Combattre BOKO HARAM: La présidente de la Commission de l’UA rend son rapport (intégral)
RAPPORT DE LA PRÉSIDENTE DE LA COMMISSION SUR LES EFFORTS RÉGIONAUX ET INTERNATIONAUX ET LA VOIE À SUIVRE DANS LA LUTTE CONTRE LE GROUPE TERRORISTE BOKO HARAM
I.INTRODUCTION
Lors de sa 469ème réunion tenue le 25 novembre 2014, le Conseil a examiné les efforts régionaux déployés pour lutter contre le groupe terroriste Boko Haram, et a convenu de mesures à prendre par la Commission en appui aux États membres de la Commission du Bassin du Lac Tchad (CBLT) et au Bénin. Le Conseil a demandé à la Commission de lui soumettre un rapport sur le suivi de ce communiqué, afin de lui permettre de prendre les décisions requises. Lors de leur 5ème réunion ministérielle tenue à Niamey, au Niger, le 20 janvier 2015, les États membres de la CBLT et le Bénin m’ont, entre autres, demandé de soumettre au Conseil un rapport sur les efforts régionaux et internationaux déployés dans le cadre de la lutte contre Boko Haram, notamment les Conclusions de leur rencontre, afin de permettre au Conseil d’autoriser le déploiement de la Force multinationale mixte (FMM) et de la mandater. Le présent rapport est soumis en application du communiqué du Conseil du 25 novembre 2014 et des Conclusions de la réunion ministérielle de Niamey. Il donne un aperçu de l’évolution de la situation depuis la dernière réunion du Conseil sur cette question, ainsi que de celle des efforts régionaux et internationaux y relatifs. En conclusion, le rapport formule des observations sur la voie à suivre.
I.ÉVOLUTION DE LA SITUATION SUR LE TERRAIN
Au cours de la période sous examen, le groupe terroriste Boko Haram a mené de nombreuses attaques, ciblant des civils, les forces de sécurité, des églises, des mosquées et des infrastructures publiques, y compris des écoles. Au début janvier 2015, Boko Haram s’est emparé, à Baga, dans l’État de Borno, d’une base militaire qui servait de Quartier général à la FMM. Le groupe a ensuite contraint des milliers de personnes à quitter la région, brûlé et détruit des maisons et d’autres biens et commis des massacres de masse. Il convient également de mentionner les attentats suicide des 10 et 11 janvier 2015, à Maiduguri, dans l’État de Borno, et à Potiskum, dans l’État de Yobe, avec l’implication d’une enfant contrainte par Boko Haram de servir de kamikaze. Depuis 2013, le groupe terroriste Boko Haram a multiplié les attaques contre des villages, des postes de sécurité et des écoles, en même temps qu’il enlevait des civils, des touristes étrangers et des missionnaires dans les régions frontalières du Cameroun. Récemment, l’on a observé un accroissement des attaques perpétrées dans la région du Bassin du Lac Tchad, le long des frontières du Nigéria avec le Tchad et le Cameroun, et dans les provinces du Nord du Cameroun. Lors de sa 469ème réunion, le Conseil a réitéré sa ferme condamnation des attentats terroristes odieux perpétrés par Boko Haram, ainsi que sa solidarité avec le Nigeria et les autres pays de la région. Le Conseil a souligné que les activités terroristes de Boko Haram constituent une grave menace non seulement pour le Nigéria, mais également pour la région et le continent dans son ensemble, ajoutant que cet état de fait appelle une réponse africaine collective. En réaction à l’évolution de la situation sur le terrain, j’ai publié, le 12 janvier 2015, un communiqué dans lequel j’ai fermement condamné les attaques ignobles menées par Boko Haram à Baga et Potiskum, et réitéré la solidarité de l’UA avec le Gouvernement et le peuple nigérians. Dans un autre communiqué de presse en date du 20 janvier 2015, j’ai, une fois encore, condamné les attaques terroristes de Boko Haram, et exprimé la solidarité continue de l’Afrique avec les populations et les pays affectés. Dans l’intervalle, le 12 janvier 2015, le Président de la Commission de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a publié un communiqué de presse dans lequel il a fermement condamné les actes odieux de Boko Haram et le mépris total de ce groupe pour les droits de l’homme et ses actes de destruction injustifiés, tel qu’illustrée par l’attaque, de Baga. Il a réitéré l’engagement de la CEDEAO à travailler avec le Gouvernement du Nigeria, des Etats membres et les autres parties prenantes pour