Les Forces Progressistes du Changement (FPC) Mauritanie

Monthly Archives: June 2021

Mauritanie: des éclairages officiels très inquiétants qui confirment le projet d’accaparement des terres de la Vallée

Après radio Dar El Barka et l’hebdomadaire Jeune Afrique, relayant les propos du ministre mauritanien des affaires économiques et de la promotion des secteurs productifs, le maire (UPR – mouvance présidentielle) de la localité de Djowol a voulu « rassurer» par audios largement partagés tous ceux, nombreux, qu’inquiètent à juste titre les projets fonciers gouvernementaux dans le Sud.

Ainsi, on voudrait nous faire croire que l’inique loi foncière de 1983, mur porteur d’une entreprise discriminatoire, pourrait être assouplie. On aimerait le croire mais que de raisons d’en douter très fortement. Il est même clairement permis de penser que l’on nous prépare une expropriation des terres de culture de la Vallée.

Les éclairages rapportés par l’élu appellent des interrogations sur des sujets déterminants. Au moins deux qui se fondent à juste titre sur la «marge» de manœuvre des élus locaux et sur les obstacles érigés par le système d’exclusion qui ont déjà placé depuis dix ans une partie des citoyens noirs, au centre et au cœur de ces projets fonciers, en situation d’étrangers et d’apatrides sur le sol national, sur leurs terres et à l’étranger. Le génocide biométrique est passé par là. La logique de ce système est implacable : vous n’êtes plus mauritaniens, vous perdez vos terres ancestrales.Tout se tient et est pensé de longue date.

Des institutions locales inféodées au pouvoir

Le premier sujet déterminant tient aux possibilités qui pourraient être accordées aux propriétaires d’en administrer les preuves. Le second porte sur le rôle qui pourrait être reconnu aux institutions locales en la matière. La nouveauté serait la reconnaissance aux populations d’un éventail élargi et diversifié de preuves. Rappelons que la possibilité de faire valoir divers titres de propriété figure au nombre des revendications constantes des populations. Quant aux instances locales, leur connaissance du terrain couplée à leur ancrage et leur rôle de mémoire auraient dû d’emblée en faire des partenaires naturels des pouvoirs publics.

Il n’en fut rien jusqu’ici. Elles sont inféodées au pouvoir et au système d’exclusion. On nous promet que ce mépris serait sur le point de cesser par miracle puisque ces institutions locales se verraient reconnaître désormais un rôle déterminant en matière d’administration de preuves de propriété. Dans ces conditions, l’Etat devrait se contenter d’assurer une mission d’accompagnement.

Si un tel schéma devait se concrétiser, on serait en présence d’une véritable évolution vers une concertation. On en est loin pour l’instant. Y sera-t-on un jour sans que le rapport des forces ne soit défavorable au système? Le doute est permis. Le système triomphant d’exclusion des noirs de la Vallée n’a pas fini de tisser sa toile. Aucune parcelle ne doit lui échapper.

L’accaparement des terres par privation de la citoyenneté : refus d’enrôlement

Des précédents fâcheux. L’un de ces précédents est de taille et est porteur de conséquences rédhibitoires : l’enrôlement. N’oublions pas que les populations ostracisées de la Vallée s’étaient régulièrement vu promettre que tous les moyens de preuves leur seraient ouverts : témoignages de la famille, du voisinage…La réalité fut tout autre faite plutôt d’arbitraire et d’humiliations du sommet de l’Etat aux agents. Ainsi, des responsables de bureaux d’enrôlement avaient simplement reçu en parallèle des consignes strictes et à rebours des professions de foi généreuses. Consignes qui furent appliquées avec un zèle qui n’avait d’égal que la volonté d’ostraciser, d’humilier et d’exclure.

