Indépendance, quelle indépendance? Par Pr ELY Mustapha
Pr ELY Mustapha – Lorsque l’on observe ces échauffourées politiques au sommet l’Etat par avidités de lobbies constitués pour le contrôle du pouvoir, l’on ne peut que se rendre compte que tout ce beau monde n’apportera rien à ce pays. Sinon des mois, des années de retard pour son développement.
Ces gens qui se chamaillent ont-ils pensé un instant que la Mauritanie se meurt de leur faute. Que dans quelques années au rythme du pillage dont elle est l’objet, du laisser-aller et de la mauvaise gestion, sinon l’absence de gestion tout court, la Mauritanie n’existera probablement plus.
Qu’en l’absence d’une prise en main rapide de son économie à travers une stratégie de développement rigoureuse appuyée sur un plan économique et social et le pilotage d’un modèle de développement concerté, la Mauritanie va vers sa disparition.
Et ce n’est pas une vue de l’esprit.
En effet, la Mauritanie, ne sera certainement plus un pays viable dans une perspective maximum d’une cinquantaine d’années sinon bien avant. En voilà les raisons principales :
– Dans une perspective d’une cinquante d’années les ressources naturelles actuellement exploitées (Fer, Pétrole et pêche) seront épuisées sinon réduite de façon draconienne. Or on sait que le revenu national du pays provient à 90 % de l’exploitation de ses ressources naturelles.
– Le pays est soumis à une désertification galopante, une déforestation et une réduction catastrophique de son espace arable. L’agriculture et l’élevage étant le pilier d’une économie locale de subsistance, fragile, ne sera plus que l’image d’elle-même dans les cinquante prochaines années.
– Les villes côtières, saturées par un exode rural d’une population démultipliée , sont soumises au danger des inondations maritimes du fait du réchauffement climatique et de la pollution en perpétuelle croissance.
A l’orée de l’année 2059, la Mauritanie, aura épuisé ses ressources naturelles et son revenu national aura par là même disparu. Elle se trouvera en face d’une économie inexistante qui alimente ses circuits de biens et services importés qu’elle ne peut plus se permettre d’acquérir. Et ce sera le déclin d’un pays, comme tous ceux qui à travers l’histoire ont vécu dangereusement, dans la violence qu’ils se sont faits à aux mêmes ou qui ont sombré dans le vice.
Si dans cinquante ans la Mauritanie disparaît c’est simplement qu’elle n’aura pas préparé les moyens de son développement futur.
En effet, si l’on regarde actuellement les performances de l’économie mauritanienne, on se rend compte, qu’elles sont totalement erronées. Et voici pourquoi :
– La croissance affichée par les pouvoirs publics est fausse car elle ne correspond pas une croissance réelle engendrée par la valeur ajoutée des unités et des agents économiques à l’économie nationale. La croissance dont il s’agit est calculée sur la base de la rente nationale, issue justement des revenus des ressources naturelles. Le Produit intérieur brut, ne reflète pas les réalités de l’activité économique mais la croissance d’une rente nationale. C’est une croissance du sous-développement
– Le commerce mauritanien est tout orienté vers l’enrichissement personnel de quelques commerçants qui exportent leurs bénéfices et n’investissent pas dans le pays. C’est un commerce créateur de consommation, d’appauvrissement des citoyens et d’exportation de ses bénéfices
– La technologie nationale n’existe pas. La Mauritanie ne possède ni des laboratoires de recherche, ni un savoir-faire technologique exporté, elle vît entièrement de la dépendance technologique tant pour les biens que pour les services.
– L’inexistence d’un tissu industriel pouvant supporter la demande nationale, conquérir des marchés extérieurs et créer l’emploi. De ce point de vue la Mauritanie est complètement démunie et dépendante des industries étrangères à travers l’importation de leurs produits manufacturés.
Si cette situation se maintient, la Mauritanie se retrouvera dans les prochaines années avec une rente, provenant de ressources naturelles, totalement épuisée et elle n’aura pas développé des revenus permettant de prendre la relève :
– Pas de technologie exportable, pas de label, pas de marque industrielle ou commerciale conquérant les marchés internationaux.
– Pas d’industrie du savoir-faire performante couvrant les besoins des secteurs économiques du pays.
– Pas de sociétés commerciales compétitives à l’échelle nationale et internationale pourvoyeuses de fonds pour le pays.
– Pas de ressources humaines hautement qualifiées développant dans des laboratoires de recherche les produits de pointe, garantie de perpétuité d’une maîtrise technologique sous-tendant une économie forte.
– Pas de vision stratégique de développement de l’humain et de sa promotion. Aucune intégration des populations dans un devenir commun, facteur de cohésion et de solidarité entre toutes les franges de la société.
Un pays dépendant de tout, peut-il fêter son indépendance ?
Bref, cette Mauritanie orientée vers son futur, développant les moyens humains, technologiques, industriels et commerciaux de sa survie face aux défis mondiaux de demain; pensant et repensant à l’échéance proche de l’épuisement de ses ressources naturelles et les optimisant dans leur collecte et leur utilisation pour préparer dans une stratégie de développement, un avenir meilleur, n’existe pas. Et on ne la verra peut-être jamais.
Ce que l’on voit, c’est un pays exsangue, au sommet duquel se battent des politiciens véreux qui pensent que demain leur appartient. Mais ce qu’ils ne savent pas, c’est que la Mauritanie, demain, à cause d’eux, risque d’être pire qu’aujourd’hui. Et probablement disparaitre.
Et même si elle devait survivre, ce sera un pays exsangue, sans ressources miné par la sècheresse, détruit par les conflits, sous le joug des puissances qui en feront un dépotoir à ciel ouvert des déchets de leurs industries.
Puissances qui auront par leur savoir et leur savoir-faire, par le progrès de l’intelligence, déjà conquis d’autres planètes pendant que les derniers enfants de ce que fut la Mauritanie, sans moyens et sans espoirs, sont décimés par la faim, la maladie et la soif.
Alors, dans cinquante ans, quelles générations futures iront encore prier sur la tombe de leurs pères?
Indépendance, quelle indépendance ?
Pr ELY Mustapha