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Colonel Ould Beibacar: Le Recadrage de la ‘Mauritanie des colonels’
A mon grand embarras, je ne participe pas aussi souvent que je le devrais aux débats sur les questions brûlantes d’intérêt national. Mais les derniers événements qui ont mis au devant de la scène un colonel à la retraite ne pouvaient me laisser indifférent, et ce pour une raison bien simple.
Dans un livre publié il n’y a pas si longtemps, j’ai apporté un témoignage personnalisé sur ma (oh combien modeste) contribution aux efforts qui ont aidé à saper le régime du plus sinistre des colonels de Mauritanie (OuldTaya).
Le livre (http://www.edilivre.com/la-mauritanie-ses-colonels-et-moi-20b18431fc.htm…) a introduit le concept de « la Mauritanie des colonels » enfantée by the coup d’état-péché originel du 10 Juillet 1978.
Les récents développements et la saga grandissante d’un des colonels de cette Mauritanie—un de ses meilleurs ?–, le Colonel Oumar Ould Beibacar, me poussent–bien volontiers–à (me) suggérer un recadragede ce concept.
Dans l’avant-propos du livre, j’avais bien pris le soin de souligner que, «lorsque je me réfère à ‘la Mauritanie des colonels’ il est évident que cela ne constitue pas un réquisitoire contre tous les colonels de la Mauritanie. Je n’ai rien contre les forces armées et de sécurité en tant que telles, ni contre les colonels, bien au contraire.
Ma carrière académique a été en partie consacrée à leur donner leurs lettres de noblesse dans un État démocratique où l’armée joue pleinement son rôle régalien au service de l’État et du citoyen.” J’ajoutais, qu’ayant participéà la “formation de (…) centaines d’officiers, pour la plupart des colonels de différents pays africains, je n’ai que respect pour leur patriotisme et le professionnalisme de leur écrasante majorité.
Je ne confonds pas l’écrasante majorité des colonels avec la poignée dont il est question dans le concept de la « Mauritanie des colonels». L’élucidation méritait, en soi, d’être faite, n’est ce pas?
Néanmoins, l’attitude, la conduite (selon des témoignages concordants), le parcours, et surtout les actes (rien moins quechevaleresques paraît-il) que le Colonel Ould Beibacar a posés (y compris ces derniers mois), et qui ont conduit à son arrestation et mise en examen, méritent que l’on s’attarde, même brièvement, sur leur signification et leur portée dans le conteste actuel du pays.
Ce contexte semble caractérisé par une fuite en avant effrénée, qui rappelle –sans surprise– les dernières années, tragiques, atrabilaires du régime du colonel Ould Taya. Alors, l’opiniâtreté de ce dernier dans sa volonté de retarder l’inévitable, cherchait à masquerl’atmosphère de fin de règne fatidique qui finit par avoir raison de ce régime honni de l’écrasante majorité des mauritaniens.
L’atmosphère qui prévaut en ce moment, avec une montée des périls pour le pays, d’une évidence éclatante pour tous sauf pour ceux qui, n’ayant rien (ou si peu) appris du régime de Ould Taya continuent la même bonne veille politique de l’autruche, est, en effet, à bien des égards, comparable à celle de la Mauritanie des colonels Circa 2005.
Les symboles de cette Mauritanie-là étaient les 28 soldats pendus d’Inal, les fosses communes de Sorimalé et d’ailleurs, les déportés par dizaines de milliers, les déchus de leurs nationalité, les humiliés, les exilés, les réfugiés sans papiers ni terres, les citoyens de seconde zone, le déni de l’existence l’abjection qu’est l’esclavage.
Si nous avons, quelque peu, —et avec tant de réluctance- fait face à certains de ces symboles que le Colonel Ould Beibacar a eu l’impudence de nous rappeler, les comportements et attitudes qui prévalent aujourd’hui encore ne sont que le prolongement de cette ‘Mauritanie des colonels’ savamment bâtie et léguée par le colonel Ould Taya et ses compères.
Ce prolongement est particulièrement évident dans cet instinct, cette propension à … arrêter comme on se soulage d’un prurit maléfique, démoniaque. Comme jadis. Oui, arrêter à tout va. Passons sur le coup d’arrêt apporté à l’expérience démocratique de 2007-2008.
Arrêter (ou faire arrêter) ici un match de football ennuyeux, là une émission de télévision à cause d’un journaliste teigneux, arrêter Biram, arrêter Ould Beibacar, arrêter la reconversion des ex-FLAM, arrêter Ould M’Kheytir, arrêter des hommes d’affaires. Arrêter, toujours arrêter… comme on…se gratte.
Mais c’est lorsque qu’une atmosphère aussi délétère règne que souvent s’invite, au delà de la lutte bien sûr, l’espoir et que s’ouvre la fenêtre d’opportunité. Le Colonel Ould Beibacar porterait-il l’espoir de réhabilitation, de rédemption de cette ‘Mauritanie des colonels’? Serait-il la bouée de sauvetage dont la Mauritanie (celle de tous) a bien besoin en ce moment ?
Ayant suivi avec quelque fascination les commentaires du colonel en retraite sur ce qu’une certaine pudeur continue d’appeler « les événements » de la fin de années 1980-début 1990, sur la question Haratine, et une certaine relecture de notre histoire,(et les commentaires qu’ils ont suscités), je ne peux m’empêcher de penser aux écrits de Morris Janowitz et Samuel Huntington,[2] entre autres théoriciens classiques des relations civilo-militaires dans les États comme le nôtre.
Ceux-ci ont fait des réflexions incisives sur le comportement et les motivations des officiers. Janowitz en particulier a soutenu que l’appartenance au corps des officiers instille un certain puritanisme éthique et professionnel qui amène es officiers à développer des attitudes et tendances qui les conduisent à s’insurger contre les pesanteurs tribales et communautaires des sociétés dont ils sont issus.
C’est ce sens élevé de la responsabilité et le profond désir de se sentir à la hauteur des responsabilités sociales et politiques, cette adhésion à un code d’honneur qui font que l’Officier « se bat toujours [sur le champs de bataille]» (ajoutons même à la retraite) pour des idéaux nobles et pour ce qu’il considère comme l’intérêt supérieur de sa communauté nationale.