Une vidéo devenue virale d’une femme pullo humiliée et privée d’enrôlement donc de sa citoyenneté mauritanienne par le responsable d’un centre localisé à Kankossa, postée il y a quelques semaines, donne un avant-goût de leur nouveau projet. L’enrôlement biométrique, lancé depuis 2011 pour doter la Mauritanie d’un fichier d’état civil fiable, s’est avéré dans son application discriminatoire et a placé une bonne partie des citoyens noirs en situation d’étrangers et/ou d’apatrides sur le sol national et à l’étranger. Des entraves de taille demeurent. 

A titre d’exemple, comment concrètement des populations déportées et/ou déportées-rapatriées en raison de leur appartenance raciale et ethnique en application d’un projet étatique, privées de ce fait de tout papier d’identité et peinant à en retrouver du fait d’un blocage délibéré, pourraient-elles faire la preuve administrative de quoi que ce soit? Idem pour celles qui n’ont pas été déportées mais qui sont privées de pièces d’état civil. La partie leur sera d’autant moins facile que la volonté de l’Etat est précisément de leur dénier tout droit de propriété. «Enfin», il ne faut pas perdre de vue une dimension essentielle de la loi foncière, l’équivalent mauritanien du Land Act de l’Apartheid sud-africain.

Le pouvoir exorbitant, sans contrôle des gouverneurs et des préfets

Ce projet à but éliminationniste confère aux autorités déconcentrées de l’Etat un pouvoir exorbitant et sans contrôle. C’est ainsi que des demandes de concessions de terres portant sur des superficies inférieures ou égales à 10 000 ha relèvent de la compétence des préfets et sous-préfets. Les gouverneurs sont compétents lorsque les demandes concernent des espaces s’échelonnant entre 10 000 et 30 000 ha. Autant dire que la marge de manœuvre tribale donc d’arbitraire reste grande.

Que vaudront les «assurances» d’un maire, d’un député, d’un ministre, de tout autre membre ou proche de la mouvance du pouvoir face à la volonté d’une administration provinciale monochromatique qui ne parle même pas les langues des administrés? Cette administration est le prolongement d’un pouvoir ouvertement raciste.

La politique foncière du pouvoir n’est qu’un levier de la politique discriminatoire systémique? Il y a plus de raisons de douter très fortement que d’espérer. Le régime du général Mohamed Ould Ghazouani et ses démembrements ne veulent pas du bien aux paysans. La vigilance doit être de mise. La mobilisation des Sans-terre aussi. 

Ciré Ba et Boubacar Diagana – Paris, 14/06/2021

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Dialogue politique inclusif : Un ‘’parasite’’ nommé Aziz

Annoncé très imminent il y a quelques semaines, le dialogue inclusif serait-il sorti de l’agenda politique ? On n’en parle presque plus, le gouvernement paraît occupé ailleurs. Le fameux « dossier de la Décennie » aura à ce point obnubilé les esprits que l’ex-président Mohamed ould Abdel Aziz semble ainsi dicter, depuis près de deux ans, son tempo au gouvernement. La mise en place d’une Commission d’enquête parlementaire (CEP) sur la gestion de ses dix années de pouvoir, les investigations de la brigade de la police des crimes économiques puis de la justice, suivies du placement sous contrôle judiciaire strict de celui qui dirigea le pays d’une main ferme, plus crainte que respectée, ont grippé le processus de dialogue enclenché il y a quelques mois.

L’ex-Président en a profité pour se repositionner sur l’échiquier politique et se présenter en principal opposant à son successeur. Il a multiplié les sorties médiatiques, poussant le pouvoir à tenter de les contrecarrer, et hurlé en conséquence à son « musellement » et son « embargo » auprès des organes de presse. D’accusé principal, Ould Abdoul Aziz cherche à se transformer en « victime » du régime en place qu’il se fait fort de charger, en lui renvoyant l’ascenseur à grands coups de « corruption »,  « incompétence »,  « clientélisme » et « accointances »,  voire « recyclage de gabegistes ». Plus grave, il traite Ghazwani de « fossoyeur de l’unité nationale et de la cohésion sociale ». En somme, tout ce dont il est lui-même chargé par la CEP. Ould Abdel Aziz refuse d’être enterré vivant par les graves accusations portées contre lui et son exclusion de l’arène politique. Il a donc décidé d’intégrer Ribat, le parti de Saad Louleid, ce qui lui a valu de sérieux ennuis.

