Les Forces Progressistes du Changement (FPC) Mauritanie

SAMBA THIAM PRESIDENT DES FLAM (MARS 2002)

altC’est certainement la désespérance et la révolte qui faisaient dire à Ibrahima Dieng, le personnage principal du ” LE MANDAT “, que “L’honnêteté est un délit”. Une sentence sans appel prononcée par un vieux notable désabusé que ses mésaventures d’inadapté rendent finalement à la lucidité. La société vomie du vieux marabout à sa régle, la fourberie, et ses caïds, des prédateurs aussi féroces que malicieusement imaginatifs.

La tentation est forte de faire le rapprochement entre la société honnie de Dieng avec l’arène politique nationale, un milieu où la duplicité et la versalité sont sanctuarisées, érigées en dogmes. Ce milieu-là n’est pas celui de Samba Thiam, le Président des FLAM. Il s’y sentirait égaré, désorienté. Pourtant, ce ne sont pas les motifs de l’endurcissement qui lui manquent. Mais il a décidé de ne pas hurler avec les loups. C’est une régle de vie. Sa vie. Une vie de dévot au service d’un idéal incarné par une organisation. Une croix qu’il porte vaillamment depuis ce jour de rencontre décisive qu’il aime rappeler. Parce que le président des FLAM est avant tout un guerrier peulh, qui combat à la traditionnelle. Et le code d’honneur de la bataille, il le connait: ni trahir, ni se rendre. L’ennemi est coriace, sournois, mais l’adversité ne lui fait pas peur. Il faut de l’audace pour décider de défier cette hydre informe, ce Système avec un S grand comme le “ racisme structurel de l’Etat mauritanien ”. Un mal absolu dont un tyran nommé Maaouya a été l’incarnation. Quand il a fallu le combattre il l’a fait sans concession, mais maintenant que l’adversaire est défait, il se refuse à se précipiter sur sa gorge. C’est contre son “code éthique”.

Cet homme-là a du courage physique et la patience d’un pédagogue. Et cela fait la différence. Ainsi, là où ses adversaires foncent sur le foin, lui prend de la hauteur pour mieux faire partager sa “vision globale” des solutions aux maux qui gangrènent l’unité nationale. Car la vérité est que la Mauritanie ne guérira pas de son instabilité tant qu’elle n’aura pas osé affronter la question lancinante de la cohabitation de ses peuples. Le président des FLAM en est convaincu. Il le dit à haute et intelligible voix. Il le dit avec cette éloquence qui refuse l’emphase et le superflu. Avec Samba THIAM comme interlocuteur, c’est la politique qui retrouve ses lettres de noblesse.

Entretien…

FLAMNET : Merci Monsieur le Président de nous donner de votre temps et d’accorder á FLAMNET et au FLAMBEAU cette interview malgre votre surcharge habituelle; tout d’abord, les FLAM ont 19 ans d’existence et de résistance au système de discrimination raciale érigé en régle de gestion du pays, vous êtes un des membres fondateurs du mouvement et aujourd’hui vous êtes le premier responsable de l’organisation, si on vous demandait de nous conter les FLAM qu’en diriez-vous?

PRÉSIDENT : Une évolution non rectiligne, ponctuée d’allers-retours, beaucoup de pesanteurs , de multiples défis – et pas des moindres – à relever. Une Organisation dont la maturation est loin d’être achevée, avec ses lacunes et ses insuffisances, face à une adversité ténace et farouche de tous horizons, qui ne désarme pas . Il a fallu se forger dans l’épreuve en faisant front à tout ça. Une force aguerrie donc par une longue marche loin d’être finie, et au bout de laquelle un espoir fort que les causes justes finissent toujours par triompher.

Un optimisme tout de même justifié au vu des acquis importants certains, et l’immense réconfort devant l’histoire d’avoir posé correctement et durablement la vraie question mauritanienne. Enfin et surtout une détermination toujours plus forte à continuer le combat.

 

FLAMNET : Qu’est-ce qui vous a le plus marqué pendant ce “long chemin vers la liberté “pour parler comme le président Mandela, la prison de walata, l’exil ou autre chose?

PRÉSIDENT : Je n’aime pas vraiment parler de moi. Je préfère plutôt en laisser le soin aux autres. Les rares fois que je le fais j’ai l’air de quelqu’un qui cherche où se fourrer; alors j’ai toujours hâte d’en finir au plus vite . Mais enfin, allons-y !

Face aux multiples épreuves de la vie, il n’est pas toujours aisé de retenir toutes celles qui vous ont marqué.,surtout lorqu’on a eu une existence quelque peu heurtée. Toutefois, je crois que la prison a été de celle-là .

