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Pour une coopération plus éclairée : par SAMBA THIAM président des FPC.
Maintenant que le sommet arabe est fini, bien fini, l’auto congratulation passée, redevenons nous –mêmes et revenons à nos moutons …)
Pour une coopération plus clairvoyante
Unité nationale-radioscopie…
” Notre lutte n’était pas dirigée contre les Blancs eux- mêmes, mais contre la domination des Blancs, contre une politique hégémonique qui se reflète dans la composition raciale des principales structures du Gouvernement, à tous les échelons ” N. Mandela.
L’auteur de ces lignes, pour lever tout amalgame et toute ambiguïté, clarifie le sens et la direction de la lutte de l’ANC.
Lignes fortes, à résonnance particulière pour les militants des FPC–d’inspiration ANC- qui luttent aussi contre un Etat, contre un Système et non contre une communauté raciale quelconque; “un Système fondé sur des préjugés, des présupposés qui aboutissent à une hiérarchie’’ que définissait si bien A Césaire .
Résonnance particulière de ces lignes également chez les Négro-africains en général pour refléter ce qu’ils vivent au quotidien, à travers leur descente aux enfers qui se manifeste par leur élimination, graduelle et sans fin, de la superstructure et des principaux secteurs de la vie publique, amorcée dès l’indépendance.
Dès 1960, un Système est mis en place par Moctar ould Daddah, à travers le contrôle de quatre verrous essentiels -leviers du pouvoir:– le contrôle du pouvoir politique, du pouvoir culturel (la langue), du pouvoir militaire, du pouvoir économique et financier, que viendra couronner le monopole des médias. Un Système pernicieux, bien construit, à l’origine de l’Inégalité ethnique consacrée et institutionnalisée ’’actuelle, qui fera dire à un visiteur étranger de passage ‘’qu’en Mauritanie être Noir est un délit sans que cela ne soit inscrit nulle part’’ !
Le Gouvernement du Président Abdel Aziz, sur les traces de prédécesseurs imbus de la même idéologie, consolide et perpétue ce Système, en exécutant cette ‘’ politique hégémonique qui se reflète dans la composition raciale des principales structures du Gouvernement, à tous les échelons ‘’ dont parle Mandela. Ce gouvernement dans son empressement à asseoir définitivement et clôturer le Système, l’a profondément exacerbé, accentuant davantage la fracture communautaire …
Il suffit, pour s’en convaincre, d’observer autour de nous pour constater la composition raciale du secteur de la justice, celui des (9) Ecoles spéciales, ou des commissions chargées de l’enrôlement biométrique, du corps de commandement des forces armées et de sécurité, des médias enfin. Des faits, rien que des faits que le Président, campant dans sa posture de déni habituel, s’efforçait de faire porter aux autres ( message à la nation en début et fin du ramadan, entre autres ).Au regard de ces faits, têtus, qui est-ce qui, en réalité, œuvrait dans le sens du “sectarisme’’ , du “racisme’’ ou de la ‘’ségrégation’’ ? Qui ‘’ divisait le peuple’’, à entendre nos “alter égo de Vichy’’, déclamer des slogans éculés, complètement déconnectés du réel?
A ce tableau d’iniquités décrit, vient s’ajouter ce découpage administratif et territorial des plus arbitraires et des plus injustes, depuis toujours. Citons en quelques cas significatifs à titre d’exemple :
L’Adrar : 62 658 habitants, 4 préfectures, 5 députés, 4 sénateurs (9 parlementaires)
Le Guidimakha : 267 029 habitants, 2 préfectures, 6 députés, 2 sénateurs (8 parlementaires)
Le Tiris Zemmour : 53.261 habitants ,3 préfectures, 4 députés, 3 sénateurs (7 parlementaires)
Le Gorgol : 335.917 habitants, 4 préfectures, 10 députés 4 sénateurs (14 parlementaires);
Le Tagant : 80.962habitants ; 3 préfectures, 5 députés, 4 sénateurs (9 parlementaires) .
Le Hodh Gharbi 294 109 habitants, 4 départements, 9 députés, 4 sénateurs
Au total, toutes régions comprises, on dénombre 203 parlementaires dont 150 Arabo-berbères (73 %), 20 haratines et 33 Negro africains .Le pays compte 55 préfectures au total, et seulement 7 pour la vallée du fleuve malgré sa forte densité !
De quelle ‘’Unité nationale’’ nous parle-t-on lorsqu’il n’existe d’équité nulle part, au regard de ces faits ?
‘’ Annihiler la force numérique et la force de travail que représentent les Noirs pour les transformer en simples instruments, sans qu’aucune possibilité ne leur soit laissée de sortir de cette situation ’’. N Mandela
Rien ne distingue ce but ultime de l’idéologie afrikaner, ici décrit, des objectifs politiques de la plupart des régimes mauritaniens, en particulier celui du Président Ould Abdel Aziz !
Voilà qu’après la main mise sur tous les leviers essentiels, le Système va boucler la boucle, à travers l’action du Président ould Abdel Aziz qui se tourne maintenant vers le dernier carré, jusque là préservé : les terres de la vallée du fleuve. Cela semble se dessiner à travers un comité interministériel, à pied d’œuvre depuis juin 2016, ouvert aux bailleurs de fonds, naturellement, mais qui restera sourd aux complaintes légitimes des populations concernées, comme toujours!
