Des élections couplées présidentielle, législatives et municipales: La solution finale ?
La question mérite d’être posée. Depuis le report, sine die, des municipales et législatives prévues en 2011, la mise en place de la CENI et de ses démembrements, à l’intérieur du pays, sans budget autonome au titre de l’année en cours, pour cette structure réputée indépendante et la non-exécution de la majorité des points de l’accord politique scellé entre la majorité et une partie de l’opposition titillent les observateurs et troublent le sommeil de la classe politique. Il est aisé de constater, aujourd’hui, que le pouvoir en place ne presse pas le pas pour permettre à la CENI d’entrer en possession de la liste électorale et de fixer, en conséquence, la date du scrutin. Cela en dépit des invites de l’Union Pour la République (UPR), parti soutenant le pouvoir et ses satellites, mais aussi d’El Wiam, membre de la CAP. Il est aussi aisé de constater combien la position de la COD ne plaide pas en cette faveur, focalisée qu’elle est sur le départ du président.
Dans le détail de la COD, seuls Tawassoul et l’UFP se sont exprimés, lors de leur dernier congrès, en faveur de l’organisation des élections mais à la stricte condition d’un consensus entre les différents pôles politiques. Une manière d’éviter un contentieux électoral au lendemain du scrutin. Un consensus qui devrait passer, nécessairement, par un dialogue entre la COD et le pouvoir, une position défendue par le président de l’Assemblée nationale, Messaoud Ould Boulkheïr, dans sa contribution à un compromis national pour une sortie de crise mais farouchement rejetée par le président du parti El Wiam, Boydiel Ould Houmeid.
A quel jeu le pouvoir joue-t-il avec Messaoud ?
Si une grande partie de la classe politique et de la société civile soutiennent l’initiative du président Messaoud Ould Boulkheïr, Mohamed Ould Abdel Aziz, dont une partie de la COD soupçonnait des accointances avec le leader harratine, traîne le pied pour accepter ou rejeter, officiellement, l’initiative de celui-ci. Aux dernières nouvelles, il aurait remis le document à ses conseillers pour « étude et avis ». Est-ce une manière d’enterrer le document, surtout quand on sait que le président de la République a exclu la constitution d’un gouvernement d’union ou « élargi », avancé par le président de l’Assemblée nationale ? Signe avant-coureur, les rumeurs laissent croire que la dernière rencontre, entre les deux hommes, aurait été « très houleuse ». Sur quoi ont-ils divergé ? Mystère ! Toujours est-il que le rejet, par Mohamed Ould Abdel Aziz, de l’initiative d’Ould Boulkheïr risque fort de faire émerger, autour de ce dernier, un troisième pôle politique, en gestation depuis quelques mois ; voire une scission, au sein de la CAP. Aziz prendrait-il ce risque, face à celui que certains accusent d’avoir « sauvé » le pouvoir, face à la déferlante du printemps arabe, alors que le « Mouvement du 25 février », « Touche pas à Ma Nationalité » et les islamistes avaient choisi la rue, pour balayer le pouvoir en place, avec la bénédiction de la COD.
Une CENI sans le nerf de la guerre
L’enrôlement avance. C’est, en soi, une bonne chose mais elle ne garantit pas la fiabilité d’un scrutin : selon l’agence, l’enrôlement n’a rien avoir avec la liste électorale. Or tout le monde pensait, à juste titre d’ailleurs, que de cette opération dépendrait l’organisation d ‘un scrutin transparent, comme récemment au Sénégal et au Mali. De l’avis de certains observateurs avertis, l’enrôlement obéirait à des contingences d’ordre plus sécuritaire que politique, comme stipulé par l’accord ci-dessus cité. D’où cette foule de questions : quelle liste électorale va-t-on utiliser, pour les élections à venir ? Celle de 2007, de 2009 ou de… 2000…x ? Qui en sera le concepteur? Tout le monde sait que la liste qui a conduit à l’élection de l’actuel président, en 2009, est largement contestée par l’opposition qui la considère tripotée. Dans une interview au Calame – N° 847 du 4 septembre 2012 – le président de l’UFP accusait le pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz d’avoir détruit, sciemment, l’état-civil existant, qui avait coûté des milliards et des années d’efforts au pays. Face à cette situation, il faut nécessairement un consensus, préconisait Ould Maouloud, parce qu’une fois les délais légaux dépassés, il n’y a que les parties en compétition qui peuvent fixer la date des élections et que le consensus, à défaut du respect de la loi, est le seul moyen de valider toute décision à ce sujet. Autre problème, l’absence de révision de la liste électorale. Selon les textes, la liste électorale est renouvelée à chaque veille d’élection, c’est-à-dire du 1er octobre au 31 décembre. Cette date étant dépassée, il faudra, désormais, trouver une date pour ce renouvellement.
Le fait de ne pas affecter, à la CENI, un budget autonome vient conforter les observateurs dans leur doute sur l’indépendance totale de cette structure vis-à-vis du pouvoir. A en croire certaines sources, face à l’étonnement de la CENI de ne pas voir le gouvernement saisir le projet de budget qu’elle lui a soumis, l’exécutif aurait objecté que ledit budget est arrivé en retard mais qu’il procédera aux arbitrages habituels pour répondre à sa demande, ce qui laisse supposer que cette CENI recevrait ses vivres de la fameuse direction de l’appui aux élections du ministère de l’Intérieur…
L’occupation du Nord-Mali, un facteur bloquant ?
Un consensus qui tarde donc à se matérialiser, dans une scène politique où chacun tire la couverture à lui, tout en lorgnant du côté de nos frontières Est. La guerre qui se prépare, pour la reconquête du Nord-Mali, territoire occupé par des extrémistes à visage islamiste, pourrait également contribuer à retarder les élections. En effet, le pouvoir de Nouakchott, même s’il hésite à s’engager du côté d’une coalition de forces internationales, avec, à leur tête, celles de la CEDEAO, pourrait ne pas rester indifférent à une guerre destructrice à ses frontières, surtout si les extrémistes, acculés, cherchaient refuge dans notre pays. En prenant la décision d’accueillir, sur son territoire, ne serait-ce que les combattants du MNLA sans armes, le pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz pourrait s’attirer des ennuis sinon plus avec les autres forces de la coalition. La Mauritanie ne semble pouvoir échapper que (très) difficilement, aux dégâts collatéraux de cette guerre. On voit alors mal notre pays organiser, dans ces conditions, des élections municipales et législatives en 2013. D’ailleurs, une partie de l’opposition pourrait bien miser sur cette guerre et ses dégâts collatéraux en Mauritanie, pour faire bouger l’armée et voir sortir d’on ne sait où, un officier, voire un sous-officier, pour balayer le pouvoir en place, avec, pour conséquence, une nouvelle transition et des élections. Est-ce une solution ? Non. La conquête du pouvoir doit passer par les urnes. La voie des armes, nous en avons largement trop fait l’amère expérience, depuis 1978.
De l’avis de certains observateurs et d’une partie de la classe politique, tous ces facteurs endogènes et exogènes pourraient permettre, au pouvoir actuel, de gagner du temps, en repoussant les élections municipales et législatives, de sorte qu’elles coïncident avec la présidentielle de 2014. D’une pierre, le pouvoir en place pourrait faire plusieurs gros coups. Remporter une majorité écrasante, mairies, Parlement et Présidence. Un Rassemblement Constitutionnel Démocratique (RCD), façon Ben Ali en Tunisie. Ou un retour à la case départ, façon Mauritanie. A moins que le peuple, enfin…?
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Source: Le calame