L’islam, ce n’est pas le terrorisme
Rien n’est plus blasphématoire que de crier le nom d’Allah avant de se faire exploser au milieu d’une foule, tuant aveuglément des innocents ! Tuer un homme, au nom de Dieu, est la pire des hérésies. Il ne se passe un seul jour sans qu’il y ait quelque part dans le monde des morts au nom de l’islam. Comment peut-on expliquer, par exemple, la destruction en janvier 2012 par Boko haram, de seize villages, faisant 2 000 morts (jeunes, vieillards, femmes, enfants) et plus de 20 mille déplacés ? Au nom de la foi. Mais Allah n’a dit nulle part aux croyants qu’il faut tuer pour manifester sa foi.
On ne manifeste pas sa foi en tuant, mais en se faisant tuer pour elle. Se faire tuer, non pas au sens d’une attaque-suicide (à la kamikazes), car le Coran condamne clairement le suicide, mais en mettant toute sa vie, tout son savoir et toute sa fortune au service de la bonne foi. Ces «terroristes» qui prétendent faire du djihâd en massacrant des innocents, ne peuvent pas être des musulmans. Ce sont des opportunistes qui se servent du nom Très Haut d’Allah pour accomplir leurs sombres desseins. Satan est leur référence, car Allah, lui, est miséricordieux. Le jour du Jugement, quand ils diront à Dieu : «Nous avons été avec Toi.» Il leur répondra : «Ne vous approchez pas de moi, assassins ! Tuer un homme ce n’est pas défendre la foi, c’est tuer un homme, c’est transgresser.»
En réalité, le musulman, c’est celui-là qui, dès qu’il prononce le nom d’Allah, renonce à tous les maux, aux injures et à la violence, quoique légitimes soient-ils. Quels que soient le degré de corruption et de mécréance d’un homme, s’il n’a tué personne et, tant qu’il ne constituerait pas une menace à la communauté musulmane, il ne faut pas s’attaquer à lui et le tuer. Il faut tenter de sauver son âme. S’il refuse de suivre la voie de Dieu, alors il est recommandé de le laisser en paix aussi longtemps qu’il se tiendra hors d’état de nuire.
A baqarah (La vache) est la sourate du Saint Coran qui renseigne sur le rapport du croyant à «ceux qui ont troqué leur chemin contre l’égarement» (2 :16). Elle enseigne nettement qu’il faut combattre par la dissuasion, sans jamais agresser : «Combattez-les dans le soutien d’Allah ceux qui vous combattent et ne transgressez pas. Certes Allah n’aime pas les transgresseurs» (2 :190). Or ceux qui se livrent au terrorisme en tuant des innocents, transgressent. En bravant ainsi les interdits du Coran aux yeux des musulmans, ces transgresseurs ont jeté l’anathème sur l’islam qui est la religion de l’humanité entière, enseignée par tous les prophètes envoyés par Dieu. En réalité, il ne s’agit pas d’une nouvelle religion, la troisième des trois religions «abrahamiques». L’islam était la religion de Adam, de Abraham, de Moïse et de Jésus (paix sur eux). Peu importe que l’on s’appelle musulman, chrétien, juif ou «animiste», l’essentiel c’est de connaître Dieu et de se soumettre à sa volonté. Et l’islam est, sans doute, la meilleure des voies qui mène à Dieu. C’est une religion qui est riche des enseignements de tous les prophètes, apporte à l’humanité la solution à tous ses problèmes.