Mais, revers de la médaille, l’ex-Président semble avoir engrangé un certain nombre de sympathies auprès de l’opinion. Usant des leviers de la communication de masse, il a en tout cas réussi à occuper les esprits, même si certains ne lui pardonnent pas les dérives graves constatées dans la gestion de ses dix ans de règne. Il a su démontrer qu’il est le seul, parmi les nombreux responsables épinglés par le rapport de la CEP, à faire l’objet de tracasseries de la part de la police et de la justice. Le voilà donc à afficher sa détermination à résister, à travers la tribune que lui offre le parti Ribat qu’il a réussi à sortir de l’anonymat. Son refus de l’offre de la Présidence de mettre à sa disposition un avion spécial pour ramener d’Espagne à Nouakchott la dépouille de sa défunte maman, et son mépris de toute compassion de la part des autorités mauritaniennes prouvent combien l’homme est engagé dans un bras de fer avec son successeur. Mais a-t-il d’autre choix ?

Coincé, de son côté, entre une volonté affichée de ne pas interférer dans le dossier pendant devant la justice et le souhait de l’opinion de voir le dossier de la décennie aller à son terme, pour dissuader désormais tous les responsables de piller les deniers publics, le pouvoir manœuvre quasiment à vue. Pour certains observateurs, les lenteurs observées depuis bientôt deux ans dans la gestion de ce dossier de la Décennie ne plaident pourtant pas en sa faveur. D’aucuns n’hésitent pas à parler de sa « complaisance » à l’égard de l’ex-Président. La vision opportuniste de la stratégie de celui-ci l’emportera-t-elle sur celle à plus long terme de son « ami de quarante ans » ? Les deux se connaissent en tout cas fort bien…

Jusqu’à quelle assignation finale ?

Face à ce qui ressemble fort à un blocage du « dossier dialogue », l’Union pour la République (UPR) qui en était à la manœuvre s’est donné un autre cheval de bataille. Ainsi a-t-elle mis à profit cette pause imposée par l’ex-Président pour mettre en œuvre les résolutions de son 2e congrès ordinaire de Décembre 2019 et en développer diverses thématiques, via des ateliers régionaux. Ses missions sillonnent le pays pour en débattre avec ses militants et sympathisants. Assez timide par rapport au dossier de la Décennie, l’UPR meuble visiblement bien son temps. Certains hauts responsables assez critiques vis-à-vis de leur ancien boss se sont murés dans un silence strident. Le parti peine cependant à innover sur les thèmes récurrents que sont l’unité nationale et la cohésion sociale. Essentiellement du réchauffé, diront certains.

Seul désormais le ministre porte-parole du gouvernement semble reprendre le flambeau, mettant à profit ses sorties, aussi bien lors des commentaires des conseils de ministres qu’à l’occasion de prises de contact dans son département, pour décocher quelques flèches à l’égard de l’ex-Président. Cependant, le soutien à la mise en œuvre du programme du président de la République n’a pas connu beaucoup d’enthousiasme ; le président de la République a dû réaménager son équipe ; sans susciter l’adhésion de l’opinion qui en demandait plus… Bref, le changement espéré de la part du président Ghazwani ne se fait qu’attendre. Et la nature ayant horreur du vide, Ould Abdel Aziz en profite pour occuper le terrain. Pas à pas, opportunité après opportunité. Jusqu’à quelle assignation finale ?

