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CONTRIBUTION: Mauritanie : la feuille de ruse du gouvernement pour l’accaparement des terres agricoles de la Vallée est dévoilée
C’est à Dar El Barka, localité choisie et département désigné par le pouvoir éliminationniste du général Ghazouani comme laboratoire et point de départ de sa politique d’accaparement des terres de la Vallée, qu’est dévoilée la feuille de ruse gouvernementale. Entendons-nous bien, oui à l’investissement pour l’autosuffisance et la souveraineté alimentaires. Non et non à l’agenda caché des expropriations racistes par ruse (fuunti) et par force (doole). Ils veulent déshabiller Manthita, Kiné et Bolo pour habiller Zeïneb.
L’assaut est lancé
En présence de son collègue de l’agriculture et d’un parterre d’élus, maires, présidents de conseils généraux… tous apparentés au pouvoir, le ministre des affaires économiques et de la promotion des secteurs productifs annonce avoir « discuté avec des partenaires extérieurs qui ont une vision mondiale,… avec les sages, les experts nationaux… tous ceux qui sont intéressés par une réforme, la manière dont nous valoriserons nos terres sont là »! Le cadre est planté. L’atmosphère est propice à la légitimation de l’accaparement des terres.
La démarche et la pédagogie sont inédites. Le ministre est venu présenter le schéma gouvernemental aux populations « écouter, partager avec elles des idées » qu’elles auraient le droit d’enrichir, d’agréer ou de rejeter» [….] «Ce que vous direz, on le rapportera au président de la République, qui décidera».
Votre responsabilité est engagée. Soit vous saisissez la pleine mesure des enjeux et vous dites sans réserve, ni retenue ce que vous voulez, ce que vous redoutez, ce que vous ne souhaitez pas ; et donc vous savez à quoi vous attendre. Vous serez alors comptables de toute décision qui sera prise sur la foi de ce qui aura été rapporté, fidèlement dit-il. En conséquence, soit vous confondez les enjeux et les objectifs, vous vous livrerez pieds et poings liés, sans retour en arrière possible. Si la seule certification de la propriété des terres vous motive, le futur pourrait ressembler à tout sauf à une fête. Eh oui, l’intimidation et le recours à la force ne sont jamais loin. Curieux couplet Fuunti et doole!
On serait tenté d’applaudir la démarche, en ce qu’elle innove. Si ce n’est qu’elle est assortie de zones d’ombre et d’une conditionnalité :«…on ne peut pas laisser nos terroirs se vider faute d’emplois, on ne peut pas continuer d’emprunter pour investir pour des résultats très en dessous des ressources naturelles et financières mobilisées». Une quête de sécurité foncière pour l’investisseur privé interroge sur l’objectif premier poursuivi par le gouvernement : l’autosuffisance alimentaire ou l’efficacité économique quel qu’en soit le prix (l’économie mauritanienne en a besoin, la Banque Centrale en a besoin pour ses devises, les jeunes en ont besoin pour les emplois, dixit le ministre).
On fait mine d’oublier qu’en réalité les populations noires de la vallée et les jeunes de cette vallée destinataires du message, sont exclus et martyrisés depuis plusieurs décennies. Les déportations au Sénégal et au Mali, le génocide et la privation de citoyenneté ne semblent pas intéresser. Si, pourtant. Les invisibilisés, rendus apatrides, seront transformés en ouvriers agricoles temporaires sans droits sur leurs terres confisquées et jetés comme du papier Kleenex après usage. Logique. Le système dominant s’empare du dernier rempart des exclus : la terre.
Décryptage : des principes généreux en apparence mais qui cachent des vices et des non-dits L’Etat, dit le ministre aux populations de Dar El Barka, veut avoir votre confiance pour assurer à ses investisseurs la sécurité foncière dont ils ont besoin. Pourront-elles s’assurer d’avoir la sienne à partir de la parole gouvernementale qui ne doit souffrir d’aucune ambiguité avant de remettre leurs terres entre les mains d’investisseurs dont l’objectif premier est de produire pour le marché mondial? On relève encore beaucoup de zones d’ombre dans le discours.
Si l’atteinte de l’autosuffisance est un objectif du gouvernement, celui-ci devrait y œuvrer, y compris en interne. En Mauritanie, une politique agricole révolutionnaire visant à la fois l’autosuffisance alimentaire et l’emploi des jeunes peut reposer sur ces derniers (notamment les centaines de diplômés sortis de nos universités et écoles supérieures qui ne demandent qu’à avoir le pied à l’étrier) des partenaires crédibles. L’indépendance alimentaire n’a pas de prix, mais un coût que seul l’Etat doit supporter en tout ou partie. Les grandes nations n’y sont parvenues qu’au prix d’importantes subventions nationales (Japon) ou communautaires (la PAC en Europe).
