Les Forces Progressistes du Changement (FPC) Mauritanie

Monthly Archives: October 2023

LE RAPPORT DES NATIONS UNIES SUR LA MAURITANIE

J’ai  lu avec intérêt  et profonde satisfaction  le rapport du Comité des disparitions forcées ( Mme MESKEREN Geset Techane ), puis le Rapport du rapporteur Spécial sur les formes contemporaines de l’esclavage ( Tomoya Obokota). J’invite ceux qui ne les ont pas lus à le faire, au plus vite…

Pour la première fois, à mon avis, les missionnaires des Nations unies sont allés au fond des choses, sans complaisance aucune, et  ont posé les bonnes questions avec perspicacité, démasquant  ainsi  la fourberie et l’hypocrisie des tenants du Système sur les  questions fondamentales qui minent le vivre-ensemble. A Démasquer le faire–semblant, l’enfumage permanents de nos partenaires par ceux qui nous gouvernent; depuis toujours.

Personne ne pourra  soupconner ces équipes de corruption, ce mal qui gangrène l’administration mauritanienne habituée à masquer les choses, à soudoyer toutes les missions d’enquêtes internationales. Je salue l’intégrité morale de ces derniers missionnaires en Mauritanie. Perspicacité , bonnes questions, bonnes solutions, sans langue de bois … 

Maintenant les victimes du Système devront comprendre que les Nations Unies ont joué leur partition dans cette lutte pour l’éclairage de la Vérité sous toutes ses facettes ; comprendre que les Nations Unies peuvent accompagner les victimes, mais non se substituer  à elles pour faire leur job…

Merci  les Nations-Unies …

Samba Thiam Président des FPC.

le 15 Octobre 2023

FLAMNET-RETRO: A  Propos de la loi d’orientation …Par Samba Thiam. 

J’ai lu attentivement la loi d’orientation du ministre de l’Education nationale portant sur la réforme du système éducatif. L’appréciation que j’en fait est qu’elle constitue un recul net par rapport aux ambitions du Comité Militaire de Salut National (CMSN), pour reconduire et renforcer les aspects négatifs et désastreux de l’arabisation, issue de la réforme de 1999. Elle consacre, de facto, une ‘’folklorisation’’ de nos langues nationales pulaar, sooninke et wolof, ni plus, ni moins. Et c’est inacceptable !
Le CMSN prônait, à travers l’exposé de motifs et le décret 81017/Pg/MEN, ceci : ‘’ Elaborer un système éducatif {…} qui se fondera sur l’officialisation de toutes nos langues nationales, la transcription en caractères latins et l’enseignement du pulaar, sooninke et wolofs qui devront donner les mêmes débouchés que l’arabe ‘’. Le ministre choisit de passer sous silence toute éventualité ‘’d’officialisation’’ de ces langues. Le CMSN poursuit : « les langues nationales doivent prendre place et être utilisées comme véhicules du savoir, sous toutes ses formes… », à quoi ce ministre oppose qu’elles seront des langues de communication ; que la langue ’arabe sera enseignée à tous les enfants non arabophones comme véhicule d’apprentissage des sciences et autres disciplines, que ‘’l’apprentissage des connaissances et aptitudes de compréhension et les disciplines scientifiques se fera dans la langue arabe’ ’. Le CMSN insiste et rappelle « qu’il ne s’agit pas d’utiliser ces langues nationales comme relais ayant pour fonction de faciliter les apprentissages dans une autre langue – c’est exactement ce que fait ce ministre -, mais de les installer d’emblée dans une dynamique propre à assurer leur plein développement et leur insertion dans tous les secteurs de la vie sociale », tout le contraire de ce projet ! Enfin  le CMSN  met  en garde : «  il est  indispensable que vous compreniez tous que cette décision  n’est pas une mesure ‘’politicienne’’ qui cache un calcul sordide  et sans lendemain». Exactement le cas d’espèce qui nous occupe avec cette loi d’orientation scélérate ! A la clarté de langage du CMSN dans les choix opérés, le ministre oppose des calculs et des agendas inavoués, l’ambiguïté et le flou le plus total sur bien des aspects …Flou sur le statut des langues ; tantôt l’arabe est langue véhicule de toutes les disciplines pour tous, tantôt elle est langue de communication ; tantôt ce sont les langues pulaar, sooninke et wolof qui le sont, tantôt c’est le français ! Flou sur les caractères arabes de l’alphabet introduits au préscolaire  sans en fixer les limites, ce qui , par glissement et par stratégie, pourrait s’installer et signifier, sans le dire, une remise en cause même des caractères latins, acquis …Ce texte  parle de généraliser l’enseignement des langues nationales mais à la carte ! On fait preuve de  cynisme, lorsqu’on  pose  qu’il faut   ‘’capitaliser l’expérience réussie de l’ILN  qui a été abandonnée sans justification valable’’ et, qu’en même temps, on annihile  la substance et l’essence même de ce qui  ‘faisait de  cette expérience une réussite’, à savoir l’érection du pulaar , sooninke et  wolof en  langues d’enseignement , langues véhicules du savoir, et non  comme  langues de ‘’facilitation pour l’apprentissage d’autres langues’’ comme c’est le cas proposé ici ; c’est-à-dire comme langues d’appoint et d’appui essentiellement à l’arabe,  ici dans ce projet. C’est hors de question ! C’est faire fi des raisons cognitives et pédagogiques qui sont à la base même de la théorie du recours aux langues maternelles dans l’approche nouvelle de l’apprentissage ! Non seulement ce projet fait abstraction de toute idée d’officialisation, mais remet en cause et le statut de langues véhicules et le choix des caractères latins acquis depuis les années 70. Nous faisons face à un choix partisan qui installe les enfants d’un même pays dans des conditions de départ inégales et injustes d’acquisition du savoir. C’est inique et immoral ! L’injustice semble inscrite dans l’ADN des pouvoirs mauritaniens ! Enfin et surtout, les auteurs du projet de loi  parlent ‘’d’égalité des langues comme patrimoine national ‘’, mais   refusent  le caractère officiel à toutes .  C’est inacceptable ! Ce sera Identité contre Identité !                 Pour divertir l’opinion on continue, bien sûr, à travers ce projet, à jouer sur l’opposition, fictive, entre le Français et l’arabe, disparue depuis longtemps à l’école ! Même stratégie de dupe qui s’exprime par : ‘’ la généralisation interviendra aussitôt que l’expérience aura été jugée probante’’ …Un piège à con !  Comme si nous n’avions pas vécu similaire promesse, envolée en pleine expérimentation de l’ILN !  Seule l’officialisation de nos langues pourrait nous garantir la pérennité de leur usage, et nous prémunir des humeurs capricieuses de plaisantins, légion…Toute la problématique du système éducatif mauritanien réside dans son inégalité et dans son iniquité structurelle entre enfants devant l’acquisition du savoir. « La crise identitaire en mauritanie existe, nous dit Maitre Taleb Khyar, en raison de plusieurs facteurs dont le plus important est l’école républicaine {…} dans laquelle un enseignement suprématiste faisant l’apologie de la supériorité d’une culture, d’une race, d’une langue sur les autres est dispensé ». C’est exactement le cas qui nous occupe précisément, mais exprimée de façon sournoise et cynique à travers  cette loi  d’orientation  … La culture continue ‘’ d’être pensée, en mauritanie, comme un instrument de conquête et de confiscation du pouvoir’’, soulignait-il ; à des fins de domination, d’assimilation et de prolétarisation des négro mauritaniens, devrait-il ajouter… L’agenda d’assimiler les négro-africains n’est pas abandonné, loin s’en faut ! Il explique cette résistance acharnée et obstinée de nos gouvernements successifs à refuser toute officialisation de nos langues nationales, à l’image du berbère -Tamazight au Maroc et en Algérie. C’est Identité contre Identité.
Nous sommes face à un projet non viable, qui va accentuer davantage les inégalités, sécréter deux sociétés parallèles. Nos partenaires doivent comprendre qu’il y a toujours un écart entre ce qui se dit et ce qui se fait chez nous … Nous excellons dans le faire-semblant et dans l’art de mystifier nos partenaires ou le reste du monde, même si certains partenaires internationaux ne sont pas dupes, mais optent pour la complaisance. Ces journées nationales de concertations et toute la suite sont  de la poudre aux yeux, un maquillage destiné  à faire  valider et légitimer, par un semblant  de  cachet populaire , un projet concocté et ficelé, en amont, par le ministère .La réforme scolaire préconisée  dans cette loi d’orientation  s’inscrit en droite ligne d’un  Système qui  cherche à imiter l’ordre social au  maghreb , où des  millions de  noirs, assimilés, sont relégués aux basses besognes, à la culture de l’olive ,au  creusement de diguettes d’irrigation, au travail  de la forge ou au  débouchage d’égouts, comme en Algérie avec près de 6 millions de noirs . Des millions de noirs, quasiment invisibles dans la superstructure, dans tout le Maghreb… Voilà le projet en gestation, voilà le destin, à moins et long terme, qui nous guette dans notre pays et que nous réservent les tenants du Système. Nous ne l’accepterons pas ! Comme nous n’accepterons pas l’unité du cavalier et de sa monture …Nous affirmons notre choix pour un pays qui accepte réellement et franchement son identité plurielle, sa diversité culturelle et ethnique. C’est feu Yehdih qui disait, plaidant pour l’Azawad, – ‘’ que si l’on ne peut vivre ensemble qu’au prix de l’oppression à l’égard d’une composante, c’est une position pas raisonnable qui, surtout, n’est pas tenable’’. Trop d’injustices de nos gouvernements ! Un racisme d’Etat chaque jour plus accentué, affirmé et assumé ! Nous sommes poussés dans nos derniers retranchements. L’entêtement à vouloir poursuivre et préserver un ordre inique, un Système où un seul groupe ethnique a contrôle sur tout, la main mise sur tout, est dangereux à terme. C’est le bon sens qui nous le souffle. ..Notre pays est à la croisée des chemins , à chacune et à chacun  de prendre ses responsabilités aux fins de redresser sa trajectoire , pour  un devenir en commun plus sain et plus équilibré .
Propositions concrètes de réajustement , pour la paix sociale :Revenir à l’esprit et à la lettre de la réforme du CMSN , à ses ambitions pour  l’enseignement de toutes nos  langues nationales  ; s’en tenir à ce principe : ‘’ le choix des langues d’enseignement dans l’Ecole repensée, au service d’une cohésion nationale apaisée, doit obéir à l’impératif d’offrir l’accès le plus efficace, surtout le plus équitable au savoir’’. D’où lever le flou et les ambiguïtés qui entourent ce projet sur le statut des langues, en posant clairement les options ci-après :    

