Les Forces Progressistes du Changement (FPC) Mauritanie

Monthly Archives: January 2022

Renvoi de l’ambassadeur français au Mali : “La France n’a pas du tout vu venir ce qui se passait”

TV5 MONDE – Nouvel étape dans la rupture entre la France et le Mali, les autorités maliennes ont demandé à l’ambassadeur de France de quitter le pays “sous 72 heures”.

Pour Antoine Glaser, journaliste et écrivain spécialiste des rapports entre la France et l’Afrique, c’était prévisible. Nouvel étape dans la rupture entre la France et le Mali, les autorités maliennes ont demandé à l’ambassadeur de France de quitter le pays. La rupture semble consommée entre la France et le Mali.

Le 27 janvier, à la télévision nationale, le porte-parole de la junte, le colonel Abdoulaye Maïga, invitait la ministre des Armées Florence Parly à se taire, après qu’elle ait déclaré à l’Assemblée nationale que la junte multipliait les “provocations”.

La stratégie très habile de la junte malienne

Pour Antoine Glaser qui vient récemment de publier chez Fayard Le Piège Africain de Macron, c’était prévisible. “Habituellement, c’est la France qui prend les devants, maintenant ce qui change, c’est qu’on n’est plus dans la Françafrique, on est dans l’Afrique France ! Cette junte est beaucoup plus intelligente qu’on ne l’imagine. C’est très fort de leur part. Surtout après les récentes déclarations de Florence Parly et Jean-Yves Le Drian qui déclaraient ‘on ne peut pas rester comme ça.’ “

“Le fait de prendre les devants est une stratégie très habile” selon Antoine Glaser, “surtout dans ce moment où beaucoup de nations africaines éprouvent un fort sentiment anti-Français. Cela leur permet de renforcer leur position en interne.” Quand le ministre des Affaires étrangères français Jean-Yves Le Drian qualifie la junte d'”illégitime” et ses décisions d'”irresponsables”, après que les autorités maliennes eurent poussé le Danemark à retirer son contingent de forces spéciales, “ils expulsent l’ambassadeur de France.”

Un camouflet pour la France

Les conséquences sont importantes pour la France car cela remet en cause sa stratégie militaire, explique Antoine Glaser. “Ça piège complètement la France vis-à-vis de ses partenaires européens. Ça remet en cause la stratégie de la France pour ne plus être en première ligne et de faire monter la présence des alliés européens dans la force Takuba.” Antoine Glaser nous rappelle le contexte dans lequel ce renvoi intervient, à quelques jours du sommet Europe-Afrique (sommet présidé par la France qui se tiendra les 17 et 18 février) où “vont être abordées les questions de développement et d’infrastructure en Afrique”. Tout le monde va avoir à l’esprit le camouflet que vient de subir la France, “c’est très habile de la part de la junte”.

Bamako a réitéré “sa disponibilité à maintenir le dialogue et poursuivre la coopération avec l’ensemble de ses partenaires internationaux, y compris la France, dans le respect mutuel et sur la base du principe cardinal de non-ingérence”. Mais dans les faits comment ça va se passer ? “Une fois le retrait de l’ambassadeur, les seuls qui se parlent après sont les services secrets” explique Antoine Glaser “la DGSE va prendre le relais pour les relations avec la junte.”

En renvoyant l’ambassadeur de France, “ce n’est qu’un pas de plus vers un discours de séparation avec la France” lance Antoine Glaser qui souligne que tous ces cadres “sont formés en Russie bien sûr, et ils doivent être confortés par les Russes. Il faut se rappeler ce qu’a dit le patron de Wagner, Prigojine, au moment du putsch au Burkina Faso, qui saluait une ‘ère de décolonisation’ “.

Antoine Glaser souligne également l’influence grandissante de la Chine, “d’abord via les infrastructures et les investissements économiques, mais maintenant également au niveau sécuritaire. Jusqu’à ce jour, c’était la France qui votait les résolutions au Conseil de sécurité de l’ONU. Mais ça aussi, ça ne va pas durer des années non plus ! La Chine voudra jouer un rôle grandissant dans ces instances surtout qu’elle clame qu’elle est le deuxième contributeur aux opérations de maintien de la paix.”