Le schéma en gestation reposerait sur un partenariat tripartite entre populations, propriétaires des terres et privés de moyens de les valoriser, l’Etat puissance régalienne et garant de la réussite du schéma ; et les privés mobilisateurs des ressources financières, de l’expertise et de la rigueur de gestion des exploitations agricoles. Un bel attelage qui cache à l’épreuve de l’analyse cachée vices et non-dits, notamment en ce qui concerne la propriété, la part du bloc affectée aux «propriétaires» et la durée de la concession ou bail.
Sur la propriété, même dans le cas du scénario idéal où il y aurait entente entre « propriétaires identifiés » d’un bloc agricole, on n’aura pas réglé pour autant le problème. On est en présence de deux possessions. La première lignagère (plus que de «propriétés»), reçue collectivement en héritage et qui doit être léguée collectivement en héritage. Seule la gestion (de l’exploitation comme des conflits qui sont liés) de ces possessions lignagères est confiée au doyen du lignage, par définition changeant. Cette dimension ne saurait être réduite à une simple certification, fut-elle établie par l’Etat : les possessions ayant en effet précédé celui-ci ; elles doivent lui survivre. Le scénario mitigé ouvre quant à lui la porte à des désordres de toutes sortes et s’apparente à une délégation de souveraineté d’une «propriété plurielle» pas encore clairement identifiée à un comité de gestion dont on sait que certains des membres sont des affidés du pouvoir. Le schéma pouvant commencer avant même un accord sur le détail des propriétés, la structure n’hésitera pas à « forcer » une entente : la cause est entendue. L’investisseur est installé, il faut lui assurer la sécurité foncière nécessaire à la rentabilité de son affaire.
Sur la part «déterminée au cas par cas» et le bail dont «la durée va figurer dans l’appel d’offres», le flou artistique est total. Qui la détermine? Cette durée est-elle convenue de façon éclairée avec les «propriétaires» avant d’être consignée dans un appel d’offres dont les termes leur échappent. Les concessions accordées à des investisseurs internationaux pour des productions à grande échelle, comme ce qui se projette, le sont sur un bail emphytéotique de plusieurs dizaines d’années. A titre d’exemple, la Compagnie Sucrière Sénégalaise exploite à Richard-Toll au Sénégal un périmètre sucrier sur la base d’un bail de 99 ans.
La deuxième «possession», innovante et réglementée, fait l’objet d’une gestion représentative acceptée. Elle est gérée sous forme d’Entente Foncière, propriétaires et exploitants des champs de culture, de plusieurs villages regroupés en association reconnue par l’Etat. La plus documentée est celle du département de Maghama, l’Association des Usagers du Walo (AUW), qui regroupe plus d’une vingtaine de villages dudit département et au-delà. Elle est citée en exemple. Des précisions que pourraient apporter des responsables de cette association enrichiront. D’autres coopératives, parfois plus importantes par le nombre de villages adhérents, existent dans toute la vallée.
La culpabilisation : l’épée de Damoclès pour dissuader
«On ne peut pas continuer à dépendre de l’étranger pour notre alimentation, on ne peut pas laisser nos terroirs se vider faute d’emplois, on ne peut pas continuer d’emprunter….Nous ne voulons pas perdre beaucoup de temps, la pandémie a démontré que l’indépendance de notre pays est relative….Nous avons tout ce qu’il faut pour nous nourrir. Faut-il garder le statu quo ou faut-il franchir le pas avec vous, avec nos partenaires privés, avec le gouvernement dans la sérénité : mobiliser des ressources importantes et créer des emplois, créer de la richesse dans cette région».
Ce argumentaire est un réchauffé. Il a été entendu partout où des terres agricoles sont convoitées par des investisseurs locaux et étrangers. Les prises de contrôle de terres actuelles n’ont pas toutes une finalité productive précise Mathieu Perdriault dans un document publié en septembre 2011. «Dans de nombreux cas, les terres ne sont pas mises en exploitation après qu’elles aient changé de mains» précise-t-il. Une conséquence de concessions foncières accordées avec des contrats rudimentaires.