           -Toutes les langues nationales sont officielles et toutes sont des langues véhicules de savoir ou d’enseignement              

           – Que chaque enfant démarre ses apprentissages dans sa langue maternelle.

           – le pulaar, le sooninke, le wolof sont des langues d’enseignement au primaire pour les enfants non arabes, en attendant leur plein développement pour l’expansion au secondaire et au supérieur.     

          – l ’arabe est enseignée à tous les enfants non arabophones, comme langue de communication et inversement.

           –  la langue arabe sera la langue d’enseignement pour enfants arabophones.

          – le Français est enseigné comme langue de communication au primaire.

          – Dans les Examens et Concours il sera introduit, dès à présent, une épreuve en langues nationales ( pulaar, sooninke ,wolof).


Au préscolaire, poser clairement   

        – que Les enfants apprendront dans leurs langues maternelles (1ere et 2ème année), en alphabet latin pour les non arabophones.        

        – que l’apprentissage du Coran se fera dans des mahadras, librement choisies par les parents d’élèves.


Pour les mesures administratives et juridiques, 

  – Réhabiliter immédiatement l’ILN et le détacher du Supérieur

  – Associer, au plus près, la Direction première de l’ILN aux préparatifs de démarrage des travaux d’implémentation de la réforme. 

  – Convoquer et réemployer, à titre transitoire, l’ensemble du personnel enseignant et technique disponible, impliqué dans l’expérience de 1979 de l’ILN.

  – Sur le plan législatif, s’appuyer sur les textes initiaux de 1979, à réactualiser au besoin.

En période transitoire :  

   _opérer un réajustement des coefficients, fantaisistes, affectés aux matières en arabes qui pénalisent les enfants non arabophones. 

   _Délester les élèves de matières et contenus de tout ce qui n’est pas indispensable pour la formation personnelle, professionnelle, ou pour la poursuite des études, et consacrer l’essentiel du temps à la formation de l’esprit critique, d’analyse et de raisonnement.


Samba Thiam, Inspecteur de l’Enseignement Fondamental, Président des FPC.

Nouakchott, le 15 mars 2022.

La loi protectrice des femmes est-elle véritablement contraire à l’Islam ? La controverse n’en finit pas

Le Calame – Le texte de loi visant à protéger les femmes contre diverses formes de violences suscite une véritable controverse en Mauritanie. Le gouvernement et les acteurs de la Société civile qui ont travaillé à sa confection se heurtent à des religieux qui le jugent « contraire à la Chari’a » et la polémique publique enfle à la veille de la rentée parlementaire qui doit en débattre pour la troisième fois au moins.

Approuvé par le gouvernement en 2016, le texte entend protéger les femmes contre les violences qui montent en flèche. « La violence sexuelle et conjugale, le mariage des enfants, la mutilation génitale féminine… toutes ces outrances sont en train de prendre de l’ampleur […] agressant la dignité des femmes et réprimant leur épanouissement », dénonce la présidente d’une ONG de défense des droits des femmes.

Rejetée par les députés en 2017, la première mouture prévoyait en particulier l’aggravation des peines pour viol, la pénalisation du harcèlement sexuel et la fondation de chambres spécifiques dans les tribunaux pour les affaires de violences sexuelles.

Malgré les amendements apportés par le ministère de la Justice qui y introduisit des dispositions sans lien direct avec celles-là, notamment sur la sanction de l’adultère, et réduisit certaines peines prévues initialement en cas de coups et blessures ou de séquestration par le conjoint, le texte est à nouveau rejeté en 2018.

Les députés ont notamment épinglé le concept de «genre » qu’ils attribuent à des« valeurs étrangères » et divers articles portant sur le droit de voyager sans autorisation du mari ou concédant aux organisations d’aide aux victimes le droit de se constituer en parties civiles.

Un texte différent

Pour les barbus contestataires, la notion de genre est contraire à la Chari’a en ce qu’elle ouvre la porte à de graves dérèglements : transgenre, homosexualité, etc. Une critique battue en brèche par le gouvernement dont le porte-parole a rappelé qu’aucun texte contraire à l’islam ne sera présenté au Parlement.

« Le nouveau texte en discussion est différent du précédent », a-t-il tenu à préciser. Une position appuyée par le Conseil national de la fatwa et diverses autres institutions religieuses pour qui cette nouvelle version est en tous points conforme à notre sainte religion.

e leur côté, les organisations de défense des droits des femmes accusent lesdits barbus de jouer la surenchère pour éviter l’adoption de la loi. « Ils ne défendent que leurs intérêts que le texte pourrait éradiquer : mariages précoces, secrets ou forcés, héritages… », affirme la présidente d’une ONG. « Nous avons demandé des aménagements sur la question de l’héritage, afin de responsabiliser les femmes trop souvent privées des biens de leur défunt mari, alors qu’elles doivent s’occuper de l’éducation et de la santé de leurs enfants mineurs », renchérit la présidente d’une autre organisation de la Société civile qui s’interroge sur les « deux poids deux mesures » de notre communauté : « on accepte d’appliquer certaines dispositions de la Chari’a, on le refuse pour d’autres (vol, viol, assassinat…). »

D’une manière générale, la Société civile se prononce sur la validité religieuse du texte présenté par le gouvernement et dénonce l’attitude discourtoise de certains religieux vis-à-vis de la représentante spéciale des Nations Unies sur les discriminations à l’égard des femmes et des filles, madame Meskerem Geset Techane, lors de sa récente visite en Mauritanie. « Ils s’en sont pris violemment à elle », déplore une présidente d’ONG mauritanienne, « certains allant jusqu’à exiger qu’elle s’exprime en arabe ! Quelle mauvaise publicité pour notre pays ! »

Au cours d’une conférence de presse, ladite experte des Nations Unies a déclaré que « malgré les efforts considérables déployés par la Mauritanie pour l’autonomisation des femmes et des filles, des lacunes subsistent et entravent leur épanouissement ».

