbe comme les élites. C’est que le porte-parole, le vrai commandant en Chef de CR a le goût immodéré du particularisme. Et du paradoxe aussi. Il revendique la tactique de l’énigme comme une qualité qu’il cultive à vanité. C’est une ruse de guerre qui lui a permis de survivre et de mener presque à son terme sa résistance. Car les ennemis, c’est ce qui lui manque le moins. Des ennemis intimes, acharnés et qui ne lésinent pas sur les moyens. Mais O/ yessa n’est pas un enfant de choeur. S’il sait encaisser des coups, il sait en rendre aussi. C’est un démolisseur qui charge à coups de flèches- plumes- trempées à la cire. Et, On y résiste rarement.
Ould Yessa, c’est aussi une obsession pour l’esthétique, le distingué. Un grand chevalier qui se souvient des salons gothiques et des duels à la Roland. Il a en horreur absolue le banal l’imparfait, sauf celui du subjonctif. D’où qu’il vienne. Il met autant de rigueur dans la construction de son discours qu’il répugne à s’accompagner des suiveurs politiques, de la masse des vilains. D’ailleurs, la politique des grands groupes, c’est pas son truc. C’est à croire finalement que ce qui le motive ce n’est pas tant le pouvoir en soi, mais le plaisir de l’engagement. En somme, un idéaliste qui mêle grands principes et bonnes manières.
C’est sûr, Ould Ethmane El Yessa est attendu comme une précieuse curiosité au pays des tourbillons. Mais Jemal restera toujours insaisissable. C’est cela aussi le destin des artistes.
Entretien avec l´enfant terrible de Housseiniya ou de Ashram? (Tagant)……
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FLAMNET: Il y a eu ces derniers jours un certain cafouillage quant à la position de C&R par rapport au retour,le président qui rentre ,le porte-parole qui reste. Certains même ont parlé des tergiversations, ce qui vous vaut, d’ailleurs, les sarcasmes de Mohamed Baba, l’un de vos anciens compagnons. Pouvez-vous nous expliciter votre position?
JEMAL O/ YESSA: L’impression que vous évoquez est justifiée par une contradiction apparente dans nos attitudes; cependant, il n’y a, là, nulle hésitation. Le Président de l’Organisation, comme tous les membres résidents en Mauritanie et dans les pays limitrophes, avaient reçu, de notre instance exécutive, l’autorisation de sortir de la clandestinité et cela, dès le lendemain du coup d’Etat du 3 août. Leur présence ouverte sur le sol national est en totale conformité avec nos décisions; le siège de l’organisation et son porte-parole, de même que les autres membres du Conseil d’Evaluation demeurent en exil, jusqu’à nouvelle délibération; certains y verront, de notre part, le recours à une dose d’ambivalence dans la manoeuvre ce qui, dans un contexte aussi instable, ne me semble pas à blâmer.
Pour ce qui est des sarcasmes, je vous répondrai qu’en politique deux espèces ont une certaine longévité: les gens qui font l’histoire et les aboyeurs; les premiers, pour maintenir leur notoriété, ont besoin des seconds. C’est dur d’être un roquet et de ne pouvoir échapper à sa condition.
FLAMNET: Pourquoi êtes-vous finalement resté en exil alors que plus rien apparemment ne s’opposait à votre retour que vous avez déjá annoncé sur les ondes de RFI? Est-ce encore un autre coup tordu du petit renard que vous êtes, ou est-ce par conviction qu’il y a encore de la place pour la lutte à partir de l’extérieur?
JEMAL O/ YESSA: J’ai annoncé deux résolutions: m’ « apprêter » à revenir en Mauritanie et rendre mon statut de réfugié politique; les deux intentions tiennent toujours; la seconde est un choix irrévocable. Au demeurant, je n’ai jamais précisé le jour de mon retour.
Si mes camarades et moi sommes restés et retenus de participer au retour triomphal de nos alliés, c’est surtout par solidarité avec nos compatriotes déportés et réfugiés, au Sénégal et au Mali; rentrer ou ne pas rentrer ne constitue qu’une objection symbolique au silence du CMJD, sur une revendication essentielle de la Déclaration de Dakar. Nos positions sur les passif de l’ère Ould Taya ne varient pas.