Pour une coopération plus éclairée…
Ce qu’il faut déplorer dans cette situation c’est qu’il se trouve, hélas, des partenaires internationaux qui, consciemment ou inconsciemment , accompagnent cette politique ; en effet, certaines institutions internationales, certains partenaires étrangers participent de cette dangereuse entreprise de spoliation, par leur apport multiforme dans ce secteur ; a travers leurs programmes d’appui, leurs financements …Or sans crever l’abcès, c’est-à-dire sans œuvrer au rétablissement préalable de la vérité sur l’occupation des terres-qui possède quoi-, sans affirmation claire du caractère intangible du droit de propriété, sans apaisement des rancœurs et des frustrations accumulées toutes ces années à cause des injustices nombreuses , il ne serait ni judicieux, ni raisonnable de s’engager dans ce secteur . Il serait illusoire de vouloir exploiter de manière efficiente et productive ce secteur agricole durablement ; illusoire d’espérer en tirer des bénéfices probants ; plutôt, on risquerait de créer ou précipiter les conditions d’instabilité explosive, sans plus. A titre d’illustration, peut–on légitimement envisager un projet d’exploitation ou d’extension des manguiers des femmes de Thiembene sans risques ? Serait-il moralement juste de s’approprier le fruit de leur labeur pendant des années, de transformer de facto un cas de flagrante injustice en fait accompli, définitivement accompli ?
Enfin il ne faut pas que la raison de sécurité l’emporte sur celle (des risques) du chaos social éminemment plus dangereux…
Attention toutefois, que l’on nous entende bien : la vallée du fleuve doit voir son potentiel agricole mis en valeur, exploité au bénéfice de tout le peuple mauritanien. Seulement, ce développement devra tenir compte de certains principes, reposer sur la concertation avec les populations concernées à associer, respecter l’espace vital des villages et certains droits séculiers (accès à la terre pour les paysans, accès au fleuve pour les pécheurs, couloirs de parcours et d’accès à l’eau pour les éleveurs). Ainsi et ainsi seulement, on s’acheminerait vers un développement réfléchi, apaisé, qui profiterait à tous. Voilà pourquoi nous pensons que tout plan d’exploitation de cet espace devrait se décliner en paliers, ci-après :
–La Zone du ‘’ Waalo’’- ou partie inondable- sera affectée aux populations locales que l’Etat accompagnera
– Les investisseurs nationaux et sous–régionaux se verront attribuer le moyen Dierri -12km du fleuve,
-Les Investisseurs internationaux (le grand capital ) occuperont le haut Dierri -20km du fleuve et au de-là-.
Enfin s’il y a réforme foncière, elle devra être une, la plus équitable possible, applicable du Nord au Sud, d’Est en Ouest avec la même impartialité.
D’ores et déjà nous ne pouvons que déconseiller fortement tout financement de projets agricoles de partenaires dans la vallée du fleuve, avec le statu-quo actuel ; tout comme nous décourageons les appuis au secteur de la justice dans laquelle Negro-africains et haratines ne se reconnaissent pas ; Ils n’y sont pas représentés, ne peuvent s’y exprimer (N-africains), ni en attendre des verdicts impartiaux. Une justice enfin, où on ne donnait pas aux juges honnêtes de dire le droit. A nos yeux l’appui visant à ‘’ rendre cette justice plus forte,’’ comme se le proposent certains partenaires au développement, mérite d’être questionné, car il ne serait pas de nature à favoriser la cohésion nationale, pour accentuer et consacrer la marginalisation des Négro-mauritaniens.
Pendant l’occupation algérienne Albert Camus eut à tenir ces propos sur la Justice française qui lui valurent bien des quolibets:‘’ entre votre Justice et ma mère je choisis ma mère’’, dit-il. C’était sa manière de dénoncer la justice française appliquée pendant la guerre d’Algérie, exigeant une autre justice plus conforme à celle incarnée par la rigueur et la droiture de sa vertueuse mère !
Citation qui ne saurait mieux traduire le ressenti actuel des Négro-africains à l’égard de la justice mauritanienne perçue comme une justice partisane au service d’une entité, une justice des riches et des puissants pourvoyeuses de cellules …Nous sommes des assiégés !
Nous sommes des assiégés, en survie !
Dans le livre titré ‘’ la vallée du fleuve Sénégal ’’ de B Grousse et Sidy M Seck, Ed karthalla 1991, le mauritanien Ba Boubacar Moussa révèle -page 265- : ‘’ dans un rapport confidentiel, le ministre de l’intérieur écrit’’ « Les halpulareen tentent de déstabiliser la Mauritanie en remettant en cause son arabité. La base sociale sur laquelle se développe ce particularisme tributaire de l’hégémonisme sénégalais, c’est la composition ethnique du peuplement local actuel, majoritairement halpulareen. En modifiant radicalement la composition de ce peuplement, on prive ce particularisme de toute possibilité de développement à moyen terme ».
C’est on ne peut plus clair !
La majorité des mauritaniens victimes des évènements Sénégalo-mauritaniens de 1989, expulsés du Sénégal se sont vus bloqués sur la ligne du fleuve, contraints et forcés de s’y installer alors qu’ils avaient, pour la plupart, émis le désir de regagner leurs régions d’origine…Ils furent autorisés à occuper villages et champs de Négro-africains déportés, non encore restitués à ce jour, comme pour le carré de manguiers des braves dames de Thiembene …
L’esprit du rapport confidentiel était en marche …
La déportation des populations négro-africaines au Sénégal et au Mali s’inscrit dans le même sillage ; comme le refus obstiné de ramener les (12000) déportés mauritaniens au Mali, qui participe de la même logique …
On le voit, le rapport était en application…La descente vers le Sud n’a donc pas été que ‘’spontanée’’ ou sous la poussée de la sécheresse, contrairement à certaines affirmations ; elle fut inspirée, suscitée et même encouragée… pour des motifs obscurs.