Pour Antoine Glaser, “la France n’a pas du tout vu venir ce qui se passait au Mali. Ce n’est pas la lutte contre le terrorisme qui est en cause, mais nous vivons un tournant historique. Jusqu’à aujourd’hui, la France a toujours cru qu’elle était chez elle en Afrique” mais depuis la chute du mur de Berlin en Europe, les choses ont changé. “Cela a un impact sur l’Afrique qui se mondialise complètement. Alors que Paris a continué, compte tenu du fait de sa présence militaire, à ne pas le voir.”

Elena Lionnet

Vers un mécanisme de protection des filles et des femmes

La Ministre de l’Action Sociale, de la Famille et de l’Enfance, a présenté une communication visant la mise en place d’un mécanisme régional de protection des filles et des femmes, à l’occasion du Conseil des Ministres du mercredi 26 janvier 2022, selon un communiqué publié à l’issue des travaux.
Un mécanisme de coordination dont les objectifs sont « la promotion, la prévention et l’identification de toutes les formes de violence faites aux filles et aux femmes, et la prise en charge des victimes, à travers une synergie d’actions entre toutes les structures publiques, privées et civiles ».
L’annonce par le gouvernement de la volonté de mettre en place ce mécanisme suscite des interrogations au sujet du projet de  loi criminalisant les violences basées sur le genre, adopté depuis plusieurs années par l’exécutif, qui reste bloqué par des forces rétrogrades après de multiples navettes entre les différents ministères concernés et le parlement.

le calame

Gâchette facile, junte en péril…

Qu’il soit le fait de l’armée régulière ou de n’importe quel groupe armé, le meurtre de sang-froid de sept mauritaniens innocents au Mali est un crime odieux qui ne peut rester impuni. Certes le lieu où ils ont été assassinés et enterrés dans une fosse commune est une zone de non-droit mais l’armée malienne y est quand même présente, si l’on en croit divers témoignages provenant de la région. C’est pourquoi les militaires ont été les premiers indexés, tant ils sont réputés avoir la gâchette facile lorsqu’il s’agit de civils désarmés. Avec les djihadistes, c’est une autre paire de manches. En 2012 déjà, douze mauritaniens membres d’une organisation de prêche furent mitraillés par une patrouille de ladite armée, alors qu’ils se rendaient à Bamako assister à un colloque.  Le Mali avait alors promis de mener une enquête impartiale pour déterminer les responsabilités et punir les coupables. À ce jour, on attend encore ses conclusions. 

Aujourd’hui, le Mali nous sert la même rengaine mais assortie de larmes de crocodile. Avec cependant une obligation majeure : sachant pertinemment qu’ils ont plus que jamais besoin de la Mauritanie, étouffés qu’ils sont par l’embargo imposé par la CEDEAO, les nouveaux maîtres de Bamako ont tout intérêt à sévir contre de tels agissements et éviter qu’ils ne se reproduisent à l’avenir. Car la Mauritanie ne peut plus permettre que ses citoyens soient pris impunément pour cible. Et face à un voisin incapable de maîtriser ses troupes, elle n’aura d’autre choix que de fermer sa frontière. Ce qui sonnera le glas d’une junte dont le sort ne tient qu’à un fil – la si bien nommée, en cette occurrence, Route de l’Espoir… – détenu par Nouakchott. Une menace suffisante pour s’obliger à un minimum d’ordre ?

                                                      Ahmed oud Cheikh

le calame

La présidence confirme la mort de 7 mauritaniens au Mali

La mort de 7 ressortissants mauritaniens de la localité d’Adel Begrou se rendant dans un marché hebdomadaire de la circonscription de Nara (région de Koulikoro), attribuée à l’armée malienne, qui suscite une vive indignation dans la presse et au sein de l’opinion, est confirmée par un communiqué de la présidence de la République, rendue publique vendredi soir.
Les 7 victimes avaient été arrêtées avec un groupe composé de 14 individus. « Le président Mohamed Cheikh El Ghazouani a présenté ses condoléances aux familles des victimes et s’est engagé à œuvrer pour que toute la lumière soit faite autour de cette affaire », selon le communiqué. Ce document fait état « d’un incident douloureux qui a couté la vie à sept (7) de nos concitoyens innocents sur le territoire malien ».
Les autorités administratives de la région ont été dépêchées auprès des familles des morts pour présenter les condoléances du gouvernement et « assurer aux populations de la zone et à  tous les citoyens,  la détermination du gouvernement à préserver leur sécurité et leur quiétude ». Dans le même temps,  Nouakchott a dépêche au Mali « une mission composée des Ministres des Affaires Etrangères et de la Coopération, de l’intérieur, de la défense et du Directeur Général de la Sûreté Nationale, afin d’élucider les circonstances de ce tragique incident, à travers l’ouverture d’une enquête permettant de situer les responsabilités, afin d’infliger les peines les plus sévères aux auteurs de ce crime.
La même enquête, en coordination avec les autorités maliennes, permettra également  de prendre les mesures nécessaires pour empêcher la reproduction d’incidents aussi douloureux à l’avenir », ajoute le communiqué de la présidence de la République.