                                                                    Dalay Lam

Samba Thiam, président des Forces Progressistes pour le Changement (FPC, non reconnu) : ‘’La rencontre avec le Président aura surtout permis de communiquer quelque peu, de se jauger, voire se juger, sans plus …’’

Le Calame: Le président Mohamed Cheikh El Ghazwani préside aux destinées de la Mauritanie depuis bientôt deux ans. Vous l’avez rencontré récemment et en sortant vous avez écrit que la glace est brisée. Faudrait-il comprendre que vous avez trouvé chez lui, une oreille sensible aux préoccupations des FPC, de ses militants et de tous ceux qui se sentent marginalisés par le « système », comme vous le dites ?

Samba Thiam : Non, pas jusque-là. Ce que j’ai voulu dire c’est que le mur de préjugés dressé entre nous par l’effet de  toute une campagne de diabolisation menée  contre le parti FPC et  son leader  est, me semble-t-il , tombé;  à tout le moins amoindri quelque peu. C’est, en tout cas, l’impression que j’ai eue en fin d’entretien. Juste une impression … Il faut se rappeler que j’ai été, parmi les acteurs politiques, le dernier à avoir été  reçu à la Présidence ; ce qui, je crois, est à mettre  sur le compte d’une querelle  de clans ou de factions dans le sillage du pouvoir, les unes favorables, les autres  hostiles … Ce que j’ai voulu exprimer, en fait, sur le sens de cette entrevue, c’est qu’il  s’est plutôt agi d’une découverte des personnalités respectives ; chacune dans sa  perception  des choses, chacune dans son tempérament, en somme, une sorte d’échange sur soi, comme  pour mieux se découvrir… Bref cette rencontre aura surtout permis de communiquer quelque peu, de se jauger, voire se juger, sans plus …

-Le dernier remaniement ministériel a été l’occasion, une fois de plus, de  dénoncer la « marginalisation » de la communauté noire du pays (négro-africains et Haratines). Quels sont les éléments constructifs de cette marginalisation ?

Des fois, par lassitude de voir ces discriminations s’égrener, interminables, je me dis  à quoi bon ? A quoi bon répéter la même rengaine sur leur dénonciation? Mais une voix intérieure, toujours, retentit pour dire : ’’ surtout ne pas lâcher, ne pas céder, quoi qu’il coûte … On cherche à  vous avoir à l’usure…’’.

Sur ce, je dois, avant tout,  m’insurger contre le terme de ‘’ marginalisation’’ que vous employez qui, à mon avis, est  impropre à rendre compte de notre situation actuelle qui se résume à un présent amer et  un horizon  incertain, car il traduit un stade dépassé des années 70. Il faudrait plutôt parler d’exclusion totale voire  de liquidation … A partir de la période post-évènement (86-92), le racisme d’Etat a pris des proportions et une ampleur qui fait dire qu’il ne s’agit plus d’une discrimination ordinaire, mais de liquidation pure et simple  de la communauté négro-africaine, à tous les niveaux . Et ça se poursuit. Vous avez observé ces dernières nominations en conseils des ministres et toutes ces promotions, de l’Ecole des Instituteurs à l’Université en passant par l’ENS, toutes monocolores… On ne se gêne même plus ! Après l’atelier organisé récemment sur la diversité par la HAPA, au cours duquel le Président de cette institution alertait  sur le déséquilibre dans le traitement des langues nationales dans les médias publics et privés, voilà, curieusement, ce même  responsable  qui attribue, ces jours-ci, deux médias rien qu’à  des arabo-berbères…comme par défi ! Incohérence ou démagogie ? Probablement la démagogie … La société civile et la classe politique observent tout cela sans rien dire, et tous ces intellectuels arabo-berbères, pour l’essentiel, qui ne semblent pas même s’en offusquer, outre mesure ! Si c’est cela le ‘‘programme du président de la République sur l’Unité nationale ‘’, alors nous ne pouvons y souscrire, car cette unité-là  n’est rien d’autre que ‘’ l’unité du cavalier  et de sa monture’’. Nous n’en voulons pas !

