En réponse, partisans du régime en place et opposants radicaux s’apprêtent à jouer l’une des partitions les plus dramatiques de l’histoire parlementaire du pays.
« La session parlementaire qui s’est ouverte lundi, et qui sera la dernière avant les prochains scrutins, sera l’une des plus chaudes qu’on ait connue ». Le constat est du député Sid’Ahmed Ould Ahmed, député du Tagant dans un entretien avec un confrère. En effet, l’atmosphère exécrable qui a précédé le démarrage de l’activité parlementaire, ouverte lundi 13 mai 2013, est caractérisé par une profonde dissension entre la Coordination de l’opposition démocratique (COD) d’une part et de l’autre, la Coalition des partis de la majorité (CPM). Chacun des deux pôles campe sur ses positions.
Autant la COD est déterminée à poursuivre son radicalisme jusqu’au bout, invitant le président Mohamed Ould Abdel Aziz à quitter le pouvoir, autant la majorité présidentielle est résolue à organiser des élections législatives et municipales avec ou sans l’opposition. C’est certainement en prélude à la rude confrontation qui se prépare, que le président de l’Assemblée Nationale, Messaoud Ould Boulkheïr aurait centré son discours sur son initiative de sortie de crise, la seule capable d’extirper le pays de l’engrenage, selon lui et selon une grande partie des forces politiques et sociales qui le soutiennent.
Le glissement qui se dessine est d’autant plus dangereux que toutes les règles du jeu semblent aujourd’hui faussées. Le président Mohamed Ould Abdel Aziz, constitutionnellement au dessus des partis, a ainsi décidé d’enfourcher le parti Union Pour la République (UPR), véritable parti-Etat, pour marquer politiquement son aire d’influence. Lors de la rencontre qu’il avait organisée au Palais présidentielle à l’intention des députés de sa majorité, il s’est évertué à tracer les contours du combat politique qui devra être celui de l’UPR.
Il a ainsi clairement fait entendre que la bataille électorale sera décisive et qu’il fera tout pour s’assurer une majorité confortable dans les deux chambres grâce à des choix politiques objectifs. Ainsi, les prochains candidats à la députation et aux mairies seront sélectionnés sur la base d’une étude de terrain qu’une commission spéciale, ne comprenant aucun élu, sera chargée de mener. Pour lui, les élections auront lieu à la date fixée par la Commission électorale nationale indépendante (CENI), en septembre-octobre 2013, soulignant que les préparations administratives pour les scrutins sont bouclées et les moyens conséquents mis à la disposition de la CENI.
Cette sortie impromptue, à quatre mois des élections, est cependant considérée par les opposants comme un énorme bluff. Même si matériellement, toutes les conditions ne sont pas encore réunies, notamment l’enrôlement des populations et le retrait des cartes d’identité ainsi que le recensement de la diaspora, sur le plan politique, le consensus est loin d’être obtenue. Il s’agirait en outre d’une contradiction par rapport à l’attitude favorable déclarée de Mohamed Ould Abdel Aziz et de sa majorité par rapport à l’initiative de Messaoud.
Or, quatre mois sont largement insuffisants pour régler tous les points contenus dans cette initiative qui devra déboucher en principe sur un dialogue élargi, probablement une révision de la composition de la CENI, entre autres. Bluff pour bluff, la COD tient de son côté le bon bout de ce qu’elle considère comme des préalables pour sa participation aux élections, jugeant que cette fois, elle ne cédera pas un iota sur ses exigences, rappelant que sa condescendance en 2009 l’avait conduit dans le piège où elle et le pays sont aujourd’hui enfermés.
Cette guéguerre qui perdure ainsi en coulisse depuis la clôture de la première session en décembre 2012, trouvera ainsi toute sa verdeur dans la présente session. Hormis, les dossiers de la gabegie qu’elle garde dans sa botte, notamment le Ghanagate, l’opposition cherchera aussi certainement à évoquer la loi du tiers qui lui donne constitutionnellement le droit de dissoudre le gouvernement. En effet, avec les derniers ralliements, l’opposition compterait aujourd’hui dans ses rangs environ 33 député sur 95.
Un quota qui lui permettra de bouleverser ainsi la donne. La facture sera plus corsée pour la majorité, si leurs alliés de la Coalition pour une alternance pacifique (CAP) décideront de s’y mettre lors des débats sur le projet de loi portant sur les incompatibilités administratives et électives, un projet de loi plusieurs fois repoussé à cause de sa grande sensibilité pour le pouvoir.
Pour Messaoud, le règlement de tous ces problèmes qui risquent d’empoisonner davantage le climat politique et social, tient pourtant à sa proposition de gouvernement d’union nationale auquel il a convié le président Mohamed Ould Abdel Aziz non sans demander des concessions à la COD au cas où une telle proposition serait rejetée.
Ce qui est sûr, la garantie d’élections libres et transparentes reste une exigence que toutes les parties recherchent. Le problème central est que la confiance perdue entre les deux pôles de la scène est loin d’être retrouvée, même avec toute la bonne volonté manifeste du président Messaoud et de son initiative.
Source: Noorinfo