Cette même éthique de professionnels les pousse à se révolter contre les corruptions (au sens le plus large) et la décadence dans leurs pays, et à devenir les champions de la rigueur et de l’honnêteté dans la vie publique.
Le défi à la ‘Mauritanie de colonels’ qu’a lancé le Colonel Ould Beibacar s’inscrit sans doute dans cette logique de l’officier blessé dans sa chair de professionnel devant tant de violation de ce qui devrait être le code d’honneur de sa profession par ceux-là mêmes qui devraient l’honorer au prix de leurs vies.
Ce défi est d’autant plus remarquable qu’il survient alors que les opposants politiques les plus farouches à la version courante de la ‘Mauritanie de colonels’ (dont ce devrait être le rôle de continuer la lutte) semblent prêts à baisser les bras, à agiter le drapeau blanc de la capitulation.
Ceux-ci semblent en effet prêts à passer par pertes et profits et l’héritage du ‘passif humanitaire’, et la forfaiture du 6 Août 2008 et tout ce qui s’en est suivi depuis, pourvu que l’incarnation de la Mauritanie des colonels du moment veuille bien ne pas rester au pouvoir comme Chef de l’État au delà de 2019 (suggérant même que les autres manigances pour empêcher que se réalise une véritable démocratisation du système politique seraient accueillies avec plus de bienveillance).
Il n’est donc surprenant que ladite incarnation de cette ‘Mauritanie des colonels’ n’ait pu laisser passer ce défi cinglant du Colonel Ould Beibacar sans réagir. Mais nous avons déjà évoqué ce prurit malfaisant.
Devrons-nous nous résigner à croire que le Colonel Ould Beibacar soit une aberration, une exception? Assurément, « l’indignation professionnelle » (selon l’expression de Samuel Decalo) qui a été à l’origine de sa décision de ne plus se taire ne peut pas avoir épargné d’autres colonels, d’autres officiers comme lui.
Si les prédictions du professeur Janowitz sont correctes, un grand nombre de ceux-ci doivent être pareillement mortifiés à l’idée de devoir s’accommoder pour toujours de ce que l’institution à laquelle ils s’identifient et vénèrent tant ait été autant souillée, autant avilie par ce qu’une poignée d’hommes a fait cette nuit du 28 Novembre 1990 à Inal (et ailleurs pendant quelques mois) en leurs noms.
La question est de savoir combien d’autres colonels, combien d’autres officiers auront été touchés par cette grâce qui a visiblement touché le Colonel Ould Beibacarau point de le doper d’une telle dose de courage moral. N’est pas ce courage moral qui semble tant faire défaut de nos jours?
L’aventure dans laquelle semble s’être lancé le Colonel Ould Beibacar donne l’envie de paraphraser les mots célèbres de l’ancien président américain William Jefferson Clinton lors de son investiture en 1993. Peut-être bien que pour l’institution à laquelle nous devons la Mauritanie des colonels, nous pouvons espérer et dire « il n’y a rien qui soit si ignominieux et tragique qui ne puisse être corrigé, ‘guéri’, et purifié avec ce qu’il y a d’honorable, de juste, et de bon ». Let’s wait and see.
Pour terminer, que le Colonel Ould Beibacar me permette une objection, cependant. Dans un hommage très mérité (et tout à son honneur) au courage de feu le Capitaine Bâ Seydi, il a comparé le courage et sang-froid exemplaires de ce « guerrier » devant le peloton d’exécution à ceux de Saddam Hussein à l’article de la mort. Un de ses critiques les plus acerbes a déjà relevé l’incongruité de cette comparaison. Je suis, quant à moi, préparé à accorder au Colonel plus que le bénéfice du doute, nul n’étant parfait, même pas les héros du moment.
C’est en effet une erreur que de comparer le Courage de Bâ Seydi, que j’ai eu le privilège de connaître et de côtoyer, dont la vie si prometteuse a été coupée court par la vilenie d’un apprenti dictateur, au courage d’un Saddam Hussein.
Jamais, sans doute, un ex-chef d’État n’a, autant que Saddam (ni un officier, ni un gentleman), mérité l’échafaud, et même l’humiliation infligée par les affidés d’une de ses millions de victimes juste avant de mourir.
Il y a en effet ‘Courage’ et ‘courage’ et donc bien des modèles de Courage qui seraient plus aptes à appuyer cet hommage, encore une fois mille fois mérité, à feu le Capitaine Bâ. Mon objection est aussi due au fait que, comme cela est bien connu, ceux qui ont inspiré, justifié, planifié, exécuté, et encore aujourd’hui s’échinent à dénier ce dont s’est rendue coupable cette ‘Mauritanie des colonels’ se sont abreuvé à cette fontaine fétide de la suprématie culturelle (ayant pris chez nous une dimension ‘épidermique’) dont Saddam était le chantre, financier et bras armé.
C’est, en grande partie, cette idéologie, partie des rives du Tigre et l’Euphrate, impitoyablement dépeinte par un Soudanais comme un « National Arabism », (allusion au National Socialisme et à la solution finale pour les minorités indésirables), qui a rendu possible et justifié tout ce contre quoi le Colonel Ould Beibacar s’est héroïquement insurgé.
Je ne doute pas que le moment venu il saura reconnaître et corriger cette erreur.
Prof. Boubacar N’Diaye
Politologue.
[1]Ma seule contribution, titrée « Le Supplice de la Chamelle », il y a déjà si longtemps, a été consacrée au martyr de Biram Ould Abeid (voir http://lecalame.info/?q=node/1568 ).
[2]VoirMorris Janowitz, The Professional Soldier : A Social and Political Portrait, New York, The Free Press, 1961 ; également du même auteur, The Military and the Political Development of New Nations, Chicago, The University of Chicago Press, 1964 ; Samuel Huntington, The Soldier and the State : The Theory and Politics of Civil-Military Relations, Cambridge, Harvard University Press, 1964.
Source: mauriweb
FLAMNET AGORA : Certes, ce n’était qu’un match de football…, par ABOU HAMIDOU SY.