La prison fut pour moi à la fois un choc, pour être franc, et une Ecole. Je la découvrais pour la première fois,et ce premier contact reste gravé dans la mémoire . Elle fut, comme j’ai dit une Ecole où je redécouvrais les notions de liberté et “d’instinct de conservation” . Pour comprendre réellement le sens et la portée du mot LIBERTE il faut en avoir été privé, pendant un certain temps. Autrement on verse dans le discours abstrait.

J’ai également mieux compris, pour l’avoir observé ce qu’on appelle généralement “instinct de conservation” , et la notion de “régression primaire “. Placé dans certaines conditions,l’ homme a tendance à perdre ses valeurs de référence; J’ai eu l’impression que la prison rendait la proximité entre l’homme et l’animal plus visible, plus lisible .Il se produit un dysfonctionnement de la dynamique du groupe qui n’obeit plus aux mêmes règles classiques, et qui éclate en segments ressoudés autour de valeurs “primaires” que l’on croyait dépassées.

La prison m’a aussi révélé une certaine psychologie du prisonnier , pour lequel le monde s’arrêtait de tourner parcequ’il était là “immobilisé” .Tout,derriere les murs, se colportait et se lisait. à travers le prisme de sa vie carcérale. Les séances matinales quotidiennes de divination de rêves dont parlait BOYE ALASSANE dans son livre, renvoient, en fait, à cette psychologie.

D’un autre côté, je puis dire que la prison a accru ma détérmination; si j’ai survécu c’est parceque J’étais, comme bon nombre de camarades, moralement armé ; convaincu qu’il serait bête et absurde de mourir en détention, ce qui donnerait un immense plaisir au tyran . il fallait absolument l’en priver !

Derrière les barreaux, je réalisais avec M GRAY ” la force qu’un homme peut avoir en lui; s’il veut il peut mourir sans un cri, s’il veut il peut survivre”. C’est donc un peu par défi, si j’ai survécu. La prison c’est aussi un immense gâchis de temps, dans l’inaction ! 4 ans entre 4 murs à ne rien faire,alors que la situation etait mûre!

Autre chose enfin, qui n’a pas moins marqué ma vie d’exilé; C’est ce sentiment ambivalent que partagent peut-être, ensemble les lutteurs ou les combattants de la libérté, et que MANDELA décrivait ainsi. “Ces Noirs nous considéraient non comme une menace à la structure du pouvoir Blanc, mais comme une menace aux interêts des Noirs; car les BLANCS maltraitaient tous les NOIRS à cause de quelques agitateurs de la sorte “. Ce que BEGIN face à l’armée britannique, résumait par ces mots “devant, le feu de l’ennemi ,derrière, le dénigrement de tes frères “.

Je me console toutefois à l’idée,comme le montrent souvent les nombreuses experiences historiques, que demain, quand la victoire changera de camp, cette attitude aussi changera; c’est la vie .

 

FLAMNET : Monsieur le président,pouvez- vous nous faire le bilan de santé des FLAM ?

PRÉSIDENT : Les FLAM ne se portent pas trop mal, DIEU merci. Sans démagogie, nous pouvons nous targuer d’acquis formidables, que tempèrent toutefois, pour être honnête, beaucoup d´insuffisances à surmonter; chose que j’ai déjà évoquée dans votre première question.

 

FLAMNET : Quel est l’état des rapports entre les FLAM et l’opposition? oú en est le dialogue amorcé en 2000 avec certains secteurs de l’opposition radicale ?

PRÉSIDENT : Depuis la parution du Memorandum, il faut le dire, la situation n’a pas beaucoup évolué, pour parler de l’opposition interne. Si certaines franges de l’opposition avaient positivement réagi au Memorandum, on semble depuis, retomber dans la léthargie habituelle .

Avec l’opposition externe, le dialogue se poursuit ; timide, en decà des normes souhaitées, mais se poursuit quand même . Nous souhaiterions à nouveau, relancer le débat sur la nécessité de voir ensemble ce qu’il y’a lieu de faire, présentement .

Nous demeurons convaincus qu’il faut arriver à mettre en place un large front de l’opposition pour le changement . Comment, dans quelles conditions ? cela reste à déterminer.,mais nous devons réussir cette ambition .Sur la base peut- être d’une large plate-forme, où chacun se retrouverait . Encore une fois, nous restons favorables à une concertation sérieuse,soutenue, en vue de mieux se connaitre et élaborer, ensemble, une stratégie plus adaptée.