Les origines de ce  racisme d’Etat sont à  chercher à la fois et dans l’idéologie suprémaciste sous-jacente  de race ‘’aryenne’’ et dans des peurs, enfouies, que rien ne justifie. Une  vidéo a circulé ces derniers temps dans les réseaux sociaux, où un journaliste arabo-berbère demandait à deux touristes  Blancs leurs impressions sur la Mauritanie : ceux-là, en toute innocence, répondirent :’’ La Mauritanie c’est comme le Sénégal ! ‘’ –entendez … noire comme le Sénégal’’… Tel est  ce que les chauvins perçoivent ‘’comme un péril’’, et qui  justifie, à leurs yeux,  ces  politiques stupides de contrôle systématique de tous les leviers  et rouages de l’Etat par une seule composante nationale… La raison nous dit  que  cette parade est absurde et  ne conduisait nulle part, au regard de l’expérience historique d’autres pays.

-L’expropriation des terres de la vallée constitue une préoccupation majeure des FPC. Quelle est votre réaction aux propos du ministre de l’économie et des secteurs productifs qui a annoncé que l’Etat fera appel à des investisseurs privés, via la Banque Mondiale, pour exploiter ces terres parce que les mauritaniens n’en seraient pas capables tout seuls ?

Oui, l’expropriation des terres de la vallée constitue, entre autres, une préoccupation centrale des FPC, et ce d’autant plus que nous avons presque tout perdu ;  c’est le  dernier  carré qui nous reste. Et si d’aventure,  par pusillanimité, nous nous hasardions à perdre  ces terres, à leur tour, alors il ne nous restera plus qu’à nous écrier, comme ces  dames noires -uniques résidentes rescapées d’un petit village de Turquie – : «  Ils nous ont tout pris…il ne nous reste plus que la couleur de notre peau ! » 

Lorsque  nous nous arrêtons un instant sur certains segments du propos du  ministre sur la question, ministre dont on ne peut douter du patriotisme  , ‘’-pour avoir sacrifié  bien des avantages financiers et matériels personnels  afin de  se mettre au  service de  son pays’’-, force nous est tout de même de   reconnaître  qu’ils appellent des remarques et soulèvent un tas de questions, toutes légitimes .

 « Associer les populations, créer des emplois, attirer le privé national et international pour valoriser nos terres », est en soi excellent. Mais sous quelle forme, à quel prix et dans quelles  conditions ? Autant de questions dont les réponses, claires et officielles,  attendues et souhaitées, au plus vite, permettraient de voir plus  clair  … On dit souvent que le chemin de l’enfer est pavé de bonnes intentions et que le diable se cache dans les détails…

Sur les emplois  évoqués par exemple,  se traduiraient-ils par la mutation de ces paysans en  ouvriers agricoles sur leurs propres terres ?  L’enjeu, alors, n’en vaudrait pas  la chandelle. S’il  y a, ensuite, ‘’  gâchis’’ comme dit le ministre, que ces terres soient laissées en l’état, depuis toujours, à qui la faute ?  Certainement pas aux populations, délaissées par un Etat qui préfère, par chauvinisme, appuyer des hommes d’affaires spéculateurs qui voient leur ardoise effacée, au détriment  des paysans qui ployaient  sous des charges et redevances multiples, et qui ne cherchaient qu’à s’en sortir. A qui la faute si l’Etat, par idéologie chauvine, s’est toujours refusé  à faire de ces paysans  des entrepreneurs,

Par ailleurs, est-il possible, à tout le moins souhaitable, de tenter de mener à bien ce projet dans un  climat inapaisé, pollué par des  contentieux fonciers non purgés ? Rappelons, au passage, les termes de la  lettre adressée aux Gouverneurs et Préfets par feu Gabriel  Cymper, ministre de l’intérieur, : ’ ’Au plan social ,vous vous garderez d’accorder des autorisations à titre précaire à des collectivités  traditionnelles pour éviter toute confusion pouvant perpétuer  la situation à laquelle la loi a voulu mettre fin, à savoir l’existence d’un droit qui ne se rattache ni à une personne morale, ni à une personne physique.’’ 