Vraisemblablement calquée sur l’applicabilité du code minier à la recherche et l’exploitation pétrolière en mer dans la Zone Economique Exclusive (ZEE) et sur le plateau continental, la feuille de ruse de Dar El Barka s’abstient d’évoquer les obligations en matière de partage de la «rente» qui concerne aussi bien l’Etat que les collectivités territoriales. En termes clairs, les investissements doivent profiter au développement local. Dans certains pays organisés, la législation le prévoit. Dans d’autres, des obligations en matière de protection de l’environnement sont ajoutées. Mais inutile de voire grand, car, avertit le ministre : «les populations doivent savoir que quand elles sont trop gourmandes, les investisseurs ne viendront pas». Le ton est donné.
Quoi qu’il en soit, on ne gère pas la terre comme on gère une mine. La seconde est impersonnelle et appartient à l’Etat. La première, identitaire avec une forte charge historique, appartient à des citoyens qui font corps avec elle depuis toujours.
Le paysan de la vallée craint de subir la double peine : la première sera celle générée par l’externalisation de la production agricole au profit de riches pays du Golfe, du Soudan, de l’Inde, de la Turquie….ou du géant chinois. A titre d’exemples, La Libye s’est vue attribuer 100 000 ha de terres irrigables dans le région de Mopti au Mali. L’Arabie Saoudite par le biais de capitaux privés via la Conférence Islamique et la Banque Islamique de Développement prospecterait des aménagements de 700 000 ha en Mauritanie, au Sénégal et au Mali. La deuxième peine, la plus redoutée pour son emprise systémique, sera sans doute celle d’hommes d’affaires nationaux, Maures il faut le préciser, adossés au système d’exclusion visant leurs compatriotes Noirs de la Vallée. Le slogan «gagnant-gagnant», «win-win» en anglais, est ici clairement un leurre. Il y aura un super gagnant et grand perdant. Il n y aura pas de compromis durable entre les deux parties. Les intérêts de l’exclu ne seront pas pris en compte.
L’investissement pour l’autosuffisance et la sécurité alimentaires, pour être profitable, devrait s’appuyer sur les nombreuses coopératives villageoises qui existent depuis des décennies. Du Waalo au Gidimaxa en passant par le Fuuta, plusieurs villages sont regroupés sans distinction aucune entre habitants, en associations d’exploitation de terres à l’échelle départementale. Elles sont indiquées à recevoir les appuis financiers et l’encadrement technique. Elles sont légitimes, ont l’expertise et fédèrent toutes les populations autochtones des localités concernées. Faire de la place dans ce déjà trop-plein de possessions reconnues par l’Etat relèvera de l’expropriation.
Dans ce contexte global de survie ou de disparition, de confiscations récurrentes de terres agricoles sur fond d’exclusion, la vigilance maximale doit être de mise. La mobilisation pacifique et structurée des Sans-Terre, à l’image du Mouvement des travailleurs ruraux Sans-Terre du Brésil (MST), est attendue.
Boubacar Diagana et Ciré Ba – Paris le, 29/06/2021
ÉNÉGAL-TERRORISME: Entre la loi et le lexique, il y a le péril (Par Babacar Justin Ndiaye)
PressAfrik – L’Assemblée nationale a voté, dans le tumulte, le Projet de loi soumis et défendu par le gouvernement de la République. Le volet institutionnel est ainsi fermé mais la partie politique reste encore béante et effervescente.
D’où la nécessité de promener un faisceau de lumière plus technique que politique, sur l’objet, le moteur et les implications de la modification. Une mouture nettement renforcée voire corsée qui modifie substantiellement et revigore grandement le Code pénal et le Code de procédure pénale. En rattachant solidement et globalement cette vigoureuse initiative à la lutte contre le terrorisme, l’Exécutif montre un cocktail de forces et de faiblesses.
Visiblement, l’État a le double culte de la loi et de l’ordre (posture irréprochable et encourageante) mais ne possède pas le sens du lexique exact et approprié ; encore moins celui du parfait cadrage de la menace indexée. Une menace qui n’est pas imaginaire. Loin s’en faut.
En termes justes, le Sénégal n’est pas sous l’emprise démentielle du terrorisme, malgré sa proximité avec un État agressé ou terrassé par le phénomène. Preuve que le gouvernement ne dort pas. Par contre, le Sénégal est gravement guetté par le péril dérivé ou découlant du terrorisme. Terrorisme ! C’est justement cette sémantique boueuse, vaseuse et non claire, abusivement employée aussi bien dans l’exposé des motifs que dans les discours, qui a conduit le Député Sérigne Mansour Sy Djamil à pousser le débat jusqu’aux entrailles de l’Histoire (évocation des noms de Cabral, de Neto etc.) et jusqu’aux limites de la philologie.
