Progressiste, oui mais… Par Bocar Daha KANE-FLAM-Europe

Chez le mauritanien lambda, la question d’abd (esclave) fait partie de la normalité des choses à une différence prés selon que l’on est négro-mauritanien ou Bidani.
Depuis l’octroi de l’indépendance jusqu’à nos jours la primauté des luttes chez les négro-africains était son acceptation comme faisant partie intégrante des communautés nationales. La question Hratiin n’était pas absente des débats, mais elle était inhibée par la lutte première- instinct de survie- de reconnaissance.
Nous restons en parfait accord avec Monsieur Kabach quant à la récupération de la question Hratiin à des fins politiciennes. Cette tentative ne date pas d’aujourd’hui, les Baathistes, Nasséristes, et « Islamistes » en avaient fait un programme.
Il n’a pas échappé à l’auteur que les Flam n’ont jamais cherché à s’attirer l’électorat Hratiin puisque elles n’ont jamais concouru à une quelconque mascarade électorale en Mauritanie. Elles sont juste animées par la responsabilité qui nous incombe tous en tant que démocrates de dénoncer avec vigueur toute injustice.
Si ce n’est pas Biram, c’est Monsieur Kabach, vous, moi, nous tous, qui devons être des Toussaint Louverture, la communauté Hratiin réduite à l’esclavage en a besoin, la Mauritanie en a besoin. Cela n’est pas de l’impertinence de chercher à se libérer d’une hégémonie en refusant tout compromis et en appelant les choses par leur nom.
Au demeurant ni l’IRA, ni les Flam, n’ont été adeptes des discours incendiaires ou racistes comme le prétend l’auteur. Je défie Monsieur Kabach de nous prouver une once de discours raciste tenu par ces organisations, en particulier les Flam. Les non-dits et les falsifications des faits ne font pas légion chez ces dernières.
On nous affirme que les deux fillettes pour lesquelles Biram et ses compagnons se retrouvent en prison ne sont nullement des esclaves ! Elles seraient « logées et entretenues de leurs aveux-mêmes et de ceux de leurs parents, par une femme beïdane ayant d’anciens rapports avec la famille en question. »
Pour notre part, à la différence de Monsieur Kabach, nous aimerions savoir où se situe la vérité. Nous constatons par ailleurs que tous les abd et khadim (esclaves femmes) sont « logés » et « entretenus » par leurs « maitres »-un abc de l’esclavage- il importe de vérifier dans quelles conditions sont-elles logées.
Est-ce qu’elles fréquentent l’école ou sont-elles rémunérées pour le travail qu’elles accomplissent?
« d’anciens rapport » entre les deux familles ? Quelle est la nature de cette ancienne relation ?
Là où, nous demeurons déçu par l’auteur, c’est quand « le démocrate » affirme que la Mauritanie est « un pays démocratique doté d’une constitution qui est au dessus de tout le monde. » Certes, il souligne que la constitution est « censée » régir nos rapports, mais cher ami, dans les faits son application est très sélective. Nous nous en passerons de rappeler les brèches de son application effective, tellement les cas sont flagrants et abondants en particulier sur la question de l’esclavage ! Nous nous en passerons aussi de rappeler dans quelles conditions cette constitution fut adoptée en l’absence des dizaines de milliers des concitoyens bannis.
Il faut reconnaitre à Monsieur Kabach l’honnêteté d’admettre que l’esclavage sévit encore en Mauritanie, dans une « moindre mesure » (cela se discute) !
Cependant, il n’a pas pu s’empêcher de faire habilement un certain parallélisme entre les deux communautés en matière d’esclavage. Nous nous permettons de lever l’équivoque que semble oublier notre compatriote.
Des raisons sociologiques politiques et économiques, font que le système féodal dans le milieu négro-africain tend à disparaitre. La « grande bourgeoisie » négro-mauritanienne de l’époque détentrice d’un cheptel considérable et de dispositions foncières énormes a beaucoup perdu de ces actifs. D’une part la sécheresse a décimé une partie de ce cheptel, d’autre part les différentes politiques d’accaparation des terres ont fini par ôter toute propriété aux détenteurs légitimes des terres. Les rimbé « nobles » dépositaires de ces privilèges ne désirent plus avoir des maccube « esclaves » du fait que les moyens tant financiers que fonciers font défaut. l’émigration a été aussi un autre phénomène qui a diminué la dépendance intra-communautaire. Beaucoup de maccube se trouvent à l’étranger et sont pourvoyeurs de moyens financiers qui accentuent l’autonomie de la famille restée sur place.
Toutefois les mentalités rétrogrades demeurent encore. Le mépris à l’égard des individus dits « castés » persiste. Même si, ils prétendent être dépourvus de ces considérations ignobles, peu d’individus tolèrent encore ne serait-ce qu’épouser un individu de caste supposé inférieur.
Sur le plan fondamental, ces considérations ne doivent jouir d’aucune tolérance, elles sont fort condamnables et à bannir.
On ne peut dire que ces processus s’appliquent dans l’environnement Beydan. Certes la sécheresse a fait plus de dégâts dans le milieu nomade en décimant une grande partie du cheptel, par conséquent l’abd gardien du troupeau n’est plus d’une grande utilité dans cette configuration.
En revanche la sédentarisation des anciens nomades, ainsi que les faveurs bénéficiées par certains, ont entrainé des changements de mode de vie et l’apparition de nouveaux besoins. Alors « on recycle » l’abd pour de nouvelles corvées.
Les mêmes causes produisent des effets inverses selon que l’on se situe dans l’environnement négro-africain ou dans celui des beydan.
Soulignons à son honneur aussi, que Monsieur Kabach n’est pas dans le déni systématique de l’existence de l’esclavage en Mauritanie à la différence de beaucoup de Beydan mais encore de négro-africains (sur la condamnation de la mentalité et actes féodaux).
Pour finir, Monsieur Kabach, on construira notre Etat-nation, quand les âmes qui se disent progressistes arrêteront le double jeu auquel elles s’adonnent Qu’elles se décident à combattre effectivement le racisme d’Etat, l’esclavage toléré et béni par l’Etat.
Le cas de Biram et ses compagnons ne nécessite pas débat, tellement leur arrestation est grossière. Ce sont là des méthodes déjà vues de provocation, d’intimidation, d’arrestation, de falsification de preuves, de calomnie, de propagande!
La lutte continue
KANE Bocar Daha
Bordeaux-France
Décembre 2010