Je n’ai entendu nulle part  dire que cette lettre n’était plus de référence, ni que la  réforme foncière scélérate  qui la suscita avait cessé de considérer les  terres de  la vallée du fleuve comme relevant du  ‘’ domaine national’’ et celles  d’Atar …des Atarois !

Question clou,  est-il, par ailleurs, lucide de penser qu’un Système qui s’est, jusqu’ici, attelé  à  exclure, déposséder, à tour de bras,  négro-africains  et  haratines sur tous les plans, puisse, en toute logique, épargner leur dernière possession que sont ces terres de culture ?

 L’expérience désastreuse menée au Trarza, pendant et après les années de plomb, que la Banque mondiale, abusée, avait accompagnée, à travers la  réforme foncière scélérate -à deux vitesses-de 1983, et qui s’était traduite  par des dépossessions massives  de terres, l’encerclement de villages par des périmètres agricoles, cette expérience douloureuse donc est encore dans les mémoires . En 1988, aux dires de  Leservoissier,  il y avait  sur 20.000 ha  aménagés, cédés au  privé mauritanien, avec seulement  6000 qui furent cultivés ; la plupart des éléments du Privé voulaient juste obtenir la terre à des fins de spéculation’’. Cette réalité demeure … Bref, ce fut, au bout du compte, une spoliation tous azimuts  des paysans négro-africains.

Voilà, me semble-t-il, qui explique la posture de réserve légitime des populations et cadres de la vallée du fleuve face à la nouvelle initiative. Ces populations n’avaient aucune  garantie que l’Etat chauvin – qui traitait différemment ses citoyens jusqu’ici –  ne ferait  pas  main basse sur leurs terres ;  aucune, pour l’instant, que  la parole d’un ministre, tout patriote qu’il soit … Il ne faut pas que l’indulgence pour les larrons  l’emporte sur la pitié des crucifiés, disait A. Mbembe.

Le Syndrome Mame NDiack est encore vivant dans les esprits…

Autre question, non moins troublante, pour clore ce chapitre : peut-on, raisonnablement, croire à l’applicabilité de la transparence à laquelle semble attaché Monsieur le ministre, dans un environnement administratif fait d’anarchie et de résistances sourdes à tout changement de pratiques ? Lui laissera-t-on la liberté de manœuvre, avec un Système fossilisé et des lobbies réfractaires à tout changement ?  Le ministre de la santé- Nedhirou- qui s’y était essayé, malgré toute sa bonne volonté et toute l’énergie déployée, en a fait les frais !

Je doute, pour ma part,  qu’une réforme, de quel que secteur que ce soit, puisse aboutir, sans que dans  un vaste mouvement d’ensemble, impulsé d’en haut, tout  se redressât en même temps …

C’est peut -être pour moi –Président des Fpc – l’occasion de rappeler, ici, notre  projet, ficelé,  et tout réfléchi  et qui – s’il  peut servir- se décline ainsi :

Pour les FPC, la prise en charge des terres de la vallée du fleuve, pour être efficiente, devra s’inscrire dans une réforme globale, territoriale,  administrative, plus juste. Il s’agira, pour limiter les antagonismes et baisser les tensions, de découper le territoire en quatre grandes régions, à vocation naturelle, fonctionnant sur la base d’une Décentralisation réelle, poussée, -que nous appelons Autonomie-. La région no 1, ce sera le Trarza, le Brakna et le Tagant; la région no 2, le Guidimakha, le Fuuta et le Waalo;  la région no 3, l’Assaba et les 2 Hodhs, la quatrième région, l’Adrar et le Tiris. Nouakchott et Nouadhibou auront un statut particulier. Une réforme foncière à caractère national, plus juste, qui  s’articulera sur  au  moins  deux  axes : la reconnaissance et l’affirmation du droit de propriété au sens large. Dans la vallée du fleuve, dont la vocation naturelle est l’agriculture, l’accès égal à la terre pour  tous les autochtones sera de mise ; le redécoupage  des zones de culture  se fera en paliers : La Zone du Waalo reviendra aux populations locales, toutes confondues, le moyen Dierri (12 km au dessus du fleuve ) sera affecté aux hommes d’affaire nationaux et régionaux , le haut Dierri ( 20 km au dessus) sera attribué aux  investisseurs internationaux -à grand capital. Tout ceci, bien entendu, dans le respect strict des espaces vitaux des villages et l’aménagement de couloirs de parcours pour le cheptel. Il faut certes ouvrir la vallée du fleuve au capital international, mais sans omettre  toutefois  de donner   également  aux paysans l’opportunité et  la possibilité  de se muer en entrepreneurs…

