Les Forces Progressistes du Changement (FPC) Mauritanie

Monthly Archives: December 2010

Devoir de mémoire et refus de l´oubli : TÉMOIGNAGE: MÉMOIRE D’UNE SITUATION

SOLDATS25 avril correspond au 29 du mois de Ramadan. Il est 11heures, nous causons tranquillement devant l’unique boutique du village lorsque des nouvelles alarmantes nous parviennent: des gardes ont occupé le village de Mafondou (Gorgol) situé à 10 km de là. Ils ont battu des gens à mort. Pourquoi? s’enquiérent certains. Parce qu’ils n’ont pas prié pour la fête aujourd’hui: nous avons écouté la radio jusqu’à 10heures et la commission a décrété que la fête serait pour demain. L’inquiétude qui régne revient sur les visages. Quelques minutes plus tard, chacun regagne sa maison, attendant anxieusement et avec résignation son sort. Les heures passent longues et inquiétantes. Puis on recommence à éspérer que c’est une fausse alerte. Les gens reprennent leurs activités normales.

 

A15 heures, les voitures entrent dans le village. Beaucoup dorment en cette fin chaude de Ramadan. Certains sortent de leurs cases. On leur dit que le lieutenant demande une reunion hors du village avec tous les hommes. Je dormais. A mon réveil, il est 16 heures. J’ignore complétement ce qui se passe. Je fais mes ablutions et prends le coran pour lire, quand un garde se présente. “Qu’est ce que tu fais là”, me dit-il alors que tous les hommes sont aux puits? Je dormais, repondis-je. “Allez: sors et va rejoindre les hommes”. Je m’éxécute.

 

En sortant, nous rencontrons deux autres gardes dans la cour de la maison. Ceux-ci me rappellent pour que je leur donne les clés du bâtiment. “C’est à vous”, me demandent-ils en désignant la maison? Oui, dis-je.”Vous êtes peut- être le chef, mais vous serez battus, sale négre!” Quand je retourne pour leur donner les clés, le premier garde me dit: “Ah bon, vous nous frapper”. Je comprends que cela des provocations et je ne reponds pas. Il me conduit jusqu’a l’assemblée et fait un signe que tout le monde a vu pour indiquer qu’on doit me frapper. Je trouve A.S. Ndaw en train de répondre au brigadier combien nous sommes des citoyens exemplaires. Je sais , dit le brigadier, et tout ce que vous dites est vrai et se voit à l’oeil nu, mais j’ai recu l’ordre du lieutenant que voici là-bas de vous faire frapper. Il nous partage en trois groupes: les jeunes, les moins jeunes et les vieux. Comprenant qu’il s’exécutait malgré lui, je demande à rejoindre le groupe des vieux et j’invoque des raisons de santé. D’accord, dit le brigadier: “que tous les malades et handicapés rejoignent ce groupe en colonnes. Pour les autres, allez-y, déshabillez-vous!” Les coups commencent à pleuvoir sur les torses nus. Pendant que les autres gardes nous intiment à coups d’injures l’ordre de ne pas baisser les yeux et de regarder la scéne. Dès que le supplice commence, le lieutenant et son escorte s’en vont. L’un d’eux, en souriant, nous fait un signe d’adieu de la main.

 

La scéne de punition dure 40 minutes. Le brigadier donne l’ordre d’arrêter et demande à tout le monde de se rassembler. Il nous donne des conseils et s’étonne de la chance que nous avons eu. Si vous aviez vu les gens de Mafondou ce matin, vous sauriez que vous avez eu de la chance. Maintenant, attendez que les gardes qui sont partis pour la fouille reviennent et on vous laissera partir. Sur ces entrefaites, mon premier garde-toujours lui-se présente et me désigne du doigt. Il dit au brigadier: “celui-là nous a frappé, nous voulons qu’il recoit une correction exemplaire”. D’accord, dit le brigadier, prenez-le et faites le coucher là-bas. Cinq gardes, dont les trois qui étaient venus chez moi, s’emparent de moi, me déshabillent, me retourner les bras derriére le dos, sur les omoplates, à la manière d’un animal qu’on immole, et me font coucher sur le ventre. Les coups commencent, donnés par cinq gardes, chacun faisant à qui mieux mieux. Quand j’invoque le nom de Dieu pour implorer son secours , l’un d’eux me donne un coup de crosse pour me faire taire: “sale négre”, dit-il. La scéne dure une étérnité , jusqu’à ce que sur l’imploration de l’instituteur qui faisait la traduction, le brigadier intime l’ordre d’arrêter. Je me traine jusqu’à l’assemblée et le brigadier se retourne de nouveau vers nous: vous pouvez aller vous plaindre n’importe où, vous savez bien que cela ne servira à rien. Vous savez que cette situation dure depuis un an et que les gardes ont tué des gens pour rien; ils s’en fichent. Me désignant, il dit: vous le savez plus que tout le monde parce que vous êtes même plus âgé que moi. Ce que je vous conseille dans cette situation, c’est de fermer les yeux, les oreilles et la bouche. Mais qu’est-ce que j’ai dit ou fait, demandez le leur, repondis-je. Je ne sais pas, dit-il peut- être que vous n’êtes pas gentil avec eux…

 

Il est 17h30. Les gens demandent à prier. Vous pouvez partir d’ailleurs , dit le brigadier. La foule se disperse. Les gardes rentrent dans les véhicules et s’en vont. De retour à la maison, après la prière, je pense à ma famille. Je pénétre dans les chambres: tout est sens dessus-dessous. Je me dirrige vers la valise qui contenait les boucles d’oreille de ma fille: elles ont disparu! Elles pesaient 20 gros d’or pur. Sur ces entrefaites, ma femme rentre de voyage de soins à Lexeiba. Elle me raconte qu’ils ont été obligé de passer la journée à Mafondou, en raison des évènements. Elle nous décrit ce qu’elle a vu. Nous nous mettons tous à remercier Dieu, car nous comprenons effectivement, comme l’a dit le brigadier, que nous n’avons pas recu le quart de la punition de Mafondou, ni en humiliations, ni en sévices. 

 

MÉDITATION: Dieu n’est-il pas le meilleur des juges? certes, et lui seul sait combien de temps durera cette situation et combien de fois se répéteront ces actions. Car comme nous dit le brigadier : attachez vos ceintures, car tant qu’il n ‘y aura pas de solutions, ce sera comme ca et la prochaine fois ce sera pour vous mettre au poteau. Pour cela , nous faisons quand même appel à la justice des hommes afin que le massacre des noirs s’arrête, que réparation soit faite et que les objets pris soient restitués.