La décision du président Aziz de faire arrêter le match de la super coupe le 28 Novembre dernier à l’heure de jeu, loin d’être un acte insolite banal, est pleine d’enseignements. Elle traduit en effet, d’une part l’inaptitude de la plus part de nos concitoyens à se conformer aux règles et usages qui gouvernent la vie d’un Etat moderne et d’autre part à appréhender la notion même d’Etat et des responsabilités qui en découlent. Ceci s’observe dans nos comportements de tous les jours; faire la queue pour bénéficier d’un service ou d’un produit est pour nous superflue des lors qu’on connait quelqu’un dans les lieux à défaut de passer à force de biceps pour éviter cette corvée inutile. Le code de la route sous nos cieux est un protocole curieux ; pourquoi s’arrêter au feu rouge ou marquer le “stop” alors qu’aucune voiture n’est en vue? Pourquoi exceller alors que le népotisme et le clientélisme sont les seuls critères de sélection?
Pourquoi se torturer à suivre un foutu match de football dont on y comprend rien alors qu’on est le chef de l’Etat?
Seulement ce foutu match est régi par des lois de jeu auxquelles a souscrit la Mauritanie en s’affiliant par le biais de sa fédération de football a la FIFA en 1970. Et la loi 7, relative à la durée du jeu stipule: << le match se compose de deux périodes de 45 min chacune, à moins qu’une durée n’ait été convenue d’un commun accord entre l’arbitre et les deux équipes participantes, tout accord concernant une modification de la durée doit impérativement intervenir avant le coup d’envoi…>>
Bien sur, la FFRIM n’a pas tarder a se fendre en communique plein de détails mais laconique sur la substance : Quand ? Messieurs et dames de la fédération? Avant le match, durant, à la mi-temps ou quelques minutes avant le crépuscule ??? Toujours est-il qu’on n’arrête pas un match par ce que le président veut s’en aller. Qu’il s’appelle Aziz, Al Sissi ou Kim Jong Un; que le match déroule à Nouakchott ou à Noumea, à Moudjeria ou à Mogadisio les lois du jeu doivent être respectées.
Cette désinvolture du premier des mauritaniens est d’autant plus malheureuse qu’elle intervient au jour anniversaire de la naissance de notre pays en tant qu’Etat indépendant. Un demi- siècle après avoir acquis ce statut, la Mauritanie continue à être gérée comme une quelconque escale sur la route des caravanes … C’est a dire un Etat réduit à sa plus simple expression: un groupement de populations vivant sur un même territoire et soumis a une même autorité.
Or, un Etat par essence, se sont des lois, des règles de fonctionnement, des codes de conduit et des méthodes d’organisation.
Pour faire plus simple, citons Montesquieu qui disait :<< l'Etat, c'est à dire une société ou il y a des lois>>. Et le rôle premier de l’autorité est d’amener les citoyens à adhérer à ces règles et codes de conduite. Et c’est à l’aune de cette adhésion que se mesure la force, voire la viabilité même de cet Etat.
La nature de la de dévolution de pouvoir chez nous; succession de coups d’Etat et même de ré-coups d’Etat dans le cas d’espèce fait du président de la république une sorte de primat au-dessus des autres institutions de la république. C’est cette supposée primauté qui en fait le dépositaire de tous les pouvoirs jusqu’a se confondre à l’Etat. Pouvoir de faire emprisonner les militants anti-esclavagistes, pouvoir de refuser la reconnaissance du parti FPC sans arguments fondés, pouvoir de faire arrêter le colonel O.Beibakar pour avoir osé parle des sujets qui fâchent. Quid d’un match de foot? Qui peut le plus ne peut il pas le moins ? Comme se serait écrié Louis XIV il y a 200 ans, notre cher président pense certainement au plus profond de lui:<< l'Etat, c'est moi>>.
La lutte continue.
Abou Hamidou Sy
FPC/Amerique du Nord
Le marché politique des crispations identitaires (1)
Maître Taleb Khyar Ould Mohamed Maouloud – Les artisans de l’indépendance mauritanienne ne s’accordent, ni sur l’identité de ce territoire nouvellement émancipé, ni sur son appellation. Pour certains, la relation de la Mauritanie avec le panafricanisme est fondatrice ; ce caractère doit être nettement perceptible à travers l’appellation recherchée.
Pour d’autres, la vocation existentielle de la Mauritanie est de servir de tête de pont du panarabisme en Afrique de l’Ouest ; ceux-là veulent de la même manière et avec le même engagement, traduire cette aspiration à travers une appellation suggérant un tel dessein.
On le voit ; les prismes idéologiques, à travers lesquels les pionniers de l’indépendance se représentaient l’identité de la Mauritanie, étaient donc antinomiques, porteurs de germes conflictuels.
L’histoire officielle nous enseigne qu’un consensus fût trouvé ; d’un commun accord, les protagonistes auraient retenu l’appellation « République Islamique de Mauritanie », le référent religieux ayant été présenté comme fédérateur, à l’opposé et au contraire de l’argument idéologique.
Avec le recul, on peut affirmer que ce consensus était provoqué par des artifices argumentaires, plus qu’il ne l’était par une dynamique unitaire. Son contenu réel sera très vite dévoilé par l’orientation arabophone de la politique de l’éducation, exposant à l’exclusion du système éducatif, tous les négro-mauritaniens dont les langues seront bannies à tout jamais des programmes scolaires.
Aux velléités de résistance à l’acculturation, pressentie dans les nouveaux programmes éducatifs, et que les négro-mauritaniens exprimèrent en mil neuf cent soixante six (1966) dans le « Manifeste des 19 », on opposât une répression d’une violence sans précédent dans l’histoire des états nouvellement indépendants.
L’exclusion des négro-mauritaniens va se poursuivre, avec l’enterrement définitif de cet espace du vivre ensemble qu’est l’école, qui de facto, avait cessé de jouer cette fonction depuis bien longtemps, sauf que cette fois-ci, la ségrégation y sera institutionnalisée ; les élèves sont séparés en deux communautés, celles qui ont en partage la langue « hassania », considérées d’office comme arabophones, dont les enseignements seront dispensés en arabe ; les communautés négro-mauritaniennes dont le « hassania » n’est pas la langue maternelle, indexées de francophones et dont les enseignements seront d’autorité dispensés en français ; pour cette partie de la population, ce sera le début d’une véritable ghettoïsation culturelle.
