Fraude électorale : Les candidats de l’opposition présentent leurs preuves
Les candidats de l’opposition ont présenté devant le Conseil constitutionnel dimanche soir les détails de leurs recours, qui, selon eux, révèlent une “fraude” à grande échelle en faveur du candidat Mohamed ould Ghazouani, dont les résultats provisoires ont montré 52% des suffrages exprimés, selon les chiffres annoncés par la CENI.
Au tout début de la conférence de presse organisée ce dimanche 30 juin au siège de campagne du candidat Biram Dah Abeid à Nouakchott, ce dernier affirme que “l’opposition démocratique, représentée par ses quatre candidats, a pu s’assurer de la véracité de l’impression qu’ils avaient lors de cette élection, après une semaine d’enquêtes menées par leurs services techniques, statistiques et informatiques”, qui mettent en relief une gigantesque opération de fraude.
Biram a expliqué qu’ils possèdent “des preuves tangibles” que le candidat Mohamed ould Ghazouani “ne peut obtenir plus de 41% des voix, malgré la partialité de l’Etat, l’alignement du régime et le favoritisme de la Commission électorale. Et si toutes les allégations de la CENI lui sont octroyées, il ne pourrait dépasser les 50%, selon les études réalisées par nos équipes.
La conférence de presse des candidats de l’opposition intervient quelques heures avant l’annonce des résultats définitifs de l’élection présidentielle par le Conseil constitutionnel ce lundi à midi, auprès duquel l’opposition a présenté des recours il y a quelques jours. Dans sa composition, le Conseil constitutionnel comprend des membres issus de l’opposition.
Des soupçons sur 455 bureaux de vote
Lors de la conférence de presse, le responsable des opérations électorales au sein de la campagne du candidat Biram Dah Abeid a passé en revue des exemples des “violations” qu’ils ont relevées. “Nous avons reçu certains PV avec un taux de participation de 100%, ce qui a attiré notre attention. Nous nous sommes dits qu’au lieu de vérifier nos PV, il serait plus pertinent de vérifier la base de données publiée par la Commission électorale et de l’étudier en profondeur”.
Le responsable a ajouté que la recherche a révélé que 11 bureaux présentent un taux de participation supérieur à 100%. Or, remarque-t-il, “dans ces bureaux, ould Ghazouani a recueilli 93% des suffrages”, ajoutant que l’approfondissement de la recherche a conduit à la découverte de 455 bureaux de vote où le taux de participation dépasse 90%, affirmant que “ces bureaux ne se situent pas dans les capitales régionales, mais sont dispersés à travers la Mauritanie et dans des zones isolées et difficiles.”
Il a souligné dans sa présentation que “le nombre total des votants dans ces bureaux est de 90.844 électeurs. Ould Ghazouani a obtenu 97% de ce nombre, avec une moyenne de plus de 95% au niveau de chaque bureau”, soulignant que les électeurs de ces bureaux «représentent 10% du total des effectifs des électeurs mauritaniens”. “Ce qui a permis à ould Ghazzouani d’obtenir plus de 18% du pourcentage en sa possession, suivant les chiffres annoncés par la CENI”.
L’expert cite l’exemple de Gleib Ndour, de Cheggatt et d’El Beled El Amine. Il poursuit que, au cas où les résultats de ces bureaux seraient annulés, ould Ghazouani aurait 41% des suffrages.
“Si nous considérons que ces bureaux ne seront pas annulés, en appliquant le pourcentage de participation annoncé par la Commission qui est de 62%, Ould Ghazouani obtiendrait 48,5%”, c’est-à-dire qu’il ne passerait pas au premier tour.
Expulsion de représentants
“Dans les zones reculées accessibles uniquement à l’État, les bureaux qui n’ont pas été ouverts dans les lieux prévus par la loi électorale qui stipule qu’ils doivent l’être dans les bâtiments publics”, a déclaré le candidat Biram Dah Abeid, citant 455 bureaux de vote qu’il qualifie de “suspects”.
Au lieu d’être ouverts dans des écoles, des centres de santé ou des administrations, ils l’ont été dans des maisons privées appartenant à des individus acquis au régime, en échange de capitaux appartenant à l’État et au peuple”.
“Beaucoup des représentants des candidats de l’opposition ont été expulsés de ces bureaux où le vote est largement favorable à ould Ghazouani. Les PV ont été remplis à leur place, pour donner du crédit aux résultats et faire croire que le vote s’est déroulé sans problème”, a constaté Biram Dah Abeid.