Un avis repris dans le communiqué publié à l’occasion de cette visite : « l’oppression patriarcale fait obstacle à la participation des femmes, en dépit de la réelle volonté politique de faire progresser l’égalité de genre. […] malgré les efforts entrepris pour faciliter leur scolarisation, 39% de filles mauritaniennes abandonnent l’école en raison d’un mariage précoce ».

Notons enfin que le projet de loi a été également salué par l’ONG Human Rights Watch qui évoque « un pas en avant […] mais loin d’être satisfaisant, notamment parce qu’il maintient la criminalisation des relations sexuelles consensuelles hors mariage et l’interdiction de l’avortement[…] et ignore plusieurs autres formes de violences fondées sur le genre, comme l’excision », [déjà criminalisée dans la loi mauritanienne, ndr], « et les mariages forcés. »

Dalay Lam

FLAMNET-RETRO : Problématique du Système Educatif National : Contribution | Par Samba Thiam

Voilà bien des années que l’Ecole mauritanienne est malade, secouée par des crises récurrentes.

Au lieu de procéder à un diagnostique approfondi, sans complaisance du corps malade, l’on s’est contenté, à chaque fois, d’une auscultation superficielle pour lui administrer un traitement symptomatique. Six réformes successives qui ont toutes échoué ! Notre Ecole est malade, notre système éducatif en crise depuis 56 ans, tout le monde en convient !

Plus que des raisons de surface ( effectif pléthorique, manuels scolaires insuffisants ou désuets, mobilier brinquebalant, locaux vétustes et inéquipés ) nous nous attarderons plutôt sur les raisons de fond.

*Quel est le mal ?

Des élèves, des étudiants, des Enseignants sans niveau aucun, des élites francisantes ou arabisantes en extinction progressive, un produit inadapté…Un observateur, averti, ramassait la situation par cette formule : “En voulant rendre notre Enseignement authentique nous avons sacrifié l’essentiel: aucune considération pour la qualité, aucune pour la perspective d’emploi, aucune pour le développement”.

* Quelle est la cause du mal ou quelles en sont les raisons ?

– Raison d’ordre psychologique, affectant le corps enseignant :

L’Enseignant a perdu son statut d’antan, par contagion du milieu social dans lequel il baigne, où les valeurs universelles de référence habituelle, telle l’honnêteté, le respect du travail –du travail bien fait-, la moralité, l’admiration pour le détenteur du Savoir, ont cédé la place à la course effrénée pour l’argent ; l’enrichissement à tout prix, tout de suite, a pris le pas sur la conscience professionnelle, d’où cette flopée d’Enseignants-boutiquiers !

Le terme “garraaye”, devenu fortement connoté, négativement, suscite un demi-sourire pincé chez l’autre, au point qu’il devient gênant de se présenter comme tel…On est désormais Instituteur ou professeur à défaut de mieux, mais certainement pas par vocation .On est là, pour un temps provisoire, transitoire, en attendant de trouver mieux , de “monter” sa boutique, ou de partir pour des cieux plus cléments.

Cette dévalorisation du métier d’enseignant s’explique (ou s’accompagne) aussi par la dépréciation du Savoir et/ou de la Culture, censé être un des attributs majeurs de l’Enseignant. Aller à l’école, accumuler des diplômes, lire, simplement, est perçu aujourd’hui dans la société mauritanienne au mieux, comme une perte de temps, au pire comme une absurdité ; avoir de l’argent c’est mieux !

Pour corriger cet état des choses il faudra rendre à l’Enseignant sa dignité et son auréole d’antan par la revalorisation du métier, et restituer au Savoir l’admiration qui lui était attachée.

*Notre Ecole souffre, par ailleurs, d’une crise d’orientation. Au lieu d’une orientation technique et pragmatique on a opté pour l’élitisme. A la place d’une Ecole qui produit des plombiers, des électriciens, des frigoristes, des maçons, des mécaniciens, des menuisiers, des agriculteurs modernes, on a préféré celle qui fabrique des littéraires, des philosophes, c’est –à-dire des fonctionnaires aux mains propres, des “cols blancs”…

Il faut changer cet état de chose, en orientant les 60 % des cohortes vers la formation professionnelle et technique des cols bleus, et les 40% vers la formation de l’élite…

*Autre cause non moins importante, l’administration et la gestion chaotique du corps Enseignant, où l’on constate l’absence de rigueur dans la sélection et le recrutement des maîtres d’école, l’absence de contrôle sérieux et de suivi qui fait le lit du laxisme et de l’affairisme, l’absence d’émulation, de sanction et de récompense systématiques, l’absence d’ordre en un mot, qui ne se trouve pas, hélas, que dans l’Enseignement !

*Mais de toutes les causes à l’origine des crises de notre système éducatif, la plus fondamentale – entre toutes – d’ordre idéologique – demeure l’Arabisation à outrance, genèse véritable des problèmes !

Dès les années 50 les réformes débutèrent, en série, toutes à caractère linguistique ! Toutes les réformes opérées des années 50 aux années 80 portèrent sur la langue …l’objectif déclaré, hier et aujourd’hui, était et demeure de rendre notre enseignement “national” , “authentique”…l’élite arabo-berbère ne pouvait accepter, disait-on, que son identité culturelle –dont la langue est un élément essentiel- fusse occultée au profit d’une langue et culture étrangère, de surcroît héritée du colonisateur…C’était l’argument de surface, classique… Si, en soi , cette aspiration semble juste et légitime, elle cesse cependant de l’être dès lors que cette même élite imposa, paradoxalement, sa langue et sa culture à des non arabes. N’était-ce pas reproduire à l’identique le comportement du colon ?

En réalité cette revendication, nationaliste en apparence, était un écran de fumée, une supercherie visant d’abord et surtout à renverser le rapport de force, hérité du legs colonial, entre arabo-berbères et Négro-africains. Sous le couvert de “l’indépendance culturelle”, on cherchait, en réalité, à créer un autre “équilibre” …

L’argument “authenticité ou repersonnalisation” ayant servi -pour masquer les choses- est fallacieux. Nous avions tous résisté au colon, nous nous sommes tous opposés à sa langue, à l’entrée. Elle nous a été imposée à tous … Dès lors qu’il s’est agi de réhabiliter langues et cultures pourquoi le fit-on de manière sélective ? Pourquoi n’avoir pas réhabilité et promu également les langues et culture négro-africaines ?

Repersonnalisation contre repersonnalisation, Identité contre Identité, pourquoi une réhabilitation pour les uns et pas pour les autres, étant entendu que chacun reste fier de ses racines et de sa culture, et si tant est, comme le soutient Mohamed M. Abdalhaye, “chaque individu est porteur d’une dignité inaliénable” ?

Non, la motivation n’était pas que toute culturelle…

Je me permets ici une petite digression ; La thèse selon laquelle les Négro-africains seraient plus attachés à la langue française est spécieuse et de mauvaise foi. Ils ne sont, ni plus ni moins, attachés à cette langue que l’élite arabo-berbère francisante, qui joue et gagne sur les deux tableaux ! En effet, n’est-ce pas cette même élite qui envoyait en cachette ses enfants dans la filière bilingue des années 80, et continue de le faire à l’Ecole Française, à nos jours ?

Non, encore une fois, la motivation n’était pas que toute culturelle…l’Arabe ne devait servir, hier comme aujourd’hui, de moyen de promotion et d’épanouissement pour tous, comme proclamé, mais de gangue protectrice, de garantie pour la préservation et la perpétuation du Système, dicté par des peurs enfouies et des complexes Aryens… Dans “crise mauritano-sénégalaise : la rupture d’une alliance inter- ethnique” de Marion Fresia, M. Ould Bédredine confessait ceci : “les Negro- africains représentaient 80% des cadres de l’Etat mauritanien naissant. Alors les maures ont voulu rétablir les rapports de force en leur faveur en utilisant deux instruments : la langue et l’Ecole”.

C’est on ne peut plus clair !