A la fin des années quatre-vingt, les toucouleurs, considérés comme la communauté négro-mauritanienne la plus rebelle au processus d’assimilation culturelle, seront victimes d’un véritable nettoyage ethnique, avant de faire l’objet d’une déportation aveugle, suivie d’une appropriation massive et sauvage de leurs terres sur la vallée, par les entrepreneurs politiques de violence.
Les auteurs de ces barbaries seront rapidement amnistiés par une loi scélérate, perçue par la communauté juridique, comme une prime au génocide. Les leaders historiques de la Mauritanie ont pensé la culture comme un instrument de conquête et de confiscation du pouvoir.
Cette appropriation de la légitimité par la culture, s’est fortement incrustée, de façon indifférente, dans les mœurs politiques de ce pays, affectant de manière structurelle sa cohésion sociale et constituant une menace permanente à sa stabilité.
L’empire des Indes sous domination britannique, va abriter dès 1906, la mise en place d’un marché politique à la faveur duquel , va naître le parti de la ligue musulmane dont les penchants séparatistes vont s’affirmer très vite, face au parti du congrès qui exerce le pouvoir , parti majoritaire à connotation hindouiste , dont l’essentiel des revendications est axé autour du départ de l’occupant, autour d’une logique indépendantiste.
Le clivage entre ces deux visions atteindra son paroxysme, quand le parti du congrès décidât en 1937, de faire voter musulmans minoritaires et Indous majoritaires dans des collèges électoraux séparés ; les musulmans se sentiront à jamais confinés dans leur statut de minorité.
Encouragé en cela par l’occupant britannique, le parti de la ligue musulmane va alors faire de la théorie des deux nations, son principal argument politique. Ce concept est à l’origine de la création du Pakistan, en 1947, suite à la partition des Indes, qui avec plus de dix millions de déplacés, est considérée par les observateurs, comme l’un des exemples les plus dramatiques de toute l’histoire des constructions identitaires.
Le Pakistan, dont l’appellation signifie en langue ourdou « pays des purs », va peu après sa création, se trouver confronté à son tour à la théorie des deux nations, soulevée cette fois-ci par la ligue Awani constituée de Benghalis qui ne tardent pas à faire sécession. Le Bengladesh voit le jour après un conflit sanglant.
La sécession du Bengladesh est vécue comme un prélude à l’éclatement du Pakistan. La solution imaginée par les dirigeants pakistanais pour prévenir une telle éventualité, sera de recourir à la surenchère islamiste ; le Pakistan va alors devenir « République Islamique du Pakistan » et son tout nouveau premier ministre, Zulfikar Ali Butho, ne tarde pas à modifier la constitution en y introduisant un amendement , repris dans son article 260, qualifiant d’apostats les « Ahmadis », exposant de la sorte ces chiites de confession qui représentent plus de 20% de la population pakistanaise, à la pire des persécutions , contre laquelle ils ne manquent pas de réagir par des actes tout aussi violents, au sein d’un Etat effondré « failed state », fragilisé sur le plan institutionnel et qui, dépossédé de toute capacité médiatrice du jeu social, n’a plus les moyens d’assurer la sécurité de ses sujets ; un pays où très vite, l’absence de référent étatique sera remplacée par la montée de référents identitaires, particularistes.
Aujourd’hui, le Pakistan n’est plus qu’une poudrière où sunnites et chiites, soutenus respectivement par l’Arabie Saoudite et l’Iran, s’affrontent à coup d’attentats ciblés et de crimes de masse.
Au Rwanda, Le Hutu Habyarimana, sentant dans les années quatre vingt dix son autorité s’effriter, va, dans une démarche populiste, faire de la thèse du complot un argument politique ; si l’Etat rwandais est menacé, c’est parce que les tutsis complotent pour sa perte et pour la vôtre, vous les hutus ; d’où cet appel terrible de la radio dite « radio des mille collines » pour médiatiser et planifier le génocide des tutsis.
D’avril à juillet mil neuf cent quatre vingt quatorze (1994), des rwandais vont assassiner d’autres rwandais dans une hystérie meurtrière ininterrompue, d’une atrocité abominable, monstrueuse, à coups de machettes, de houes, de haches, de gourdins cloutés……………
Des enfants furent tués dans leurs écoles par ceux-là mêmes qui étaient chargés de leur éducation, des blessés achevés jusques et y compris, dans les hôpitaux…….Plus les victimes vous étaient proches et plus il fallait afficher à leur égard une grande atrocité pour ne pas s’exposer aux représailles envisagées à l’encontre de ceux qui refusaient de faire le « travail ». Au-delà d’un million de morts en une centaine de jours !
En République Démocratique du Congo, on compte environ une quarantaine de groupes armés, à connotation ethnique, pour la plupart, et dont les affrontements, ont fait depuis les indépendances à nos jours, plus de six millions de morts.
Aujourd’hui, ce pays qui regorge de richesses et de compétences est devenu le théâtre permanent de règlements de comptes tribaux, débouchant sur des conflits sanglants prenant des formes variées ; politiques, économiques, foncières, et dont les conséquences effroyables sur les populations civiles sont d’une actualité poignante ; esclavage sexuel, recrutement d’enfants soldats, kidnapping, expropriations, déplacements, exil…….
On notera la saignée du Liban dont la pluriconfessionnalité, naguère encensée, ne sera d’aucun secours aux centaines de milliers de victimes de conflits intercommunautaires à caractère religieux ; les atrocités, toutes à caractère identitaire, que les populations civiles vivent au Soudan du Sud, en Centrafrique , à bien des égards en Côte d’Ivoire, et dans une moindre mesure, mais de manière inquiétante, en Guinée ; le cas du Burundi qui, en violation des accords d’Arusha, renoue avec les vieux démons de l’ethnicisme , à telle enseigne que la communauté internationale alarmée par ce qui ressemble de plus en plus à des assassinats ciblés, a saisi le conseil de sécurité, dans une démarche préventive pour éviter qu’une hystérie identitaire ne s’empare à nouveau de ce pays, aujourd’hui au bord de la guerre civile ; la Birmanie, où les rohingyas, parce que de confession musulmane, sont déchus de la citoyenneté, expropriés de leurs terres, victimes d’une épuration ethnique, dans un pays qui abrite un Nobel devenu subitement silencieux, devant les atrocités que vit une minorité, quoique considérée par l’ONU comme la plus persécutée au monde.