 

La lutte continue. 

J. SALL- originaire de Djingué-Gorgol.

INSPECTEUR DE L’ENSEIGNEMENT- NOUAKCHOTT-MAURITANIE.

publié dans LE FLAMBEAU (journal des FLAM)

 

 

La sortie de crise Par Bara BA (Dakar, Sénégal)

flam agoraIl semble que l’on s’achemine vers des “journées de concertation”. Cela peut être justifié, depuis un certain temps par cette tendance notée à orienter la solution des réfugiés et du passif humanitaire vers une et une seule solution. l’indemnisation.

Certains sont à l’oeuvre pour y préparer l’opinion, subrepticement, à la manière Kissinger, à petits pas.Toujours les mêmes. Avec chaque pouvoir, avec tous les pouvoirs dans leur compromis-compromissions.

 

Mais si l’indemnisation peut être une solution applicable à bien des aspects du dossier, il y’en pour lesquels elle demeure parfaitement inappropriée, voire inadaptée. Si du moins nous voulons arriver au pardon. Ce pardon sans retour, exempt de toute frustration et ressentiments.

En effet l’indemnisation ne saurait couvrir la question ultra-sensible des villages ou des terres. Ce sont là des choses eminemment chargées, affectivement, émotivement, dont on ne saurait se consoler de la perte, et qu’on ne pourrait solder par de l’argent, quel qu’en soit le montant. L’attachement à la terre n’est pas monayable. Il faut donc nécessairement rétroceder le village et la terre à ces deportés qui en ont été injustement et arbitrairement dépossédés par Ould Taya.

Cela suppose, pour les villages occupés, un recasement de ceux qui les occupent encore. Il est bon de rappeler ici que ces «Moussafarines» qui occuppent actuellement ces villages vidés de leur population négro -africaine ont été fixés là, d’autorité, par Ould Taya; alors que tous venaient de quelque part , avaient des attaches localisables dans le fin fond du pays. Beaucoup pouvaient, voulaient et avaient cherché à regagner leur terroir d’origine. l”Autorité administrative les en empêcha. Fermement. Bien sur que ces “Muçafrs” victimes d’un faux conflit monté avec le Senegal, ne sont pas responsables de la situation créée qui en fait aujourd’hui des occupants. Ils n’ont pas demandé à être là. L’Etat doit s’atteler à leur compensation en concertation avec le Sénégal; comme il doit également leur trouver des sites de résidence moins sensibles, surtout moins conflictuels.

 

Ces «Moussafarines»; avaient été retenus, pour la plupart, par la force dans ces villages des déportés tout le long de la vallée pour des raisons (politiques et idéologiques ), clairement définies dans cette note confidentielle du ministre de l’intérieur (Gabriel Cymper?), à l’attention du corps de commandement, libellée ainsi qu’il suit:

“Les Halpular’ens tentent de destabiliser la Mauritanie. La base sociale sur laquelle se développe ce particularisme tributaire de l’hégémonisme sénégalais, c’est la composition ethnique du peuplement local naturel, majoritairement halpular’en. En modifiant radicalement la composition de ce peuplement, on prive ce particularisme de toute possibilité de développement à moyen terme”. Fin de citation. (* extrait: La vallée du fleuve Sénégal – Karthala; B. Crousse / Sidy. M .Saleck, 1991, p. 265 ) .

 

Vous avez deviné certainement l’idéologie derrière cette note du Ministre. Une idéologie inspirée du Baass, et des Nasseriens, aujourd’hui publiquement opposés au retour des déportés!

Pour également les terres, facteur éminemment chargé, leur distribution et occupation répondait à la même politique, motivée par la même idéologie. En effet, nous révèlent encore les auteurs de l’ouvrage, “on passait ( à coups de circulaires ) d’autorisations précaires et révocables en concessions provisoires puis définitives”. de manière si abusive et avec un tel laxisme qu’au bout du compte, “21356 ha -jusqu’aux forêts classées-dans le Waalo ( région du Trarza) passeront aux mains d’hommes d’affaire véreux”. ” Le Gouvernement a préferé verser les terres de la vallée dans son domaine, pour les attribuer à des compatriotes de la même origine ethnique ( entendez bidhaans), et ceux -ci les faisaient cultiver par leurs haratines ” poursuit, plus loin , Crousse .

Plaider, dans ces conditions, pour l’indemnisation des populations négro-africaines injustement dépossédées de leurs terres, serait ni plus ni moins que légitimer et perenniser une politique du fait accompli de l’occupation et de la dépossession, manifestement et visiblement, à caractère raciste .

 

Non, ces terres doivent être rétrocédées d’abord et avant tout. Ce qui n’exclut, nullement une possibilité ultérieure de compromis basé sur un nouveau partenariat entre les occupants actuels et les propriétaires légitimes; mais après seulement que le droit fût dit; après seulement que le droit de proprieté – reconnu par la constitution- ait été clairement réaffirmé et rétabli.

J’entends déjà des voix s’élever, indignées! Je les entends- ces mêmes et leurs alliés prêts à tous les compromis (processuels)- crier que ce serait là “régler des problèmes pour en créer de nouveaux “. Du tout!

Mais en fait, que veut -on? Souhaite-t-on aller vers une réconciliation propre ou bâclée? Cherche-t-on réellement à éliminer définitivement tout risque de foyer futur, ou voudrait -on, au contraire, laisser ce feu couver encore sous les cendres?
Il faut choisir, et choisir nettement.

 

Une réconciliation propre suppose de gommer toute trace de frustration, toute source de ressentiment, tendre vers ce que disait Sidioca dans son message à la nation, à savoir “faire de sorte que la République les traite ( ces mauritaniens ) sur un même pied d’égalité “, que “l’Etat répare équitablement les injustices subies” (par ces victimes des années de braise).

Rendre les terres et les villages est la seule voie juste qui gomme les ressentiments, la seule qui conduise vers la paix des coeurs et des esprits, voire à la stabilité souhaitée.

S’il y’a à indemniser ça devrait être les hommes d’affaire et non pas les paysans! A charge pour eux de trouver un modus vivendi avec le Gouvernement.