Aujourd’hui, cette religion est assimilée, particulièrement en Occident, au terrorisme et le Coran présenté comme un livre de la haine et de la violence. L’Occident a produit tout un univers de diatribes à l’encontre de l’islam et du Saint Coran. Lord Gladstone (1809-1898) qui a été quatre fois Premier ministre britannique, appelait le Coran «an accursed book» («un livre maudit»). Lors d’une session parlementaire en 1868, il déclarait : «So long as there is this book, there will be no peace in the world» («Tant qu’il y a ce livre, il n’aura aucune paix dans le monde»). En 1988, le romancier britannique, Salman Rushdie, publie The Satanic verses (Les Versets sataniques), ouvrage qui reçoit un accueil favorable en Occident, malgré l’indignation qu’il a suscitée dans des communautés musulmanes de certains pays, qui y voient une attaque blasphématoire contre le Coran, Mahomet et la foi islamique. Le 18 octobre 2012 sur la chaîne française Lci, le philosophe français, Michel Onfray, était l’invité de «On n’est pas couché…». Au cours de l’émission, il soutient que «l’islam n’est pas une religion de paix, de tolérance et d’amour». Pour appuyer son propos, Onfray invite à lire la conclusion de la chronique de Hélios de Alexandrie intitulée : L’islam et la sanctification de la violence, publiée le 17 septembre 2012. En voici un extrait : «La violence islamique se distingue nettement des autres violences religieuses par le fait qu’elle ne peut être dissociée de la divinité qui l’ordonne, qui la sacralise et qui en fait la voie la plus sûre du salut. Le jihad est indissociable de la foi en Allah, la terreur est son instrument de conquête privilégié. Le musulman qui s’engage dans le jihad doit tout faire pour instiller la terreur dans le cœur du non-musulman, c’est par la terreur que l’islam conquiert et se répand. […] L’arbre de la terreur et de la tyrannie a été planté il y a quatorze siècles, depuis, l’humanité n’a cessé de récolter ses fruits empoisonnés. Les musulmans sont prisonniers du coran et de la violence dont il est rempli ; ils ne peuvent embrasser sincèrement la paix, la tolérance et le bon voisinage sans renier, en tout ou en partie, leur croyance ; […].» Yves Durand, dans un article publié le 27 novembre 2013, adhère parfaitement à cette idée quand il écrit : «Il faut lire le coran pour comprendre les versets qui appellent à tuer, et comment il faut tuer, en décapitant, et qui il faut tuer, c’est de la pure violence pour effrayer les gens, c’est du terrorisme pure. Prétendre que c’est une religion de paix et d’amour…c’est de l’hypocrisie du diable.» Pour beaucoup d’occidentaux, l’islam n’est pas une religion, mais une dangereuse idéologie au même titre que le communisme et le fascisme, qu’il convient d’éradiquer.
Non, l’islam n’a rien à voir avec la violence, ce n’est pas le terrorisme, bien au contraire. C’est une religion au service exclusif de la paix dans le monde, à travers la promotion des valeurs de l’égalité, de la solidarité et de l’assistance mutuelle. Le djihad ne doit pas être réduit exclusivement au combat armé. Celui-ci n’en est qu’une forme parmi d’autres. Il existe quatre types de djihad en islam : par le cœur, par la langue, par la main et par l’épée. Le djihad ne prend la forme armée que quand des non-musulmans envahissent une terre musulmane, capturent ou emprisonnent un groupe de musulmans. Nous voyons qu’il s’agit là d’une sorte de légitime défense, une résistance naturelle à la domination et à l’oppression, qui n’a rien à voir avec la religion. Le djihad par l’épée est destiné soit pour se défendre soit pour libérer. Par conséquent, il n’est sous-tendu par aucune idéologie ; il est tout simplement réglementé, notamment dans son mode opératoire et en ce qui concerne le traitement des prisonniers. Hocine Kerzazi (doctorant en histoire à l’université de Maine) pense que la lutte armée ne fait même pas partie du djihad : «Nulle part le Coran n’attribue au terme «djihad» le sens de conflit armé, lequel est désigné par l’expression «qital» («combat», «guerre»)», écrit-il dans Le djihadisme n’existe pas en Islam, publié le 6 juillet 2014.
