Les Forces Progressistes du Changement (FPC) Mauritanie

Sortie de Mohamed ould Maouloud de l’UFP, réplique du président Samba Thiam des FPC.

altAu regard des appartenances respectives affirmées du moment, il revenait, je crois, davantage à d’autres le soin de réagir à la sortie de Maouloud; pour une question de logique et de légitimité me semble-t-il …


Mais avec leur “Histoire” éculée, rabâchée à tout vent, un style et une pensée qui bégaient …je me dois d’assumer ma part historique.

Gémal avait l’habitude de nous souffler que lorsque des Arabo-berbères avaient quelque chose à cacher, ils l’exprimaient en arabe…Que Maouloud, francophone de pure souche, s’exprime en arabe sur ces questions sensibles, laisse songeur, interroge à plus d’un titre.

C’est en écoutant ses audios en circulation, que l’on comprend la promptitude de Mr Lô à voler à la rescousse de son ami, empêtré dans ses concepts ; pour limiter les dégâts … Presque du Gaston la gaffe !

J’avoue avoir été quelque peu surpris par des propos qui tombent comme un cheveu dans la soupe; au regard du timing choisi, du contenu, manifestement, en porte-à-faux avec la ligne prétendument défendue par l’Ufp ces derniers temps, au regard, enfin, de la portée, comme pour déterrer la hâche de guerre, à l’assaut des adversaires politiques d’hier, avec lesquelles une paix des braves, implicite, semblait avoir été actée ! Quel intérêt y avait-il à réveiller les vieux démons ? Que va chercher Maouloud avec ces thèses légères des plus fantaisistes ?

Il faut dire que, dans nos rares moments de tête -à-tête dans le cadre du G8, défunt, j’ai perçu des positions chancelantes sur certains aspects de la question nationale.

Un jour, tentant de me raisonner, il me dit que “poser l’officialisation des langues nationales, c’était quand même trop demander…” Puis suivit ce propos, tenu dans la presse, que “Ould Taya était un homme d’Etat, un nationaliste qui aimait son peuple…”, comme pour narguer la sensibilité des Négro-africains. Ses dernières sorties, dignes d’intérêt à l’hémicycle, dans un passé récent, renforcées par celles régulières de Gourmo- remarquables par leur courage-, m’avaient amené à passer l’éponge ; et fait croire au changement, à une évolution positive réelle au sein de l’Ufp.

Mais avec, de nouveau, cette sortie flip-flop, déconcertante, il ya de quoi être ténaillé par le doute ; on n’est plus vraiment rassuré … tant sur la vérité du changement de ligne prônée, que sur la volonté de construire des passerelles, d’apaiser les relations entre courants, hier, conflictuelles, hostiles.

Mon sentiment étant exprimé, je précise n’avoir ici nullement l’intention d’intervenir sur le fond du propos, mais juste rappeler certaines considérations, éclairer quelques pans de l’histoire, sans esprit polémiste, ni intention de croiser le fer…

1-Les concepts sont crées, dans la vie de tous les jours, me semble-t-il, pour aider à mieux cerner ou démêler l’écheveau de la réalité complexe, la déconstruire pour mieux la comprendre. Nous avions donc, nous aussi, le droit d’en créer…

2-Un concept peut être juste ou erroné, toujours discutable …Que je sache, nous n’avons jamais prétendu détenir la vérité en soi ; ni ici, ni ailleurs. Libre cours donc aux uns et autres d’interpréter, d’adhérer à notre reformulation des choses, à nos terminologies, de les rejeter, mais, bien entendu, en nous opposant des argument sérieux et non pas fantaisistes !