 

Peu importe les sommes colossales investies sur ces terres, par ces hommes d’affaire! Elles l’avaient été dans la négation du droit. Ces millions d’ouguiya investis ne donnaient, de toute façon, aucune légitimité à l’occupation!
Ils savaient, ces hommes d’affaire, qu’ils s’associaient là, à une entreprise secrète de spoliation planifiée, injuste. Ils auraient dû prévoir que cette injustice commise pourrait un jour être rattrapée, réparée. Ils auraient dû mesurer ce qu’ils risquaient . Alors qu’ils assument et s’assument!

 

Enfin l’expérience récemment vécue en terre de Palestine milite en faveur de cette approche de rendre ces terres. Du moins pour ceux, pour lesquels l’expérience des autres est porteur d’enseignement.

Nous avons encore tous en mémoire ces images vives et bouleversantes de l’Armée israélienne évacuant ces colons Israliens en pleurs, à Gaza et W. Bank, qui dansent encore devant nos yeux.

 

Rappelons que des gouvernements Israéliens avaient établi, à travers les sionnistes, des colonies de peuplement sur la terre palestinienne. Une terre qui n’était pas la leur. Pour les mêmes raisons, à savoir modifier l’équilibre démographique en faveur des juifs; à cette différence toutefois qu’en Mauritanie on procéda d’abord à la dénégrification.

Ce sont ces mêmes gouvernants juifs qui ont démantèlé ces mêmes colonies. Ils avaient logé des juifs dans ces territoires, il les en ont délogés aujourd’hui, par la force des choses.

En Mauritanie aussi il y’eut Ould Taya qui fit repeupler les villages négro-africains, octroyer injustement les terres de la vallée; eh bien, il appartiendra à Sidy de corriger cet arbitraire du Système. Si tant est qu’il reste, comme il se réclame, attaché à l’établissement d’un Etat de droit .

Il faut dire que par la solution du seul aspect du dossier des réfugiés, aussi positive qu’elle fùt, on aura réussi, tout juste, à cicatriser la face externe de la plaie. Il faudra, en plus, que la face interne de la plaie, c’est à dire le passif, fût également pansée, pour réussir l’apaisement ou créer les conditions de réconciliation des coeurs.

 

Ce réglement du passif, à mon sens, devrait s’appuyer sur cette triple dimension évoquée, si j’ai bonne mémoire, dans le mémorandum des Flam; le refus de l’impunité -comme moyen dissuasif devant nous préserver d’une éventuelle répétition dans le futur-, la nécessité du pardon des victimes- afin de retrouver la confiance (perdue) dans la volonté du vivre ensemble-, et enfin, réparations et exigences de verité,- comme compassion morale et materielle obligée à l’endroit des victimes, reconnues comme telles.

 

Il ne faudrait pas vouloir solder ce passif en le passant par perte et profit. Surtout pas faire de sorte, comme dirait A. Mbembe**, que l’indulgence pour les criminels l’emporte sur la pitié de crucifiés.

Il serait déplacé, voire indécent, de vouloir demander à une victime de pardonner un auteur de crime qui n’épprouverait ni regret ni répentance.

Telle me semble être la meilleure manière de traiter cette plaie, sans séquelles.

Enfin, dernière étape, capitale à mon sens pour ne pas s’arrêter à mi-chemin sur la voie de la réconciliation véritable, de la consolidation réelle de l’unité nationale et de la stabilité définitive, il nous faudra alors nous attaquer, enfin, à la cause profonde de cette plaie infectée. Cause éminemment politique, à la base de tous les maux, de tous nos maux: la question de Cohabitation, à repenser ensemble. Pour la préservation du pays.

Il nous faut oser avancer si nous voulons construire ce devenir en commun. Telle est la voie de la sagesse et du bon sens, me semble t-il .

La lutte continue!

 

Dakar Le 06 octobre 2007

BARA BA – DAKAR Sénégal

 

DÉCLARATION DE PRESSE: Les cent jours de pouvoir du Président Aziz . Bilan !

vie du mouvementArrivé au pouvoir par un putsch, puis investi le 06 Aoùt 2009 suite à des élections contestées, Mohamed Ould  Abdel Aziz  vient de clore ses 100 jours à la Présidence de la République, en  posant, tout de même, un certain nombre d’actes significatifs; Il s’agit, entre autres, de la poursuite du programme de rapatriement des déportés entamé par le Président Sidi Ould Cheikh Abdallahi,  de l’amorce de solution  au  dossier des enseignants-déportés,  et enfin des efforts notables de redressement  et de  moralisation de l’Administration publique.

 

Les Flam se félicitent de ces actes positifs qui doivent être renforcés et poursuivis.

Elles déplorent, toutefois,  l’attitude peu empressée du gouvernement  à résoudre  la question urgente et explosive des terres des déportés- paysans toujours confisquées, et  s’insurgent contre la démarche singulière choisie  pour le réglement du passif humanitaire, consistant  à solder un problème de fond par des réparations pécuniaires et matérielles; le réglement du passif humanitaire doit  plutôt reposer sur l’équilibre à trouver entre le refus de l’impunité, les exigences de vérité et des réparations et la nécessité du pardon, au bout .

Les Flam  rappellent  que la solution correcte à  ces deux problèmes et  des  mesures énergiques pour mettre fin à l’esclavage sont  essentielles  à  l’apaisement des esprits, si utile à la réconciliation nationale

 

Les Flam  espèrent que les  actes  posés  et les propos rassurants du  Président de la République, tenus ici et là, traduisent  une réelle volonté politique de rupture, progressive, devant fonder un changement profond et global pour un partage équitable du pouvoir; changement qui devra s’étendre à la fois au secteur de l’Education, en échec, et  à celui de la justice et des forces armées et de police, à réformer au plus vite,  afin d’avancer vers le  réglement  de la question cruciale de COHABITATION.  

 

Elles rappellent que le souci  de consolidation de l’unité nationale dans le respect de nos diversités doit aller au-delà des déclarations d’intention, et  se traduire tant dans l’orientation politique générale de l’Etat, que dans les actes concrêts du gouvernement.

Inquiètes  par ailleurs, au vu  des atteintes graves  à la liberté et à la diversité d´expression, l´emprisonnement des journalistes et du glissement  vers un retour au parti-Etat et au monopole des médias d’Etat, les Flam invitent, enfin,  le Président de la République, pour convaincre du caractère civil de son régime, à  redresser rapidement  la barre  afin de   restaurer  et  consolider les libertés fondamentales, la démocratie et  le pluralisme .

