L’éditorial du calame : Le poids des mots
Lors d’une conférence de presse, organisée dimanche 28 Avril au siège de l’UPR, maître Sidi Mohamed ould Maham, son secrétaire général, a fait une déclaration d’une extrême gravité mais qui n’a pas eu l’écho qu’elle mérite. L’opposition préférant, comme à son habitude, marcher seule ou en soutien à d’autres. Ould Maham a, en effet, déclaré, ni plus ni moins, que « le problème de la candidature d’Ould Abdel Aziz pour un troisième mandat ne se pose pas, d’un point constitutionnel, mais si une majorité le réclame, il faut respecter son point de vue ». Et d’ajouter : « Le fait de réclamer un troisième mandat n’est pas un crime, les députés qui le demandent sont protégés par la loi, la Mauritanie tout entière est attachée au Président et il suffit juste de modifier les articles limitant les mandats, si c’est l’avis de la majorité ». Le ton est donné par ce premier pavé dans la mare. Jeté pas par n’importe qui. Par le président du parti au pouvoir, qui sait de quoi il parle et qui a eu, nécessairement, le feu vert de qui vous savez, pour s’aventurer sur un terrain aussi glissant. Après la sortie du Premier ministre, il y a quelques mois à Tintane, qui avait déclaré, en visite privée, que « le système restera au pouvoir en 2019 », et celle, beaucoup plus explicite d’Ould Maham, d’autres suivront, dans les jours à venir. Une façon de préparer l’opinion au nouveau coup de Trafalgar que voudrait donner Ould Abdel Aziz à la Constitution, après celui de 2008. Il serait naïf de croire, un seul instant, qu’un putschiste invétéré remettra le pouvoir de son plein gré, malgré ses déclarations répétées sur son respect du texte fondamental. Un travail en profondeur est déjà entamé, avec l’implantation de son parti (qui revendique plus d’un million d’adhérents sur une population de moins de quatre millions), la mise en place d’une commission électorale qui n’a d’indépendant que le nom et les sorties de hauts responsables du parti et de l’Etat… avant l’estocade finale ? Qui interviendrait, à coup sûr, après les élections législatives, régionales et municipales que le parti/Etat remportera, haut la main, avec le soutien de l’administration et d’une CENI fantoche. Comme en 2013, lorsque le pouvoir distribua les sièges de député à sa convenance, et en 2017, lors du referendum dont le taux de participation a, selon les chiffres officiels, dépassé les 50 %, alors que personne ou presque n’avait voté. La participation de l’opposition aux futures échéances changera-t-elle la donne ? Dans un système où le pouvoir, juge et partie, contrôle le scrutin en amont et en aval, sans se concerter avec personne, il est illusoire de penser qu’il va se laisser (a)battre. Rappelons, à cet égard, une phrase de sa dernière interview à Jeune Afrique. Lourde de sens, elle avait échappé à beaucoup de monde. Répondant à une question sur l’adoption par le gouvernement d’une loi plus sévère sur l’apostasie, Ould Abdel Aziz avait répondu : « Le peuple a voulu qu’il en soit ainsi et la loi est l’émanation du peuple ». Cette réponse va-t-elle, ces jours ou mois prochains, nous écraser de tout son poids ?
Ahmed ould Cheikh