La langue arabe a été, bel et bien, instrumentalisée à cette fin, et uniquement à cette fin. Un rééquilibrage des rapports de force, normal et légitime certes, mais qui versa hélas, dans l’excès, aboutissant, aujourd’hui à la liquidation totale de la communauté non arabe…

Notre système éducatif est donc à genoux. Des générations d’écoliers issus des milieux défavorisés ont été sacrifiées sous l’autel du slogan de la “repersonnalisation” factice et démagogique.

Pour changer les choses il nous faut, si nous sommes sincères, procéder à une véritable réforme structurelle qui conduise à une Ecole moderne, efficiente, avec comme préalable le renoncement à toute idée, à tout projet assimilationniste et hégémonique, sous-jacent.

*Il nous faudra , après cela, articuler certains facteurs :

-Adaptation de l’output aux besoins nationaux et du marché en général ( adéquation formation /emploi )

-Association des communautés villageoises à la prise en charge partagée de l’Ecole,

-Instauration d’une continuité entre formation initiale et formation continue, en paliers

-Adoption de certaines mesures d’accompagnement : (régulation du mouvement des Enseignants du public vers le privé à réorganiser et responsabiliser ; lutte ferme contre le désordre général qui prévaut – à supposer qu’on puisse le faire dans une Administration générale où le désordre et l’absence quasi systématique de suivi sont érigés en norme – , respect de la hiérarchie, de l’ancienneté, restauration de la promotion et du contrôle rigoureux des Enseignants, régulation des détachements abusifs et anarchiques, sanction sévère des absences fantaisistes, rationalisation des moyens etc ).

-Vigilance sur le corps de contrôle ( contrôle, fiche de suivi , formation du personnel , identification des Enseignants fictifs … )

-Mais surtout, procéder au rétablissement des bases de justice à l’école en supprimant l’iniquité actuellement en cours entre enfants dans l’acquisition du Savoir ; les Psycho-pédagogues s’accordent unanimement pour dire qu’un enfant qui commence par une langue étrangère accuse six (6) années de retard de scolarité. Les Ecoliers négro-africains faisant face à deux langues étrangères, au sens pédagogique terme, subissent donc un double handicap qui équivaut, logiquement, à 12 années de retard.

Il faut corriger ça !

*-Il nous faut, par ailleurs, clarifier le statut et le rôle attendu de chaque langue dans notre Ecole, à court, moyen et long terme. Pour ma part, je suis pour une Ecole qui parle plusieurs langues, comme la nation mauritanienne – pour un Etat multi-nations fédérateur des langues et cultures- . Les langues maternelles, toutes les langues maternelles, comme facteur d’apaisement des frustrations et tensions, et aussi comme facteur de développement ; le Français ou/et l’Anglais – comme porteur de pensée scientifique –( à un certain niveau), le chinois… Mohamed ould Abdalhaye disait que “la langue maternelle constitue pour tout un chacun l’outil irremplaçable de toute production scientifique effective et le socle de tout esprit créatif”.

-Je suis de ceux qui proposent que chaque enfant commence sa scolarité dans sa langue maternelle, pour aborder dans un 2eme temps une langue nationale seconde, qui serait enseignée comme langue de communication tout court ; L’arabe pour les Ecoliers Negro-africains, le wolof ou le pulaar, ou le soninke, le bambara pour l’arabo- berbère. Cette seconde langue serait affectée d’un coefficient faible de manière à ne pas gêner ou compromettre la progression de l’enfant.

L’instruction civique, morale ou religieuse, l’histoire, seraient enseignées en langues nationales. La philosophie, apte à former la pensée critique, serait enseignée en Français ; Il ne serait pas sain, ni judicieux au regard de l’évolution actuelle des choses, de faire porter l’enseignement de cette discipline par la langue Arabe –tant que celle -ci “n’est pas réformée”, et parce qu’elle est en ce moment “récupérée par le courant dogmatique et conservateur en Islam qui rejette la pensée critique et privilégie la répétition à l’identique”, selon le linguiste Algérien A Dourari. En effet, ce qui se passe autour de nous et dans le monde actuellement, n’est pas pour rassurer et n’incline pas à la pensée libre, telle que nous la connaissons chez Al Kindi, Averroes, Mohamed Abdou, Mohamed Iqbal…

Il y aurait lieu de procéder également à des réaménagements pratiques, en supprimant certaines anomalies aberrantes qui ne répondent à aucune logique objective : qu’est-ce que, par exemple, l’instruction civique, morale et religieuse en arabe (coeff 4 ) vient chercher, objectivement, en classe terminale série D ou C, si ce n’est pour pénaliser les uns et constituer un bonus pour les autres ?

Si la baisse de niveau est un phénomène général, elle est davantage plus accusée chez nous, à cause de nos pesanteurs propres ; ce phénomène est davantage accentué, ces dernières années, à cause en particulier, de la dernière réforme porteuse de tous les maux et de toutes les anomalies, sur laquelle il nous faut revenir …

Sous le couvert d’uniformisation de l’Ecole mauritanienne “qui divise” disait-on ( système à filière -Arabe/bilingue -) , cette réforme fut conçue et mise en œuvre en 2000. Son objectif déclaré était “d’unir” les Ecoliers en leur faisant suivre une seule et même filière ; plus de filière arabe où se retrouvaient quasiment tous les écoliers arabo- berbères, plus de filière bilingue, fréquentée exclusivement par les enfants négro-africains …

Autre attente exprimée à travers cette réforme, la nouvelle Ecole favoriserait la rencontre d’enfants issus de milieu social ou ethnique différent, qui déboucherait sur l’esprit de solidarité, de camaraderie retrouvée, de gestation de la citoyenneté ou du sentiment d’appartenance commune à un même pays, comme par le passé …

Derrière ces ambitions nobles, mais combien trompeuses, se cachaient, en réalité, des considérations et préoccupations bassement partisanes et claniques. Le souci n’était pas de s’attaquer aux dysfonctionnements du Système en général, mais essentiellement, de trouver une solution, à l’impasse de la filière arabe : Il fallait sauver les Ecoliers, naufragés, de la filière arabe, sans issue ! Filière qui consacrait un échec massif des enfants, sans réels débouchés ni perspectives de réinsertion dans le tissu économique.

En effet, chez nous la langue française – à la vie dure- était loin d’être morte et ailleurs l’anglais et le Français étaient de rigueur. Pour un étudiant formé donc uniquement en arabe, l’horizon interne et externe était assez rétréci, le champ des possibilités fortement restreint…

Cet échec de la filière arabe – le seul à l’origine de la réforme scolaire actuelle-, s’est illustré, on s’en souvient, par le renvoi dans les années 2000 d’un bon nombre de Professeurs de Sciences et de Mathématique, arabophones, reversés dans la diplomatie, ou affectés à d’autres tâches et fonctions administratives. Soit donc le corps arabophone, soit le médium était mis en cause dans l’enseignement des sciences, soit dit en passant …

La solution choisie fut donc de revenir à l’enseignement de certaines matières de base en Français (sciences et Mathématique ), qui était, jusque- là, réservé à la filière bilingue où se retrouvaient les écoliers négro- africains. D’un coté on levait un écueil – retour du français -, de l’autre on en créait, délibérément, par l’imposition de la langue arabe aux écoliers non arabes, avec de surcroît une langue éclatée en matières multiples affectées de coefficients accrus, accentuant ainsi leur handicap et leur échec massif, à travers une série littéraire totalement arabisée ! L’histoire, la géographie, la philosophie, la langue, l’instruction civique, l’instruction morale religieuse sont dispensées en arabe ! Appliquée brutalement, cette réforme allait pousser des milliers d’enfants négro-africains, pris de court et désorientés, à abandonner massivement l’Ecole.