 

FLAMNET : Avez-vous des nouvelles de nos camarades déportés au Sénégal et au Mali,quelle est leur situation actuelle et que comptez-vous faire pour soutenir nos compatriotes sinistrés de la vallée suite aux pluies diluviennes de janvier dernier ?

PRÉSIDENT : Nous sommes en contact permanent avec les camps de réfugiés, tant au Sénégal qu’au MALI. Des missions régulières sillonnent les camps; la dernière remonte à fin Fevrier; elle avait pour objectif de témoigner aux réfugiés notre compassion devant la calamité qui les frappait cruellement, par un apport financier de quelques milliers de dollars, pour les camps les plus touchés .Chose, apparemment, bien accueillie, vu le rush observé récemment en direction des FLAM .

Les réfugiés resteront au coeur de nos préocupations, et rien ne sera négligé pour alléger leur souffrance. Les FLAM, contrairement à ce qu’esperaient certains esprits,loin de vider le Senegal, entendent bien y rester, pour ne pas dire s’y consolider.

 

FLAMNET : Avec la plainte déposée par nos amis de l’AVOMM contre le Colonel-fasciste de nouakchott,le “passif humanitaire” , est revenu au devant de l’actualité, quelle est la position des FLAM sur cette importante question?

PRÉSIDENT : Je me dois d’abord de féliciter de manière appuyée les camarades de l’A.V.O.M. M., pour l’ initiative bien venue, et menée enfin à terme, par leur acte posé . Les coups portés à ce Régime raciste, tyranique, d’où qu’ils viennent, sont les bien venus; Nous devons,comme on dit communément, faire feu de tout bois.

Je saisis cette occasion pour dire, que si les Organisations de Droits de l’Homme attaquent le Regime sous l’angle des droits humains, cela peut paraitre naturel; Mais que des leaders politiques s’en saisissent pour en faire la question du jour, au risque de réduire notre question nationale en une question humanitaire – qui requiert des solutions humanitaires -, je dis attention ! Une tendance, au centre des discours politiques, devenue habituelle, à poser le réglement du passif humanitaire ( tués et déportés, radiés), comme solution essentielle à notre problème; Venant d’Acteurs politiques cette approche me paraît dangereuse, car elle évacue la DIMENSION POLITIQUE , centrale, de notre QUESTION NATIONALE et dont le passif,entre autres, n’est qu’un aspect secondaire.

Il faut redresser cette manière de poser les choses à la fois mystificatrice et dangereuse, car non porteuse de solution véritable . Nous devons donc rester vigilants et veiller à ce que le débat ne soit pas biaisé, ou déplacé vers des questions periphériques .

 

FLAMNET : Depuis le cinquiéme congrés ordinaire des FLAM,on parle de plus en plus de “L´AUTONOMIE” certains mauvais esprits pensent meme que notre “Autonomie” rime avec “Independatisme du Sud” ou “Séparatisme” tout court,pouvez- vous nous expliciter ce que les FLAM entendent par “Autonomie” et pourquoi “L’autonomie” ?

PRÉSIDENT : Il me semble que votre question contient en elle-même sa propre réponse, car vous dites bien ” mauvais esprits”. Avec les mauvais esprits il n’y a rien que vous puissiez proposer qui soit à l’abri de leurs critiques ; rien qui puise les satisfaire; ils trouveront toujours à redire; il faut donc aller son chemin .

Cela dit, nous devons autant que possible, rappeler toujours notre position sur la question de l’Autonomie .Je dis rappeller,car je ne dirai rien ici qui ne figure dejà dans nos documents . Mais d’abord j’aimerais que ceux-là se pénètrent l’idée que l’Autonomie est une réponse que nous formulons face à une situation de crise devenue structurelle.

Il ne s’agit pas de critiquer pour critiquer mais de trouver des réponses correctes a notre “Question brûlante”. Et dans ce cadre toutes les pistes doivent être explorées, toutes les options doivent rester ouvertes comme disait

 

BOYE ALASSANE sur FLAMNET

; y compris l’Autonomie; y compris la séparation pure et simple, si la voie de la raison et du dialogue tournait à l’impasse . (C’est bien NYERERE qui disait à propos de la question du BIAFFRA que la volonté de vivre ensemble relevait de l’assentiment des peuples,en présence) . Cette derniere solution, extrême, à la difference des autres, ne résultera pas d’un choix affirmé, mais de conditions de maturation de la situation interne . Mais alors personne n’y pourra rien .

En second lieu,nous pensons que l’ Autonomie n’est pas quelque chose de nouveau . Elle a cours dans plusieurs pays d’Europe et d’ Afrique dont je vous fais l’économie .