Ceux d’entre les birmans qui se réclament de l’opposition démocratique font valoir que la solution la plus appropriée serait l’expulsion pure et simple de ces musulmans qui refusent de renier leur religion. Confinés dans des camps de relégation, les rohingyas continuent d’être victimes de véritables pogroms à l’instigation de moines bouddhistes fondamentalistes, instrumentalisés par la junte militaire.
C’est le lieu de déplorer l’attitude de la communauté internationale qui s’est laissée prendre au jeu de l’identitarisme en vue du règlement de la crise de l’ex-Yougoslavie en mil neuf cent quatre vingt quinze ( 1995) ; les accords de Dayton, n’étant ni plus ni moins, qu’une instrumentalisation de l’ethnicisme au niveau international.
Ces accords, qui ne font que remodeler les frontières, en fonction du référent ethnique, ont cependant fait jurisprudence comme mode privilégié de règlement des conflits intercommunautaires, au détriment de l’intangibilité des tracés frontaliers hérités du découpage colonial.
La partition du Soudan en est une illustration, celle de l’Irak bien que non achevée une ébauche, et n’eût été l’intervention de la France au Mali , dans un combat d’avant-garde en totale rupture avec la grammaire de Dayton, l’intégrité territoriale de ce beau pays, par sa richesse culturelle et sa mixité sociale, aurait tout simplement volé en éclats.
Il faut croire hélas, que le Yemen et le Soudan du Sud, demeurent éligibles à la solution du morcellement, ainsi qu’à terme, le Nigéria qui vit un processus identique à celui qui a débouché sur la partition de l’Inde et la naissance du Pakistan.
Avec un Sud chrétien et riche, un nord musulman et pauvre, et en arrière- plan la montée de fondamentalismes religieux aussi biens islamiques que chrétiens (Wahhabisme au nord, évangélisme au sud), la crise que connaît le Nigéria, conduira de façon inéluctable à la naissance d’un Pakistan noir au nord, dont les conséquences déstabilisatrices, affecteront toute l’Afrique de l’ouest, considérée déjà comme une zone potentielle de conflits pour le futur.
Afin d’éviter à ces pays et à d’autres, le plongeon vers l’inconnu, on ne peut que souhaiter voir la conception fondée sur l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation, retrouver son lustre d’antan, au détriment de la thématique géo-ethnique des accords de Dayton.
Il faut espérer que l’union Européenne qui a brillé par son absence, lors du règlement de la crise de l’ex-Yougoslavie, renoue avec la place qui devrait être la sienne, pour peser de tout son poids et participer avec détermination à l’émergence d’une gouvernance mondiale, moins portée vers l’ethnicisation des relations internationales.
Plusieurs facteurs militent pour une alternative à l’approche de Dayton, dont le plus pertinent réside dans la mutation de la politique étrangère des Etats-Unis qui , sous les effets croisés de la multipolarité des conflits, d’un déficit budgétaire chronique et béant, ont renoncé au contrôle de la géopolitique planétaire, et militent avec l’engagement qu’on leur connaît, pour une nouvelle vision des relations internationales, moins tourmentée , plus apaisée, privilégiant la persuasion au détriment de la coercition.
Contrairement à une idée largement répandue, l’identitarisme, loin d’être inné, est un construit social. On ne naît pas identitariste, on le devient. La négation de l’autre est un comportement qu’on acquiert, qu’on vous fait acquérir en vous désignant l’autre comme une entrave au mieux –être auquel vous aspirez, une menace à votre vie, vos biens, votre culture, votre être.
La crise identitaire existe parce qu’il y a des acteurs qui la construisent, des entrepreneurs de violence qui font fortune en exacerbant les particularismes, en gommant les espaces classiques d’intégration, dont le plus important est l’école républicaine ; en excluant des programmes scolaires les activités qui favorisent le vivre-ensemble : sport, scoutisme, colonies de vacances, théâtre ; en instituant un enseignement suprémaciste, faisant l’apologie de la supériorité d’une culture, d’une race , d’une langue sur les autres ; en confisquant les libertés individuelles et collectives, au nom d’arguments populistes dont le recours aux surenchères , religieuse, ethnique, linguistique, régionaliste.
Pour usurper un fauteuil, extorquer une voix, confisquer une fonction, les entrepreneurs politiques de violence n’hésiteront pas à désigner l’autre à la haine publique, le contraindre à l’exil, l’envoyer à la potence.
Ils ont réussi le pari machiavélique de hisser l’identitarisme au niveau de pathologie majeure de la mondialisation, au même titre que les terrorismes ambiants, d’ordre politique, criminel , religieux; au même titre que la socialisation de la guerre ; la prolétarisation galopante des états ; le développement irrésistible de la criminalité transfrontalière et de son versant cybernétique ; la prolifération de trafics en tous genres : armes, stupéfiants, personnes, organes humains, médicaments.
Plus un coin ou recoin habités de cette planète terre où la fièvre identitaire ne fasse des ravages ; des contrées les plus hostiles aux agglomérations les plus attrayantes, des sociétés les plus policées aux démocraties les plus abouties ; chaque pays a ses ouigours, ses rohingyas, ses zones tribales, ses banlieues, ses camps, ses chiites, ses sunnites, ses yazidis, ses coptes, ses kurdes, ses beurs, ses black, ses touaregs, ses musulmans, ses chrétiens, ses haoussas, ses hutus, ses tutsis, ses pygmées, ses albinos, ses métis…..
A cause de ses implications cognitives, le discours identitaire a toujours exercé, depuis la profondeur des siècles, une puissante attraction sur les foules et disposé à leur égard d’une capacité mobilisatrice insoupçonnée. Il n’y a donc rien d’étonnant à voir les leaders d’opinion, politiques ou religieux, succomber à la tentation de faire de l’identitarisme, une variable pivot dans leur quête de légitimité.
Ceux-ci, doivent toutefois intégrer une variable nouvelle ; celle d’une mondialisation mal maîtrisée, à l’ombre de laquelle, l’instrumentalisation des crispations identitaires est devenue une menace stratégique à l’existence même des états.