Voilà pour les considérations générales. Maintenant, pour passer aux explications ayant conduit à l’usage de ces termes, disons qu’il nous ont été imposés par la force des choses…

Contraints, dans le cadre de nos campagnes politiques et médiatiques d’explication, nous avons dû, recourir aux concepts, “Négro africains, Négro-mauritaniens”, par pédagogie ; pour mieux éclairer des opinions mal informées, parfois désorientées, sur la réalité socio-politique complexe de la Mauritanie. Le concept de “négro-africains”,-il faut le dire- n’a pas été inventé par nous ; il existe depuis fort longtemps.

Ce que nous avons, toutefois, fait, a été de vulgariser le terme, de lui loger un contenu nouveau, un sens politique ; sans plus. Par contre celui de “négro- mauritanien” a été notre création ; l’usage de néologisme est tout de même admis dans la langue française ! Nous l’avions fait pour des besoins de construction, de description …

Que dans notre démarche se soit glissé un objectif politique, latent ou implicite, ça se peut, mais il n’y eut derrière aucun soubassement à relents ou penchants racistes. Cette grille de lecture n’existe que dans l’esprit, malveillant, de ceux-là qui nous réinterprètent, du fait de tous ces préjugés accumulés sur nous.

Cela dit, convenons, quand même, que pour aborder le champ politico -social mauritanien, on pourrait le faire soit sous l’angle de classes-(approche du mnd)-, soit par l’approche races, ou nations, (voire des deux). Sous l’angle de races, la population, bien évidemment, se diviserait alors forcément, en deux grands groupes, Blancs et Noirs -abstraction faite des quelques métisses -. Nous aurions pu utiliser la terminologie “Noirs de Mauritanie” tout court, ou “Nègres de Mauritanie”, comme on dit “Blancs d’Amérique”. Aurions-nous pour autant échappé à sa critique ?

Dans le choix à faire entre “noir” ou “nègre”, nous avions opté pour le second ; le terme « noir » tout court nous semblait neutre, aseptisé, ne traduisant pas suffisamment, à nos yeux, ce que nous voulions faire passer ; en revanche, celui de “nègre” comporte ou charrie une charge affective de refus, de révolte, dirait Césaire, et traduisait mieux notre ressenti d’opprimés …

Quant au terme “negro-mauritaniens” ce fut un concept, un néologisme, crée par nos soins -je l’ai dit-, pour des besoins de groupement (discutable encore une fois). C’est un ensemble qui va regrouper tous les Noirs, par opposition à tous les Blancs ; angle racial et non pas raciste, la nuance est de taille. Arbitraire, se hâteront d’objecter certains ! Peut-être, mais non moins arbitraire que “hartani-bizaan”! Maouloud, par ailleurs, met en cause, sèchement, le choix du terme “négro-mauritanien”…mais admet, sans se poser la moindre question, l’appelation “El bidhaans-les Blancs”, sans se demander si cette dernière ne traduisait pas une posture, une psychologie raciste, en rapport avec la charge négative que charrie le terme “suudaan”, en milieu arabe ! logique ?

Il se trouva, hélàs, pour revenir à nos moutons, que cet ensemble (tous les noirs mauritaniens) recouvre une réalité complexe, fine, subtile, qu’il était difficile pour un étranger de saisir : deux sous groupes de noirs, mais differents ; tous deux opprimés mais qui se tapaient dessus, incapables de s’unir pour livrer bataille à l’oppresseur, en commun -un Système ! Comment ça se peut ? (tout ceci à reclasser, bien sûr, dans le contexte particulier des années de braise , 1986-90) ? Il était ardu de faire comprendre cette réalité à un esprit rationnaliste, de surcroît étranger ; c’était tout simplement insaisissable pour lui. Oui, Noirs mais differents ; différents par leur cheminement historique, par leur culture, et même par la nature de l’oppression subie ; Tous opprimés certes, mais différemment opprimés.