le calame

Le sens véritable de la religion selon Ghazali

par Jean Abd-al-Wadoud Gouraud

Nous élevons qui Nous voulons vers les plus hauts degrés.
Mais au-dessus de tout savant se trouve Celui dont la Science n’a point de limite
[1].

Force est de constater, de nos jours, qu’une large majorité d’hommes et de femmes semble avoir adopté, souvent sans même s’en rendre compte, un point de vue et un mode de vie les amenant à considérer la vie quotidienne comme séparée de la dimension spirituelle et religieuse. Dans un tel contexte, l’œuvre de l’imam Muhammad Abu Hamid al-Ghazali (1058-1111) revêt, plus que jamais, un caractère d’une extraordinaire actualité. Redonnant la possibilité, pour ceux qui le désirent, de redécouvrir le sens véritable de la religion, elle est une mise en œuvre cohérente du message fondamental d’unité et d’unicité de l’islam dans toutes ses dimensions constitutives de soumission à la volonté divine (al-islâm), de foi (al-îmân) et de vertu contemplative (al-ihsân)[2].

Celui qui voudra approfondir le sens de sa propre vie religieuse et spirituelle, pourra y trouver l’expression d’une sagesse universelle et d’un équilibre indispensable que le monde semble pourtant avoir oubliés, paradoxalement. L’œuvre de Ghazali refuse toute approche toute mentale ou sentimentale de la religion qui serait coupée de la dimension vraiment transcendante et spirituelle, et qui réduirait la foi à une simple abstraction ou à un élan émotionnel risquant de dériver vers le fondamentalisme et le fanatisme. Mais elle évite aussi le piège d’un discours de la raison qui chercherait à accaparer la place de l’intelligence en prétendant à la connaissance par le rejet et le déni de tout ce qui la dépasse.

Ainsi, la raison revendiquant l’objectivité et la foi taxée par elle de subjectivité sont vouées à s’opposer sans jamais réussir à s’entendre. Cette situation ne pouvait, au bout du compte, que dégénérer en un relativisme délétère remettant en cause la notion même de Vérité et la possibilité de connaître Dieu pour être en capacité de Le reconnaître. Pourtant, selon les textes sacrés et les enseignements des prophètes, c’est bien cette connaissance de Dieu, Vérité absolue et éternelle, qui constitue le but même de l’existence humaine. C’est ce but qu’ont atteint les authentiques saints et savants de Dieu, et, parmi eux, l’imam Ghazali qui nous appelle, à travers son œuvre immense, son parcours exceptionnel et son expérience spirituelle, à le rejoindre.

Ghazali a marqué, par son exemple et ses enseignements, la vie de nombreuses communautés de croyants, hommes et femmes ; et si l’on est sensible à la dimension spirituelle, on trouvera dans la vie et l’activité intellectuelle de l’imam Ghazali un exemple de servitude éclairée et un signe évident d’alchimie divine à l’œuvre. Le monde contemporain, qui semble apparemment s’éloigner des principes et des valeurs traditionnelles que Ghazali sut magistralement exposer il y a de cela plus de neuf siècles, aurait grand intérêt à approfondir, avec tout le sérieux et l’honnêteté qu’une telle entreprise comporte, les enseignements que l’imam a transmis par ses œuvres, et à travers les événements significatifs de sa vie intense. En raison d’un voile superficiel qui cache la connaissance de la véritable lumière de la foi et les réalités spirituelles, l’humanité paraît aujourd’hui, comme à l’époque de Ghazali, avoir oublié le sens de sa propre fonction dans le monde.