“A Nteïchitt, personne n’a voyagé, personne n’est tombé malade, personne ne s’est abstenu de voter, aucun décès n’est survenu depuis le recensement”, a-t-il déclaré, ajoutant que le nombre des inscrits est de 485, pour un taux de participation de 100%.
“Ces bureaux ont permis à ould Ghazouani d’obtenir environ 20% des suffrages sur l’ensemble du territoire mauritanien”, a déclaré Dah Abeid.
15% pour Ghazouani
Le candidat, Kane Hamidou Baba, a affirmé que les recours en leur possession révèlent de nombreuses “fraudes” et souligne qu’à l’examen des résultats, “il ne serait guère surprenant que le pourcentage de Ghazouani soit de l’ordre de 15%”.
Le candidat a présenté des exemples de bureaux de vote où le taux de participation dépasse les 100%, indiquant qu’un des bureaux de vote à Timbédra “regroupe 242 inscrits, pour 245 votants ! Au Trarza, et plus précisément à Nteïchitt, où se trouvent 452 inscrits, 455 ont voté. Et toujours à El Beled El Amine, 486 sont inscrits pour 486 votants et 485 votes exprimés”.
Dans la Wilaya de l’Adrar, le candidat Kane Hamidou Baba a déclaré que ‘’dans un bureau de vote dans la municipalité d’Aïn Ehel Taya les inscrits sont au nombre de 103 alors que les électeurs y sont 105″.
Au Tiris Zemmour, il a déclaré qu’un bureau de vote à Lemreya (Bir Moghrein), il y a 241 inscrits pour 248 votants. A Cheggatt, le nombre des inscrits est de 128, et celui des votants est de 154. A Lemghaïty, le nombre des inscrits est de 71 et les votants y sont 148 !
Il a conclu que «dans tous ces bureaux, nous constatons que ould Ghazouani est dans la fourchette de 98%», considérant qu’il s’agit là de fraude “flagrante et nette”.
Soupçons sur 50.000 voix
Hadrami Ould Abdel Salam, responsable de la campagne du candidat Sidi Mohamed Ould Boubacar, a passé en revue les “violations” identifiées par la campagne de son candidat et indiqué qu’au niveau de 211 bureaux de vote ils ont relevé des “violations claires et évidentes” soulignant que dans le PV de l’un des bureaux de vote indique 70 bulletins pour 365 votants, alors le nombre de bulletins dans l’urne et celui inscrit dans le PV doivent être identiques, tandis que le nombre de votes exprimés est de 345 », considérant qu’un tel PV est “illégal”.
Abdel Salam, qui présentait les procès-verbaux aux journalistes, a déclaré : « le PV d’un autre bureau indique que le nombre dans l’urne est de 369, alors que le nombre de votes exprimés y est de 487, tandis que le nombre de votes exprimés ne saurait en aucun cas dépasser le nombre de bulletins qui se trouvent dans l’urne”.
Ould Abdel Salam a déclaré qu’après avoir rassemblé toutes les violations constatées au niveau de 211 bureaux de vote, ils ont remarqué que ould Ghazzouani a recueilli 54.068 voix dans ces bureaux, ce qui représente 6% du total des voix obtenues suivant l’annonce de la CENI. Si ces voix sont retranchées, son score serait de 46%”.
Il a conclu en disant que “lorsque nous combinons ces violations avec ce que la campagne des autres présidents (candidats) a observé, je pense que si ould Ghazouani dépassait trente pour cent, il obtiendrait un résultat miraculeux”, selon ses termes.
Lettre au Conseil constitutionnel
Le candidat Sidi Mohamed Ould Boubacar a adressé une lettre au Conseil constitutionnel lui demandant d’assumer ses responsabilités et de travailler conformément à la loi. Il l’invite à “rechercher les informations fournies et à assumer la responsabilité de les vérifier une à une”.
Ould Boubacar a souligné que cette élection est “spécifique” car elle concerne la fonction de président de la République et doit donc être exempte de tout ce qui pourrait nuire à la “légitimité et à la crédibilité” de la fonction la plus élevée de l’État.
Il a conclu que la Mauritanie traverse “une crise postélectorale”, soulignant que la solution de cette crise “n’est pas la répression ou le rétrécissement des libertés, mais plutôt le dialogue”, a-t-il affirmé.
M. Y. Abdel Weddoud
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