L’esprit de ce rapport-circulaire était en marche. IL est en marche, non plus localement, mais à l’échelle nationale avec le Président Abdel Aziz ; au niveau des forces armées et de sécurité, de la Police, de l’Administration, de la Justice, des Ecoles spéciales, des médias , à travers cet ’enrôlement biométrique aux commissions techniques mono ethniques et ces conseils de ministres ; l’esprit de cette circulaire se poursuit encore et se reflète jusque dans l’organisation du sommet arabe récemment à Nouakchott où nous avons été tenus absents ; Arabité oblige, toutes les émissions en langues nationales pulaar , soninke , wolof ont été suspendues , le temps d’un sommet… Or l’Unité ne peut se fonder sur l’assentiment des peuples en présence, dans l’acceptance et le respect réciproques. Dès lors qu’une des parties est perçue comme une gène, voire un boulet au pied l’Unité n’est plus viable !
Le Président, son compère de l’état major et la dame de la CUN, par leur action conjuguée, tentent de parachever au pas de course l’infâme projet, amorcé en 1960, considérablement aggravé par Ould Taya dans les années 1980. Le Président veut développer ce pays, ce qui, en soi, n’est pas une mauvaise chose; ce qui est mauvais par contre est qu’il veuille le développer sans Nous,- nous Négro-africains et Haratines- chose inacceptable, encore une fois !
Un pays, une Nation, un Etat viable ne sauraient se construire de cette façon là…En conséquence toute coopération dans ces conditions devient donc questionnable.
Dans son allocution du 12 juillet 2016, l’ambassadeur des Etats-unis à Nouakchott, évoquant la question de l’esclavage, disait, je cite : «les histoires de nos deux pays ont de tristes similitudes. Comme la Mauritanie, nous luttons pour surmonter les séquelles de notre passé, et pour construire un meilleur pays pour tous les citoyens ». A cette différence qui échappait peut-être à son Excellence : si aux Usa l’esclavage a été vaincu c’est parce qu’il y eut des consciences torturées, des intellectuels et des hommes de foi qui n’en pouvaient plus de transiger avec leurs consciences, torturées ; ce n’était pas le cas en Mauritanie où l’on fait surtout semblant … En Mauritanie l’hypocrisie et le ‘’faire semblant’’ sont entrés dans les mœurs …
Isselmou O Abdel kader disait au cours d’une rencontre publique récente que 90% de l’économie de Kaédi était aux mains des familles maures ; Dire 90% de l’économie de toute la vallée du fleuve aurait été plus proche de la réalité ! « Si l’on ne peut vivre ensemble qu’au prix de l’oppression à l’égard d’une composante, c’est une position pas raisonnable et qui, surtout, n’est pas tenable » soutenait Yehdih.
Il faut reprendre Aleg …
S’il s’était agi de corriger le déséquilibre issu du legs colonial on aurait compris ! C’eût été légitime, parce que c’eût été faire justice; mais l’on s’attela, plutôt, à éliminer la composante négro-africaine des sphères de la vie publique, totalement! Evidence, hélas, que le Pouvoir en place et une bonne partie de l’élite arabo-berbère s’obstinaient à nier! Or il ne pouvait y avoir d’unité ou simplement de rencontre avec l’autre sans la reconnaissance de l’autre dans son altérité …
Au vu de toutes ces données, appuyer ou financer donc le secteur agricole ou celui de la justice ou encore des forces armées et de sécurité mono ethniques actuelles, sans créer au préalable les conditions d’égalité, d’équité et de justice entre les composantes nationales dans ces secteurs, ne serait ni plus ni moins qu’aggraver cet état de siège. Ce serait apporter une caution à notre exclusion, soutenir et légitimer la domination d’une composante nationale sur les autres. Nous sommes des assiégés en état de survie ! Voilà pourquoi l’appui à ces secteurs doit être questionné, encore une fois…
Il faut reprendre Aleg qui fut un raté ! Il faut rediscuter des conditions de coexistence, du vivre ensemble. Les partenaires et amis de la Mauritanie se doivent donc de faire preuve de claire voyance et davantage de vigilance et de prudence dans leur coopération avec l’Etat ou le régime mauritanien, buté, de nature éthniciste, aux tendances autocratiques, répressives et prédatrices ….
Samba Thiam
Président des Forces Progressistes du Changement FPC
Nouakchott, le 31 juillet 2016
Pour une coopération plus éclairée (2eme partie) : par SAMBA THIAM président des FPC.
’’ Annihiler la force numérique et la force de travail que représentent les Noirs pour les transformer en simples instruments, sans qu’aucune possibilité ne leur soit laissée de sortir de cette situation ’’. N Mandela
Rien ne distingue ce but ultime de l’idéologie afrikaner, ici décrit, des objectifs politiques de la plupart des régimes mauritaniens, en particulier celui du Président Ould Abdel Aziz !
Voilà qu’après la main mise sur tous les leviers essentiels, le Système va boucler la boucle, à travers l’action du Président ould Abdel Aziz qui se tourne maintenant vers le dernier carré, jusque là préservé : les terres de la vallée du fleuve. Cela semble se dessiner à travers un comité interministériel, à pied d’œuvre depuis juin 2016, ouvert aux bailleurs de fonds, naturellement, mais qui restera sourd aux complaintes légitimes des populations concernées, comme toujours!
Pour une coopération plus éclairée…
Ce qu’il faut déplorer dans cette situation c’est qu’il se trouve, hélas, des partenaires internationaux qui, consciemment ou inconsciemment , accompagnent cette politique ; en effet, certaines institutions internationales, certains partenaires étrangers participent de cette dangereuse entreprise de spoliation, par leur apport multiforme dans ce secteur ; a travers leurs programmes d’appui, leurs financements …Or sans crever l’abcès, c’est-à-dire sans œuvrer au rétablissement préalable de la vérité sur l’occupation des terres-qui possède quoi-, sans affirmation claire du caractère intangible du droit de propriété, sans apaisement des rancœurs et des frustrations accumulées toutes ces années à cause des injustices nombreuses , il ne serait ni judicieux, ni raisonnable de s’engager dans ce secteur . Il serait illusoire de vouloir exploiter de manière efficiente et productive ce secteur agricole durablement ; illusoire d’espérer en tirer des bénéfices probants ; plutôt, on risquerait de créer ou précipiter les conditions d’instabilité explosive, sans plus. A titre d’illustration, peut–on légitimement envisager un projet d’exploitation ou d’extension des manguiers des femmes de Thiembene sans risques ? Serait-il moralement juste de s’approprier le fruit de leur labeur pendant des années, de transformer de facto un cas de flagrante injustice en fait accompli, définitivement accompli ?