 

Les FLAM, animées par la même volonté de dialogue exprimée dès 1986 à travers le “Manifeste du Négro-mauritanien opprimé”, réaffirment leur disponibilité à participer à toute oeuvre de refondation, pour une Mauritanie nouvelle, égalitaire, démocratique et respectueuse de sa diversité.

 

La lutte continue!

Stockholm le 16 novembre 2009

Pour le Bureau Exécutif National

Le département de la Communication

 

En exclusivite au Calame: Samba Thiam, President des FLAM a coeur ouvert

vie du mouvementLe 26 septembre dernier, à New York, en marge de la 62ème session ordinaire de l’Assemblée Générale des Nations Unies, le président Sidi Ould Cheikh Abdallahi rencontre Samba Thiam le président de l’un des mouvements les plus décriés sous l’ancien régime, les Forces de Libération Africaines de Mauritanie (FLAM).

 

Inspecteur de l’enseignement de formation, et ancien formateur à l’Ecole Normale des Instituteurs (ENI), Samba Thiam est né en 1948 à Sélibaby. Entré en politique par la contestation, «parce que je ne supporte pas l’injustice», l’homme est membre fondateur des Forces de libération africaines de Mauritanie connues sous l’acronyme FLAM.

 

Créées en mars 1983, celles-ci publient en 1986 le «Manifeste du Négro-Mauritanien Opprimé» qui dénonce la condition des Noirs dans notre pays. «Dans l’administration, souligne Samba Thiam, nous ne nous reconnaissions pas. Nous n’avions pas voix au chapitre. Tout se décidait sans nous. Alors, il fallait réagir ». Découvrant le document « brûlant», en avril 1986 à Addis Abeba, sur la table des chefs d’Etat africains présents au sommet de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), le président Ould Taya réagit par la répression. Plusieurs cadres et intellectuels noirs seront arrêtés et mis en prison à Oualata. Parmi eux Samba Thiam.

 

Jugé, et condamné à cinq ans d’emprisonnement ferme, il sortira du bagne plus chanceux que d’autres, notamment le poète Téne Youssouf Guèye qui mourra des suites de mauvais traitements et de maladie. C’est alors que, ayant recouvré la liberté, Samba Thiam quitte le pays. La présidence de l’organisation des Flam lui est confiée en décembre 1990, à Dakar au Sénégal, où il passe 10 années. Depuis décembre 2000, Samba Thiam vit avec sa famille à New York. Il nous a semblé important, au moment où se discutent la question du retour des réfugiés et les solutions devant conduire à la paix et à la réconciliation nationale, d’écouter l’analyse de son mouvement. Entretien exclusif.

 

Bonne lecture, la lutte continue

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LE CALAME: Le retour des réfugiés mauritaniens au Sénégal et au Mali est prévu pour la mi-décembre. Est-ce l’aboutissement d’un rêve?

 

Samba Thiam :  En quelque sorte oui. Du moins, nous l’espérons. Ce rêve dure depuis 18 ans! Cela dit, il est encore tôt de parler d’aboutissement. Attendons encore un peu.

 

LE CALAME: Vous dites enfin, tout de même?

 

SAMBA THIAM :  Oui. Mais une fois de plus, il est tôt de crier victoire! Nous avons porté ce dossier à bout de bras, presque seuls, avec toute la douleur que cela sous-entend. Pendant 18 ans, je le rappelle.

 

Et, n’ayons pas peur des mots, sans l’action des Forces de libération africaines de Mauritanie (Flam), il y a longtemps que ce dossier aurait été enterré, par tout le monde. Autrement dit, c’est notre mobilisation pleine de sacrifices dans les milieux politiques divers et des médias qui a fait que le monde garde en mémoire que quelque part des crimes odieux ont été commis et que des personnes demeurent lésées dans leur citoyenneté. Alors, nous sommes heureux de constater qu’une lueur d’espoir pour la réparation des injustices pointe enfin à l’horizon. Tout comme nous sommes fiers de constater que notre patience, notre persévérance et notre ténacité sont sur le point de donner le fruit escompté. Nous disons ainsi que nos efforts n’ont peut-être pas été vains.

 

LE CALAME: Qu’est ce qui, selon vous, avait jusque là causé des réticences?

 

SAMBA THIAM :  L’absence d’une volonté politique déclarée de règlement du problème! Le président Sidi Ould Cheikh Abdallahi a, à travers son discours historique, montré qu’il était animé de cette volonté là. Il reconnaît au nom de l’Etat que des erreurs ont été commises ; il compatit aux souffrances des victimes, au nom de l’Etat ; il s’engage enfin à procéder à des réparations morales et matérielles de la part de l’Etat. C’est quelque chose d’important, une disposition d’esprit positive qu’on ne saurait ne pas reconnaître.

 

LE CALAME:Vous voudrez dire que l’ancien régime ne vous avait jamais donné la moindre lueur d’espoir?

 

SAMBA THIAM :  Ould Taya est resté entêté et borné sur cette question. Avec bien sûr le soutien de ses obligés. Ould Taya, vindicatif et acariâtre fut, de mon point de vue, le président le moins intelligent de tous ceux que la Mauritanie a connus. Il aurait pu, s’il avait une vision du destin commun des peuples. Mais non, il pensait pour une partie du peuple. Il parlait à une fraction du peuple, une seule. C’est cette attitude qui a créé les frictions et tous les maux qui finiront par détruire le tissu mauritanien jadis ouvert. Avec Ould Taya, pour répondre à votre question, tous les horizons étaient bouchés. Il n’y avait aucune lueur d’espoir, aucune perspective d’avenir autre que le chaos.

Aujourd’hui, les choses semblent se redresser grâce à de nouvelles approches.

 

LE CALAME: Vous a-t-on associés aux démarches pour le retour des réfugiés?

 

SAMBA THIAM:  A strictement parler non! Nous n’avons pas été directement impliqués. Mais, souvent, nous échangeons avec ceux qui ont en charge ces questions.

 

LE CALAME: Avant de répondre à la main tendue de Nouakchott, vous étiez-vous adressés aux autorités malienne et sénégalaise, vos bienfaitrices des temps.

 

SAMBA THIAM :  Bienfaitrices des Flam, ou bienfaitrices des réfugiés? Nos relations avec ces autorités étaient fondées sur le respect et la tolérance.

Cela dit, il ne nous a pas semblé nécessaire de le faire, puisqu’elles connaissent plus que quiconque les revendications des réfugiés. Surtout que nous n’avions jamais arrêté de les interpeller sur leur responsabilité dans la gestion de ce dossier.