Hormi cette question, rien, de notre point de vue, ne justifie plus que de se livrer à la contestation hors de Mauritanie, encore moins de se porter candidat au statut de réfugié politique. Toutes les conditions de sécurité sont actuellement réunies, pour se faire entendre, de nos compatriotes, à l’intérieur de nos frontières. Il serait déshonnête de ne pas en convenir.
FLAMNET: Il est certainement prématuré de porter un jugement définitif sur l’action de la junte au pouvoir à Nouakchott, pourriez-vous quand même nous faire un bilan d’étape? En d’autres termes, que pensez-vous des mesures prises par la junte depuis le 03 Aout?
JEMAL O/ YESSA: Elles auraient été bonnes, en général, si n’y présidait, manifestement, le souci d’endiguer les aspirations au changement; aussi, les jugeons-nous insuffisantes, notamment par la composition du Gouvernement de transition où siègent les acteurs les plus zélés de la fraude à grande échelle sous Ould Taya.
Néanmoins et pour éviter de paraître trop subjectif, je remarque que la gestion très économique de la contrainte, durant les premières semaines du coup d’Etat, exprime une certaine maîtrise et cela rassure. Je déplore, cependant, que l’amnistie ait tardé et constate que le changement entamé le 3 août demeure, strictement, une affaire bidhano-bidhane. Tant que l’Etat mauritanien ne se sera pas prononcé – d’abord en termes de réparation – sur les conséquences des crimes ethniques de 1989-1991, la Mauritanie ne regagnera son unité perdue et n’avancera vers l’Egalité.
FLAMNET: Quel commentaire faites-vous des propos du chef de la junte rapportés par Francois Soudan l´ex- griot apologiste de Taya, lá oú il dit: ” IL n’y aura pas d’action en justice ou de procès contre Taya. Si certains s’aventurent sur ce terrain, nous les rappellerons à l’ordre. Nous respectons sa personne, et nous lui souhaitons une retraite paisible ” n´est-ce pas lá une volonté de couvrir l´impunité?
JEMAL O/ YESSA: C’est une erreur, grave, laquelle mérite une explication. Les partisans du CMJD prétendent que le propos ne correspond pas aux termes ni aux dispositions d’esprit de Ely Ould Mohamed Vall. Alors, que ce dernier procède à un démenti et nous serons édifiés. Des mots aussi lourds ne peuvent s’annuler par la simple proclamation de sa bonne foi. Je m’étonne que les partis de l’ex-opposition ne s’empressent pas de marquer leur réprobation.
FLAMNET: La junte et son chef semblent plus préoccupés à rassurer les partisans de Taya qu’à mettre en place un véritable projet démocratique impliquant collectivement les Mauritaniens. Comment expliquer ce manque de vision et d’intelligence politique?
JEMAL O / YESSA: Les instigateurs du coup d’Etat du 3 août viennent du noyau dirigeant, du premier cercle autour de Ould Taya; leur mentalité n’est pas la rupture mais le ravaudage. Ces gens mènent la politique de leurs limites. Ils conçoivent la transition comme leur sortie en douceur, le meilleur moyen de contenir les dégâts. Les rapports entre eux et le pouvoir qu’ils viennent de décapiter sont organiques. Les mêmes intérêts matériels les lient. Il en découle un esprit de corps et quelques peurs en partage.
FLAMNET: On peut dire que l’ex opposition légale est entrain de se chercher, hésitant entre opposition frontale, dialogue critique et démission par rapport à ses responsabilités. Quelle serait, à votre avis, la meilleure posture à adopter?
JEMAL O/ YESSA: Je crois qu’il faut afficher la fermeté envers le CMJD; ce serait la manière la plus habile de l’aider à achever sa mission. Les allégeances, les marches de soutien, la complaisance, les pieds de grue devant les domiciles de colonels, tout cela ne sacrifie à l’honneur et manque d’efficience. La rationalité des partis est différente de la nôtre; à leurs yeux, il faut se rapprocher du Conseil Militaire, lui plaire, en courtiser les membres, pour ne pas subir le poids d’éventuelles préférences lors des élections. La mentalité relève des réflexes d’adaptation à l’arbitraire. En 20 ans de sujétion, des habitudes s’imposent.
FLAMNET: Considéré par certains comme un héros, alors pour d’autres vous ne seriez qu’un “manipulateur, un intriguant “, voire un “putschiste” dont tout le monde croit avoir vu la main derrière la tentative de Coup d’Etat de Juin 2003. Qu’est-ce qui rend O/ Yessa si controversé?