Enfin il ne faut pas que la raison de sécurité l’emporte sur celle (des risques) du chaos social éminemment plus dangereux…
Attention toutefois, que l’on nous entende bien : la vallée du fleuve doit voir son potentiel agricole mis en valeur, exploité au bénéfice de tout le peuple mauritanien. Seulement, ce développement devra tenir compte de certains principes, reposer sur la concertation avec les populations concernées à associer, respecter l’espace vital des villages et certains droits séculiers (accès à la terre pour les paysans, accès au fleuve pour les pécheurs, couloirs de parcours et d’accès à l’eau pour les éleveurs). Ainsi et ainsi seulement, on s’acheminerait vers un développement réfléchi, apaisé, qui profiterait à tous. Voilà pourquoi nous pensons que tout plan d’exploitation de cet espace devrait se décliner en paliers, ci-après :
–La Zone du ‘’ Waalo’’- ou partie inondable- sera affectée aux populations locales que l’Etat accompagnera
– Les investisseurs nationaux et sous–régionaux se verront attribuer le moyen Dierri -12km du fleuve,
-Les Investisseurs internationaux (le grand capital ) occuperont le haut Dierri -20km du fleuve et au de-là-.
Enfin s’il y a réforme foncière, elle devra être une, la plus équitable possible, applicable du Nord au Sud, d’Est en Ouest avec la même impartialité.
D’ores et déjà nous ne pouvons que déconseiller fortement tout financement de projets agricoles de partenaires dans la vallée du fleuve, avec le statu-quo actuel ; tout comme nous décourageons les appuis au secteur de la justice dans laquelle Negro-africains et haratines ne se reconnaissent pas ; Ils n’y sont pas représentés, ne peuvent s’y exprimer (N-africains), ni en attendre des verdicts impartiaux. Une justice enfin, où on ne donnait pas aux juges honnêtes de dire le droit. A nos yeux l’appui visant à ‘’ rendre cette justice plus forte,’’ comme se le proposent certains partenaires au développement, mérite d’être questionné, car il ne serait pas de nature à favoriser la cohésion nationale, pour accentuer et consacrer la marginalisation des Négro-mauritaniens.
Pendant l’occupation algérienne Albert Camus eut à tenir ces propos sur la Justice française qui lui valurent bien des quolibets:‘’ entre votre Justice et ma mère je choisis ma mère’’, dit-il. C’était sa manière de dénoncer la justice française appliquée pendant la guerre d’Algérie, exigeant une autre justice plus conforme à celle incarnée par la rigueur et la droiture de sa vertueuse mère !
Citation qui ne saurait mieux traduire le ressenti actuel des Négro-africains à l’égard de la justice mauritanienne perçue comme une justice partisane au service d’une entité, une justice des riches et des puissants pourvoyeuses de cellules …Nous sommes des assiégés !
Nous sommes des assiégés, en survie !
Dans le livre titré ‘’ la vallée du fleuve Sénégal ’’ de B Grousse et Sidy M Seck, Ed karthalla 1991, le mauritanien Ba Boubacar Moussa révèle -page 265- : ‘’ dans un rapport confidentiel, le ministre de l’intérieur écrit’’ :
“Les halpulareen tentent de déstabiliser la Mauritanie en remettant en cause son arabité. La base sociale sur laquelle se développe ce particularisme tributaire de l’hégémonisme sénégalais, c’est la composition ethnique du peuplement local actuel, majoritairement halpulareen. En modifiant radicalement la composition de ce peuplement, on prive ce particularisme de toute possibilité de développement à moyen terme’’.
C’est on ne peut plus clair !
La majorité des mauritaniens victimes des évènements Sénégalo-mauritaniens de 1989, expulsés du Sénégal se sont vus bloqués sur la ligne du fleuve, contraints et forcés de s’y installer alors qu’ils avaient, pour la plupart, émis le désir de regagner leurs régions d’origine…Ils furent autorisés à occuper villages et champs de Négro-africains déportés, non encore restitués à ce jour, comme pour le carré de manguiers des braves dames de Thiembene …
L’esprit du rapport confidentiel était en marche …
La déportation des populations négro-africaines au Sénégal et au Mali s’inscrit dans le même sillage ; comme le refus obstiné de ramener les (12000) déportés mauritaniens au Mali, qui participe de la même logique …
On le voit, le rapport était en application…La descente vers le Sud n’a donc pas été que ‘’spontanée’’ ou sous la poussée de la sécheresse, contrairement à certaines affirmations ; elle fut inspirée, suscitée et même encouragée… pour des motifs obscurs.
L’esprit de ce rapport-circulaire était en marche. IL est en marche, non plus localement, mais à l’échelle nationale avec le Président Abdel Aziz ; au niveau des forces armées et de sécurité, de la Police, de l’Administration, de la Justice, des Ecoles spéciales, des médias , à travers cet ’enrôlement biométrique aux commissions techniques mono ethniques et ces conseils de ministres ; l’esprit de cette circulaire se poursuit encore et se reflète jusque dans l’organisation du sommet arabe récemment à Nouakchott où nous avons été tenus absents ; Arabité oblige, toutes les émissions en langues nationales pulaar , soninke , wolof ont été suspendues , le temps d’un sommet… Or l’Unité ne peut se fonder sur l’assentiment des peuples en présence, dans l’acceptance et le respect réciproques. Dès lors qu’une des parties est perçue comme une gène, voire un boulet au pied l’Unité n’est plus viable !