On a donc réformé, mais en veillant à préserver soigneusement la nature discriminatoire du système qui opérait comme un filtre…Faisant déjà face à deux langues étrangères, -double handicap à surmonter- voilà qu’on multipliait de nouveau les obstacles sur leur chemin, ce qui, nécessairement, affecte négativement, fortement et durablement leur réussite scolaire. Voilà pourquoi , à titre d’exemple, au baccalauréat 2016, niveau national, série C, sur 100 admis on compte deux (2) Négro –africains ! A Kaédi sur 1061 candidats au bac toutes séries confondues il y a 37 admis négro -africains …Djeol compte zéro admis ! Voilà pourquoi dans les examens et concours d’accès à l’emploi les enfants et jeunes négro-africains sont recalés. De 2000 à 2016 les résultats sont tous les ans plus catastrophiques que jamais. L’Equité a déserté notre Ecole dès notre accession à l’indépendance …

Enseigner nos langues négro- africaines -gage de l’équité et de l’égalité des chances à l’Ecole et en société – n’a jamais, réellement, effleuré l’esprit des réformateurs. Ce fut –et ça le demeure – le cadet des soucis de nos gouvernants ; Il ne le fallait surtout pas, car ce serait “ouvrir la boite à Pandore, affaiblir la suprématie consacrée de la langue arabe, remettre en cause l’arabité de la Mauritanie”, compromettre le “rééquilibrage” du rapport de force, en voie de parachèvement …

Tel est l’esprit qui nous gouverne toujours !

Cette actuelle réforme, sabordant au passage l’Institut –performant – des langues nationales, n’a pas moins divisé et l’Ecole et la société mauritanienne. Par ses conséquences directes, des Profs de fac francophones, négro- africains, sont entrain d’être poussés vers la sortie, en voie de chômage technique…Les Profs de Droit, et d’histoire sont actuellement touchés, demain ce sera au tour des Profs de lettres. On devine la suite logique du processus sur l’Université… (et lorsque je parle de l’autre Elite- qui a choisi , pour l’essentiel, de se coucher, je note des grincements de dents !!!

En conclusion, l’uniformisation du Système scolaire actuel, à travers cette réforme dernière, s’est faite au détriment des enfants négro africains, au détriment de l’Unité nationale. En lieu et place de la réconciliation, elle a reconduit et accentué la fracture entre Ecoliers et entre communautés, par ses inégalités. Peut –il, du reste, y avoir réconciliation, restauration de l’esprit de camaraderie sur le socle de l’injustice ?

La baisse de niveau est, il est vrai, à l’échelle régionale, africaine et mondiale, mais elle est particulièrement aiguë chez nous à cause de la série de réformes à caractère idéologique et partisan…

“Notre pays dont l’unité s’est forgée dans l’épreuve entend sauvegarder cette unité comme son patrimoine le plus précieux. La diversité est une source d’enrichissement, elle ne doit jamais devenir une source de division. Unité dans la diversité, sans doute, unité dans une stricte égalité, des droits de chacun, sans discrimination d’aucune sorte. C’est ce que nous commande une vision de la réalité, une analyse sans complaisance des faits”.

Ce sont là des propos que tenait M. ould Daddah, mais quel usage en fit-il ? Nous pouvons réussir si nous abordons notre problématique dans un esprit exempt de tout calcul, de tout esprit partisan ou hégémoniste. Nous réussirons à condition d’être mus par le seul désir de construire, une fois pour toute, un système éducatif performant, fonctionnel, efficient , qui servirait l’égalité des chances , offrirait les mêmes opportunités et assurerait au peuple , dans toute sa diversité, développement, bien-être, et harmonie.

Samba Thiam
Inspecteur de L’Enseignement Fondamental

4 septembre 2014

Pacte républicain : le poison d’un pacte. Par Pr ELY Mustapha

Appelez-là ce qu’il vous conviendra de l’appeler : juxtaposition, transposition, permutation, interversion, inversion…mais ne l’appelez pas opposition. Cette opposition qui pactise avec le pouvoir est le pire des maux que la Mauritanie puisse subir. S’opposer à cette opposition-là est le premier devoir de tout citoyen concerné par l’avenir politique de son pays.

Une opposition s’organise, collecte ses moyens matériels et financiers prépare son programme politique, le vulgarise, rencontre ses militants, génère des alliances, déploie son énergie à rassembler une opinion qui lui soit favorable, en d’autres termes prépare avec militantisme sa participation aux prochaines élections.

Mais une opposition toute tournée vers la contemplation du pouvoir et attendant de son détenteur qu’il l’apostrophe, est un réceptacle d’une misère partisane tendant sa gamelle pour y recueillir les postillons d’un pacte qui est devenu tout son programme.

Le devoir de tout Mauritanien, est de ne pas intégrer cette opposition-là mais plutôt de la fuir comme une peste institutionnelle. Si aujourd’hui, une nomenklatura partisane (dite par « euphémisme « majorité »), piétine tout un peuple et accapare le pouvoir ce fut et c’est toujours à cause de cette opposition-là.

Toute une frange de l’opposition mauritanienne est devenue une composition. Une composition d’individus qui ont instrumentalisé leurs partis pour des intérêts individuels. Des individus qui monnaient désormais leurs rencontres avec le président de la République, qui monnaient des postes publics pour leur progéniture, qui monnaient leur silence, qui monnaient des petits privilèges au détriment du pays.

L’opposition mauritanienne est devenue un poison pour la démocratie en Mauritanie. Une ciguë que l’Etat, fait boire au peuple, en lui faisant croire qu’il y a une opposition pour l’assagir alors qu’elle hante depuis longtemps l’antichambre du pouvoir.

Depuis que l’actuel président est au pouvoir toute l’opposition a fait la queue leu leu dans son salon, pour lui prêter allégeance, et depuis ses leaders se sont tus, repus de promesses et de privilèges attendus.

Un suppositoire institutionnel

L’opposition mauritanienne, est devenue dangereuse pour le pays, en ce que non seulement, elle est devenue alliée silencieuse du pouvoir, mais elle justifie aussi, par sa présence fantomatique, un semblant de démocratie faisant croire à son existence institutionnelle, alors qu’elle n’est plus qu’une collection d’individus qui, tous, lorgnent sur les prébendes du pouvoir.

La preuve que l’opposition n’existe plus, c’est d’abord son silence qui justifie son inaction. « Le silence face à l’injustice est une complicité avec l’oppresseur. » (G.Sagan) ” Son silence vis-à-vis de tout ce que le pays vit de misère, de criminalité, d’injustice, d’incompétence des gouvernants, de leurs concussions, de leurs malversations, de leurs détournements, de leur corruption et de leur impunité.

Comment une opposition peut-elle se taire lorsque des corrompus notoires et des criminels financiers sont nommés aux postes publics, lorsque des incompétents sont parachutés à des postes-clefs de l’administration publique, la réduisant à une boite de pandore budgétaire incapable de monter le moindre projet public viable ou de réaliser la moindre valeur ajoutée, fut-elle non marchande ?

Comment une opposition peut-elle se taire, lorsque le fonds COVID-19 consignant des millions de dollars depuis 2019 s’évapore, sans qu’aucune justification n’en soit donnée ?

Comment une opposition peut-elle être si muette lorsque l’Etat continue à augmenter les droits sur les produits de consommations courantes, mettant à genoux les populations miséreuses et paupérisation ce qui reste de classes moyennes, alors qu’il bénéficie chaque année de millions de dollars, en dons et prêts concessionnels ?

Comment une opposition peut-elle se taire lorsqu’après 60 ans d’indépendance notre pays manque de fruits et légumes alors qu’il dispose d’une superficie arable, cultivable, supérieure à la superficie de certains pays africains et arabes ?

Comment une opposition peut-elle se taire, lorsqu’un citoyen parmi ceux d’une population de 4 millions d’habitants à peine, n’arrive pas à se procurer le moindre poisson alors qu’il vit dans le pays aux côtes les plus poissonneuses du monde ?

Une opposition qui ne commande, ni ne recommande le bien et qui n’interdit pas le mal, comme cela est dit dans les saintes écritures, est pire qu’une opposition, c’est un leurre institutionnel qui bien plus que le pouvoir, qui agit à visage découvert, est sournoise et mortelle pour la démocratie.

Et voilà qu’elle pactise pour ne pas sortir de son silence mais servir ceux qui justement l’ont réduite au silence. Une forme politiquement évoluée du syndrome de Stockholm.

Cette opposition mauritanienne, est devenue un poison. Un poison pour l’avenir de la démocratie, un poison pour le peuple et un suppôt du pouvoir.

Opposition vieillissante, transigeante, avec ses règlements de comptes internes, toute tendue vers le soutien du pouvoir et qui le caresse dans le sens du poil et qui n’a même pas le mérite de se comporter en opposition digne ce nom.

