Les Forces Progressistes du Changement (FPC) Mauritanie

Rapport de la Commission nationale des droits de l’homme ( CNDH) 2019-2020, quelle lecture ? Par Samba Thiam président des FPC.

J’ai lu, attentivement, le rapport annuel de la CNDH , qui touche à beaucoup de  volets…

Ce rapport procède à l’évaluation  de l’état des lieux , pose un diagnostic sommaire ici et là , souligne l’assistance apportée, ou l’action et les tentatives menées pour dénouer le  contentieux avec, parfois,  plus ou moins de bonheur, pour conclure, enfin,  sur des recommandations réfléchies , judicieuses et pertinentes . 

Il pèche toutefois par endroits, malgré tout … 

Ainsi, le récit portant sur l’action du gouvernement concernant le volet ‘’Passif humanitaire est présenté

 ‘’ comme une continuité, linéaire de l’Administration’’, de SIDI Ould Cheikh Abdallahi à Ghazouani en passant par Abdel Aziz. Ce n’est pas tout à fait le cas . Il y a eu plutôt rupture … SIDIOCA a impulsé le mouvement pour la résolution du problème (déportations , éxécutions extrajudiciaires etc ) ; ce qui fut, du reste, la raison fondamentale de son éviction du pouvoir par Aziz et ses lobbies, farouchement opposés et hostiles à l’initiative ! Sidi nourrissait l’ambition d’une Mauritanie reconciliée, riche de sa diversité ,  alors que Abdel Aziz voulait d’un Pays exclusivement arabe, aux mains d’une seule composante nationale ! 

Aziz, par ailleurs, rasa les tombes d’Inal pour empêcher tout pélérinage; en surface , il clama  l’Unité Nationale qu’il cherchait , en vérité, à détruire …Bref ,il y a rupture  et non continuité dans l’action de l’Administration dans ce dossier… Par ailleurs ,  beaucoup de déportés avec leurs enfants rentrés  peinent toujours à se faire enrôler; Près  d’un  millier de dossiers régularisés  dans la vallée du fleuve par la Commission nationale dirigée par Thiam Diombar restent toujours pendants,  parce que la Tutelle à Nouakchott ( Direction des registres et titres sécurisés ) bloque la  validation , au prétexte que ces mauritaniens – trop nombreux- seraient  des  sénégalais ! Sans compter ces dizaines de milliers de ruraux qui,  épuisés par les démarches,  ce sont résignés .. Et sur tous ces cas le Rapport ne dit rien ou fait profil bas, préférant  renvoyer dos à dos les versions de la Direction des Titres  et les interéssés !!!

Il s’y ajoute,  qu’aucune enquête sérieuse n’est menée jusqu’ici sur les crimes commis dans l’Armée  et dans la vallée du fleuve…Prétendre alors, dans ces conditions, qu’il y a progrès sur ce dossier du ‘’Passif’’  c’est tout simplement forcer le trait…

 Si le rapport  évoque, il est vrai,  les difficultés réelles des populations en général à se faire recenser, il se garde bien de trancher sur le caractère discriminatoire de cet enrôlement qui frappe essentiellement  les populations négro-africaines et haratines, renvoyant dos à dos les protagonistes c’est-à-dire plaignants et Administration. Il passe également sous silence le caractère quasiment monoethnique des commissions techniques et de supervision chargées de l’Etat civil . Des commissions monoethniques chargées de recenser et d’enrôler une population pluri-ethnique !!!  Dans la même veine,  ce Rapport n’évoque les discriminations ethniques et raciales qu’en filigrane , sous un seul angle : la portion congrue  des langues négro-africaines  dans les médias publics et privés, comme si elles s’y réduisaient.  Il reste muet sur toutes ces discriminations que l’on retrouve à l’Ecole , dans l’Administration , dans la Justice , dans l’Economie, au sein des forces armées et de Sécurité,dans les examens et Concours ! l’Alphabétisation officielle des populations est pratiquée, certes,  mais pratiquée seulement en arabe , au mépris des autres langues et cultures nationales ; cela le rapport ne le précise  pas… Sur les manifestations post-électorales de la présidentielle dernière, là aussi  il y a redire  sur ce rapport …

La formulation des auteurs du rapport qui parle  ’’de violences post-électorales ’’ sans dire d’où elles viennent  prète à  confusion, pour ne pas dire est carrément  tendancieuse; car c’est bien le général Abdel Aziz qui fut l’auteur et l’acteur des violences ,non  pas les manifestants pacifiques de la CVE !  Cela méritait d’être souligné à mon sens …Ces Jeunes manifestants furent arrêtés, bastonnés, amassés dans des cellules étroites, privés d’eau et de nourriture, des jours durant !

Pour mon cas ,-arrêté chez moi nuitamment –  il n’aurait peut-être pas  été superflu  de préciser dans quelle condition cette  arrestation s’opéra : les policiers firent le mur…

On observe que  la CNDH rapporte généralement dans ce rapport  tout juste la version des victimes, l’opposant à celle de  l’Administration …sans  émettre aucune appréciation ou  opinion …Il expose les cas et les versions des victimes  sans plus ;  sans plaider  le dossier, comme pour afficher une neutralité qu’on ne peut ne pas questionner en pareil cas, me semble-t-il …

Autre remarque, il m’a semblé que ce Rapport  insiste bien plus  sur la question de l’esclavage que sur toutes  les autres questions, pourtant centrales de coexistence . 

Cela dit, au regard  des  efforts notables fournis allant dans le sens de la  distanciation vis-à-vis du  Pouvoir, quelque soient les  insuffisances relevées ici et là, en toute objectivité, on ne saurait ne pas reconnaître  que ce Rapport tranche nettement avec les  pratiques traditionnelles précédentes, observées jusques-là, connues pour leur approche  laudative …Du reste , un des facteurs essentiel de résistance au Droit – à la décharge de la Commission – qui bloque tout, gangrenne l’Etat et ses démembrements, est cette mentalité  rétive à l’esprit des lois … à l’idée  même de loi !

A tout peser,  dirons-nous en conclusion,  il y a progrès, malgré toutes ces pesanteurs lourdes et loin de s’estomper…Progrès dans la démarche , dans la posture de la Commission même s’il reste encore beaucoup à faire .

Enfin, je dois avouer que ce rapport m’a appris, personnellement,  pleine de choses sur le Droit, apporté des informations utiles sur bien d’autres aspects,  ouvert les yeux , encore plus , sur le laxisme et les nombreux abus dans le secteur de la Justice – que des partenaires continuent, hélas, de soutenir malgré tout- .

Mai – 11- 2021

Samba Thiam 

Président des FPC

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