Les Forces Progressistes du Changement (FPC) Mauritanie

Daily Archives: 15/07/2021

Mauritanie : La captation de l’État par l’idéologie panarabiste au cœur de l’accaparement des terres agricoles du Sud

Et, d’abord, comme dans le film : y a-t-il un pilote dans l’avion? Y a-t-il encore un ministre de l’agriculture au gouvernement? L’omniprésence de son collègue des affaires économiques dans le dossier OPA sur les terres du Sud, justifierait presque le soupçon d’emploi fictif. On ne voit et n’entend que M. Kane.

Pour la énième fois, et probablement pas la dernière, il vient d’accorder une interview qui fleure bon la contre-offensive à l’ancienne. Grosse ficelle et petites recettes éprouvées. Preuve quel le système éliminationniste du général se vautre de plus en plus dans le déni. Le préposé à l’agriculture étant aux abonnés absents, le ministre, couteau suisse, en charge des affaires économiques, sert de bouclier et chante un air de déjà-vu.

On a l’impression de subir à nouveau l’activisme désordonné et indécent du pouvoir du petit génocidaire Maawiyya Ould Sid’ AhmedTaya (12 décembre 1984 – 3 août 2005), de le réentendre niant avec le cynisme qu’on lui connaît avoir déporté un seul Mauritanien noir au Sénégal et au Mali. «Nous avons rapatrié des Sénégalais» éructait le sinistre histrion perclus de racisme et de complexes et qui ne pouvait concevoir la mauritanité d’un Négro-africain.

Il a fallu attendre sa chute pour que, sous la pression des mobilisations et des combats, s’entrouvre bien timidement la phase de reconnaissance, très partielle, de la tragédie. Le temps qui passe n’emporte ni les réflexes ni les automatismes. Dans un spectre pas si différent qu’il n’y paraît, la déclaration du ministre Kane fait écho, Dieu merci dans la seule stratégie du moins, à celle du grand horloger du génocide.

Toutes proportions gardées ! Lui aussi nie les accusations, pourtant justifiées de spoliations des terres. Il le fait sans réels éléments probants. «Il s’agit tout simplement du chemin inverse, du contraire du processus de ce que d’aucuns ont appelé « accaparement des terres» martèle-t-il. Arguments d’autorité. Et, surtout, déni de la part d’un ministre délibérément ou non amnésique mais en lévitation. « Notre » ministre oublie qu’on a affaire à un Etat-rouleau compresseur qui a conçu et qui met la dernière main à sa politique d’effacement des populations autochtones du Sud mauritanien et à leur remplacement programmé par le biais d’une colonisation de peuplement.

Qui ne voit pas que la Mauritanie du Sud est perçue et gérée comme un no man’s land, une friche  à valoriser mais sans ses autochtones rendus étrangers sur leurs terres? Les faits sont têtus et l’histoire bégaie. Les concepteurs du Group Areas Act, mur porteur du système de l’Apartheid, ont fait des émules. Ils peuvent être fiers de leurs héritiers.

La pitoyable ligne de défense de ce pouvoir, inerte, aux abois, qui en est désormais réduit à menacer et à intimider tout ce qui bouge est à son image: fantomatique et virtuelle. Alors à quoi bon de courser un mirage? L’essentiel n’est plus de démonter les incohérences de l’argumentaire des autorités. Elles y arrivent bien toutes seules par leur rhétorique hara kiri. Non, l’essentiel est ailleurs. Il est dans le fait bien plus sérieux que les exclus, ces parias de toujours, n’y croient pas. Bien que combatifs, ils sont désarçonnés. Loin d’être rassurés, ils doutent à bon droit de la parole publique. La confiance est plus que jamais rompue. Elle l’est depuis les années 1980 et rien n’a été fait pour la rétablir. Après tout, que vaut pour un pouvoir raciste, hégémonique et méprisant la confiance des «Intouchables» mauritaniens?

Un expert reconnu du développement rural concède :«l’interview (du ministre) ne reprend que la démarche classique que doit mettre en œuvre un Etat normal. Les propositions ne souffrent pas de cohérence en termes de partenariat entre les différentes parties intéressées». Mais, loin d’oublier l’essentiel, le même pose des préalables :«Il faut pour cela avoir d’abord une véritable politique agricole et une vision: l’encadrement technique, la recherche et la formation. Malheureusement la déstabilisation de l’unité nationale, l’exclusion manifeste ne participent pas à assurer une confiance d’autant que la citoyenneté de beaucoup n’est pas reconnue». Traduction : il manque l’essentiel c’est-à-dire la confiance.

Dans sa «Grande interview», le ministre oublie en effet que son propos n’a de sens que pour et dans un «pays normal » et qu’il représente à l’inverse un pouvoir abonné à une politique ségrégationniste dont le carburant est un ersatz de panarabisme au rabais, auto-satisfait, aux conséquences meurtrières. Piégé dans un système, il en devient prisonnier des pratiques et notamment celles de l’évitement. Interrogé sur les réponses aux protestations de villageois auprès des autorités suite à l’occupation depuis 2016 de leurs terres par un investisseur, le ministre répond :«je n’ai pas en charge la gestion des plaintes dont vous parlez. Mais je sais que notre gouvernement est animé d’une volonté réelle et permanente pour répondre à tout appel de justice d’où qu’il vienne».

