Politique : Quand la scène bégaie
Le Calame – La scène politique mauritanienne bégaierait-elle ? C’est la question que nombre d’observateurs et une partie de l’opinion ne cessent de se poser.
En effet, si l’élection du président Ghazwani suscita un grand espoir –c’était normal, après dix années de centralisation poussée, règne de la gabegie, crispation entre la majorité et l’opposition, monopole dans le domaine économique, recul des libertés… – ses deux années et demi de règne à mettre en œuvre ses engagements électoraux, dans un réel calme sur le front politique et la paix aux frontières, sont entrain de souffrir d’une espèce de manque de perspectives.
Les chantiers peinent à avancer. Incapacité du gouvernement à absorber les ressources financières qu’il a pu mobiliser auprès de ses partenaires et à faire exécuter les projets dans les délais prévus ?
Quoiqu’il en soit, les faits sont là et risquent fort de nuire à l’image du pays, comme l’a fait noter le ministre du Développement économique. Autre incapacité, nuisible, elle, à la paix sociale : l’impuissance à contenir la flambée démentielle des prix des produits vitaux, en dépit de l’embellie sur le front de la pandémie. Il s’y ajoute des cas présumés de mauvaise gestion dont la révélation, par la nouvelle IGE, ne se solde pas systématiquement par la chute des têtes impliquées.
Le Président n’avait-il pas déploré, il y a quelques mois déjà, les retards dans l’exécution de ses engagements électoraux? Pourquoi maintient-il toujours son cap et garde un silence intriguant ? Jusqu’à quand ? N’a-t-il pas les coudées franches pour sévir et changer de stratégie ? Attend-il que peuple change la sienne, en ne se contentant plus, lui, de grogner comme un chameau ?
2022 à l’affût… de 2023 ?
Le contexte interroge sur ce qui se passe réellement au sommet de l’État et au sein de l’opinion. Serait-il à l’origine de cette impression d’immobilisme que nous éprouvons depuis quelques années déjà ?
Il semble en tout cas bloquer le processus du dialogue où la majorité et le pouvoir paraissaient s’être engagés. Et voici l’opposition accusée de se murer dans un silence complice depuis l’arrivée au pouvoir de l’actuel Président obligée de retrouver sa langue. Dans un communiqué publié le 22 Février, elle n’a pas « raté », comme on dit, le pouvoir. Alors que ses éléments « traditionnels » de langage étaient jusque-là quasiment sortis de notre arène politique, la voilà à s’alarmer de la situation économique et sociale critique, des citoyens qui peinent à chauffer la marmite et de l’incapacité du gouvernement à endiguer la spirale des prix en hausse constante depuis plus d’un an. Et de dénoncer, au plan politique, des obstructions au dialogue en gestation, malgré sa main tendue et sa patience.
Après avoir accepté le principe des concertations avec l’opposition, le président de la République tarde en effet à donner suite à la proposition commune de la majorité et de l’opposition de s’en remettre à sa sagesse pour désigner une personnalité consensuelle à la présidence du comité de dialogue. Pourtant le démarrage fut, à plusieurs reprises, donné pour imminent et récemment par le PM devant le Parlement. Espère-t-on Godot ?
C’est dans cette ambiance d’attente que s’est tenu, vendredi dernier, le Conseil national de l’UPR à l’ancien Palais des congrès. Alors que des rumeurs évoquaient des changements au sein de ce principal parti de la majorité – départ de son président pour une autre destination, entre autres – le conclave s’est juste contenté d’entendre le bilan des deux années passées, marquées, comme on le sait, par la pandémie COVID 19.
Ould Taleb Amar a d’abord réitéré le soutien du parti au président de la République et à son gouvernement, avant de les féliciter de l’état d’exécution des engagements du premier et de passer en revue les réalisations du parti : soutien à la lutte contre le COVID, sensibilisation des populations, redynamisation des structures, organisations d’ateliers, séminaires et du méga-meeting au lendemain du discours de Ouadane sur l’équité.
Et de conclure en indiquant simplement que le parti poursuivra ces actions par un travail politique de proximité et redynamisation de ses instances. Manière de déblayer le terrain pour les prochaines élections municipales, législatives et régionales de 2023 ?
Dalay Lam