Une opposition, supposée, qui ne s’oppose pas, n’est donc plus qu’une supposition, un suppositoire institutionnel, un sédatif sournois, pour mettre le peuple en léthargie.

L’excipient d’une forme galénique d’un poison régalien.

Et ses effets sont négatifs à deux niveaux :

– Au niveau du peuple lui-même et de son opinion

– Au niveau du champ partisan de l’opposition

Relativement au premier point, le soutien qu’apporte un parti de l’opposition à une majorité à laquelle il n’appartient pas et qu’il est sensé combattre légalement, enracine une image éminemment négative dans la constance de son combat et de son attachement à ses principes.

Car une opposition n’est pas seulement une opposition à des idées c’est aussi une opposition à leur mode de réalisation, à leur degré de réalisation et aux convictions de ceux qui les réalisent. Relativement au second point, notamment le champ partisan de l’opposition, il est clair qu’une telle attitude entrainera un rétrécissement important dans la base de l’opposition et réduira ses forces. Elle ouvre une brèche dans les convictions des uns et des autres, semant l’inconstance dans l’esprit et l’attitude des militants. « Qui croire ? », « Y’a-t-il une conviction réelle dans ce que nos partis font ? » etc.

Autant de questionnements qui éparpillent la base militante et effritent les convictions. Et ceux qui en profiteront seront ceux justement que le parti aurait dû combattre au nom de son idéal et de ses valeurs. Et il ne faut pas, à moins de disparaître, se tromper de combat.

On ne défend pas la République en adoptant les idées et les valeurs des autres, on défend le République en se battant pour ses idées et ses valeurs ! Et avec constance !

A moins que l’on soit convaincu que les idées et les valeurs des autres sont meilleures que les siennes pour l’objectif “idéel” que l’on recherche. Et dans ce cas on le fait en son âme et conscience en commençant au préalable par dissoudre son parti pour rejoindre l’autre.

C’est ce que dicte la déontologie partisane et c’est ce que le devoir à l’égard du peuple exige.

Hélas, tout cela est ignoré, et confinée dans l’antichambre des dialogues stériles que le pouvoir lui miroite « l’opposition » continue à saliver, comme un cabot attendant un os. Le dialogue, fut un instrument machiavélique par lequel le Pouvoir a usé ce qui restait d’une opposition depuis sa forfaiture à l’Accord de Dakar. Dans sa mauvaise foi le régime pousse au Dialogue et il le retire chaque fois que l’opposition y croit. La tenant en haleine, en laisse.

Cette opposition-là, fait le jeu du pouvoir. Et c’est en cela qu’elle est dangereuse. Elle comprend un grand nombre d’individus, groupes usés par la compromission vénale, n’ayant rien à perdre, qui constituent une sorte de courroie de transmission avec le pouvoir.

Ce sont ces groupes-là qui constituent les « poignées », une culotte de cheval, dont se saisit le Pouvoir pour appâter l’opposition. Ces « poignées » sont composées de dirigeants aigris par le pouvoir et qui ne savent plus comment y accéder, mais aussi d’individus membres qui « monnayent » leur participation au pouvoir et qui émulent au sein de l’opposition une espèce de « psychose » du dialogue où le délire de l’intéressement matériel n’est pas absent.

Toujours est-il que cette opposition qui fut intéressée au dialogue, et qui signe un « pacte républicain » est le dindon d’une farce qui dans sa fièvre du pouvoir n’en a pas saisi les conséquences pour le peuple mauritanien.

Oui en effet. Que représente cette opposition « pactisante » pour le peuple mauritanien pour pactiser en son nom ?

Quelle est sa valeur institutionnelle ? Quelle est sa base partisane ? Quel est son poids électoral ?

Qui sait ce que ces partis représentent aujourd’hui électoralement ? Quel est le nombre de leurs membres effectifs ou tout simplement leurs sympathisants ?

Que représentent aujourd’hui ces partis pour que, à travers un pacte engager une parole de citoyens d’électeurs, d’un peuple qui leur aurait été donnée ?

La défaite cuisante de ces partis-pactisant aux dernières élections n’est-elle pas un indice pertinent de leur non viabilité politique et de leur insignifiance aux yeux d’un électorat mauritanien pris en otage par un système tribalo-militaro-mercantile que cette opposition n’a jamais su, ni pu, contrer par un militantisme permanent et convaincant, par une force de la rue contraignant le pouvoir à se « soumettre ou à se démettre ». ?

Plongée dans le dialogue cherchant la compromission attendue, elle a vendu son âme ?

Un électorat de circonstance

Certaines bonnes volontés justifient un pacte républicain en Mauritanie, en donnant l’exemple de partis d’opposition dans certains pays qui ont passé des pactes « démocratiques » avec le pouvoir en place (et sa majorité).

Hélas la comparaison n’est pas de mise. Dans ces pays (notamment au plus proche d’entre-eux le Maroc), les pactes sont bâtis sur des consensus au sein de l’opposition elle-même et pas de comportements unilatéraux à tire larigot.

Ce sont ensuite des partes à forte coalition électorale et bénéficient d’une assise électorale quantifiable, à l’échelle nationale et locale, ils sont par leurs coalitions des forces de discussion et d’imposition de programmes politiques partagés avec les autorités au pouvoir.

Et cela depuis les années 90, avec la polarisation des partis sous les appellations de “bloc démocratique” (El Koutlah al democratiya) et de “l’Entente” (El Wifak). Cette terminologie a participé au façonnement du système partisan marocain ; ainsi la gauche a évolué face à une droite proche du pouvoir monarchique.

Avec les changements survenus à la fin du règne de Hassan Il, et notamment l’acceptation de l’alternance comme mode de gouvernance cette polarisation a été nuancée, suite à l’entrée de nouveaux partis et la montée de la mouvance islamiste. Cette évolution n’a pas fait disparaître la dualité Gauche /Droite comme repères pour l’électorat.

En Mauritanie, tout aussi bien le parti, dit de la « majorité » (assis sur une baïonnette) que les partis d’opposition dits « pactisants » (assis sur une disette), n’ont de réalité électorale que circonstancielle. Leur base électorale est de circonstance, elle se fait et se défait au gré des influences claniques, tribales, mercantiles et les prébendes que le pouvoir en place distribue pour accaparer les voies (pièces d’identité) des pauvres gens…

Les partis en Mauritanie ne sont pas agrégés autour d’idéologies ou de programmes populaires, qui définissent leurs électeurs ou leur attachement à ces partis. L’effet migratoire de l’électorat en est l’expression la plus élémentaire dans le jeu politique mauritanien.

Cavaliers seuls sous tutelle

Aurions-nous pu croire, en un pacte républicain, si toutes les parties prenantes partisanes y avaient été associées qu’elles que soient leur faiblesse ou leurs dissensions, qu’elles s’y soient allées en rang solidaire, uni, et avec des exigences pré-réfléchies et adoptées dans un cycle de concertation qui aurait crédibilisé le contenu de tout acte et de tout pacte.

Ce ne fut pas le cas, deux partis, faisant cavalier seul ont signé sous la supervision du pouvoir en place et encadrés par ses cadres, un « pacte républicain » comportant 18 points au sujet desquels les signataires s’engagent à nouer le dialogue et la concertation pour affronter les défis auxquels est confronté le pays : unité nationale, passif humanitaire, processus électoral, gouvernance, lutte contre la corruption, esclavage…

En somme, un pacte qui n’apporte rien qui ne soit déjà connu.

Un pacte qui, s’il a une signification, c’est de bien trahir la non viabilité de cette opposition à pouvoir lutter pour ces défis et qui préfère se mettre sous la tutelle du parti de la majorité pour… les concrétiser. Le ridicule ne tuant plus depuis longtemps dans ce pays…

Et même le simple d’esprit se poserait la question : Que veut bien faire un parti majoritaire, fort, de deux partis faibles ? La manipulation encore et toujours…en face d’échéances électorales, puis ils tomberont dans l’oubli et la désuétude.

L’avenir du pays n’en sera jamais changé et ce sera un marché de dupes qui se terminera en queue de poisson (d’ailleurs introuvable pour le pauvre diable de citoyen) ?