Et quelle que soit l’issue de ce qui se dessine aujourd’hui, les Flam, tout comme les réfugiés, ne cesseront de féliciter et remercier les gouvernements, et les peuples sénégalais et malien. Leur hospitalité ne nous a jamais fait défaut.

 

LE CALAME: Quand bien même.

 

SAMBA THIAM :  Sans doute devez-vous penser aux embrouilles, si je puis dire, que certains de nos militants ont eues ça et là avec certaines autorités. Ce sont des évènements qu’il faudra mettre sur le compte de la prudence politique. Personne, aucun régime je veux dire, ne voudra qu’on l’accuse d’être à l’origine des troubles de son voisin. Mais bon.

 

LE CALAME: Qu’est-ce qui a déclenché votre décision d’accepter le retour? Votre rencontre avec le Président Sidi à New York?

 

SAMBA THIAM :  Votre question est ambiguë. Car elle suppose, en filigrane, que nous décidons du retour des réfugiés. Ce n’est pas le cas.

Les réfugiés, ceux qui vivent dans les camps j’entends, sont autonomes. Libres de leurs décisions, de leurs choix d’avenir. Eux seuls prendront leur décision, en fonction de ce qu’on leur offrira au sortir des journées de concertation.

 

LE CALAME: Mais.

 

SAMBA THIAM :  Nous ne cachons pas nos rapports avec les réfugiés, qui sont nôtres, et que nous encadrons. Quelque ascendance, il est vrai, mais.. Il nous revient, en tant que force et conscience politique, de les défendre dans tous leurs droits. D’où les coordinations que nous maintenons avec eux. Mais, soyons clairs, nous ne leur dictons rien. La décision finale leur appartenant, toujours.

Cela dit, la rencontre avec le président est venue parachever, si je puis dire, un dialogue continu qui date d’avant l’élection présidentielle. Ould Cheikh Abdallahi étant venu à New York où je réside, il nous a semblé à tous les deux, naturel et normal de nous rencontrer.

 

LE CALAME: Il vous a convaincu

 

SAMBA THIAM :  Je dirai qu’il m’a paru rassurant, direct et sans emphase! En Mauritanie, certes on prépare activement le retour des réfugiés, mais l’adhésion de tout le monde n’est pas acquise. Cela vous inquiète-t-il? En fait, le terme juste est celui de déportés, au vu des circonstances ayant conduit à l’exil des populations dont il est question aujourd’hui. Quand bien même certains lui trouvent une connotation politique, et lui préfèrent le terme ?’réfugié?’, plus neutre, je pense qu’il s’est bien agi de déportation. Mais le souci est ailleurs, dans ce que vous soulignez. De nos jours, il est presque impossible d’obtenir l’adhésion de tout le monde, sur quoi que ce soit. C’est encore plus vrai pour cette question délicate et sensible.

Le retour des réfugiés touche à des enjeux. Remet en cause des intérêts. Réveille des peurs enfouies. Bref, il n’est donc pas surprenant que tout le monde n’y adhère pas.

Toutefois, je crois que la majorité de mes compatriotes arabo-berbères, ceux raisonnables et qui croient au devenir commun, ceux-là acceptent cette option du retour pour laquelle oeuvrent les nouvelles autorités. Il y a plus à gagner à ce que ces réfugiés reviennent, qu’à ce qu’ils restent à l’extérieur des frontières. Mais il me semble qu’une bonne campagne de sensibilisation réactivée sur la question ne serait pas de trop.

 

LE CALAME: Votre mouvement s’est scindé en deux groupes l’année dernière. Pouvez-vous nous expliquer les raisons qui ont conduit à la dissidence?

 

SAMBA THIAM :  C’est une page que je voudrais, maintenant, voir tournée. Car elle rappelle une déchirure, toujours douloureuse quelque part, entre compagnons de lutte.

Mais pour rester courtois, j’en dirais quand même un mot.

Quand la lutte devient longue et rude, elle secrète des tensions. Des déchirures se produisent. Toujours. Il en est ainsi de tous les mouvements de lutte, à quelques exceptions près. La fissuration de l’OLP en Palestine, la triste fin des Black-Panthers aux Etats-Unis, l’année de fin de guerre du FLN en Algérie, entre autres exemples, l’illustrent clairement. Pour revenir au cas précis des Flam, disons que les analyses sur l’appréciation de la situation de l’époque avaient achoppé essentiellement sur un point : quelle lecture avec la transition d’Ely Ould Mohamed Vall?

Nos camarades, qui deviendront dissidents, avaient pensé qu’un changement important s’était produit, et qu’il fallait rentrer officiellement, illico presto. Nous, pensions le contraire. Nous disions, plutôt, que ces militaires venaient juste d’arriver, et qu’ils n’avaient pas encore dévoilé leur jeu. Qu’il fallait donc se donner un temps d’observation, pour mieux apprécier la situation et élaborer, ensuite, la stratégie adaptée en conséquence. L’exil n’étant une fin en soi pour personne, mais qu’il fallait rester prudent et observer. «Il n’est pas pardonnable à un politicien d’être naïf», disait le romancier sénégalais Alioune NDao. L’accueil que Ely leur réserva, ses prises de positions insultantes montrèrent que nos vues étaient justes. Bien sûr, nos camarades ajoutaient, arguments massue, qu’il fallait, si on voulait rester conséquents et cohérents avec nous-mêmes, «être au plus près du peuple pour lequel on prétendait se battre». Mais où sont-ils aujourd’hui? A Paris? Ou à Nouakchott? Je pense que s’ils avaient un tout petit peu fait preuve de patience, nous aurions pu faire l’économie de cette déchirure. Car c’est maintenant l’heure, au vu de certains signes avant-coureurs qui ne trompent pas.

Mais l’histoire jugera, même si nos chemins devraient se croiser de nouveau, car la route est longue et rien n’est encore gagné.

 

LE CALAME: Quelle est votre conception de l’Unité nationale?

 

SAMBA THIAM :  Ma conception de l’Unité nationale repose, en fait, sur ce que me disait le président Sidi, lors de notre entretien à New York. Quand nous avions abordé les approches de solutions, sur la base desquelles devrait être rebâti ce pays, approches sur lesquelles du reste nous avons des points de vue légèrement différents, le président m’a dit en guise de réponse à mon intervention qu’il comprenait notre approche, qu’il la respectait, mais que lui préférait plutôt l’approche citoyenne c’est-à-dire «que les Mauritaniens aient les mêmes droits et les mêmes devoirs sans considération de race.