Où en est-on avec les préparatifs du dialogue politique dont les échos semblent s’estomper ? La gestion du dossier d’Ould Abdel Aziz serait-elle beaucoup plus urgente pour le gouvernement que ce conclave politique ?

En toute honnêteté je ne saurais  vous répondre…La chose semblait engagée tambour battant, et tout d’un coup, paff ! Comme si on passait à autre chose…Les mauritaniens sont surprenants ! Nos initiatives sont généralement comme nos lois… qui ne durent qu’un instant, faîtes pour quelques jours, au plus pour quelques semaines. Il faut dire que ce projet de dialogue avait aussi ses détracteurs qui ont peut- être remporté cette  manche …Aidés en cela -il faut se l’avouer- par un commandant en chef  qui n’avait que très peu marqué son  enthousiasme … Mais attendons encore un peu, l’UPR, semble-t-il, est en conclave; nous verrons bien …

Que la gestion du dossier de Abdel Aziz  soit perçue comme prioritaire, pour être source d’inquiétude voire de désarroi, ça se peut. Mais même là, il y aurait à redire sur une stratégie du silence opposée à un adversaire, retors, qui ne reculait devant rien , excellait  dans l’art de semer la confusion, et à qui, de surcroît, on laissait les coudées franches, au risque de perdre l’opinion  …Comprenne qui pourra !

– L’insécurité atteint des proportions plus qu’inquiétantes à Nouakchott et pour y faire face, le gouvernement a lancé un projet dénommé “système de sécurité publique et de surveillance de Nouakchott’’ financé par la Chine à hauteur de 20 millions de dollars. Quelle appréciation vous en faites?

– « Il n’y a plus d’Etat  depuis la réorganisation judiciaire sous Haidalla…qui procède à une réforme qui prend la Charia islamique comme source du droit et intègre automatiquement les cadis et même leurs secrétaires dans le corps des magistrats ‘’ », dixit Isselmou ould Abdel Kader dans son ouvrage -Où va la Mauritanie. Il ajoute plus loin : ‘’ les réformes de la justice, de l’Administration et de l’Education nationale permirent le recrutement de milliers de nouveaux fonctionnaires qui n’avaient jamais connu un enseignement approprié auparavant. Des magistrats qui n’ont jamais entendu parler de procédure {…}, fin de citation. ( Faire de la place ‘’aux autres’’ , disait Moktar…).

Avec un tel tableau – sans éducation, sans justice,  et cette impression de navigation à vue – vous voulez espérer vivre dans un environnement urbain sécurisé ? Jouir de sécurité dans un climat  de désordre général ? Mais, à tout peser, pour être juste, lui offrait-on des perspectives d’avenir à cette jeunesse  qui  troublait et  notre sommeil et  notre quiétude ? La stratégie apparemment choisie pour lutter contre cette sécurité laisse rêveur…pour traquer  des bandits à coups de sirènes …

Cela étant, je suis quand même  vraiment gêné d’apprendre que  même pour notre sécurité urbaine, il nous faut faire appel à l’aide  extérieure ! Triste  attitude de main tendue permanente. …Pauvre l’Afrique !

– Quel est l’état de vos rapports avec l’autre CVE ? N’avez –vous pas scellé un rapprochement à travers une contribution commune, en perspective du dialogue ?