En clair, le ministre renvoie la patate chaude à ses collègues de l’intérieur, de la justice…Il n’est pourtant pas ministre de l’agriculture non plus. Pourquoi cette exception? Pour rappel, les faits de prédation incriminés concernent une dizaine de villages dont Medina Fanaye, Sima, Tekane Ksar Mbairick, Niakwar, Mleiga… dans la région du Trarza. (Il est à noter que certaines de ces localités sont condamnées à voir leurs morts inhumés au Sénégal faute de terres disponibles et donc de cimetières. Les investisseurs, totalement étrangers à des considérations humaines, affectives, à l’histoire des communautés et peu soucieux de leur préoccupations et intérêts ont tout simplement trusté la totalité des terres ne laissant aucun espace aux vivants et pas davantage aux morts. Au passage, c’est à un sort identique que sont voués les Négro-africains qui décèdent à l’étranger sans avoir jamais pu être enrôlés pour des raisons souvent liées à des tracasseries de caractère discriminatoire. Ceux-là non plus ne peuvent reposer auprès des leurs en Mauritanie. Qui n’a d’égards pour les morts n’épargne les vivants.

Pour en revenir à la réponse ministérielle, elle en dit long sur la coordination et la cohérence gouvernementales et justifie les interrogations sur les réels lieux et détenteurs du pouvoir au sein du gouvernement. Certains ministres semblent se cantonner à un rôle de faire-valoir et se contentent d’exécuter des décisions prises par des gourous idéologiques invisibles et retranchés dans des cénacles qui leur sont inaccessibles. Ministres paravents! La recette du déshonneur. Paravents ou pas, à la fin on demeure comptable de ses actes. Le temps reste un juge implacable, y compris de ceux qui auront quitté la scène. Un fardeau lourd à porter pour les générations suivantes et, le cas échéant, par des proches qui n’auront rien à se reprocher.

Dans l’immédiat, on est en droit de demander des comptes. Qu’ont fait ce gouvernement et ceux qui l’ont précédé (auxquels il n’a pas été si étranger) face aux demandes de justice et de réparation des victimes et notamment des victimes des déportations ? Faut-il rappeler que les déportés-rapatriés attendent toujours d’être rétablis dans leurs droits. Le temps leur est plus que jamais compté. Par son attitude, le gouvernement nous fait comprendre que le Sud est pour lui tout sauf une priorité. Un no man’s land où tout est permis. Halal!

Vigilance! Il n’est pas superflu de rappeler que le système se réinvente et change de méthode. C’est cosmétique mais ça compte. Le pouvoir du général Ghazouani est adepte du grand chelem, du blanchiment intégral mais à bas bruit: fonction publique, système éducatif, entreprises publiques et privées, monde économique, médias, enseignement… et évidemment forces armées. Nominations et promotions monocolores partout et toujours.

S’il en fallait des preuves, deux faits récents viennent les apporter : une promotion entière de l’Ecole normale des instituteurs monocolore, un groupe tout aussi monocolore de jeunes soldats présentés comme les «meilleurs élèves d’une académie militaire». Pas étonnant du reste si la totalité des pensionnaires de ladite académie est issue de la même ethnie. Le dernier maillon de la chaîne est sur le point d’être scellé: les terres. Après, l’entreprise d’invisibilisation aura été intégrale. Tout se tient dans une logique implacable et bien pensée. Une «belle » continuité. Les prédécesseurs avaient fait le plus gros en mettant en oeuvre l’ethnocide culturel, les génocides physique et biométrique …Sans possibilités de résistance à la mesure d’une machine étatique ethnocratique et raciste. «Nous avons tout ce que vous n’avez pas: l’argent, les armes et le pouvoir» fanfaronnait un des ténors de cette idéologie panarabiste-raciste, meurtrière et hégémonique qui a pris l’Etat en captation depuis plusieurs décennies.

Face au projet de grand escamotage des populations noires du Sud, de quel poids pèse un projet foncier confiscatoire ripoliné en entreprise d’«intérêt national» mais ayant pour réel objectif réel de déposséder les Intouchables? Le pouvoir, maître d’œuvre de ce projet, est sûr de sa force d’anéantissement. L’histoire a prouvé qu’il n’est pas du genre à souffrir d’états d’âme. Rien ne l’arrêtera. Surtout pas ses flagrantes incohérences.