 

Si les Flam campent, aujourd’hui encore, sur une solution de type communautaire, c’est parce que tous les régimes politiques précédents se sont montrés incapables de mettre en ½uvre ce principe. L’expérience des 40 dernières années s’est révélée être un échec. Les hommes qui ont présidé aux destinées de ce pays, pour parler franc, ont plutôt ½uvré en sens inverse.

Voilà pourquoi, nous restons persuadés, que pour arriver à traduire dans les faits ce principe cher de l’unité, et en faire une finalité, il faudra nécessairement imprimer dans certaines mentalités que ?’l’autre aussi existe” dans sa dimension psychologique, culturelle, identitaire.

 

LE CALAME: Comment comptez-vous procéder?

 

SAMBA THIAM :  Cette existence de l’autre reconnue et affirmée comme étape intermédiaire vers la citoyenneté indifférenciée, ne saurait s’imposer qu’à travers une solution de type communautaire, l’autonomie. Etape qui sera temporaire, transitoire, vers l’édification de l’Etat-nation à citoyenneté indifférenciée. C’est là notre point de vue.

En un mot, si nous partageons avec le président la finalité consensuelle, nous demeurons sceptiques quant à sa réalisation de manière spontanée, sans cette étape intermédiaire. Mais nous ne demandons qu’à être convaincus.

 

LE CALAME: Fini le temps des rancoeurs?

 

SAMBA THIAM :  Contre qui, et pourquoi? Les Flam n’ont jamais éprouvé de rancoeur, d’aucune sorte. Et d’aucune manière. Rancoeur? Non! Amertume, peut-être!

Les Forces de libération africaines de Mauritanie sont amères d’avoir été mal comprises dans leur discours qui ne comporte aucune haine, mais demande juste une égale dignité pour tous et chacun, dans leur patriotisme sincère, dans leur amour pour ce pays. Amères d’avoir été incomprises, pour avoir dit les choses avant l’heure. Amères d’avoir été mal jugées pour demeurer «ces partisans têtus de la vérité», comme disait l’autre. Partisans de la vérité, sans prétendre en être les détenteurs. Une fois de plus, notre seul tort, comme le disait un ami, est d’avoir eu raison avant tout le monde.

 

LE CALAME: Quelles garanties avez-vous obtenues pour les réfugiés immédiats, je veux dire ceux vivants dans les camps limitrophes du pays?

 

SAMBA THIAM :  Aucunes! Sauf que, comme je l’ai dit plus haut, les propos du président semblent rassurants. Encore une fois, il appartiendra aux réfugiés de décider, pas à nous.

 

LE CALAME: Les exilés, ailleurs en Afrique, en Europe et aux Etats-Unis seront-ils concernés par ces mesures?

 

SAMBA THIAM :  Nous l’espérons. Parce qu’il n’y a pas que les réfugiés au Sénégal et au Mali qui existent.

 

 

LE CALAME: Et pendant ces années d’exil forcé, ou voulu pour diverses raisons, d’aucuns ont acquis des nationalités de leurs pays de résidence. La question a-t-elle été évoquée?

 

SAMBA THIAM :  Oui, elle a été soumise au président de la République. En fait, ce qui se trouve être posé, c’est la question de la double nationalité. Il faudra bien qu’un jour on accepte d’y faire face. Nous avons notre point de vue là-dessus.

 

LE CALAME: Lequel?

 

SAMBA THIAM :  Il est prématuré d’en parler. Nous attendons que la question soit officiellement posée sur la table.

 

LE CALAME: Quand, et comment, avez-vous quitté la Mauritanie?

 

SAMBA THIAM :  A ma sortie de prison, en septembre 1990. Libéré, je suis allé dire au revoir à ma mère à Sélibaby. Constatant que rien n’avait changé, pour ne pas dire que tout avait empiré, et plus déterminé que jamais à continuer le combat, je décide alors de partir pour l’exil. De Nouakchott, je me rends à Rosso pour traverser. Ne parvenant pas, après plusieurs jours d’essai, pour cause de frontières verrouillées, je rebrousse chemin. Le lendemain, je m’embarque pour Boghé. C’est là que je me suis résolu à passer, en dépit des patrouilles nocturnes le long du fleuve, et traverser alors le fleuve à la nage, mon balluchon sous les bras.

 

LE CALAME: Samba Thiam songe-t-il au retour en Mauritanie, dans un futur proche?

 

SAMBA THIAM :  Oui j’y songe! Le fait qu’un journal national me donne la possibilité d’exprimer les positions de mon organisation dans ses colonnes montre que les choses sont en train de changer positivement. Même s’il reste beaucoup à faire. J’espère donc que mon retour sera pour bientôt.

 

LE CALAME: Un mot sur les conclusions des journées de concertation qui viennent de se tenir?

 

SAMBA THIAM :  C’est une victoire de la raison. Une victoire du peuple mauritanien, dans son ensemble.

 

Propos recueillis par Bios Diallo le 12 decembre 2007 

 

 

PORTRAIT: Kaaw Mouhamadou Touré Porte-parole des FLAM, vingt ans de lutte et d´exil

KAAW TOUREDerrière le sourire permanent de ce combattant de la liberté se dessinent les souffrances de l´exil, de la torture, de la prison et de la solitude. La vie de Mouhamadou ou Kaaw Touré pour les intimes est toute une histoire. Histoire d´amour pour la liberté mais surtout l´amour pour son pays et son peuple.

 

Conscience politique précoce

 

C´est en decembre 1987 que KaawTouré, pourchassé par les autorités mauritaniennes, quitte Djeol, son village natal situé dans le Sud de la Mauritanie en Afrique de l´Ouest pour rejoindre Dakar la capitale du Sénégal voisin. Exil provoqué par la repression de son mouvement, certes, mais surtout par l´ardent désir de continuer une lutte engagée dès l´âge de 15 ans. Conscience politique précoce donc, qui dès les années du collége et lycée est venue troubler une trop courte période résérvée à la naïveté de l´adolescence:”Le milieu dans lequel j´étais et grandi m´a trés tôt influencé, dit-il. Ensuite, il y a la situation politique du pays.Tu ne peux pas rester insensible à ce que tu subis au quotidien si tu as un minimum de dignité. Les provocations, la discrimination envers les Noirs à l´école, dans l´administration, dans l´armée, dans la rue, partout”.