Neuf siècles plus tard, les débats entre « foi spiritualiste » et « dogmatisme rationnel », ou entre « spéculation intellectualiste » et « science athée », continuent de faire rage. Pourtant, si le contexte est différent, le travail qui doit être entrepris reste le même à chaque époque. C’est l’œuvre réalisée par les témoins de la Tradition authentique lorsqu’ils rétablissent les conditions nécessaires qui redonnent à l’humanité la possibilité de « goûter » l’Unité de Dieu dans la multiplicité de Sa création. Toutefois, la différence aujourd’hui est qu’il ne s’agit peut-être plus seulement d’analyser qualitativement ou quantitativement la crise de l’homme contemporain eu égard à son identité spirituelle, mais d’appeler, de façon très pragmatique, ceux qui aspirent encore à la connaissance de la Vérité à faire preuve de cohérence et d’intégrité dans leur vie même, en abandonnant les conditionnements extérieurs et les influences subtiles d’un monde qui apparaît de plus en plus incompréhensible, pour tourner leur regard vers ce qui relève de la certitude de l’Eternité.

En perdant de vue cette dimension essentielle de son existence, l’être humain rend fatalement inefficace sa fonction sur terre. Le risque est alors qu’il régisse le monde dont Dieu lui a confié la charge, sans aucune science, voire en opposition avec l’action de l’Intellect divin, allant jusqu’à participer et même provoquer ce chaos dont on sait qu’il annoncera la ruine du monde, et celle de l’homme. Luttant contre cette désacralisation de l’existence, Ghazali sut au contraire retrouver, à travers une tension métaphysique, l’élan et le goût d’une vie humaine entendue comme un itinéraire de purification, d’action et de connaissance. Une connaissance qui, dans le cadre traditionnel de l’Islam, se manifeste par dévoilements progressifs. Observant scrupuleusement les prescriptions de la Révélation, l’imam Ghazali découvrit les correspondances naturelles de son rôle dans ce monde-ci avec l’autre monde, grâce à la fréquentation des maîtres dans la pratique de la science et de la voie de l’Au-delà.

Pour autant, s’ils retrouvaient le courage et la volonté d’abandonner l’approche purement quantitative, superficielle, dialectique ou spéculative qu’ils ont généralement de la sagesse et de la religion, les hommes d’aujourd’hui pourraient s’inspirer du courage de l’imam. En se pliant à cet effort de « retrait spirituel » des apparences et des formes extérieures, à l’instar de Ghazali, ils redécouvriraient alors, faisant preuve de toute la détermination et la patience nécessaires, la voie d’une vocation contemplative qui induit également, pour celui ou celle qui la suit, une participation sereine et harmonieuse au témoignage constant d’une vision sacrée de l’existence.

Néanmoins, la lecture des œuvres de Ghazali pourrait s’avérer vaine pour celui qui voudrait retrouver le sens de son séjour sur terre et redresser le cours de son existence, si elle ne s’accompagne pas de la mise en pratique de l’exemple donné par l’imam Ghazali ; celui d’une tension métaphysique dynamique vécue qui pousse à chercher continuellement la certitude dans la connaissance. En tant qu’imam « restaurateur » (mujaddid), Ghazâlî eut et aura toujours, à son époque comme aujourd’hui, la fonction de rénover, ou mieux de « revivifier », chez les étudiants sincères, la transmission du dépôt traditionnel (al-amâna) confié par Dieu à chaque créature.

Aujourd’hui, comme il en a toujours été, il ne s’agit pas d’une question philosophique, rationnelle, et encore moins dogmatique. L’important est de préserver et de mettre en acte ce dépôt sacré existentiel, dont la foi et l’intelligence font partie, et qui fait de l’homme le représentant de Dieu sur terre, pourvu qu’il ne déroge pas au « mîthâq », le « Pacte primordial » qui le lie indéfectiblement à son Seigneur.

L’actualité des enseignements de l’imam Ghazali correspond à l’actualité même de la Révélation coranique et du modèle prophétique, qui tracent une voie claire et fiable vers l’Au-delà, une voie qui reste valide jusqu’à la fin des temps. A propos de ce chemin divin, Ghazali nous rappelle ce que sont la foi et l’intelligence : des dons précieux de Dieu qu’il s’agit de cultiver, d’approfondir, et d’employer avec sagesse, rigueur et ouverture du cœur, pour réussir à bénéficier des grâces divines qui soutiennent le croyant dans son itinéraire de retour à Dieu.