Maître Taleb Khyar Ould Mohamed Mouloud
Avocat à la Cour
Ancien membre du Conseil de l’Ordre National des Avocats
Source: cridem
Face à l’occupation coloniale : Peut-on parler de résistance ? Par le colonel (E/R) Oumar Ould Beibecar
Il convient d’apprécier à sa juste valeur, la « résistance » célébrée et immortalisée depuis le cinquantenaire, pour éviter un amalgame contreproductif. Il s’agit d’une résistance féodale armée, contre la pénétration française, organisée et dirigée essentiellement par les émirats arabo-berbères et négro-mauritaniens, laïcs et sanguinaires, dont certains sont alliés à des ambitieuses confréries religieuses soufistes belliqueuses, qui avait pour but essentiellement de préserver un ordre établi, qui leur profitait depuis le dix-huitième siècle.
Cet ordre établi caractérisé par la violence, la terreur, l’arbitraire et le recul des valeurs islamiques, est composé des entités fondées sur la raison du plus fort. Ces entités ou Emirats vivaient essentiellement du commerce de la gomme, du sel et surtout d’esclaves musulmans razziés parmi les populations noires riveraines, et du pillage systématique des plus faibles, avant d’être, heureusement, battues, pacifiées et soumises à la « colonisation » française, beaucoup plus clémente.
Avec ou sans la présence des français ces tribus guerrières n’avaient qu’une seule raison d’être : Razzier. « Razzier est un sport lucratif, pour des gens pauvres, une occupation noble pour ceux qui s’ennuient, une œuvre pie… La paix a tué la richesse des guerriers.
L’ère des rezzous, des belles randonnées lucratives, est passée, le guerrier a perdu, avec son but de vie et sa raison d’être, sa fortune en animaux et en captifs, car seulement dans la guerre il pouvait la renouveler», disait le général TRANCART, ancien commandant du Groupement Nomade d’Idjil 1937-39.
La résistance armée des émirs, des almamys et des chefs des confréries, suicidaire à cause du rapport de forces qui lui est très défavorable, engagée dans une guerre asymétrique motivée par un intérêt essentiellement féodal et égoïste, n’a aucun lien de cause à effet avec notre indépendance, qui a été octroyée par la France ce lundi 28 novembre 1960, malgré l’opposition de cette même féodalité, majoritairement favorable au maintien du statu quo colonial dont elle profitait aussi, et ne doit pas être célébrée concomitamment avec cette journée historique.
Vérité en deçà des Pyrénées….
Cette « résistance » timide et désorganisée, avait certes réalisé quelques succès, au cours d’escarmouches sporadiques, échelonnées sur une trentaine d’années. Elle fait incontestablement partie intégrante de notre histoire, ses combattants farouches et téméraires, appartiennent pour la plupart à nos grandes tribus, leur épopée a été chantée et immortalisée par des griots et des poètes terrorisés et soumis à leur autorité.
Mais leur combat n’était pas indépendantiste et n’avait pas pour objectif de libérer notre patrie, la Mauritanie, qui n’était pas encore née. Ce combat n’était pas non plus jihadiste, surtout en ce qui concerne le gros des troupes, fournies par les tribus guerrières arabo-berbères et négro-mauritaniennes, qui n’étaient pas particulièrement préoccupées par les choses de l’au-delà.
Cependant on peut trouver à ces « résistants », une date à leur convenance, qui leur permettra de célébrer discrètement et localement leur résistance, dans sa vraie dimension.
Les Emirats de l’Adrar, du Tagant, du Trarza, du Brakna du Walo, du Fouta, du Tekrour, du Macina ou toute autre entité ou tribu qui a combattu la « colonisation française », peuvent célébrer leur résistance chez eux ou sur les champs de bataille et à leurs frais, et ériger des musées régionaux pour immortaliser leurs héros ainsi que leurs batailles fratricides avec leurs voisins.
Cependant cette célébration ne doit ni correspondre avec l’anniversaire de notre indépendance, ni être encouragée par la République. Nos historiens doivent avoir le courage et la détermination d’écrire notre histoire, objectivement avec toutes ses contradictions, et d’élucider le dilemme de cette résistance vaincue qui veut se faire passer pour une résistance nationale victorieuse qui nous a libérés du colonialisme et provoqué notre indépendance, en dénaturant notre histoire. Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà.
Pour mieux comprendre ce dilemme, prenons deux exemples des plus décisifs dont se vante régulièrement cette résistance féodale [oB1] [oB2] [oB3] : Le coup de main de Tidjigja et l’embuscade d’Oum Tounsi. Le coup de main de Tidjigja qui a abouti à l’assassinat de Coppolani est un acte isolé, motivée par une illumination.
En effet Sidi Sghir ould Moulaye Zeine moqadem de Cheikh Elghazwany, arrière-grand-père du général de division, lui-même moqadem de mon cousin, le grand Cheikh du Hodh, Cheikh Mohamed Laghdhav ould Hmallah Ejaaveri, avait dit, quelques jours avant son acte, devant l’émir de l’Adrar et sa djamaa, à chinghitty, qu’il avait fait un grand rêve.
Que dans ce rêve, son cheikh lui avait révélé qu’à l’occasion de sa ziara dans le Hodh cette année (quête annuelle pour sa zaouiya) que Coppolani mourrait de sa main, et que lui aussi mourrait le même jour en martyr.
Pour l’accomplissement de son illumination, il recruta 27 guerriers de la tribu des Tenaki pour l’accompagner dans sa ziara. Ils quittèrent Chinghitty en passant par Zarga, Timinit, Ain Essavra et accèdent au Tagant. Arrivés à Ghilinsi au nord de Tidjikja, ils laissent six hommes pour garder les chameaux volés qu’ils avaient montés depuis Zarga.
A trente kilomètres au nord de Tidjikja, deux hommes seront affectés pour garder les moutons raflés en cours de route dont un important troupeau enlevé à la tribu Tejekanet non loin de Tidjigja. Traditionnellement les Ehl Tenaki, comme tous les grands guerriers, profitent de leurs randonnées, pour piller les gens sans défense rencontrés sur leur passage pour faire du butin.