Le Président, son compère de l’état major et la dame de la CUN, par leur action conjuguée, tentent de parachever au pas de course l’infâme projet, amorcé en 1960, considérablement aggravé par Ould Taya dans les années 1980. Le Président veut développer ce pays, ce qui, en soi, n’est pas une mauvaise chose; ce qui est mauvais par contre est qu’il veuille le développer sans Nous,- nous Négro-africains et Haratines- chose inacceptable, encore une fois !
Un pays, une Nation, un Etat viable ne sauraient se construire de cette façon là…En conséquence toute coopération dans ces conditions devient donc questionnable.
Dans son allocution du 12 juillet 2016, l’ambassadeur des Etats-unis à Nouakchott, évoquant la question de l’esclavage, disait, je cite : «les histoires de nos deux pays ont de tristes similitudes. Comme la Mauritanie, nous luttons pour surmonter les séquelles de notre passé, et pour construire un meilleur pays pour tous les citoyens ». A cette différence qui échappait peut-être à son Excellence : si aux Usa l’esclavage a été vaincu c’est parce qu’il y eut des consciences torturées, des intellectuels et des hommes de foi qui n’en pouvaient plus de transiger avec leurs consciences, torturées ; ce n’était pas le cas en Mauritanie où l’on fait surtout semblant … En Mauritanie l’hypocrisie et le ‘’faire semblant’’ sont entrés dans les mœurs …
Isselmou O Abdel kader disait au cours d’une rencontre publique récente que 90% de l’économie de Kaédi était aux mains des familles maures ; Dire 90% de l’économie de toute la vallée du fleuve aurait été plus proche de la réalité ! « Si l’on ne peut vivre ensemble qu’au prix de l’oppression à l’égard d’une composante, c’est une position pas raisonnable et qui, surtout, n’est pas tenable » soutenait Yehdih.
Il faut reprendre Aleg …
S’il s’était agi de corriger le déséquilibre issu du legs colonial on aurait compris ! C’eût été légitime, parce que c’eût été faire justice; mais l’on s’attela, plutôt, à éliminer la composante négro-africaine des sphères de la vie publique, totalement! Evidence, hélas, que le Pouvoir en place et une bonne partie de l’élite arabo-berbère s’obstinaient à nier! Or il ne pouvait y avoir d’unité ou simplement de rencontre avec l’autre sans la reconnaissance de l’autre dans son altérité …
Au vu de toutes ces données, appuyer ou financer donc le secteur agricole ou celui de la justice ou encore des forces armées et de sécurité mono ethniques actuelles, sans créer au préalable les conditions d’égalité, d’équité et de justice entre les composantes nationales dans ces secteurs, ne serait ni plus ni moins qu’aggraver cet état de siège. Ce serait apporter une caution à notre exclusion, soutenir et légitimer la domination d’une composante nationale sur les autres. Nous sommes des assiégés en état de survie ! Voilà pourquoi l’appui à ces secteurs doit être questionné, encore une fois…
Il faut reprendre Aleg qui fut un raté ! Il faut rediscuter des conditions de coexistence, du vivre ensemble. Les partenaires et amis de la Mauritanie se doivent donc de faire preuve de claire voyance et davantage de vigilance et de prudence dans leur coopération avec l’Etat ou le régime mauritanien, buté, de nature éthniciste, aux tendances autocratiques, répressives et prédatrices ….
Samba Thiam
Président des Forces Progressistes du Changement FPC
Nouakchott, le 31 juillet 2016
Pour une coopération plus éclairée (1ere partie) : par SAMBA THIAM président des FPC.
Maintenant que le sommet arabe est fini, bien fini, l’auto congratulation passée, redevenons nous –mêmes et revenons à nos moutons …)
Pour une coopération plus clairvoyante
Unité nationale-radioscopie…
“ Notre lutte n’était pas dirigée contre les Blancs eux- mêmes, mais contre la domination des Blancs, contre une politique hégémonique qui se reflète dans la composition raciale des principales structures du Gouvernement, à tous les échelons ” N. Mandela.
L’auteur de ces lignes, pour lever tout amalgame et toute ambiguïté, clarifie le sens et la direction de la lutte de l’ANC.
Lignes fortes, à résonnance particulière pour les militants des FPC–d’inspiration ANC- qui luttent aussi contre un Etat, contre un Système et non contre une communauté raciale quelconque; “un Système fondé sur des préjugés, des présupposés qui aboutissent à une hiérarchie’’ que définissait si bien A Césaire .
Résonnance particulière de ces lignes également chez les Négro-africains en général pour refléter ce qu’ils vivent au quotidien, à travers leur descente aux enfers qui se manifeste par leur élimination, graduelle et sans fin, de la superstructure et des principaux secteurs de la vie publique, amorcée dès l’indépendance.
Dès 1960, un Système est mis en place par Moctar ould Daddah, à travers le contrôle de quatre verrous essentiels -leviers du pouvoir:– le contrôle du pouvoir politique, du pouvoir culturel (la langue), du pouvoir militaire, du pouvoir économique et financier, que viendra couronner le monopole des médias. Un Système pernicieux, bien construit, à l’origine de l’Inégalité ethnique consacrée et institutionnalisée ’’actuelle, qui fera dire à un visiteur étranger de passage ‘’qu’en Mauritanie être Noir est un délit sans que cela ne soit inscrit nulle part’’ !