Avez-vous remarqué que les terres du Nord, les palmeraies sont, comme par enchantement, à l’abri de toutes convoitises et comme protégées par un bouclier invisible : un dôme ethnique. C’est que « nos » belles palmeraies du Nord ont une double assise raciale et tribale. Dans un Etat racial et tribal, figurez-vous que cela peut aider. Alors «pas touche pas à ma palmeraie». Plein Sud plutôt. Où quand, faute de poursuivre des objectifs nationaux, la politique se fonde sur l’épiderme, la tribu, l’ethnie. Voilà une donne qui n’aurait pas dû échapper au ministre négro-africain. Et voilà pourtant ce qu’il semble ignorer. Volontairement ou non. De bonne foi ou non. Il en est meilleur juge. Quant aux populations du Sud et plus généralement aux Noirs de Mauritanie, ils disposent de suffisamment de pièces à conviction pour ne pas croire le juge impartial et la procédure pas courue d’avance.

Ciré Ba 

Paris, le 14/07/2021

Verdict dans l’affaire de la BCM : zones d’ombre et interrogations

Le tribunal correctionnel de Nouakchott-Ouest a rendu la semaine dernière, son verdict dans l’affaire de détournement opéré sur l’une des caisses de la Banque Centrale de Mauritanie (BCM), qui a défrayé la chronique,  fait couler beaucoup d’encre et de salive au milieu de l’année 2020.

Une  première manche dont l’épilogue renvoie à une peine privative de liberté, mais aussi et surtout, à un chapelet d’interrogations. Des questions de nature à semer le doute et  troubler les esprits les plus méthodiques, au sujet du véritable rôle de la personne reconnue coupable La faute à un traitement bancal lié à  la non-audition de certains responsables de l’institution et des responsables de la présidence de la République du temps d’Ould Abdel Aziz. Des témoignages au niveau de l’instruction et pendant l’interrogatoire devant la barre, qui auraient pu permettre de voir plus clair dans cette nébuleuse affaire.
 Pour le moment, le constat est le suivant : « la cerveau » des soustractions  frauduleuses est maintenue dans les liens de l’accusation, en dépit de la brillante plaidoirie de ses avocats.
  En effet, Illustre inconnue, propulsée devant les projecteurs des médias et placée au centre des conversations sur les réseaux sociaux par ce dossier, Mme Tebiba mint Alioune NDiaye, principale accusée, a été condamnée à une peine  de  six ans de prison ferme, 500.000 anciennes ouguiyas d’amende, mais aussi  au remboursement de 935.135 euros, plus  558.675 dollars  à la Banque Centrale de Mauritanie (BCM).
Les montants, dont le remboursement  est ordonné par la décision du tribunal correctionnel de Nouakchott, correspondent strictement à ceux avancés par la presse au sujet des soustractions opérées dans les caisses de la Banque Centrale de Mauritanie (BCM)
 La décision  comporte la  confiscation de tous les fruits générés par les biens détournés.
Toutefois, l’ancienne caissière n’a pas été reconnue coupable de l’infraction connexe de blanchiment de l’argent.
Par ailleurs, le verdict du tribunal correctionnel de Nouakchott/Ouest a condamné Abderrahmane Ahmed Salem dit Ahmed Thouthou, célèbre patron de la Maison du Cinéaste, à six (6) mois de prison ferme. Une peine adoucie dont  l’explication réside  dans  une requalification des faits qui lui étaient reprochés au moment de l’enclenchement de la procédure.
Ainsi,  Il retrouve la liberté après une détention préventive supérieure à la peine prononcée.
Le ministère public  a fait appel contre la décision du tribunal correctionnel de Nouakchott/Ouest.
Dans le même état d’esprit, la Banque Centrale de Mauritanie (BCM), constituée  partie civile dans le dossier, a décidé de faire un recours estimant que le jugement rendu n’intègre pas toutes les dimensions du préjudice  à réparer.
 

Tebiba, bouc émissaire idéal ?
Mais au-delà des griefs formulés par le parquet, dans son rôle de défenseur des intérêts de la société et la BCM, en sa qualité de partie-civile, le feu roulant des questions portent sur le rôle de la principale condamnée, Tebiba mint Alioune NDiaye.
 Cette dame serait-elle le cerveau de l’affaire ? La seule véritable  coupable de tous les actes minutieusement décrits depuis le début de ce feuilleton, dont le premier épisode vient de connaître son épilogue?
Ou serait-elle simplement l’arbre qui cache la forêt des commanditaires et coauteurs  d’actes de prévarication impliquant d’autres personnes encore à l’abri des poursuites?
Pourquoi certains responsables de la Banque Centrale, qui auraient pu  éclairer  les juges sur plusieurs points,  n’ont pas été  entendus à titre de témoins ? Pourquoi le nom de l’ex-première dame  cité au  début de l’affaire, a par la suite disparu du traitement du dossier ?
Pourquoi le système de contrôle de la caisse de la BCM en trois (3) temps, qui avait court, et a toujours empêché les détournements, n’est plus en vigueur? Pourquoi les caméras qui balayaient les caisses, tombées en panne, n’ont jamais été réparées ?

Autant de zones d’ombre dont on espère que le jugement en appel permettra d’élucider pour que justice soit enfin rendue.

                    AS

le calame