Sur leur trajet, ils avaient rencontré un parent à eux nommé Sidi Ould Boubeit, un évadé du camp, qui était placé en liberté surveillée par Coppolani. C’est celui-ci qui sera le cerveau de l’assassinat du fondateur de la Mauritanie. Car c’est lui qui avait donné au chérif tous les renseignements nécessaires pour réaliser son rêve.
Il lui avait donné avec précision la situation du dispositif de sécurité intérieur et extérieur de la caserne , les effectifs et le nombre de postes de jour comme de nuit, le modèle de l’armement utilisé ainsi que le positionnement des unités et la répartition des missions.
Il lui avait précisé l’itinéraire le plus sécurisé pour accéder au camp et fixé le moment idéal et l’endroit le plus favorable pour donner l’assaut avec la position exacte de Coppolani.
En effet, Sidi Ould Boubeit, qui avait refusé de servir de guide au chérif, lui avait préconisé d’utiliser la palmeraie pour se camoufler, dès le crépuscule, et d’accéder au camp côté nord par la porte principale, car c’est là où se trouve le domicile du pacificateur, et d’attendre tranquillement jusqu’à la fin de la prière du Ichaa.
Comme il fera un très beau clair de lune ce soir-là, vous verrez –lui disait-il- les deux chefs de Tidjigja traverser la batha pour apporter du lait à Coppolani et converser avec lui pendant quelque temps. C’est à ce moment précis que vous pouvez profiter de la distraction de la sentinelle qui va prendre le lait et appeler le cuisinier pour le lui remettre, pour donner l’assaut.
Après avoir traversé le poste de garde, vous accèderez immédiatement à la grande cour et à quelques dizaines de métres, à telle direction, vous allez voir un jeune nasrani habillé en djellabia blanche assis seul sur son lit, en attendant les deux chefs, c’est lui Coppolani.
Le chérif et sa troupe avaient respecté scrupuleusement les consignes d’Ould Boubeit. C’est seulement avant de donner l’assaut que Sidi Sghir Ould Moulay Zeine avait révélé à ses compagnons l’objectif de sa mission, il leur avait dit en substance : « Nous sommes venus ici pour tuer coppolani, ce mécréant, il se trouve dans ce camp. Je vous rendrais invisibles aux yeux de ces mécréants pour accomplir notre mission.
A la fin du combat si l’un de vous aurait un problème quelconque qu’il s’adresse à mon beau-frère, Mohamed El Mokhtar Ould Hamed chef Général des Kountas qui se trouve à Rachid, il le protégera. Un groupe va m’accompagner, les autres vont se mettre en retrait et donneront l’assaut lorsqu’ils m’entendront dire ALLAHOU AKBAR ».
Qui atué Coppolani ?
Puis le cherif se posta avec son équipage non loin du portail principal en attendant le déclenchement de l’opération. Après 21h, les deux chefs traversèrent la batha sous le clair de lune et se dirigèrent comme prévu vers le poste principal, et au moment où la sentinelle se détourne de sa consigne de surveillance, en appelant le cuisinier pour prendre le lait, le chérif fonce avec son groupe, force la rentrée principale et rentre dans la cour. Le poste de garde riposta tardivement.
Lorsque Coppolani entend les coups de feu, il appela son cuisinier : « Diallo apporte-moi moi mon revolver ! » avant de se précipiter pour rentrer dans sa résidence à la recherche de son arme.
Il est aussitôt repéré par Sidi Sghir qui l’a bien identifié, grâce aux renseignements précis donnés par Ould Boubeit. Le chérif en profite pour crier ALLAHOU AKBAR – donnant ainsi le feu vert à ses combattants – le poursuivit et le tira à bout portant d’une balle dans le dos devant la porte de sa chambre, avant de se débarrasser de son fusil qui n’était armé que d’une seule munition traditionnelle, et de mettre son sabre au clair. C’est son cheikh qui lui aurait remis ce sabre pour tuer Coppolani.
Blessé mortellement, le pacificateur disparait dans sa chambre et s’écroule à plat ventre. En entendant ALLAHOU AKBAR, les autres assaillants escaladèrent le mur et foncèrent eux aussi aux cris d’ALLAHOU AKBAR, vers la résidence, sans aucun souci de protection, persuadés qu’ils étaient invisibles, et commencèrent à tirer dans tous les sens.
L’un de leurs tirs avait touché Coppolani toujours souffrant dans sa chambre. Selon le capitaine Frèrejean, c’est ce deuxième coup qui aurait achevé Coppolani, ce qui laisse penser que le chérif n’était pas le véritable tueur. Officiellement et dans les procès-verbaux établis pour la circonstance, c’est bien Sidi Sghir qui est l’assassin de Xavier.
Le lieutenant Etiévent, qui était de faction cette nuit-là, reprit l’offensive et au moment de rentrer dans la résidence du fondateur de la Mauritanie, il est assommé d’un coup de sabre sur le crâne par le chérif. « D’un coup de revolver, Etiévent abat son agresseur. Il l’achève d’un second coup. Puis, de son propre sabre, il le cloue au sol. Ses hommes refoulent les maures».
Le combat a duré cinq minutes, de 21h25mn à 21h30mn, Coppolani est mort 30mn après sa blessure vers 22h55mn le vendredi 12 mai 1905. Avant de mourir il avait dit avec sa voix habituelle : « Ces misérables m’ont tué, ils ne me méritent pas».
A l’issue du coup de main, les assaillants ont perdu 8 hommes sur 20, dont le chef du commando et quatre de ses hommes morts sur place, deux morts de leurs blessures entre Tidjigja et l’Adrar et un prisonnier, le téméraire Ahmed Ould Bah Ould Ameira, mortellement blessé qui avait été jugé sommairement, avant d’être exécuté par pendaison.
Les douze survivants de cette opération sont rentrés en Adrar et comme tous les guerriers en pareilles circonstances, chacun a sa version de l’événement dont il est le héros principal. Les pacificateurs ont eu 5 morts dont le fondateur de la Mauritanie et quatre tirailleurs, 11 blessés dont un lieutenant français.