Pourquoi serait -elle plus explosive chez -nous plus qu’ailleurs? L’argument -objection que les populations sont très imbriquées est un faux argument, qui cache mal une fuite en avant; car il n’existe pas ,à ma connaissance, d’espace habité exclusivement par une seule souche ethnique, dans ce monde de mobilité et de brassage ! Qu’est-ce qu’il y’a de plus imbriqué que la zone BRUXELLOISE ? pourtant une solution a été trouvée .Il suffit de chercher, si la volonté existe, pour trouver .

Ce qui existe par contre ce sont des zones à dominante Maure ( Samassides, Tajekant, Awlad Ebierry etc ); des zones à dominante Négro-Africaine ( Pulaar,Soninké , Wolof, etc… ), chez nous! Ce que justement OULD TAYA cherche à modifier dans le Sud, par une nouvelle politique imposée de re- peuplement, en vue de changer l’équilibre démographique de la Vallée pour s’en assurer le contrôle;

J’entends déjà venir l’objection: Et les HRATINES, qu’est-ce que vous en faites ? Sur cette question la réflexion n’est pas épuisée,dans nos rangs, mais je suis tenté de répondre quels HRATINES ? LES HRATINES Arabes( ” communauté noire Arabe non blanche” pour citer un des leur leaders ), ou les HARATINS NEGRO-AFRICAINS ? Ou encore l’entité Hartani ? car là également le débat sur leur identité est loin d’être clos, même dans leur propre rang !

Nous devons rappeler,que nous ne faisons pas de notre proposition pour l’autonomie un point de fixation . Nous ne demandons qu’à être convaincus, par d’autres propositions !

Ce que nous refusons par contre c’est de nous laisser embarquer dans cet attelage de l”Etat unitaire centralisé, dans sa forme actuelle..

Nous entendons des voix régulièrement prôner que la solution c’est la Démocratie;mais quelle Démocratie? Celle des partis politiques, de la liberté d’expression, d’association et de réunion, “d’un homme une voix ” ?

Il n’est pas aussi évident que ça le parait, que cette Démocratie classique apportera la solution à notre problème,du moins dans l’immediat, dans cette situation de crise majeure, si elle avait pour SOCLE LA STRUCTURE DE L´ETAT ACTUEL, rouage essentiel du SYSTEME ; car il n ‘y aurait alors qu’une faible difference avec ce qui existe actuellement, l’élément de fraude mis à part; On reconduirait exactement les problèmes, le système restant intact. Pire cette question de fond serait masquée encore plus dangereusement ! Et c’est reparti pour l’aventure d’une Cohabitation sans contours définis. .

Le préalable ou facteur déterminant à une Démocratie véritable,est LA PRISE EN CHARGE ,EN AMONT,du problème de la COHABITATION, qui est une question vitale pour mettre en jeu l’existence même du pays,dont le CADRE serait défini par un FORUM NATIONAL CONSENSUEL, .et les règles établies servant de fondement au jeu démocratique, qui TRANSCENDE les programmes de Partis .

Nous avions déjà dit,il faut le rappeler, que pour optimaliser les chances de réussite de ce DIALOGUE NATIONAL ,il faudrait des mesures propres à apaiser le climat social ; comme le retour des Déportés et leur réhabilitation, la réintégration des cadres arbitrairement radiés,l’amnistie générale des exilés politiques,une commission d’enquête pour les crimes commis et les disparitions, une commission Vérité-reconciliation .

Pour terminer sur cette question de l’AUTONOMIE je dirais qu’il ne sert à rien de vouloir s’opposer à la marche du monde; Aujourd’hui la tendance générale du monde est à la diversité et non au rouleau compresseur de l’Uniformité.

Comment définissons-nous l ‘Autonomie,au risque de nous répéter? L’AUTONOMIE est, pour nous, ce mode et ce cadre d’expression des Identités Nationales,qui prendraien en charge la gestion de leurs affaires, à travers des institutions propres, dans la préservation du lien unitaire, et dans la complémentarité .

FLAMNET : En fin pour terminer,camarade avez-vous un appel a lancer aux mauritaniens en general et a nos militants en particulier ?

PRÉSIDENT : C’est d’abord en direction de la classe politique et des intellectuels, pour dire que rien n’est encore perdu, pour entreprendre ensemble.

C’est ensuite en direction des jeunes, pour les appeler à ne jamais perdre de vue que ce pays est le leur, et doit le rester.;Que l’exil par l’exode n’a de sens que s’il participe du combat.

Aux militants je dirais,la lutte pour la vie tout court est une rude épreuve:Que rien de grand ne se construit à la va-vite;il faut de la patience,de la persévérance, et de la ténacité.

La lutte continue.

Mars 2002

 

 

 

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