Education : L’arbre qui cache la forêt
Depuis la formation du 1ergouvernement de Ghazwani, on sent comme un regain d’intérêt pour l’éducation. Lors de sa campagne électorale, le général-candidat avait exprimé, on s’en souvient, son intention de redynamiser les secteurs sociaux, l’éducation et la santé en particulier. C’est ce qui explique peut-être cette espèce de fébrilité au département de l’éducation nationale, éclaté, pour la énième fois, en deux ministères : le Fondamental et le Secondaire auquel on a adjoint la Formation professionnelle. Une partition au demeurant hésitante, pour ne pas dire conflictuelle, dès le lendemain même de la formation du gouvernement, chacun des deux ministres voulant s’installer dans les vieux locaux du département. Un compromis a fini par être trouvé. Des locaux ont été trouvés pour l’Enseignement secondaire. Comment seront articulées les DREN et les IDEN ? La question est en suspens.
La volonté politique affichée par les nouveaux pouvoirs publics s’est traduite par la décision du président de la République de donner le coup d’envoi de la rentrée scolaire dans une école de la banlieue nouakchottoise, le 7 Octobre dernier. Coup de pub, disent certains, les yeux rivés sur les problèmes persistants. Il suffit, pour s’en convaincre, de constater l’état des lieux, une semaine après la rentrée : les cours n’ont démarré que timidement et les emplois des temps valsent à tout-va, après un vaste mouvement du personnel et des chefs d’établissement.
Combler le déficit chronique
C’est dans ce contexte que les deux départements annoncent, via communiqués communs, le recrutement de « prestataires de services », jusqu’ici appelés «Â contractuels ». Des milliers (5030) pour combler le déficit, criant, d’enseignants, aussi bien du Fondamental que du Secondaire. Nos écoles normales en fournissent, chaque année, des centaines, ce qui n’empêche pas nos ministères de recruter des contractuels de niveau ordinairement médiocre. Où passent les sortants des ENI et ENS ? Question à un million d’euros dont la réponse lorgne, très probablement, du côté du privé….
Quoiqu’il en soit, les besoins se font de plus en plus pressants et l’on accuse un sérieux retard pour le combler. Pourquoi ces besoins ne sont-ils jamais précisément évalués ? Ni en fin de chaque année scolaire, ni à la veille de chaque rentrée ? On ne commence à s’y prendre, localement, qu’au lendemain de celle-ci et les rapports des établissements et les DREN ne sont visiblement pas exploités à temps par les directions concernées au ministère. Ailleurs, on prépare la rentrée scolaire presque deux mois à l’avance, par conseils interministériels ; ici, on ne s’y penche véritablement qu’au cours de son premier mois. Le mouvement du personnel, les tableaux de bords, les transferts des enfants, leur inscription, l’entretien des locaux, tout cela se fait en urgence, en vrac et en même temps. Résultat des courses : les cours ne démarrent que timidement dans de nombreux établissements. La mobilisation tardive du corps enseignant a sa part de responsabilité dans cette situation.
Nuançons notre critique. On note, cette année, une légère amélioration : les inscriptions ont été avancées d’une semaine avant la rentrée fixée au 7 octobre. Pour autant, les écoliers et leurs parents ne se sont pas précipités dans leurs établissements. C’est en vue de leur information à temps qu’il eût plutôt fallu consacrer un sérieux coup de pub. Résultats des courses, beaucoup d’élèves se sont vu refuser les inscriptions, le jour de l’ouverture, et leurs parents s’inquiètent… Or l’objectif n’est-il pas de minimiser leurs alarmes ?
Mauvaise utilisation des ressources humaines
Cela dit, le plus gros défi de notre éducation demeure l’utilisation efficiente du personnel. Le déficit qu’on agite comme un épouvantail est entretenu par le département de l’éducation lui-même. Outre les détachements en divers autres départements, il utilise mal ses ressources humaines. Le gros de la troupe végète au niveau central. Du cabinet du ministre aux petites écoles, ils sont des milliers d’enseignants, professeurs, directeurs des études, surveillants généraux et personnel intermittent entretenus à ne rien faire. Beaucoup sont couverts par le ministère et par… les bras longs. Les tableaux de bord des établissements sont exagérément gonflés. Tout ce personnel indu est imposé aux directeurs régionaux et aux chefs d’établissement. Laxisme indescriptible et inadmissible. Ce sont, en fait, nos politiques qui ont sabordé l’éducation, à grands coups de promotions, mutations et fondations d’établissement de complaisance.
Le recrutement annoncé des prestataires de service risque fort connaître le même sort que les précédents. Les ministères concernés réclament des bacheliers pour le Fondamental et des titulaires de DEUG, à défaut de maîtrise, pour toutes les filières du Secondaire. Un recrutement qui va donc laisser sur le carreau d’anciens contractuels qui totalisent des années d’expérience ?
Grosse hypocrisie
Depuis des années, on crie au déficit en enseignants et à la baisse de leur niveau, ainsi que de celui des apprenants, sans en rechercher les véritables causes. De fait, comment nos dirigeants qui envoient tous leurs enfants dans des établissements privés, sous programmes français, peuvent-ils se soucier de notre école publique spécifiquement mauritanienne ? Comment construire une unité nationale, alors que nos enfants n’apprennent pas tous un minimum de choses communes, dans les mêmes écoles ? Autre hypocrisie, des citoyens réclament l’arabisation de l’école et de l’administration… alors que leur propre progéniture suit des programmes français ! Comment peuvent-ils oser s’opposer à l’officialisation et l’enseignement d’autres langues – nationales, elles ! – dans notre système éducatif ?
Ces problèmes de notre école, il faut avoir le courage d’en parler, si l’on veut réellement y apporter des solutions. Réfléchir sur l’école d’aujourd’hui, c’est préparer la société de demain. La volonté politique affichée par le discours et le geste du président Ghazwani, saura-t-elle vaincre le signe mauritanien ? Toute une année fut consacrée à l’éducation, il y a quelques années : pour quel bilan à l’arrivée ?
DL
le calame