Comment peut-on considérer ce coup de main, ordonné par télépathie par un cheikh soufiste, planifié par un intrus, et exécuté par un moqadem téléguidé à travers un songe, comme étant une action exceptionnelle de résistance nationale ? Qui a vraiment tué Coppolani ? Est-ce Cheikh Elghazwany, le chef d’état-major virtuel de la résistance, qui avait donné la mission et fixé son objectif ?
Ou bien Sidi Ould Boubeit chef du bureau opérationnel de cette résistance qui avait méthodiquement planifié ce meurtre en livrant le fondateur à son assassin ? Ou bien Sidi Sghir Ould Moulay Zeine commandant le 1er Escadron des forces spéciales de la résistance qui a exécuté ce crime ? Ou bien l’auteur du deuxième tir qui l’aurait achevé ?
Est-ce que l’action suicidaire de ce commando, qui savait bien que Coppolani était gardé par plus de 500 soldats tirailleurs et algériens armés jusqu’aux dents, et dont le chef était persuadé qu’il allait mourir dans cette opération, était conforme aux préceptes de l’Islam ? Est-ce que un djihadiste sunnite a le droit de mettre en péril la vie d’autres musulmans sur la base d’un songe ?
L’assassinat de Coppolani est certes un acte téméraire et spectaculaire, mais il n’a ni affaibli, ni mis fin à la « colonisation ». Au contraire il l’a endurcie, et le Colonel Gouraud était dans l’obligation d’utiliser la force militaire pour pacifier le Tagant et l’Adrar avec pour conséquences des centaines de morts parmi nos valeureux guerriers dans les deux camps.
Et les français avaient continué la pacification jusqu’en 1958, dernier combat contre les Rgueybatt à la fin de l’opération Ecouvillon, deux ans seulement avant l’indépendance, provoquant, inutilement, beaucoup de victimes. Alors que le pacificateur voulait faire bénéficier notre chère Mauritanie des bienfaits de la paix française, sans effusion de sang.
Les répercussions désastreuses pour la Mauritanie et pour les mauritaniens, du coup de main de Tidjigja, sont comparables aux conséquences dramatiques pour les musulmans et pour les arabes de la folie du 11 septembre 2001.
Cette folie spectaculaire a provoqué la mort des centaines de milliers d’innocents, détruit et déstabilisé systématiquement des pays leaders comme l’Irak, la Syrie la Libye et le Yémen. Et ça continue. Qu’Allah protège les musulmans.
A suivre.
le calame
FLAMNET-AGORA: Vous avez dit “Revitalisation du Patrimoine des valeurs” , monsieur le Premier Ministre? Par Samba Thiam président des FPC
Ould Hademine prêche avec conviction, nous semble -t-il , pour ‘’la restauration des valeurs, nationales devant reposer sur “l’équilibre”, pour le renforcement de ” l’identité culturelle nationale”, pour la reconnaissance des différences , le respect de l’autre ; il parle de garantir la sincérité, puis souligne les dangers liés aux “identités culturelles des peuples desquels résultent de fortes secousses qui entraînent la désunion ….”. Le Premier Ministre clôt son propos par cette formule habituelle « que Dieu guide nos pas …et assure justice et équité ».
D’abord rélevons qu’au lieu de se résoudre à s’attaquer, par lui-même, à l’instauration de la justice et de l’équité, Monsieur Hademine le demande à Dieu…
L’on ne peut, par ailleurs , ne pas faire remarquer que la logique du Premier Ministre ne semble apparemment pas génée par le paradoxe : en effet, comment ‘’ garantir la sincerité ‘’ si tant est qu’on peut la garantir-, face à l’hypocrisie ambiante, généralisée de notre société ?
Comment parler de justice quand tout nouveau promu à un poste s’empresse d’embaucher sa parentèle et uniquement sa parentèle, et que nos conseils de ministres nous offrent les mêmes spectacles tous les jours ?
Comment parler de respect de la culture de l’autre face à l’hégémonie imposée de sa propre culture qui, seule, s’exprime?
Comment “admettre nos différences” devant la volonté manifeste d’assimilation de l’autre ?
Comment prôner la tolérance quand l’expression de toute différence est étouffée ?
Comment créer un Etat moderne en s’appuyant sur des Ulemas et des juristes aux croyances et traditions moyenâgeuses ?
Visiblement, le Premier ministre enjambe, allégrement, ces paradoxes …
Non, le changement ne se fera pas comme ça. C’est pourquoi il est à craindre que l’ambitieux projet de Mint Ainïna qui, je crois , veut ou souhaite que ” chacun soit fier de sa langue et de sa culture, sans dénigrer ni mépriser personne” demeure juste un discours, malgré toute sa bonne volonté; car le changement ne s’obtiendra pas en vase clos. Il va résulter d’un vaste mouvement d’ensemble, au travers de réformes ambitieuses et hardies.
Le Président Ould Abdel Aziz semble manquer de vision, manifestement; sa méthode pèche, par déformation professionnelle du soldat, habitué aux ordres, habitué à faire du forcing , tête baissée !
Et puis par-dessus ces considérations évoquées, il y a les socles qui demeurent l’obstacle majeur : rien ne se fera, le changement y compris, dans un environnement où règnent la culture de l’impunité dans toutes ses formes, le désordre généralisé, l’absence de contrôle à tous les niveaux, l’absence de réelle liberté, la violation, enfin, de la loi par ceux-là mêmes censés l’appliquer et la faire respecter; loi soumise ou réduite à la seule volonté du chef, fonction de ses humeurs du moment, appliquées à la tête du client …
Discours d’un Premier ministre, discours non dénué de profondeur et de solennité …
Traduit –il une ère nouvelle ? une volonté réelle de changement d’esprit et de pratiques , ou constitue-t-il, plutôt, une somme de petits mots glissés à la “Awlad Deyman” ?
L’avenir nous dira…
Je termine par cette phrase amusante du journaliste commentateur du texte qui dit tout : « symboles à rejeter, entre autres, la falsification des marchandises importées ou produites localement, les détournements … la mendicité » …
Pour ma part je demanderais, qu’à défaut de pouvoir éradiquer la mendicité dùe à l’étendue de la pauvreté actuellement constatée, on pourrait , tout au moins, nous débarrasser des mendiants au beau milieu de la chaussée !
La lutte continue!
Samba Thiam
Président des FPC.