-Nous essayons de garder de bons rapports, à tout le moins des passerelles de communication, car, après tout, nous ne sommes pas des ennemis, que je sache…. Pour ma part, je suis de ceux qui pensent qu’il faut savoir  garder  la juste mesure des choses et  l’esprit  lucide  face aux enjeux qui l’exigent, par moment…

Quant à l’action  commune en perspective  du dialogue, oui, nous nous y attelons, tant avec la CVE qu’avec l’Opposition en  général. Nous tentons, en effet, de plancher sur  une plateforme commune, si minima soit-elle.

                               Propos recueillis par Dalay Lam

La Ligue arabe se réunit de nouveau pour évoquer le Barrage de la Renaissance

RFI Afrique – Ce mardi 15 juin, un sommet extraordinaire des ministres des Affaires étrangères de la Ligue arabe consacré au Grand Barrage de la Renaissance éthiopienne se tiendra à Doha, au Qatar.

Le Soudan et l’Égypte veulent prévenir du « risque » que font peser les actions unilatérales de l’Éthiopie sur la région, alors que les pourparlers sont au point mort.

Ce sont le Soudan et l’Égypte qui ont demandé ce sommet d’urgence. Il va s’agir de discuter, selon les mots d’un ancien conseiller du chef de la diplomatie égyptienne, « du danger de laisser cette région stratégique sous l’influence de l’intransigeance éthiopienne ».

Au cours d’une réunion spéciale, les ministres de Khartoum et du Caire exposeront leur position commune aux pays membres, alors que la tension monte à l’approche de l’été.

Car la date butoir où démarrera la deuxième phase du remplissage du barrage éthiopien est annoncée au mois de juillet, au début de la saison des pluies. Mais diplomatiquement, c’est le statu quo. La médiation du président congolais Félix Tshisekedi, au nom de l’Union africaine, n’a pour l’instant rien donné de décisif.

Les combats dans le Tigré ont changé la donne

Mais à Doha, il sera aussi question de la discrète médiation du Qatar, dont les émissaires ont beaucoup voyagé et qui a notamment reçu l’envoyé spécial du président américain Joe Biden début juin, avant son voyage en Arabie saoudite.

Comme en 2020, les pays du Golfe avaient apporté leur soutien au Soudan et à l’Égypte, il est probable qu’ils le réitèreront ce mardi. Mais il faudra quand même observer les positions de la Somalie et de Djibouti, alliés de l’Éthiopie, qui déjà en 2020, lors d’un sommet similaire, s’étaient désolidarisés du communiqué final. À l’époque, le Qatar avait aussi adopté cette ligne. Mais sa brouille avec les autres pays arabes, depuis, s’est résorbée. Et les combats dans le Tigré et à la frontière soudanaise ont changé la donne.

Par RFI

La Mauritanie bénéficie d’un financement international de l’électricité des villes de la vallée

Le groupe de la Banque mondiale a approuvé ce vendredi 11 juin, un décaissement de 465 millions de dollars pour le nouveau projet régional d’accès à l’électricité et de stockage de l’énergie par batteries, visant à étendre l’accès au réseau électrique à plus d’un million de personnes, en améliorer la stabilité pour 3,5 autres millions d’habitants.
« L’Afrique de l’Ouest est à l’aube d’un marché énergétique régional qui promet des retombées positives considérables sur le plan du développement et recèle un potentiel significatif pour la participation du secteur privé.

Le raccordement au réseau d’un nombre accru de ménages et d’entreprises, l’amélioration de sa fiabilité et la mise en valeur des importantes ressources en énergie renouvelable de la région — de jour comme de nuit — contribueront à accélérer la transformation économique et sociale de l’Afrique de l’Ouest», indique Charles Cormier, chef de service au pôle mondial d’expertise en énergie de la Banque mondiale.

En Mauritanie, le projet porte sur l’électrification des villes de Boghé, Ka&di et Selibaby en plus des villages voisins situés le long de la frontière sud avec le Sénégal.