S’il est certain qu’il ne faut pas faire confiance au parti au pouvoir, il est encore plus urgent de ne pas faire confiance à cette opposition-là. Si le premier ne cache pas son jeu, la dernière a depuis longtemps mis à mal le pays. Et ce pacte n’est qu’un jalon d’un infantilisme politique, par lequel les régimes politiques, on toujours traité l’opposition.

Les leçons de l’histoire sont là pour le prouver.

Qu’est-ce que l’opposition « pactisante » en Mauritanie ? Rien. Que veut-elle devenir ? quelque chose. Comment s’y prend-t-elle ? Très mal.

En tout cas ce n’est pas une opposition au sens de force de frappe et de dissuasion politique dans un Etat de droit.

Que s’est-il passé pour que l’opposition devienne ce qu’elle est aujourd’hui ? Simplement qu’elle n’a pas tiré les leçons du passé politique récent du pays.

L’opposition ou la sape psychologique : les leçons du passé.

Jamais une stratégie n’a été aussi brillante et aussi sournoise que celle qui réduisit durant ces dernières année l’opposition et lui enleva se velléités aux présidentielles et aux législatives. Ceux qui dirigèrent les différentes transitions, avaient décidé de miner l’opposition et de la réduire autant que possible à travers une stratégie de « concertation » qui a permis de « piéger » ceux qui justement pouvaient tout faire basculer.

Les « renards » de la transitions aguerris aux faux compromis et aux jeux de la souricière avaient décidé de neutraliser une opposition qui a la veille du 3 Août 2005 avait une force et une légitimité qu’ils craignaient par-dessus tout. Cette opposition qui sortait d’une haute lutte contre l’ancien régime et dont certaines composantes avaient même pris les armes contre lui risquait de remettre en cause le coup d’Etat lui-même et la transition elle-même.

Il aurait suffi que l’opposition ne reconnaisse pas le coup d’Etat, qu’elle s’agrippe à ses acquis historiques qu’elle « tape sur la table » pour que ceux qui ont élaboré la transition dans des buts inavoués reculent et cèdent devant ses doléances. Cela ne fut pas fait parce que les renards de la transition avaient très vite identifié le talon d’Achille de l’opposition en la personne de ses leaders et notamment Ahmed Ould Daddah.

Cette identification se confirma pour eux très vite lorsque Ahmed Ould Daddah fut le premier reconnaître le coup d’Etat et son apport pour la démocratie. Il devenait alors un « interlocuteur » qui allait servir de porte d’entrée, un cheval de Troie pour déstabiliser l’opposition.

La bonne foi d’Ahmed Daddah n’avait d’équivalent que la mauvaise foi de ceux qui allaient « l’utiliser » malgré lui. Et c’est là où l’œuvre de sape psychologique commença à la manière d’une forteresse assiégée.

Durant les premiers mois on le consultait on le travaillait dans le sens du poil et le travail psychologique finit par prendre : la conviction du leader du RFD en la volonté des militaires de céder le pouvoir à l’opposition et de façon démocratique. Par cette politique d’amadouement ils ont obtenu deux choses :

– L’immunisation : Faire passer calmement la transition jusqu’à son terme et appliquer leur plan stratégique.

– La neutralisation : Assagir l’opposition à travers l’un de ses principaux leaders jusqu’à la mettre à genou.

Des sorcières …à la rectification de la Démocratie

Cette situation se manifesta à travers les idées lancées par Ahmed Ould Daddah dans sa fameuse déclaration sur « l’absence de chasse aux sorcières » qui reprenait l’argumentaire du CMJD et ses déclarations dans l’interview à Jeune Afrique. Feu, ELY Ould Mohamed Vall déclarait en effet en Septembre 2005 : « Il n’y aura ni règlement de comptes, ni chasse aux sorcières, ni esprit de revanche. « (J.A L’Intelligent » Septembre 2005)

Le 07 septembre 2005 Ahmed Daddah déclarait à l’AMI : « ‘j’ai confiance, en toute objectivité, dans le projet du CMJD”.

Il était devenu ce que le CMJD voulait qu’il devienne « la courroie de transmission » avec l’opposition en la « piégeant » dans le processus d’un dialogue et d’une concertation qui allait être fatal pour toute l’opposition.

« le RFD, déclarait Ahmed Daddah, en tant que parti, est favorable au principe du dialogue sur les questions nationales qui nous concernent tous. Nous nous réjouissons donc de cette initiative et pensons qu’elle marque le début d’une concertation que nous espérons approfondie, franche et exhaustive.

Concernant le comité chargé du processus de transition, je tiens à préciser que cette période transitoire est essentielle parce qu’elle déterminera tout ce qui la suivra. C’est pourquoi nous estimons que tous les acteurs doivent y participer, y compris les partis politiques, la société civile, les leaders d’opinion, avec tout le sérieux et toute la franchise requise…»

Et la boucle est bouclée. Ahmed Daddah était devenu l’appât auquel on miroitait mille et une bonnes intentions dont il nourrissait ses espoirs de changement.

Mais la leçon du CMJD n’ayant pas suffi, voilà que le leader du RFD, qui un auparavant félicitait Sidioca pour sa présidence, soutenait le putsch de Ould Abdelaziz en le qualifiant de « rectification de la Démocratie ».

Et ce fut l’accord de Dakar et ce fut l’humiliation de l’opposition et la justification d’un putsch …qui allait encore miroiter un dialogue…à l’infini.

Rappelons-nous la phraséologie indécente du Président putschiste, qui ayant mis les pieds dans le plat, piétinait ce qui restait à l’opposition de dignité.

A propos de Sidioca (alors détenu au Palais des Congrès) : « Si ce qui vous intéresse c’est seulement la personne de Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdellahi, nous sommes capables de vous exposer sa dépouille dans les rues de Nouakchott »

A propos de Ould Waghef (alors détenu pour l’affaire du « riz avarié ») : “Si Ould Waghef mange le riz avarié, je le libère. »

Et à propos de Daddah (venant d’inventer le concept de « rectification de la Démocratie ») : « Daddah, ne sera jamais président même si les chinois votaient pour lui. »

Une opposition qui a la mémoire courte, ne peut que servir de courte échelle pour le pouvoir.

Comme au Chiapas mexicain.

Les militaires, en s’appuyant sur une structure gouvernementale triée dans le tas des anciens du régime précédent, avec lesquels ils partageaient les mêmes préoccupations de défense de ses intérêts et de ses basses-œuvres avaient mis en place une stratégie psychologique militaire qui, comme on le sait, utilise de multiples techniques de déstabilisation de l’adversaire utilisant la psychologie préventivement, ou simultanément, à l’usage de la force.

Une stratégie qui ressemble étrangement à celle utilisée par les experts militaires dans le Chiapas mexicain : diviser et semer la confusion dans les esprits pour atteindre des buts de déstabilisation des structures villageoises.

A travers une pseudo- politique d’ouverture au dialogue, le gouvernement opposait les chefs de village en accordant plus d’importance officielle à l’un deux et en le favorisant financièrement et matériellement par rapport aux autres. Ce qui, à moyen terme, entrainait la division et les blocages dans les rapports villageois. De la division et des rancunes naissaient alors les dénonciations.

Lorsque Ahmed Daddah a compris qu’il n’était pas l’interlocuteur unique du CMJD, que celui-ci jouait son propre jeu, il fît machine arrière à travers les dénonciations que l’on sait sur la « dérive » du CMJD notamment après que Sidioca fut pressenti au mois de juillet 2006 comme candidat « favori » du CMJD. Mais déjà en décembre 2006 le vent avait tourné et la stratégie du CMJD était à son apogée.

La dissidence de Messaoud Ould Boulkheir qui permit à Sidioca de remporter la victoire, tient de cette stratégie car on se rappelle très bien que pour justifier son ralliement à Sidioca, le dirigeant de l’APP avait reproché à Ahmed Daddah d’avoir eu un plan secret avec le CMJD de constitution d’un gouvernement. La stratégie de déstabilisation avait joué.

Concertation et dialogue furent les deux armes absolues de la stratégie des autorités de transition pour « endormir » l’opposition et gagner du temps pour échafauder ses plans et les mettre à exécution. Ce qui rappelle étrangement l’objectif du pseudo « pacte républicain » d’aujourd’hui à la veille d’élections présidentielles. Le pacte stérilisant, un ersatz d’un dialogue anesthésiant

Cette stratégie de « la concertation anesthésiante » est encore aujourd’hui mise en œuvre par l’actuel régime politique car, par certains de ses aspects, il est une continuité de la transition.