JEMAL O/ YESSA: Je n’ai jamais participé à la préparation directe d’un coup d’Etat; à dire vrai, je n’en ai pas eu l’occasion. Néanmoins, j’estime qu’un putsch, y compris sanglant, vaut bien mieux qu’une dictature, même réformable; je suis de cette vieille école dans la lutte, pour qui l’injustice se combat, d’emblée et sans retenue. A ce titre, je préfère le désordre à l’iniquité.
Oui, en quelques années de combat, contre une dictature féroce où pas une vilenie ne m’a été épargnée, nous avons dû apprendre et mettre en oeuvre les rudiments de la guerre psychologique, que les profanes appellent « intrigue » ou « manipulation ». La scélératesse de l’adversaire et la disproportion de ses moyens avec les nôtres, rendaient nécessaires les mesures de déception, d’infiltration et de contre-propagande.
Pour le reste, des compatriotes, dont d’authentiques opposants, ne m’aiment pas et se sont jurés ma perte. Il suffit que je prenne une direction, pour qu’ils s’y placent en embuscade. Avec le temps, j’ai remarqué combien ils me faisaient de la réclame, sans rémunération, de ma part. Aussi, en guise de remerciement, ai-je résolu de ne jamais polémiquer avec eux ; s’ils me lisent aujourd’hui, je leur répèterais la même exhortation : « allez-y, dites tout le mal que vous pensez de moi, c’est gratuit » !
FLAMNET: Si on vous a entendu réclamer le règlement des dossiers sur le “passif humanitaire” et la déportation, l´esclavage on ne voit pas vous mobiliser assez pour le problème de la cohabitation. Le statu quo actuel vous satisfait-il, ou est-ce que vous croyez qu’il est nécessaire de régler par des lois constitutionnelles ce que les FLAM appellent “La Question nationale et sociale”?
JEMAL O/ YESSA: Exceptée la reconnaissance de l’identité bi culturelle de la Mauritanie, la constitution doit garantir l’égalité des citoyens et ne jamais établir de distinctions entre eux; la différence de naissance, de couleur ou de repères anthropologiques ne constitue pas une source de droit; je suis hostile à tout partage de pouvoir sur des bases ethniques et demeure attaché à l’organisation administrative de l’Etat centralisé et fort, comme garant de l’unité sous le primat de la Loi, votée par les représentants du peuple Je crois qu’il s’agit, là, d’une divergence nette entre les FLAM et nous.
FLAMNET: Pour finir, pourrait-on envisager O/ Yessa demain aux FLAM ? (rires).
JEMAL O/ YESSA: J’envisage que les contradictions vitales de la Mauritanie se dissolvent dans la justice retrouvée, d’où l’extinction des FLAM ou leur reconversion éclatée entre les formations conventionnelles; ce jour-là, je viendrai vers vous, en recruteur, au moment de l’inventaire, avec ma liste de militants laïcs et socio-démocrates. Je suis certain de ne pas repartir seul.
FLAMNET: Vous avez vu Flamnet naitre et, pour la petite histoire, vous étiez d´ailleurs le 3 éme invité du site, 6 ans aprés quel regard portez-vous sur le petit parcours du site?
JEMAL O/ YESSA: Les analyses, enquêtes et entretiens publiés sur Flamnet sont, en général, de très bonne tenue; le forum, lui, manque souvent de dignité; une poignée de rigolos, pas très rigoureux et souvent sous pseudonyme, y exerce, régulièrement, le chantage à la réputation. L’image des FLAM s’en trouve froissée, ce que je regrette, en ami du mouvement.
FLAMNET: Quel est votre dernier mot á nos lecteurs et á nos compatriotes?
JEMAL O/ YESSA: Je recommande de se méfier, toujours, des marchands de modération, de consensus et de paix; ce sont, empiriquement, les plus dangereux alliés de l’autoritarisme. Quand le pays y bascule, ils sont les premiers à anesthésier l’esprit de résistance.
FLAMNET: Merci donc cher ami et La lutte continue !
Propos recueillis par Kaaw Touré, Abdoulaye Thiongane et Ibra Mifo Sow.
23 SEPTEMBRE 2005