Le Gouvernement du Président Abdel Aziz, sur les traces de prédécesseurs imbus de la même idéologie, consolide et perpétue ce Système, en exécutant cette ’’ politique hégémonique qui se reflète dans la composition raciale des principales structures du Gouvernement, à tous les échelons ‘’ dont parle Mandela. Ce gouvernement dans son empressement à asseoir définitivement et clôturer le Système, l’a profondément exacerbé, accentuant davantage la fracture communautaire …
Il suffit, pour s’en convaincre, d’observer autour de nous pour constater la composition raciale du secteur de la justice, celui des (9) Ecoles spéciales, ou des commissions chargées de l’enrôlement biométrique, du corps de commandement des forces armées et de sécurité, des médias enfin. Des faits, rien que des faits que le Président, campant dans sa posture de déni habituel, s’efforçait de faire porter aux autres ( message à la nation en début et fin du ramadan, entre autres ).Au regard de ces faits, têtus, qui est-ce qui, en réalité, œuvrait dans le sens du “sectarisme’’ , du “racisme’’ ou de la ‘’ségrégation’’ ? Qui ‘’ divisait le peuple’’, à entendre nos “alter égo de Vichy’’, déclamer des slogans éculés, complétement déconnectés du réel?
A ce tableau d’iniquités décrit, vient s’ajouter ce découpage administratif et territorial des plus arbitraires et des plus injustes, depuis toujours. Citons en quelques cas significatifs à titre d’exemple :
L’Adrar : 62 658 habitants, 4 préfectures, 5 députés, 4 sénateurs (9 parlementaires)
Le Guidimakha : 267 029 habitants, 2 préfectures, 6 députés, 2 sénateurs (8 parlementaires)
Le Tiris Zemmour : 53.261 habitants ,3 préfectures, 4 députés, 3 sénateurs (7 parlementaires)
Le Gorgol : 335.917 habitants, 4 préfectures, 10 députés 4 sénateurs (14 parlementaires);
Le Tagant : 80.962habitants ; 3 préfectures, 5 députés, 4 sénateurs (9 parlementaires) .
Le Hodh Gharbi 294 109 habitants, 4 départements, 9 députés, 4 sénateurs
Au total, toutes régions comprises, on dénombre 203 parlementaires dont 150 Arabo-berbères (73 %), 20 haratines et 33 Negro africains .Le pays compte 55 préfectures au total, et seulement 7 pour la vallée du fleuve malgré sa forte densité !
De quelle ‘’Unité nationale’’ nous parle-t-on lorsqu’il n’existe d’équité nulle part, au regard de ces faits ?
A suivre…
Samba THIAM
Président des Forces Progressistes du Changement FPC
Nouakchott, le 28 Juillet 2016
FLAMNET- AGORA : Espérons ! par HOULEYE THIAM.
Le sommet Arabe nous dit-on
Tout doit aller comme sur les rails
Nouakchott en chantier
Les bidonvilles il faut les effacer
Une chance pour prouver notre Arabité
C’est une opportunité à ne pas rater
Pour exposer
Cette RIM, longtemps cachée
Les sommets sont en générale des rencontres de réflexion
Pour trouver des solutions
Et faire des corrections
Espérons
Que celui-là, ne sera pas centré sur les dattes d’Attar
La viande des chameaux de l’Adrar
Les belles routes et les poteaux solaires
Les zrigs servis sur les plateaux en vers
Mais qu’il se penchera sur la recherche des solutions
Aux multiples questions
Qui menacent l’humanité toute entière
Dans un monde à l’envers
Dans ce cadre
Nous pouvons citer
Sans risque de nous tromper
Le terrorisme
Le racisme
L’esclavagisme
Et L’absentéisme
Espérons
Que ce sommet se penchera sur le rôle de l’Arabe et L’Arabité dans cette folie collective Cette rencontre ne doit pas être, que festive
Espérons
Que ce sommet sortira enfin, le vrai visage de la Mauritanie
Qui est arc en ciel et jolie à voir
Même avec tous ses Kwars
Espérons enfin
Que nos hôtes verront que la Mauritanie est plurielle
Et belle
Et qu’elle n’est pas obligée d’être plus Arabe
Que les Arabes.
Houley Thiam
L’impossible unité nationale (deuxième partie)/Par le colonel (E/R) Oumar Ould Beibacar
La recrudescence
Le 13 janvier 1966, le conseil des ministres adopte le décret 66.004 fixant les modalités d’application de la loi 65.026 du 30 janvier 1965 organisant l’enseignement secondaire qui stipule dans son article 1er : «En application de l’article 10 de la loi n° 65.026 du 30 janvier 1965, l’arabe est obligatoire à partir du 1er octobre 1966 pour tous les élèves qui entrent dans les écoles secondaires. Toutefois, les élèves mauritaniens venant des établissements secondaires étrangers ne sont pas visés par les dispositions de l’alinéa premier du présent article. »
Cependant, les dispositions de l’article 2 du même décret dispensent les élèves qui se trouvent déjà dans les établissements secondaires avant la parution de la loi n° 65 026 de cette obligation, jusqu’à la fin de leurs études secondaires, mesure qui vise à atténuer les conséquences de la loi de la discorde. Mais le mal était déjà fait, et la décision du même conseil des ministres de suspendre les 19 héros signataires du manifeste du même nom et de déclencher des poursuites judiciaires contre eux va aggraver la situation.
Le 19 janvier, les établissements du secondaire seront fermés jusqu’ au 4 février. Entre-temps, Mohamed Ould Cheikh, ministre de la Défense, fervent promoteur du dialogue intercommunautaire, préconise la création d’une commission mixte chargée d’étudier en profondeur les antagonismes existant entre les deux communautés. Cette mesure est adoptée et met ainsi fin à la grève des fonctionnaires noirs, toutefois Mohamed Ould Cheikh est accusé par l’aile dure des nationalistes arabes du PPM d’être en connivence avec les communautés noires.
Le 2 février, les maures partisans de l’arabisation à outrance contre-attaquent en lançant un tract anonyme intitulé « La voix des élèves mauritaniens ou du peuple » pour riposter contre le manifeste des 19. Ce tract dénonçait l’illégalité du décret 66004 portant application de la loi n° 65 026, condamnait « la politique qui consiste à forger de toutes pièces une ethnie noire pour noircir la Mauritanie » et considérait « la scission complète et définitive des deux ethnies comme seul remède pour assurer notre avenir ». On dirait des extra-terrestres !