Pourtant l’actualité surchauffée de la sous-région et le panorama en feu du Sahel apportent de l’eau et beaucoup d’eau au moulin du gouvernement logiquement alarmé par le brasier malien et par les étincelles en Mauritanie où le bras de fer risqué entre deux Généraux ayant des clientèles politiques et tribales dans l’armée mauritanienne peut déboucher sur une grosse secousse. Un pays voisin et partenaire pétro-gazier du Sénégal. Faut-il y ajouter que l’exploitation optimale du pétrole sénégalais est tributaire de la stabilité en Mauritanie ? Bref, le terrorisme n’est pas patent dans l’espace nationalmais imminent, puisque le Sénégal est désormais en « full contact » avec le djihadisme, au vu du tampon malien qui a sauté. Et du glacis mauritanien qui est éprouvé.
Question : l’Exécutif devait-il attendre que le pays fût allumé pour inventer la parade ? Certainement pas ! Autre question de taille : pourquoi de gros pans de l’opinion publique n’ont pas donné leursassentiments à une loi très prospective en matière de défense et de sécurité nationales ? Autrement dit, pourquoi l’Exécutif et sa majorité parlementaire ont perdu la bataille de l’opinion ? Pourtant, force est de reconnaître que dans ces deux domaines cruciaux, le gouvernement n’a pas mis la charrue avant les bœufs. Bien au contraire. Mais, il n’a pas efficacement ou suffisamment communiqué autour…de la charrue et des bœufs.
En effet, la politique de protection du sanctuaire national est excellente. La Défense étant constitutionnellement la chasse gardée ou le domaine réservé du Président de la république, on peut dire que Macky Sall a remarquablement anticipé, en mettant en place un dispositif bien gradué ou échelonné d’ouest en est, de Dakar à Tambacounda. Le GARSI de la gendarmerie (cantonné à Kidira) écume, c’est-à-dire veille sur toutes les terres que baigne la Falémé, frontière naturelle et juridique avec le Mali. Le chapelet de bases est allongé par les nouveaux camps militaires de Koungheul et de Goudiry. L’aérodrome réactivé et agrandi de Kaolack maximise les capacités logistiques. Dans le même ordre d’idées, les Forces spéciales – réels atouts dans la guerre asymétrique contre le terrorisme – sont équipées et entrainées. Enfin, le Renseignementnational dans ses diverses branches (les canaux d’informations de la Police, les bulletins réguliers de la Gendarmerie et les renseignements à caractère strictement militaire) tourne à plein régime. En un mot, le pays est paré.
Regrettablement, la mauvaise et globale communication du gouvernement – jamais à flux continus et soutenus –, la prestation moyenne d’un Ministre de la Justice sans talent oratoire et un fâcheux concours de circonstances (le départ médiatiquement très bruyant du Général Jean-Baptiste Tine du Haut-Commandement de la Gendarmerie) ont ancré chez nombre de citoyens, le sentiment fort que le Projet de loi, transformé en loi,neutralise l’opposant qui a constitutionnellement pignon sur rue, avant de boxer sévèrement le terroriste.
Enfin, sur le terrain prosaïque de la vie de tous les jours, les modifications relatives au Code pénal et au Code de procédure pénale vont engendrer des situations cocasses et injustes : les pilleurs associés d’un magasin Auchan à Dakar seront traités comme des terroristes du Sahel ; tandis que les bandes de voleurs de bétail dans le Ferlo garderont leurs statuts de voleurs ordinaires. Pourquoi les vaches de Ranérou sont-elles moins sécurisées que les cageots de bière des supermarchés de Rufisque ? Entre Dakar et Linguère, le Code pénal fera des contorsions dignes d’un trapéziste. Manifestement, l’équité judiciaire accuse un retard par rapport à l’équité territoriale.
Par Babacar Justin Ndiaye
Les racines – très anciennes – du racisme anti-Noir dans le monde arabe
The Conversation – Dans les pays à dominante arabe « blanche », les Noirs arabes sont sous-représentés et largement invisibles. Ils sont également écartés des institutions politiques, universitaires, artistiques et religieuses.
