Témoignage de Salah Hanna «Témoin d’une époque » 6ème émission : «De Bouaké en Côte d’Ivoire, nous avons préparé l’aile militaire pour renverser le régime de Taya »
L’Authentique – Dans la 6ème émission de son témoignage sur «Témoin d’une époque sur les coups d’Etat en Mauritanie » diffusé par Al Jazeera, l’ancien commandant Salah Hanana évoque sa sortie du territoire mauritanien, après l’échec du coup d’état militaire qu’il avait dirigé contre le président Taya le 8 juin 2003.
Dans cette partie, il revient sur son séjour au Burkina Faso, via le territoire malien, avec l’aide de Limame Chaavi, conseiller spécial de l’ancien président burkinabé Blaise Compaoré, puis de la constitution à Bouaké, en Côte d’Ivoire, de l’organisation armée «Cavaliers du Changement ».
Il n’avait pas renoncé, lui et ses amis, à renverser le pouvoir en place en Mauritanie.
La dernière émission de son témoignage sur l’époque des coups d’Etat en Mauritanie «Témoin d’une époque » diffusée par la chaîne qatarie Al Jazeera, Salah Ould Hanana s’était arrêté sur sa tentative de sortie du territoire mauritanien par la frontière malienne, en compagnie de Mohamed Cheikhna et de deux guides.
Selon lui, c’est sous la couverture d’éleveurs se rendant auprès de leurs troupeaux au Mali qu’ils ont franchi le poste de contrôle malien, après avoir évité tous les check-point côté mauritanien. Ce qui était d’autant plus facile selon lui que dans cette partie du territoire mauritanien, c’était le no man’s land. Au poste de contrôle, ils présentèrent l’autorisation délivrée par le préfet de Tintane. Salah était accompagné dans cette odyssée par Mohamed Cheikhna et deux jeunes accompagnateurs. De la frontière malienne, Salah Hanana et Mohamed Cheikhna qui s’étaient séparés de leurs jeunes compagnons, se seraient rendus à Kayes, puis de là par avion, jusqu’à Bamako, sans document de voyage, sinon des certificats de perte.
C’’est là où ils seront rejoins par Limame Chaavi qui les amènera à Ouagadougou à bord d’une voiture de la présidence burkinabé. Selon Salah, le président Blaise Compaoré savait qui ils étaient. Il les aurait même rencontrés plusieurs fois lors de leur séjour de deux semaines à Ouaga. Selon Ould Hanana, l’idéologie révolutionnaire dont était porteur Blaise et son appui aux dissidents africains contre des dictatures serait la raison pour laquelle il avait décidé de les aider, tout comme il l’avait fait pour Guillaume Soro.
De Ouagadougou, Limame Chaavi les aurait aidés à se rendre en Côte d’Ivoire, notamment à Bouaké, le fief de Guillaume Soro, actuel président de l’Assemblée nationale ivoirienne et ami intime de Chaavi. C’était à l’époque de la guerre civile ivoirienne où le pays était divisé en deux. C’est à Bouaké, que va être constitué, dira-t-il en substance, le groupe armé «Les Cavaliers du Changement», l’aile militaire constitué par les putschistes de Nouakchott. Ce mouvement armé sera crée le 18 août 2003. Ils produiront deux éléments visuels dont le premier sera diffusé par Al Arabia, après le refus d’Al Jazeera de le faire passer. Mais la chaîne qatarie se rattrapera cependant, selon lui, avec le second élément qu’elle diffusera bien plus tard. Parallèlement à l’aile militaire, une aile politique fut créé sous la présidence du Dr.Kane Saïdou qui professait dans des universités norvégiennes, avec comme chargé des Affaires extérieures Jemal Ould Yessa.
Le fait que 50% des officiers qui avaient participé au coup d’Etat du 8 juin 2003 n’aient pas été démasqués et qu’ils étaient restés dans le commandement, ajouté à la vague de sympathie qu’ils recevront de la part des Mauritaniens de l’intérieur et de l’extérieur, notamment l’organisation en exil «Conscience et Résistance » de Jemal Ould Yessa, des intellectuels comme Beddy Ould Ebnou, Saïdou Kane, ainsi que les Islamistes et beaucoup d’autres forces sociales et politiques, les auraient confortés dans leur détermination à réessayer leur tentative pour renverser Taya, souligne Ould Hanana.
Le rôle crucial de l’Observatoire mauritanien des droits de l’homme dirigé par Mohamed Mokhtar Chinguitty dans les données objectives sur la situation en ce moment en Mauritanie, et la crédibilité internationale dont il jouissait, a été déterminant selon Ould Hanana dans l’information de l’opinion sur tout ce qui se passait en Mauritanie.
A Nouakchott, la réaction de Ould Taya après le putsch fut énergique. Plusieurs centaines de civils et de militaires soupçonnés d’avoir pris part au putsch manqué de 2003 sont arrêtés, des chambardements monstres secouent le parti-état, le PRDS, mais aussi l’administration et les forces armées. Le Parquet général sortit une liste de 129 militaires accusés de complot et d’atteintes à la sûreté d’Etat. Le capitaine Didi Ould Saleck qui s’était réfugié au Sénégal sera extradé vers la Mauritanie, alors que Ould Mini et Ould Kaabach étaient parvenus à sortir du Sénégal pour rejoindre le Mali, puis les dissidents à Bouaké. Les relations de la Mauritanie devinrent exécrables avec le Burkina Faso et la Libye.
Salah Ould Hanana déclare n’avoir jamais rencontré Khadhafi durant cette période ni lui ni aucun de ses compagnons et que Khadafi non plus n’avait jamais sollicité leur rencontre. Le guide libyen avait cependant soutenu leur action car il en voulait viscéralement à Ould Taya à cause de ses relations diplomatiques avec Israël. Côté finances, c’était donc Ould Chaavi, le régime burkinabé et Guillaume Soro qui les soutenait.. Il a affirmé avoir fait plusieurs fois la navette entre Bouaké, Ouaga et Bamako, parfois pour faire entrer des armes en Mauritanie (100 kalachnikov, 10 RPG et 20 pistolets), d’autres fois pour diffuser des messages.
Selon Hanana, la communication a été déterminante dans leur action, notamment sur le plan de l’intox vis-à-vis des services de sécurité mauritaniens mais aussi comme arme de mobilisation de l’opinion publique nationale et internationale. Parmi les hommes politiques mauritaniens, seul Mohamed Khouna Ould Haïdalla prenait souvent contact avec eux, reconnaît Ould Hanana.
Côté finances, le journaliste rappellera que Salah, dans ses PV d’audition en 2004, aurait reconnu avoir perçu 200 à 300 000 dollars U.S d’aide, dont 100.000 dollars qui lui ont été remis à Bamako par Sidi Mohamed Ould Haïdalla. Le 15 novembre 2003, Ould Taya fait arrêter Mohamed Khouna Ould Haidalla, qui était candidat à la présidentielle à l’époque pour tentative de coup d’Etat et complot. Le fameux Grab 1.
Pour Salah Ould Hanana ses relations avec Haïdalla était purement politique et qu’il lui avait proposé à l’époque de l’exfiltrer et de l’aider à monter un gouvernement en exil, car il était sûr, dira-t-il, que les élections allaient être truquées. Haïdalla aurait accepté la proposition.
En avril 2004, les Etats-Unis d’Amérique accusèrent les «Cavaliers du Changement » de connivences avec les groupes armées algériens, de recevoir d’eux des fonds et d’entretenir des relations avec les mouvements extrémistes.