La violence
Le vendredi 4 février la rentrée des classes du secondaire s’effectue dans le calme mais le mardi 8 février à 18h 30 mn, des bagarres éclatent au réfectoire du lycée de Nouakchott entre élèves maures et noirs. Occasionnant quelques blessés légers, ces bagarres font l’objet du rapport N 4 /DGN du 10 mars 1966, établi par l’adjudant-chef Mamoye DIARRA commandant le détachement de la Garde nationale à Nouakchott qui était intervenu à temps pour éviter le pire.
La gravité de la situation et son évolution probable vers des affrontements généralisés, plus violents et plus durables, pouvant conduire les agents de la force publique déboussolés, à prendre parti chacun au profit de sa communauté, avec des conséquences pouvant mettre en péril l’existence même du jeune Etat, avait amené le ministre de la Défense, en l’absence du chef de l’Etat, en visite officielle à Bamako, à approcher l’ambassadeur de France au sujet d’une éventuelle intervention des troupes françaises à partir du point d’appui de Dakar.
Ce dernier avait envoyé un télégramme à ce sujet à Paris, auquel le général de Gaulle avait répondu en rédigeant personnellement la note suivante : « Nous exécuterons notre accord de défense avec la Mauritanie, s’il y a lieu, c’est-à-dire dans les cas suivants : Subversion visant à porter atteinte à la personne du Chef de l’État ; Attaque de la Mauritanie par un autre État (notamment le Maroc). En dehors de ces obligations nous n’avons pas à prendre parti par les armes à l’intérieur de la Mauritanie. Signé : Charles de Gaulle. »
Le mercredi 9 février à 8 h 45mn, toujours selon le rapport de l’adjudant-chef Mamoye Diarra, une bagarre éclate entre les maures et les noirs dans les rues de Nouakchott, à hauteur du camp de la fanfare. Un peloton de la Garde, relevé sur l’effectif déployé au lycée, commandé par lui-même, intervient pour prêter main forte à une compagnie de police débordée, par l’ampleur des évènements.
Une foule monstre, très agressive, complètement excitée, n’avait pu être contenue par les forces de l’ordre. Le peloton de la Garde ainsi que la compagnie de police, n’ayant pas l’autorisation de faire usage des armes, s’étaient contentés de limiter les dégâts au lieu de s’interposer entre les deux groupes.
C’est en fin de matinée à 11h 30 mn, à l’arrivée des renforts de l’Armée et de la Gendarmerie que la situation a été totalement maitrisée selon le rapport de l’adjudant-chef Mamoye Diarra. Mais le bilan de cette première journée était très lourd. Le père de la Nation cite dans ses mémoires le nombre de 6 morts et 70 blessés, démentant formellement les chiffres, qu’il qualifie de fantaisistes, cités dans les mémoires de Jean-François DENIAU, ambassadeur de France au moment des évènements et qui parlent de 60 morts.
À ce sujet, Jean-François Deniau indique dans ses mémoires que l’adjoint de son homologue espagnol, le colonel Troncoso (ancien d’Ecouvillon) lui avait fait part d’informations inquiétantes selon lesquelles des Maures auraient organisé la venue par camion depuis l’Adrar de nombreux Haratines, afin de « donner une leçon aux Noirs » et de montrer que les activistes négro-mauritaniens ne peuvent compter sur une solidarité de cause avec ces derniers.
Deniau décrit une situation catastrophique à Nouakchott : « des groupes de 20 à 30 Haratines attaquent à coups de bâton, dans le quartier de la Medina, les Négro-Mauritaniens isolés. » L’ambassadeur soupçonne les autorités de tolérer et de soutenir les émeutiers, et accuse des éléments du corps des gardes-cercles de participer publiquement au massacre des noirs: « Au Ksar [quartier de Nouakchott] la garde nomade (tous bidanes) s’emploie à maintenir les Noirs pendant que d’autres noirs les assomment et les égorgent ».
Le retour au calme
Ce mercredi noir, 9 février à 12h 30, l’avion du père de la Nation atterrit à l’aéroport de Nouakchott en provenance de Bamako. A l’issue du cérémonial d’usage, le Président est pris en aparté par l’ambassadeur de France qui lui fit l’entretien suivant, cité dans ses mémoires : « Jean François Deniau me dit que son gouvernement était prêt à nous envoyer, à partir de la base de Dakar, des éléments de troupes pour nous aider à rétablir l’ordre, dès que j’en formulais la demande. Je le remerciai et lui dis qu’en cas de nécessité, je lui ferais signe. En attendant il ne devait pas bouger. »
Le père fondateur, avait ainsi décliné poliment mais fermement la proposition française car pour lui, « une intervention des troupes françaises serait en quelque sorte un désaveu trop spectaculaire de la politique d’indépendance au regard de l’ancienne métropole qu’il a souvent tenu à affirmer personnellement».
Le lendemain, jeudi 10 février, un décret présidentiel nomme le capitaine Moustapha Ould Mohamed Saleck, assurant l’intérim du chef d’état-major national, le titulaire, le capitaine Mbarek Ould Bouna Moktar étant en stage, comme responsable du maintien de l’ordre et de la sécurité de Nouakchott, secondé par les lieutenants Thiam El Hadj et Soueidatt Ould Weddad et, et met toutes les forces de l’ordre à sa disposition pour l’accomplissement de sa mission.
Un couvre-feu est instauré, de 18h30 à 7h du matin à Nouakchott, les établissements secondaires de Nouakchott sont fermés jusqu’au lundi 4 avril, et des missions d’information et d’explication mixtes composées, chacune, d’un haut responsable maure et d’un haut responsable noir sont envoyées dans les principales localités du pays.