Les uns, victimes de violence physique et morale le long des siècles, asservis, profondément assimilés avec, néanmoins, quelques vestiges de traits culturels nègres. Vestiges, tel ce mode d’habitat du hartani, tel ce pas de danse rythmé par la “taballa”, cette manière joyeuse de s’éclater, ces cérémonies festives qui rappellent étrangement celles de fin des travaux champêtres en milieu nègre, ces cœurs de l’Est qui vibraient au moindre grincement des “cordes noires” de Banzouman Sissoko.

Les autres, quant à eux, étaient objet davantage de violence symbolique et psychologique post-indépendance, par mépris et déni de leur identité, brutalement descendus de leur piédestal dans une chute vertigineuse, avec son lot de frustrations et de rancoeurs, vécue comme un paradis perdu…

Faire comprendre tout cela à des esprits étrangers, généralement mal informés sur la Mauritanie à l’image extérieure trafiquée, n’était pas aisé; il fallait, à chaque fois, de longues explications, de longs discours au risque d’ennuyer l’interlocuteur. Le recours à ces concepts nous a grandement servi, malgré leur limite; Nous entendons par “négro-mauritaniens” tout le bloc noir, celui de “négro-africain”, cette catégorie qui n’avait pas suivi la trajectoire tragique de l’esclavage, qui n’avait pas été acculturée de façon importante, dont la culture ‘originelle’ était demeurée, plus ou moins, intacte au fil de l’histoire.. .

Voilà pour les concepts et leur usage ; Justes ou erronés, ils sont là et bien là, entrés aujourd’hui dans les mœurs et dans le vocabulaire courant, usités, au quotidien, par bien des groupes, des leaders et acteurs politiques…Quel intérêt Maouloud avait -t-il à y revenir aujourd’hui ? Question ouverte… Au fait, qu’avions nous donc osé dire, hier, de si méchant, sur la question haratine qui nous vaille, aujourd’hui, cette charge déplacée et injuste du leader de l’Ufp ?

Simplement ceci :

– “Que l’esclave devait- s’il tenait à s’affranchir de façon définitive et irréversible-rompre les chaînes de servitude tribale, psychologique et économique d’avec le maître, qui constituent un carcan.

– Que les haratines doivent perdre l’illusion qu’en se libérant de l’esclavage tout court, ils se libereraient.. . Non, ils auront quitté un “ghetto” pour retomber dans un autre, celui de l’oppression du Système, c’est-à-dire du racisme, du racisme d’Etat ; ni plus ni moins.

– Que l’engagement “droit de l’hommiste” devra se doubler de l’engagement politique pour plus d’efficience.

– Que cet engagement politique, pour ne pas s’aveugler, devra résulter d’une clarification préalable de leur identité. Qui sont-ils ? Qui sont les Haratines ? “Hartani –bizaani, hartani arabe”, “Hartani nègre” ou “Awlad Hartani” tout court ?

Nous ajoutions alors, en fin du propos, qu’ils sauront identifier ceux avec qui ils partageaient cette discrimination profonde, cette oppression subie pour créer cette , pour reprendre Césaire”.

Nulle part dans ces passages, on ne peut induire une incitation des haratines à la haine ou à la confrontation avec les Bidhaans ? Ce sont là des raccourcis dangereux, surprenants pour émaner d’un leader politique de cette étoffe. Oui, le groupe haratine constitue une force montante, une équation ; oui, il constitue, par la force des choses, un enjeu de lutte du champ politique … Laissons les haratines déterminer, librement, par eux -mêmes, leurs alliés et leur identité qui, du reste, aujourd’hui, les divise…En dernier ressort, ils doivent rester seuls maîtres de leur destin …

Construire des passerelles conduisant à l’apaisement, pour qu’ensemble, nous conjuguions nos efforts, afin de venir à bout de ce Système chauvin et pernicieux, en vue de construire une Mauritanie reconciliée, qui accepte sa diversité, partage équitablement ses richesses entre toutes ses composantes nationales, cultive la fraternité, voilà qui devrait canaliser nos énergies …

Samba Thiam

Président des FPC

Juin 17 -2020

 

Partagez