Gabegistes sous tous rapports
Accablants. Et fort révélateurs, les derniers rapports de la Cour des comptes qui ont fuité (à dessein ?). Ils ont remis sur terre ceux, très peu nombreux, estimant encore que les slogans de lutte contre la gabegie et les détournements de deniers publics, si galvaudés au cours de la dernière décennie, étaient autre chose que de la poudre aux yeux. L’étude a révélé, à la face du Monde, que malgré les «Â bonnes » intentions, aucun ministère ou société publique n’a échappé à cette entreprise de prévarication à ciel ouvert. Tout y est passé : surfacturations outrancières, dépenses incongrues, contrats léonins, marchés de gré à gré injustifiées… Les contrôleurs de la Cour des comptes en sont restés bouche bée. Seules la Présidence et la Primature ont été épargnées. Savez-vous pourquoi ? Tout simplement parce qu’elles n’ont pas été contrôlées. Rien n’indique pourtant qu’elles se révèleraient des îlots de bonne gestion dans un océan de forfaitures. Le mal est beaucoup plus profond qu’on ne le pense. Certes, la presse et les réseaux sociaux n’ont cessé de lancer des alertes sur tel ou tel cas de mauvaise gestion ou de marchés de complaisance mais personne ne pouvait imaginer l’ampleur du gâchis. Il en serait ainsi resté, si la Cour des comptes n’avait pas publié (par inadvertance ?) ses rapports couvrant dix ans (2007-2017) de gabegie sans nom. La preuve ? Ils ne sont plus accessibles. Comme si l’on voulait réparer une faute, en donnant l’impression qu’elle fut involontaire. Mais en tout état de cause, elle a douché les ardeurs des plus convaincus partisans de l’ex-Président Ould Abdel Aziz et sans doute de ce dernier qui, après trois mois d’absence, commençait à se faire un peu trop bruyant. Il fallait bien lui envoyer un signal fort pour lui rappeler qui était aux commandes lorsque les maigres ressources du pays étaient dilapidées par ceux-là mêmes qu’il avait choisis. Et, à part quelques malchanceux qui ont été épinglés sous son magistère (avant d’être rapidement réhabilités), rien ne donnait l’impression que sa démarche dans la lutte contre la gabegie était empreinte de sérieux. Elle était même très sélective. Le clan avait droit à tout et ceux qui servaient ses intérêts étaient intouchables. Les rapports de la Cour des comptes ou de l’IGE qui les épinglaient étaient mis sous le boisseau. Certains d’entre eux gardent même (haut) pignon sur rue. D’autres sont encore aux commandes. Dans n’importe quel autre pays du Monde, de telles révélations donneraient lieu à un branlebas de combat, démissions en cascade, procès à la pelle, peines de prison et fortes amendes.
Mais nous sommes en Mauritanie. Où la superbe, aussi cynique soit-elle, suffit à balayer toute objection. Ainsi le clan d’Ould Abdel Aziz se targue-t-il aujourd’hui d’avoir fondé et dynamisé la Cour des comptes afin d’éradiquer la mauvaise gestion ; mais il omet «Â naturellement » de citer ce qui s’est passé et se passe autour de son chef.
La réalité était que les « commissions et la corruption furent l’exclusivité d’Ould Abdel Aziz et du clan » : le marché de l’aéroport, les ventes des écoles, celles du stade olympique et de l’école de police, la caserne de la gendarmerie d’escorte, la cite fanfare et… cie, en passant par Polyhondone, Sunrise, sans oublier, bien sûr, les comptes bloqués par les Américains à Dubaï et le pactole caché au Swaziland avec lequel nos rapports se sont subitement réchauffés, alors que rien ne nous lie : ni l’histoire, ni la géographie, encore moins l’économie… Des «Â placements » négociables, donc, à l’heure des comptes en Cour ? On en est probablement là.
Ahmed Ould Cheikh
Â
le calame