Le vendredi 11 février, arrestation d’une quarantaine de personnes, appartenant aux deux ethnies, accusées d’incitation aux désordres parmi lesquelles les 19 héros du manifeste. Le dimanche 13 février, l’union des travailleurs de Mauritanie publie le communiqué suivant : « elle affirme son soutien indéfectible au président Moktar Ould Daddah, symbole de l’unité, et l’assure, ainsi que le gouvernement, de son appui sans réserve pour trouver, dans le cadre national, une solution qui sauvegarde la coexistence harmonieuse entre les deux ethnies ». Le même jour des heurts sans gravité sont signalés à Mbout et à Maghama.
La situation sécuritaire consécutive à ces événements scolaires avait été bien maitrisée. Le capitaine et ses compagnons avaient fait preuve, selon le président de la République, « d’une loyauté inébranlable, d’une grande fermeté et d’une grande discipline ». Ils avaient réussi incontestablement à rétablir l’ordre, dans les meilleurs délais, sur toute l’étendue du territoire national, en envoyant des renforts conséquents et au bon moment, par avion, pour dissuader les populations d’Aioun El Atrouss et de Kaédi, alertées pour la circonstance.
Le 23 mai, un décret pris en conseil des ministres, nomme les membres de la cour de sûreté de l’Etat, juridiction d’exception préconisée le 19 février par une commission ad hoc, désignée par le gouvernement au sujet des événements des 9 et 10 février, pour juger exclusivement les 19 héros du manifeste. Cette cour n’eut jamais à siéger.
Les 19 héros, même si on peut les accuser d’incitation au désordre, ne peuvent être considérés, dans le pire des cas, que comme complices. Les véritables émeutiers responsables de la mort de 6 personnes ou plus, et des blessures de 70 autres, dont certains ont été formellement identifiés par les forces de l’ordre, ne semblent pas avoir été inquiétés. Le père de la Nation, premier responsable de cette situation, ne parle pas d’éventuelles poursuites judiciaires contre ces criminels, ni d’éventuelles réparations au profit des victimes, ce qui est vraiment déplorable.
Cette impunité est inadmissible, surtout dans une République islamique naissante. L’adjudant-chef Mamoye Diarra écrivait dans son rapport cité plus haut : « N’ayant pas reçu l’ordre d’arrêter les meneurs, les manifestants se sont sentis libres de leurs mouvements et notre intervention consistait seulement à calmer ou à limiter les dégâts… » C’est ce laxisme, qui accrédite la thèse de la complicité des autorités nationales, défendue par Mohamed Ould cheikh, « le ministre des noirs » alias Hamid Almouritani, l’un des acteurs principaux de ces événements, dans un livre paru en 1974, et par l’ambassadeur de France dans ses mémoires.
Ces six martyrs, ou plus, tous noirs, doivent être nécessairement identifiés et promus comme martyrs de la République, les martyrs du problème linguistique qui s’éternise, catalyseur de ces événements, déstabilisant notre équilibre intercommunautaire indispensable à notre survie en tant que nation. L’Etat doit payer à leurs ayants droit une Diya conséquente et leur présenter ses excuses solennellement. Mieux vaut tard que jamais.
Leurs noms doivent être inscrits en lettres d’or sur une stèle à l’endroit même où ils ont été massacrés, par leurs frères, pour nous rappeler notre bêtise, pour que cela ne se recommence jamais. Leurs meurtriers, qui ont ainsi échappé à la justice des hommes, manipulés ou pas, n’échapperont pas à la justice divine ainsi que leurs éventuels commanditaires.
Au cours des missions d’information et d’explication, un vieux sage négro-mauritanien du Gorgol, avait tenu les propos suivants devant la délégation du parti du peuple : « … Toutes ces affaires sont des histoires de jeunes intellectuels ; nous n’y comprenons rien, nous autres anciens. Nous, paysans de la vallée, avons toujours cohabité avec les maures, avec lesquels il nous arrive de nous disputer à cause des destructions provoquées dans nos champs par leurs troupeaux, ou à propos de la priorité d’utilisation d’un point d’eau. Dans ce cas, nous arrivons toujours à régler à l’amiable nos différends. Mais le plus souvent, nous vivons en bon voisinage, en échangeant nos produits et en nous rendant mutuellement service. Et puis nous sommes frères en Islam ». En effet, comme l’a si bien dit ce vieux sage, toutes ces affaires sont des histoires de jeunes intellectuels. Ce sont les jeunes intellectuels arabophones qui avaient commencé, en improvisant l’injuste arabisation à outrance pour trouver de la place, la riposte a été immédiate de la part des jeunes intellectuels noirs à travers le manifeste des 19 en dénonçant l’imposture, pour garder leur place.
En mars 1978, les jeune intellectuels maures noirs dénoncent à leur tour l’injustice faite à leur communauté et revendiquent leur place. En avril 1986, les jeunes intellectuels noirs récidivaient à travers le manifeste du négro-mauritanien opprimé, pour dénoncer l’injustice faite aux noirs, pour qu’ils retrouvent leur place dans la République, spoliée par les arabophones. Depuis deux ou trois ans, les jeunes intellectuels bijoutiers manifestent de temps à autre devant la présidence, pour réclamer leur place.
Les jeunes intellectuels musiciens, ainsi que les jeunes intellectuels métis européens, nos frères nasrani, préparent sans doute, leurs manifestes pour exiger, eux aussi, leurs places dans la République. Les causes profondes de ce malaise, ayant conduit à cette ruée de tous ces intellectuels à la recherche de leurs parts, sont liées à la mauvaise répartition des places, et des ressources, entre maures et noirs, entre maures et maures, entre noirs et noirs, pour l’accès au pouvoir économique, social et politique national, accaparé injustement par le pouvoir dictatorial et féodal des tribus depuis l’indépendance.
(A suivre)
LE CALAME