 

Militant du Mouvement des Eléves et Etudiants Noirs, il participe à l´organisation de manifestations culturelles, à la mise en place de conférences en présence d´intellectuels descendant de la capitale et à la publication d´un journal scolaire. C´est en mars 1983, date de la création des FLAM, que le discours politique de Kaaw et de ses camarades prend une autre envergure. Fusion de plusieurs mouvements politiques, dont celui des étudiants et des éléves, anti-raciste et anti-esclavagiste par essence, les Forces de libération africaines de Mauritanie FLAM se veulent d’être une organisation non ethnique et non raciale dont l´objectif est d´éradiquer toute forme d´oppression et de discrimination en Mauritanie. Le manifeste du négro-mauritanien opprimé publié en 1986 sonnera le point de départ de cette nouvelle donne:”Nous avions fait une analyse en montrant chiffres à l´appui les caracteristiques et les manifestations de la discrimination dans tous les secteurs de l’Etat” . Coup d´envoi d´une prise de conscience politique mais aussi début de la clandestinité. Du 4 septembre 1986 jusqu´au début de janvier 1987, une centaine de militants , d´intellectuels et d´étudiants sont arrêtés. Kaaw en faisait partie. Il avait à peine 19 ans.

 

Il se souvient comme si c´était hier de son arrestation. Il revoit encore la dizaine de gendarmes venus encercler leur maison, la frayeur dans le regard de sa mère et la dernière priére du matin juste avant de se faire passer les menottes comme un criminel dit kaaw.

 

La prison et tortures

 

Il se souvient également de la torture, “du supplice du jaguar” et de cette matraque qui s´abattait sur les plantes de ses pieds quand, immobilisé par des barres de fer, recroquevillé sur lui même et retourné la tête en bas, le sang lui giclait des yeux. Pendant une semaine: “ils voulaient que l´on avoue avoir porté atteinte à la sûreté de l´Etat et être membres d´une organisation terroriste. Nous étions enfermés dans le noir. A plusieurs dizaines dans une petite cellule. Sans aucun sanitaire, sans aucune fénétre. On manquait d´air. A la limite on était content de se faire interroger dans la salle de torture parce que l´on pouvait voir la lumiére du jour et respirer un peu”. Suivront un mois de détention et un simulacre de procés sans avocats. “parfois nos geôliers versaient du sable dans nos repas ou de l´eau pour dire que nous n´etions que des sales négres et esclaves”.

 

Les plus influents prirent quatre, cinq ans voire plus avant d´être transférés plus tard dans l´enfer de Oualata. Cet ancien fort colonial devenu prison-sanctuaire, trônant au milieu du désért où le climat, les travaux forcés et les constantes brimades des gardiens viennent à bout des convictions les plus coriaces. Quelques noms Djigo Tafsir ancien ministre, Ten Youssouf Guéye, ancien ambassadeur de Mauritanie à L´ONU y ont laissé la vie. Bénéficiant de son jeune âge, cette épreuve a été épargné à Kaaw le plus jeune prisonnier politique mauritanien à l´époque. Pour lui , ce sera la prison civile de Kaédi dans le sud pour 6 mois fermes. Mais il lui en fallait beaucoup plus pour renoncer, car dès sa sortie il remet ca en dirigeant des nouvelles manifestations contre l´exécution de 3 officiers noirs en décembre 1987. De nouveau recherché, il s´enfuit à temps cette fois, et se rend au Sénégal, son oncle maternel qui était son correspondant à Kaëdi sera arrêté et pris en otage pendant un mois avant qu´ il ne soit liberé plus tard: ” je me suis rendu compte que la lutte pouvait être aussi plus efficace à l´extérieur du pays même si je ne voulais pas quitter mon pays, laisser ma famille mais il le fallait parce qu´en prison on ne pouvait pas déranger le régime”.

 

Exil au Sénégal

 

Il rejoint ses camarades qui avaient échappé à la représsion de 1986 et continue avec eux la lutte et à mobiliser autour de l´apartheïd mauritanien. Présentes en Afrique, aux Etats-Unis, en France et même en Scandinavie, les FLAM en un peu de temps ont réussi à cristalliser l´opinion internationale sur les questions des droits de l´homme en Mauritanie. Human rights watch, Amnesty international, la FIDH et autres organisations humanitaires suivent la cause à la loupe et la Mauritanie était sur le banc des accusés dans tous les rapports des organisations des droits humains. Et Kaaw et ses camarades arrivent depuis Dakar, à plaider efficacement la cause à l´étranger. A Dakar, certains partis politiques leur ont fait part leur soutien et les invitent à leurs différentes manifestations et congrés. Mais diplomatie oblige, les manifestations, les colloques et les interventions de Kaaw dans les médias nationaux et internationaux sont ponctués de discrets mais fermes rappels à l´ordre des autorités sénégalaises c´est ainsi en juillet 1999 après avoir echappé de justesse à une extradition et au kidnapping, grâce à l´intervention des autorités des Nations unies Kaaw obtient l´asile politique en Suède. Les Etats-Unis et la Suède lui offrent l´asile mais pour des raisons stratégiques et politiques Kaaw Choisit la destination de notre pays : ” Aux Etats-unis nous avions déjà lábas des militants et qui mobilisaient bien l´opinion américaine à travers un réseau d´amis il nous fallait aussi des représentants dans les pays du Nord pour faire connaitre notre cause dans cette partie de l´Europe” explique le porte-parole des FLAM.

 

Deuxième exil

 

Tout n´était pas facile au début pour lui, la langue, la culture et le climat, tout était différent mais c´est dans l´épreuve que retrouve le grand miltant ses forces et sa détérmination ainsi donc il commence ses contacts politiques et avec le soutien de la Fondation Olof Palm qui organise des rencontres avec les partis politiques, les associations des droits humains, des membres de la société civile, la presse nationale, Kaaw intégre le milieu