Les deux termes ne s’excluent pourtant pas l’un l’autre : certains Noirs sont arabes et certains Arabes sont noirs. En tant qu’intellectuel arabe en Occident – je suis professeur de langue et de littérature arabes à l’Université de Waterloo – m’exprimer sur le racisme anti-noir dans le monde arabe me place dans une position délicate.
Jusqu’à récemment, le sujet était tabou dans la société arabe. En 2004, cette situation a commencé à changer lorsque le critique culturel bahreïni Nader Kadhim a publié en arabe un livre portant sur l’image des Noirs dans l’imaginaire arabe médiéval, et que je traduis en ce moment en anglais afin de sensibiliser l’Occident à leur situation.
Le racisme anti-Noir dans le monde arabe n’est pas un phénomène détaché du contexte mondial. Depuis la mort de George Floyd, le mouvement « Black Lives Matter » s’est répandu dans le monde entier, et les Arabes noirs y voient une occasion d’alerter l’opinion publique sur l’oppression dont ils sont victimes quotidiennement.
Les racines du racisme arabe
Nader Kadhim a créé le terme al-istifraq, ou « africanisme », pour décrire l’étude de la manière dont les Arabes noirs sont perçus, imaginés et représentés dans les écrits arabes. Son livre souligne les éléments fondamentaux qui caractérisent ce discours.
L’africanisme part du constat que les récits arabes classiques et médiévaux – notamment la littérature de voyage, les livres de géographie, d’astronomie, d’astrologie, d’histoire, de théologie, les biographies, les sciences marines, la philosophie et la médecine ancienne – représentent tous les Noirs en tant qu’inférieurs. Aujourd’hui encore, cette représentation péjorative est présente dans de nombreux aspects de la culture arabe moderne.
Selon la théorie de Nader Kadhim, cette image négative découlerait de trois courants : (1) la conception anthropologique controversée selon laquelle la culture – y compris la religion, la langue, les lois et les valeurs – définit ce que signifie être humain ; (2) le récit biblique de Noé et la malédiction de son fils Cham – dont la peau aurait été plus foncée – condamnant ses descendants à la servitude ; et (3) la théorie des sept climats du philosophe grec Ptolémée, selon laquelle l’emplacement géographique d’une personne détermine sa race – la proximité du soleil « cuirait » les humains selon une échelle du cru au brûlé.
La diffamation des Arabes
En 2014, j’ai présenté un article intitulé Waiting for Obama : The Forgotten Black in Iraq lors d’un symposium à l’Université York intitulé Home and Land, Transnationalism, Identity and Arab Canadians. L’article démontrait comment le discours raciste et discriminatoire des Irakiens déstabilise la conception de la patrie chez les Afro-Irakiens.
Durant la période de questions, un romancier arabe réputé a nié l’existence du racisme anti-noir dans le monde arabe. Par la suite, il est venu me trouver pour me demander : « Pourquoi dénigrez-vous notre culture ? »
En mai dernier, j’ai animé un événement intitulé Deconstructing Africanism : the Image of Black People in the Arab Imaginary autour du livre de Nader Kadhim. L’une des principales préoccupations exprimées par le public arabe était que l’activité insistait sur le côté raciste de leur culture. Après l’événement, une connaissance qui y avait participé m’a appelé pour me demander : « Pourquoi étaler ainsi nos travers ? »
J’ai réfléchi pour savoir si c’était mon intention de dépeindre ma propre culture de manière négative. Pas vraiment, mais je reconnais que d’autres Arabes puissent le percevoir ainsi.
Aérer le linge sale
Je viens de Bassora, en Irak, où la majorité des Arabes sont « blancs » comme moi. Quelques années après avoir déménagé au Canada, j’ai commencé à me renseigner sur le racisme en Occident. J’ai également subi un changement d’identité raciale, en passant d’« Arabe blanc » à « personne de couleur ». Cette reconfiguration raciale, très nouvelle et très personnelle, m’a amené à réfléchir au racisme qui affecte la communauté noire de Bassora.
Certains Irakiens ne sont même pas conscients que des Irakiens noirs sont présents dans leur pays depuis des siècles. Le racisme disséminé à l’encontre des Afro-Irakiens déstabilise leur sentiment d’appartenance.
Pour répondre à ce racisme, j’ai entrepris d’explorer les racines du racisme anti-noir dans ma culture et j’ai découvert qu’il est même plus ancien que l’Islam. J’ai commencé à écrire, à traduire et à documenter le patrimoine culturel des Arabes noirs, mais je me heurte sans cesse à des résistances. Certains Arabes refusent de reconnaître qu’il puisse y avoir du racisme dans leur propre communauté.