 Dans le contexte contemporain, où rigueur intellectuelle, approfondissement de la foi, purification du cœur, et goût des vertus sont des valeurs de plus en plus rares, voire galvaudées, même au sein des communautés religieuses comme la communauté musulmane, les enseignements de l’imam Ghazali constituent un outil efficace et une aide précieuse dans la recherche de ces qualités. Les traductions de plus en plus nombreuses de ses œuvres, que l’on trouve désormais dans la plupart des langues, témoignent d’un intérêt certain qui s’explique par le fait que les écrits de Ghazali apportent des réponses magistrales aux questions essentielles sur la signification de la vie, la dignité de l’homme, le but de l’existence et les moyens d’y parvenir, avec cette clarté et cette simplicité de l’évidence propres à ce qui est intemporel.

En même temps, ses réflexions et ses méditations sur la vie spirituelle, parce qu’elles restent relativement accessibles à la mentalité et à la nature des hommes de notre temps, et parce qu’elles s’adressent au cœur de tout un chacun, dépassent largement le cadre des études islamiques ou de la communauté musulmane. C’est le cas, en particulier, de sa célèbre somme « Revivification des sciences de la religion » (ihyâ’ ‘ulûm ad-dîn), dont nous avons l’honneur de présenter une traduction française complète et commentée du premier livre consacré à la Science (kitâb al-‘ilm)[3]. En ce sens, l’Ihyâ’ peut légitimement être considéré comme une synthèse du testament intellectuel et religieux que l’imam Ghazali a laissé à l’humanité.

[1] Coran 12 : 72.

[2] Selon un hadith, c’est-à-dire une tradition rapportant les paroles et les actes du Prophète, transmis par son Compagnon ‘Umar ibn al-Khattâb, et rapporté dans le recueil Sahîh de Muslim : « Un jour que nous étions assis auprès de l’Envoyé de Dieu (que Dieu répande sur lui Sa grâce et Sa paix), voici qu’apparut à nous un homme aux habits d’une vive blancheur, et aux cheveux d’une noirceur intense, sans trace visible de voyage sur lui. Personne parmi nous ne le connaissait. Il vint s’asseoir en face du Prophète, plaça ses genoux contre les siens et, posant ses mains sur ses cuisses, il dit au Prophète : “Ô Muhammad, informe-moi au sujet de l’islâm (la soumission à la volonté de Dieu). – L’islâm, lui répondit l’envoyé de Dieu, c’est que tu témoignes qu’il n’est pas de dieu si ce n’est Dieu et que Muhammad est l’envoyé de Dieu ; que tu accomplisses la prière rituelle, que tu verses l’aumône purificatrice, que tu jeûnes le mois de Ramadan, et que tu effectues le pèlerinage à la maison sacrée de Dieu si tu en as la possibilité. – Tu dis vrai !”, dit l’homme. Que ne fut pas notre étonnement en l’entendant approuver la réponse du Prophète ! Et l’homme de reprendre : “Informe-moi au sujet de la Foi (al-îmân). – C’est, répondit le Prophète, de croire en Dieu, à Ses anges, à Ses Livres, à Ses envoyés, au Jour dernier, et de croire en la prédestination du bien et du mal. – Tu dis vrai !”, répéta l’homme qui reprit en disant : “Informe-moi au sujet de l’Excellence (ou vertu contemplative, al-ihsân). – C’est, répondit le Prophète, que tu adores Dieu comme si tu le voyais, car si tu ne Le vois pas, certes, Lui, te voit. L’homme dit : “Informe-moi au sujet de l’Heure dernière. – L’interrogé n’en sait pas plus que celui qui l’interroge, répondit le Prophète. – Quels en sont les signes précurseurs ?” – C’est, dit le Prophète, lorsque la servante engendrera sa maîtresse, et lorsque tu verras les miséreux, pieds nus et mal vêtus, rivaliser dans l’édification de constructions élevées. Là-dessus l’homme s’en alla. Quant à moi, je restai un moment. Ensuite le Prophète me demanda : Ô ‘Umar, sais-tu qui interrogeait ? Je répondis : “Dieu et Son envoyé savent mieux !” – C’est Gabriel, dit le Prophète, qui est venu vous enseigner votre religion.

[3] Al-Ghazali, Le livre de la Science, présenté, traduit et annoté par A. Gouraud, éditions Albouraq, 2010.