politique suédois. Très chaleureux et au contact facile le message passe vite et Kaaw noue des contacts avec la classe politique et la société civile. Des tournées, des exposés et des conférences sur la Mauritanie sont organisées dans les lycées, colléges et universités pour attirer l´opinion sur le racisme et l´esclavage en Mauritanie. C´est dans cette campagne qu´il rencontre la réalisatrice Helen Aastrup qui voulait faire un film documentaire sur lui, qu´il arrivera à convaincre de voyager en Mauritanie pour faire un film sur l´esclavage dans ce pays. Avec des amis flamistes exilés au Danmark ils préparent ce voyage en donnant toute la litterature sur l´esclavage en Mauritanie et les contacts de SOS-Esclaves une organisation mauritanienne qui lutte pour la libération et l´émancipation des esclaves. Ce travail donnera le film “NÉ ESCLAVE”, qui verra jour avec l´appui d´ Amnesty international.Ce film sera projeté dans plusieurs pays et fera objet des débats houleux aux USA et en Europe entre les partisans et les adversaires du régime déchu. Parallélement il crée un site internet FLAMNET pour son organisation, des informations et des débats sur la Mauritanie y sont livrés et le forum devient le répére et le lieu d´échange de tous les exilés politiques mauritaniens.”Le site me prend tout mon temps, je me reveille à 6 heures du matin et me couche à 1heure ou 2 heures parfois pour me permettre de modérer les messages, heureusement qu´avec mon ordinateur portable ou avec mon téléphone mobil je peux me connecter à tout temps et à tout lieu sur le site”. Ce qui fait l´exception du forum flamnet c´est qu´il compte parmi ses abonnés des chercheurs, des journalistes, des diplomates, des hommes politiques, des jeunes mauritaniens avertis et d´autres militants panafricanistes et des droits humains dans le monde.Le site compte des milliers de visiteurs par jour sans compter les 800 abonnés du forum qui recoivent les messages du forum directement dans leurs boites électroniques au quotidien.

 

L´espoir

 

En aout 2005 l´ancien dicateur est renversé par ses anciens lieutenants mais Kaaw et ses amis flamistes ne sont pas convaincus de la volonté réelle du changement de l´ancien directeur de la sûreté de la Mauritanie qui dirige la nouvelle junte. Les FLAM décident de se mettre en marge du processus de la transition pour voir plus clair sur les vraies intentions du nouveau régime. Acculé´par l´opinion internationale la junte au pouvoir organise des eléctions après 2 ans de “gestion calamiteuse et de détournements des deniers publics” dira Kaaw Touré. Le Seul actif de la junte qu´on peut juger positif c´est l´organisation des eléctions mais tout le reste est nul, le chef du CMJD était arrogrant et méprisait les victimes du régime raciste, ils partent en laissant les caisses de l´état complétement vides”. Un nouveau président est élu sans contestation. “Nous ne pouvons être plus royalistes que le roi si les candidats eux-mêmes ont reconnu leur défaite et la transparence des élections nous ne pouvons que prendre acte”. Aujourd´hui Kaaw et beaucoup de ses amis restent optimistes à l avenir mais toujours prudents parce que comme il dit en politique il ne faut jamais faire confiance à personne, il croit à la bonne volonté du nouveau président mais il craint que son entourage constitué par des anciens barrons du système bloque les réformes et la politique d´ouverture du nouveau chef de l´Etat.”je lui ai parlé à plusieurs fois au téléphone et il me semble sincére, de bonne foi et décidé mais c´est l´avenir qui le dira, je ne crois qu´aux actes concrets” témoigne Kaaw Touré. Au mois de septembre dernier, à New York, en marge de la 62ème session ordinaire de l’Assemblée Générale des Nations Unies, le président Sidi Ould Cheikh Abdallahi a rencontré le président des FLAM, une chose inimaginable sous l´ancien régime ensuite une nouvelle loi qui criminalise l´esclavage vient d´être votée et le pouvoir vient d´organiser des journées de concertation sur les déportés et le passif humanitaire des actes que kaaw juge positifs et qui incitent à espérer mais il prône toujours la vigilance. “Nous sommes le seul mouvement politique qui n´a jamais collaboré de près ou de loin avec le système, tout ce qui nous intéresse c´est la justice, ni les strapontins ni la reconnaissance ne sont nos préoccupations” dira t-il avec un ton très sérieux. Il voit l´avenir des FLAM avec optimisme au pays même s´il faut s´attendre à tous les coups parce que les “FLAM dérangent aussi bien le système que certains partis de l´opposition” c´est pourquoi il faut préparer le retour sans précipitation et “mettre tous les moyens et atouts de notre côté, la bataille sera rude il ne faut pas se faire d´illusions”. Kaaw a beaucoup de projets en tête pour son mouvement, ” en plus du site internet il nous faut un journal régulier, une radio et pourquoi pas une TV? il faut conscientiser notre peuple et contrer la campagne de nos adversaires, la bataille de communication est très importante dans cette lutte.”

 

Le mal du pays

 

A quand le retour de Kaaw et des FLAM au pays? “le mouvement vient d´organiser des débats dans nos différentes structures de base et au sein du Bureau national nous allons envoyer ces conclusions au Conseil national qui va faire la synthèse de nos réflexions et c´est après seulement que je saurai la date exacte de notre retour ou de notre nouvelle orientation, je suis un militant discipliné et je n´attends que les décisions de nos instances pour me prononcer”. Mais le pays lui manque beaucoup et il regrette déjà de ne pouvoir revoir certains parents, amis et proches qui ont quitté ce monde et qu´il ne pourra plus revoir “mais la première chose que je ferais une fois rentré au pays c´est d´aller me recueillir sur leurs tombes”. Le retour au pays c´est aussi les retrouvailles avec la famille et des amis d´enfance qu´il n´a pas vu depuis des décennies et surtout il évoque avec nostalgie son village natal qu´il parle avec amour et passion. Le retour au pays natal est le souhait de chaque exilé dira t-il mais la Suède est devenue sa seconde patrie où il compte beaucoup d´amis et des camarades, un pays qui l´a accueilli et adopté lorsqu´il fut rejeté par son propre pays , la séparation sera difficile parce que le coeur est déjà partagé. “ne pas pouvoir voir son pays , est ce qu´il y a de pire pour un homme mais tant qu´il y a vie il y a toujours espoir”, déclaret-il et Kaaw nous dit avec fierté qu´il ne regrette rien de son parcours et s´il faut tenir encore des années ou donner sa vie pour cette cause il le fera avec plaisir. Son souhait le plus ardent est de voir un jour les fils de son pays reconciliés, arabes et négro-africains vivre en harmonie et en paix dans la justice et l´égalité. Tout est possible il suffit seulement de la volonté politique parce que les deux communautés ont beaucoup en commun et surtout cette diversité culturelle qui devait faire sa fierté. En attendant que ce rêve se réalise Kaaw nous dit avec un coup de poignée levé, la lutte doit continuer.

 

Par Anders Carringhton et Jan Andersson du Baromètre