Ce travail de sensibilisation comporte certains risques personnels, dont celui d’être considéré comme un « comprador », un complice en quelque sorte, qui agirait pour le compte des institutions occidentales.
Ce qui pourrait entraîner mon exclusion complète des cercles intellectuels de la diaspora arabe et faire de moi une cible dans mon pays d’origine. Je ressens une tension entre la célébration de la richesse et de la beauté de ma culture (j’ai créé un festival culturel arabe annuel) et la dénonciation de ses travers.
La ligne est très mince entre le fait de militer pour la justice raciale et d’en rajouter quant à la diabolisation des Arabes. Et en effet, dévoiler des aspects moins reluisants pourrait être nuisible. Cependant, en tant qu’intellectuel canado-irakien jouissant de certains privilèges, j’estime qu’il est de mon devoir de les utiliser en faveur de la justice raciale.
Jabulani Sikhakhane
the conversation
Mauritanie: l’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz a été arrêté
RFI Afrique – L’ex-président mauritanien, Mohmamed Ould Abdel Aziz, a été arrêté mardi soir aux environs de 20h TU et placé en détention par un juge du pôle de lutte anticorruption du parquet de Nouakchott-Ouest, selon l’un de ses avocats contactés par notre correspondant à Nouakchott.
Mohamed Ould Abdel Aziz, qui a dirigé la Mauritanie entre 2008 et 2019, a été inculpé le 12 mars dernier pour corruption, détournement de biens publics et blanchiment d’argent. Des faits qu’il a toujours niés.
C’est aux environs de 20 h heure locale que trois policiers se sont présentés au domicile de l’ancien président mauritanien pour le conduire au palais de justice. Sa rencontre avec les juges du pôle de lutte contre la corruption a été brève. Quelques minutes pour lui signifier son placement en détention.
Me Mohameden Ould Ichidou, le doyen des avocats qui assurent sa défense, a assisté au déferrement de son client. Il dénonce une décision arbitraire. Pour lui, preuve sera faite, le moment venu, que l’ancien président est victime de règlements de comptes politiques : « C’est une décision qui viole toutes les lois de la procédure pénale. On va montrer que ce n’est qu’une vengeance et que cela n’a aucune base juridique. »
Assigné à résidence depuis le 11 mai
Mohamed Ould Abdel Aziz a dirigé la Mauritanie entre 2008 et 2019. Ses ennuis ont commencé quelques mois après avoir quitté le pouvoir. En janvier 2020, le parlement a voté la création d’une commission parlementaire pour enquêter sur sa gestion durant sa décennie de présidence.
En juillet 2020, la commission rend son rapport. Le document de 800 pages accable l’ex-chef de l’État. Corruption, trafic d’influence, détournements et dilapidations de biens publics, blanchiment d’argent… Aziz nie les faits. Mais il est inculpé le 12 mars 2021 avant d’être assigné à résidence le 11 mai. On ignore ce qui a motivé son incarcération, le Parquet n’ayant pas encore communiqué.
Avec notre correspondant à Nouakchott,
Salem Mejbour Salem
Plainte à la CEDEAO: Les réfugiés mauritaniens réclament 10 milliards à l’Etat du Sénégal
Suite au conflit sénégalo-mauritanien de 1989, plus de 60 000 réfugiés mauritaniens se sont installés au Sénégal.
Ainsi, après la mission de facilitation pour la réintégration et le rapatriement volontaire des réfugiés effectuée le Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), 14.114 réfugiés vivent toujours au Sénégal, éparpillés dans la région du fleuve et à l’intérieur du pays, d’après le dernier recensement de 2018.
Mais ces réfugiés restants ont décidé de trainer en justice l’Etat du Sénégal pour non-respect de l’accord tripartite signé en 2007 entre le Sénégal, la Mauritanie et le HCR sur le rapatriement volontaire des réfugiés mauritaniens au Sénégal.
En effet, les réfugiés mauritaniens ont saisi la Cour de justice de la CEDEAO pour faire constater aux juges communautaires « la violation par l’Etat du Sénégal des droits des réfugiés», «le droit à la nationalité et à un état civile»…
Et en plus de demander la condamnation de l’Etat à leur payer 10 milliards de Fcfa pour la « violations de leurs droits fondamentaux », les réfugiés mauritaniens veulent que la Cour enjoigne le Sénégal de leur délivrer des cartes d’identité et des titres de séjour, entre autres, informe Libération.
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