Les Forces Progressistes du Changement (FPC) Mauritanie

Syrie : John Kerry retombe sur ses pieds

Syrie : John Kerry retombe sur ses piedsLe revirement spectaculaire de la diplomatie américaine est un événement historique.

« Bushismes » : ce néologisme s’était rapidement imposé pour désigner les lapsus, les bourdes et autres perles qui sortaient en abondance de la bouche du président George W. En voici quelques échantillons particulièrement réjouissants :« Depuis plus d’un siècle et demi, les États-Unis et le Japon ont formé une des plus grandes et des plus fortes alliances jamais vues » ; « L’Afrique est un pays mal portant » ; « Je ne suis pas indifférent aux Gréciens ». Et encore : « Bien sûr, que je connais l’Europe. J’ai la télévision, quand même. »

On ne fera pas au président Obama le mauvais procès d’égaler l’ignorance encyclopédique de son prédécesseur. Mais, vu de Washington, un petit pays exotique comme la Syrie, qui au demeurant ne produit pas de pétrole, est aussi quantité négligeable que peuvent l’être, vus de Paris, le Honduras, l’Équateur ou le Guatemala. Il est peu douteux que la politique syrienne des États-Unis depuis quatre ans devait beaucoup aux conseils et à l’influence des monarchies du Golfe, géographiquement proches de Damas, et à l’expertise bien connue des diplomaties française et britannique auxquelles on doit, ne l’oublions pas, le génial découpage des frontières du Moyen-Orient après la Première Guerre mondiale.

Or, les États sunnites de la péninsule Arabe souhaitaient ardemment la chute de Bachar el-Assad, et y travaillaient activement, quitte à faire cadeau de la Syrie à Al-Qaïda. Quant à Londres et à Paris, on y prédisait en 2011 que le régime alaouite ne tarderait pas à s’écrouler comme un château de cartes et que, de même que les hirondelles tunisienne et égyptienne avaient annoncé le merveilleux printemps arabe, l’opposition syrienne ferait ruisseler des fleuves de lait, de miel et de liberté sur le sol ingrat de son pays. Le réalisme et la morale allant dans le même sens, il suffisait de donner un coup de pouce aux démocrates syriens et l’affaire était dans le sac. Peu s’en fallut même, à l’été 2013, que le président Hollande, qui brûlait d’en découdre, persuadât son collègue américain de lancer contre Damas une campagne de bombardements.

Contesté en effet par une grande partie de son propre peuple, mis un temps en difficulté par l’offensive concertée de l’Armée syrienne libre et du Front al-Nosra, aidés financièrement, militairement et techniquement de l’extérieur, le gouvernement syrien tient toujours, contrôle les plus grandes villes, 40 % de la surface et 60 % de la population et, soutenu de son côté par la Russie, l’Iran et le Hezbollah, ne donne aucun signe de faiblesse ou d’écroulement prochain, malgré l’irruption sur le théâtre des opérations d’un nouvel acteur, enfant monstrueux des intrigues sunnites et de l’islamisme qui épouvante aujourd’hui jusqu’à ceux qui l’ont tenu sur d’étranges fonts baptismaux.

Aujourd’hui comme hier, Bachar el-Assad, fils de dictateur, dictateur lui-même, n’est pas en tant qu’individu un homme recommandable et fréquentable. Il est vrai que depuis le premier jour, il a opté pour une répression féroce d’une insurrection qui n’est pas particulièrement câline. Tel quel, il est en tant qu’homme d’État, tout comme le furent et auraient pu le rester sans l’ineptie de l’Occident Kadhafi et Saddam Hussein, l’allié indispensable dans la lutte inexpiable qui oppose désormais le monde civilisé à Daech. Le bacharelassadismen’a ni la capacité ni l’intention de se répandre sur la planète. Il n’en est pas de même de l’hydre tentaculaire qui sévit en Syrie, en Irak, au Yémen, au Nigeria, en Libye, au Sahel et aspire à étendre son règne par la terreur. Le choix offert à la malheureuse Syrie n’est pas entre des Ali Raffarin, des Mohammed Bayrou ou des Rachid Jospin qui alterneraient pacifiquement au pouvoir mais entre Assad et le califat. À chacun de choisir l’ennemi qu’il faut abattre.

Le revirement spectaculaire de la diplomatie américaine est un événement historique. En annonçant urbi et orbi qu’il n’excluait plus de négocier avec Bachar, fût-ce pour mettre à l’ordre du jour le départ de celui-ci, proposition qu’il y a assez peu de chances de le voir accepter, John Kerry enterre quatre ans de sottise et d’aveuglement. La diplomatie occidentale cesserait-elle de marcher sur la tête pour retomber sur ses pieds ? Une fois de plus se vérifie le célèbre et optimiste aphorisme de Churchill suivant lequel les États-Unis finissent toujours par trouver la bonne solution, après avoir essayé toutes les mauvaises.

Dominique Jamet

Boulevard Voltaire

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