Une opposition à palabre.

Mieux encore, la transition avait pensé à un mécanisme pour pérenniser cette « concertation » et neutraliser l’opposition : : le statut de leader de l’opposition. Un leader de l’opposition qui s’est trouvé enfermé dans une fonction aux devoirs et aux rôles législativement bien définis, le transformant en une institution statique qui se meut avec le pouvoir, qui l’accompagne, qui se concerte mais… ne s’oppose pas.

Une forme de « ministère de l’opposition » qui a institutionnalisé une neutralité de fait basé sur une gestion « concertée » de l’opposition. On ne s’oppose plus : on discute. Une opposition à palabre.

Le piège institutionnel se referma alors et l’opposition fut toute réduite à cette fonction de « concertation » qui lui enlève tout rôle et toute volonté sinon ceux d’entériner ce que le « leader » glane comme assurances et expressions de bonnes intentions sur tout et sur rien. la bonne foi du leader fut mise à contribution à travers une concertation dont on sait ce qu’elle a donné par le passé…et qui se continue aujourd’hui.

Une stratégie militaire érigée en politique : la terre brulée

Elle fut appliquée par tous les régimes militaires depuis 1978 mais Ould Abdelaziz y excelle. Elle consiste à saper, devant tout mouvement qui se crée, la possibilité de progresser et de se développer. Et cela en lui enlevant ses moyens, en les corrompant ou en les attirant à lui.

« La politique de la terre brûlée est une tactique consistant à pratiquer les destructions les plus importantes possibles, impliquant, en cas de conflit militaire, de détruire ou d’endommager gravement ressources, moyens de production, infrastructures, bâtiments ou nature environnante, de manière à les rendre inutilisables par l’adversaire.

Cela peut concerner une tactique offensive, consistant à ravager les territoires de l’adversaire afin de l’empêcher de reconstituer ses forces ou de trouver un refuge, ou bien une tactique défensive consistant, face à une armée d’invasion, à se déplacer ou à se retirer (retraite) en détruisant ou en brulant tout derrière soi (habitations, récoltes, bétail, routes, ponts, moyens de communications et de production), afin d’ôter à l’ennemi toute possibilité de ravitaillement.

Au sens figuré, cette expression désigne aussi l’attitude d’une personne qui, risquant de perdre face à un adversaire, saccage la place que celui-ci s’apprête à prendre afin de minimiser ses gains et de gêner toute progression ultérieure. » L’histoire récente, Et toujours une même et unique stratégie.

L’assagissement des intégristes : La raison sans raison

L’on se rappelle la volonté du pouvoir de ramener à la « raison » les intégristes emprisonnés en leur envoyant les oulémas en prison et en leur dispensant des montants financiers en contrepartie de leur renoncement à leurs activités. Aziz pensant ainsi récupérer le mouvement intégriste en amadouant certains de ses membres virulents. Sur ce plan, l’échec a été cuisant. Refusant sa « raison » ils ont été expédiés dans un coin du désert au mépris de tous les principes des droits de l’homme. N’ayant pu les « phagocyter », il s’en est débarrassé.

Le mouvement du 25 février : manipuler pour diviser

Lorsque les jeunes mauritaniens, à l’instar de ceux de la sous-région se révoltèrent, Aziz trouva le moyen de les diviser à travers des jeunes recrutés à cet effet et qui se constituèrent en « partis » soutenant Aziz et dénigrant le mouvement, allant même jusqu’à s’identifier faussement à d’anciens membres de ce mouvement pour entrainer son éclatement.

La politique de la terre brûlée, a consisté à mobiliser une partie de la jeunesse désœuvrée et intéressée pour contrer une autre qui menace son régime. La première a été présentée comme le véritable moteur du mouvement du 25 février entrainant ainsi des difficultés de déploiement pour ce dernier.

Le mouvement estudiantin : nommer pour neutraliser

Lorsque le mouvement revendicatif s’est amplifié à l’université, Aziz s’est aussitôt entouré d’un recteur et d’un étudiant dirigeant d’un des mouvements. Le premier fut nommé chef de cabinet, le second conseiller au cabinet. Ces deux “nommés” firent un travail de fond pour assagir le mouvement dont on n’entend plus guère parler aujourd’hui. Aziz a pris les devants en intéressant des acteurs du mouvement.

L’opposition : diviser pour régner.

Lorsque l’opposition face à l’Accord de Dakar se rendant compte, a postériori de sa duplicité avait crié au « scandale et à la trahison », Aziz a su phagocyter certains partis pour assoir ses desseins de pouvoir.

L’accord signé, avec Boidiel et autres compères (dont Ould Boulkheir) n’avait d’autres objectifs que de mettre en quarantaine le reste de l’opposition et fortifier le pouvoir du général.

C’est un accord qui n’est que l’expression de la politique de la terre brûlée : diviser l’opposition et la priver de ses moyens dont le premier est son unité face au pouvoir. Sans unité et divisée à propos d’un accord, l’opposition a sombré dans les chamailleries et les coups bas. Et cela arrangea le pouvoir. Il en profita à travers le temps qu’il gagna (continuant ainsi à « gérer » le pays) et à jouant « l’arbitre » d’un match qu’il a gagné d’avance.

Quel est l’instrument de cette stratégie de la « terre brûlée » ? Simplement la « phagocytose ». Connue dans le monde cellulaire, la « phagocytose » est une forme de capture d’éléments à détruire se trouvant dans le milieu ambiant. Soit que ces éléments menacent l’organisme soit qu’il s’en nourrit.

Aziz l’avait compris son régime ne fit que « phagocyter » les mouvements, les biens et les personnes. Il happa tout mouvement partisan ou populaire qui le menaçait, et produisit immédiatement son contraire (partis et jeunesse manipulés) pour le neutraliser, il s’appropria les biens de l’Etat (à travers les privilèges qu’il octroie à ceux qu’il phagocyte) et immobilisa les personnes qui le contredisent (à travers son système judiciaire et pénitentiaire).

La « pacte républicain » n’est qu’une forme de phagocytose d’une opposition qui … est venue se ligoter elle-même.

Des conditions d’une opposition crédible

Ce n’est pas de cette opposition dont le pays a besoin, mais d’une qui n’est liée que par des principes qu’elle défend. Elle doit être présente dans le peuple et avec lui. Défendant pied-à-pied et au jour le jour ses intérêts. Haranguant les foules quand il le faut, appelant à la résistance quand c’est nécessaire. Bref une opposition qui s’oppose.

Or déjà en entrant dans le jeu de l’institutionnalisation et de la « fonctionnarisation du leadership » et de la « pactisation » de son action l’opposition a été prise au piège. Elle est devenue une partie du système auquel elle est sensée s’opposer. L’ultime phase serait de la stériliser dans un gouvernement d’union nationale, comme y avait durant des années appelé l’UFP.

Le pays a besoin d’une opposition qui se démarque de tout gouvernement et qui joue son rôle politique de régulation et de proposition sans lesquels le gouvernement peut aller à la dérive. En tout état de cause, la perception d’un parti d’opposition qui a milité en tant que tel et qui se met à défendre les programmes d’une majorité, quelle que soit la bonne foi de ses dirigeants, ne peut entrainer dans le public que suspicion.

Toute opposition qui voudrait trop se rapprocher du pouvoir finira, comme un papillon prenant une lampe incandescente pour la lumière du jour, par se brûler les ailes.

Et pactiser avec le pouvoir c’est déjà corrompre ses propres convictions pour un compromis imposé. Souvenons-nous : « Si le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument» (Lord Byron). Ceci n’est pas seulement valable pour ceux qui exercent le pouvoir mais aussi pour tous ceux qui le courtisent.

Que le Président préside

Que le gouvernement gouverne.

Que l’opposition s’oppose.

Que chacun remplisse son devoir.

Ainsi va la démocratie. Et va l’alternance.

Et, face à l’injustice, à la dérive des gouvernants, à la misère du peuple, une Opposition, digne de ce nom, ne se compromet pas …Elle se bat !

Pr ELY Mustapha

cridem