Il ne faut donc pas tomber dans le piège des «mécréants» qui sèment la terreur et la désolation partout dans le monde au nom de l’islam. Ce sont des fanatiques «assoiffés» de sang d’innocents qui ne comprennent pas le Coran et refusent d’agréer les enseignements du prophète. Mouhamed (Psl) interdisait aux soldats de tuer les enfants, les fous, les femmes, les prêtres, les vieillards et les infirmes sauf s’ils ont pris part au combat. On retrouve une interdiction analogue dans une ode du fondateur du «mouridisme», Cheikh Ahmadou Bamba, intitulée Poème de la fin des temps : «Ne tuez jamais un être innocent. C’est une interdiction sans équivoque», écrit-il. En 1886, après la mort de Lat Dior, dans une Sénégambie marquée par le recul de la religiosité et, face à la domination et la violence coloniales françaises, Cheikh Ahmadou Bamba va éditer une ligne de conduite assez particulière pour sauver l’âme et la personnalité des Africains. Il se sentait investi d’une mission, celle de faire de ses contemporains, non par l’épée, mais par la douceur, la dissuasion et l’exemple, les meilleurs musulmans possibles, sans jamais verser une seule goutte de sang. A la forme guerrière du djihad, Serigne Touba préférait la «guerre sainte de l’âme» qu’il considérait comme le «suprême combat». Et dans l’ode intitulée Education des disciples, il écrit : «Quiconque s’applique à la guerre sainte de l’âme sera vainqueur au jour de la résurrection». Aujourd’hui, les mourides du Sénégal sont parmi les musulmans les plus pieux, les plus tolérants, les plus dociles, les plus humbles et les plus rigoureux dans le travail. A travers le mouridisme, Cheikh Ahmadou Bamba a mis à la disposition des hommes les moyens d’améliorer la société et de bâtir le développement dans la paix et le respect des dispositions du Coran et de la Sunna prophétique.
C’est tout à fait inexact de penser que le djihad est indissociable de la terreur. Les musulmans qui maîtrisent le Coran savent que le djihad n’a aucun caractère agressif ou violent. Ceux qui se livrent à la violence aveugle et à la destruction de biens sont des mercenaires au service des «démons» du «Système-Monde» actuel dont l’ambition est de conduire l’humanité à l’abîme, conformément au bon vouloir de Satan le diable. Le terrorisme, sous la forme du «djihadisme» radical, ne relève que du banditisme transnational, organisé et financé par des «bailleurs invisibles» qui sont mus par des raisons politiques, économiques ou idéologiques. C’est une nouvelle forme de poussée impérialiste dont la méthode consiste à semer la terreur partout pour déstabiliser les Etats, dépraver pour affaiblir l’humanité par la promotion des anti-valeurs véhiculés par la «mondialisation», dans le seul but de dominer le monde et de le réorganiser sur la base des principes et règles du capitalisme néolibéral.
Invisibles et très puissants, ces sataniques «maîtres du monde», soi-disant défenseurs d’un «Nouvel ordre mondial» (The new world order ), sont des thuriféraires de Satan dans son eternel combat pour détourner les créatures de la voie indiquée par le Créateur. Ils sont certes puissants, car possesseurs de la bombe H et des missiles de croisière, mais non invincibles. Allah est si puissant qu’il est capable de les anéantir en un clin d’œil. Mais qu’ils cessent de se faire des illusions, car tôt ou tard, la vérité triomphera sur le mensonge. Et ce sera à l’issue d’un «mortal kombat» entre le bien et le mal que la terre sera délivrée de ce fléau qu’est le «terrorisme» religieux qui instrumentalise de soi-disant musulmans pour discréditer l’islam et le Coran.
Mais s’il existe des pays, comme le Sénégal, qui ne peuvent jamais être des terres de prédilection du «djihadisme» à la Boko haram, il est fort évident qu’aucun pays sur terre n’est aujourd’hui à l’abri de la «délinquance transnationale» communément appelée «terrorisme», contre laquelle il est nécessaire de protéger nos jeunes qui représentent des proies faciles à cause de l’ignorance, le manque de formation et surtout d’emplois. A cet effet, il faut leur donner une bonne éducation. Il s’agira d’une éducation à la paix pour la reconversion des cœurs et des esprits que la mondialisation «néolibérale» est en train de corrompre dangereusement. Aujourd’hui, le manque de sérieux et la méchanceté gratuite gagnent du terrain dans toutes les sociétés. Cela s’explique, bien sûr, par le fait, nous l’apprend l’historien tunisien Mohamed Talbi, que l’«homme, par nature, est à la fois sociable et agressif». Il est «Eros» et «Thanatos», nous explique Sigmund Freud, dans Pulsions de vie et pulsions de mort. Par l’éducation à la paix, il est possible de décourager «Thanatos» et d’encourager «Eros». Pour bâtir une paix durable dans le monde, il faut combattre la dépravation des mœurs, limiter les libertés individuelles et lutter efficacement contre l’injustice qui est la mère de toutes les formes de violence.
Moustapha CAMARAProfesseur d’histoire et
de géographie mcamara57@yahoo.fr
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