Ouadane/Festival 2015 : Quelle leçon!!!
C’est la 2eme fois consécutive que le rendez-vous de Ouadane, censé abriter le « festival des villes anciennes » est raté. La 1ere fois, en raison d’une tempête de sable, soutenue par un froid glacial qui a soufflé toute la nuit et journée de son ouverture, le 4 février 2012, obligeant les visiteurs et officiels à quitter précipitamment les lieux. La 2eme, à cause de la compassion des populations avec le président de la république éploré, suite à l’accident fatal qui a emporté deux jeunes Mauritaniens à la fleur de l’âge dont son fils Ahmedou et le journalisteCheikh Oumar ( Allah Yarham Houm) . Accident intervenu deux jours seulement avant l’ouverture de la 6eme édition du festival prévu à Ouadane le 24 décembre 2015.
Les coïncidences de ces contre temps ne constituent pas pour Ouadane, unedamnation : d’avoir perdu à 2 reprises les retombées du festival; Ni une bénédiction : son environnement et la structuration de la ville sont sauvés de l’autodestruction par des centaines de festivaliers motorisés.
Cependant ce qui est arrivé, incite à repenser le « festival des villes anciennes ».
Au départ, la décision politique d’organiser annuellement un festival culturel dans chacune des cités historiques Ouadane , chinguetti, Tichit, Oualata, pour sauver ces villes de l’oubli, était louable.
Elle engage l’Etat Mauritanien à respecter les recommandations de l’UNESCO qui a élevé ces cités au statut de patrimoine de l’humanité :
« La loi 46-2005, relative à la protection du patrimoine culturel tangible, constitue le cadre juridique pour la gestion et la mise en valeur des ksour anciens de Mauritanie. Le Ministère de la culture est l’autorité responsable de l’application des lois concernant la protection de ces biens culturels…. Il est nécessaire de renforcer les dispositions en matière de protection, de planification et de gestion pour répondre aux défis qui se posent et, plus particulièrement, pour s’assurer que le bâti conserve ses structures distinctives, sa décoration, sa forme et sa disposition ».
Voyons voir !!! Est-ce que les festivals tels qu’organisés jusqu’ici ont contribué à : désenclaver les voies d’accès, arrêter l’avancée des ensablements, restaurer les demeures, sauvegarder et exploiter les manuscrits, créer des pôles de développement sociaux pour fixer les populations dans ces villes anciennes?
Non ! Ou pas tout à fait.
L’afflux des milliers d’arrivistes au même moment , dépasse largement les capacités d’accueil dans ces Ksours hôtes, ce qui entraine, désordre, autodestruction de l’environnement, désagréments de paisibles autochtones etc..
Les vrombissements de moteurs, les détonations de balles réelles (tir à la cible), les cliquetis des boules métalliques(Pétanques), les sons de rythmes, you you et chants musicaux amplifiés par des hauts parleurs, les lumières de nuit inhabituelles, dérangent considérablement ,dans leur tombe, la quiétude éternelle des érudits et autres morts ainsi qu’elle perturbe la tranquillité naturelle de ces localités « perles silencieuses du désert ».
En fait ! le caractère initial de l’événement cérémonial a perdu, au fil du temps, son essence culturelle au profit de « velléités politiques ».
Les nombreuses personnes qui se déplacent dans ces cités, le font « pour le président » et non pour le festival. À telle enseigne que les manifestations prévues durer une semaine dans chacune des localités à tour de rôle, se limitent à la seule journée d’ouverture du festival par le président de la République.
Certes, Mohamed Ould Abdel Aziz, par sa présence effective à toutes ces éditions, a cacheté de son sceau l’intérêt qu’il porte à la culture et par delà prouve aux sceptiques et àses opposants, sa volonté de respecter son programme électoral. « Ou-Vœu !!! Passons à autre chose ». Et ce, d’autant plus que le président le demande lui-même :
« Nous tentons d’innover pour mettre fin à l’ennui ressenti par le Président, consécutif au remake des mêmes scénarios d’activités organisées au cours des cinq précédentes éditions du festival des anciennes villes » vient de déclarer la ministre de la culture et de l’artisanat.
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Cette Innovation -si elle sera – peut tenir compte des deux constats suivants :
Pour tous les Mauritaniens, les cites historiques Ouadane, Chinguetti, Tichit, Oualata , abritent les sépulcres d’érudits, savants et hommes de culture ainsi que les manuscrits des temps anciens .Elles sont donc pour eux des lieux de recueillement, dévotion et admiration et non des lieux de concerts et jeux olympiques.
L’expérience d’une décennie (1997-2007) de tourisme écologique en Adrar, « loin de la ville et de son stress »,très prisé par les occidentaux a prouvé que ce créneau est un véritable irrigateur de sauvetage et espoir , non seulement des populations de Ouadane et Chinguetti mais de tous les Oueds, Oasis et campements de la Wilaya parfois même au delà : le Tagant et Tiris Zemmour.
En 1996, 135 personnes inaugurent le premier avion charter Paris-Atar. En 2003-2004, ce sont 25 000 touristes qui foulent le sol adrarois …. Désormais, c’est toute une société, hommes, femmes et enfants qui ont changé leur mode de vie.
Plutôt que dépenser annuellement des millions d’Ouguiyas ( 95 Millions en 2011, 215 Millions en 2012 et crescendo par la suite …) pour un festival simulacre tel que vécu ces cinq précédentes années, il serait plus juste de confier ces fonds à des operateurs privés ,semi privés ou autre institution indépendante aux fins de libérer le culturel du parrainage oppressif du politique.
Lesquels operateurs peuvent se faire autofinancer par l’organisation périodique dans les quatre cites historiques de :
« Pèlerinages culturels » à l’intention des jeunes enfants (colonies de vacances), universitaires, chercheurs, adeptes d’érudits, écoles militaires et d’administration, vacances familiales etc.
Et « Excursions touristiques dunaires » en invitant les Tours Operateurs occidentaux à négocier la reprise de visites de ces cités historiques par des touristes étrangers.
Dans ce monde de communication aujourd’hui, il est convenable qu’une émission TV en direct ne s’interrompe avant terme, qu’un match de foot ball dure quatre vingt dix minutes et qu’un festival international se tienne dans les dates fixées.
Accompagnons notre temps.
Ely Salem Khayar.
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