mettre un terme à ces attaques incessantes, qui continuent de menacer gravement la paix, la sécurité et la stabilité dans la région. Il s’est félicité des efforts déployés par l’UA, la CBLT et d’autres acteurs à cet égard. Le 17 janvier 2015, le Président de la Commission de la CEDEAO m’a écrit pour transmettre une requête du Président de la Conférence des chefs d’État et de Gouvernement de la CEDEAO, demandant l’inscription, à l’ordre du jour du prochain Sommet de l’UA, d’un point sur la menace posée par Boko Haram. En réponse, le Commissaire à la Paix et à la Sécurité l’a informé que des consultations appropriées seraient entreprises pour que la question de Boko Haram reçoive toute l’attention qu’elle mérite au cours des délibérations sur le rapport du Conseil de paix et de sécurité sur ses activités et l’état de la paix et de la sécurité en Afrique. Le Conseil de sécurité des Nations unies s’est également prononcé sur la situation. Dans une déclaration présidentielle adoptée le 19 janvier 2015, cet organe a condamné, dans les termes les plus énergiques, la dernière escalade dans les attaques perpétrées par Boko Haram, ainsi que l’intensification des attaques dans la région du Bassin du Lac Tchad et dans le Nord du Cameroun. Le Conseil de sécurité a exprimé sa profonde sympathie et ses condoléances aux familles des victimes et au peuple et au Gouvernement du Nigéria, ainsi qu’aux peuples et aux Gouvernements d’autres pays affectés. Le Conseil de sécurité a exigé que Boko Haram cesse immédiatement et sans équivoque toutes les hostilités et violations des droits de l’homme et du droit international, et se désarme et se démobilise. Le Conseil de sécurité a également exigé la libération immédiate et inconditionnelle de toutes les personnes enlevées encore en captivité, y compris les 276 écolières enlevées à Chibok, dans l’État de Borno, en avril 2014. Le Conseil de sécurité a reconnu que certains de ces actes pourraient constituer des crimes contre l’humanité, et a souligné que leurs auteurs doivent en répondre. Précédemment, le 22 mai 2014, le Comité du Conseil de sécurité des Nations unies pour les sanctions contre Al-Qaeda avait approuvé l’inclusion de Boko Haram sur sa liste des personnes et entités faisant l’objet de sanctions financières ciblées. Le 20 janvier 2015, lors de la réunion ministérielle de Niamey des États membres de la CBLT et du Bénin, les participants ont noté que, depuis son émergence, le groupe Boko Haram s’est distingué par de violentes attaques contre les civils, des exécutions sommaires, le pillage et la destruction, l’enlèvement et des attaques répétées contre les forces de défense et de sécurité des pays de la région. Les participants ont fermement condamné l’attaque contre Baga, qui entrainé un massacre à grande échelle constituant un crime contre l’humanité. Ils ont noté avec préoccupation le renforcement significatif des capacités opérationnelles de Boko Haram.
Comme souligné par la réunion ministérielle de Niamey, les attaques et autres exactions perpétrées par Boko Haram ont provoqué des déplacements importants de populations à l’intérieur du Nigéria. Elles ont également conduit à d’importants flux de populations provenant des Etats de Borno, Yobe et Adamawa, au Nigeria, vers le Niger, le Tchad et le Cameroun. Cette situation s’est traduite par une pression considérable sur les ressources disponibles dans les pays d’accueil, suscitant des préoccupations quant à d’éventuelles tensions entre réfugiés et communautés d’accueil. Selon l’Agence nationale nigériane de gestion des urgences (NEMA), près de 868.235 personnes ont été affectées par les attaques terroristes en cours dans le Nord-Est du pays. La NEMA gère actuellement 20 camps de personnes déplacées. La situation sécuritaire précaire empêche l’acheminement de l’aide à de nombreuses personnes dans le besoin. L’Organisation internationale pour les Migrations (OIM) estime que le nombre de réfugiés et de personnes déplacés dépasse un million. Dans sa déclaration présidentielle mentionnée ci-dessus, le Conseil de sécurité a exprimé sa préoccupation face à l’ampleur de la crise humanitaire croissante causée par les activités de Boko Haram. À cet égard, le Conseil de sécurité a salué le soutien apporté aux réfugiés par les Gouvernements des pays d’accueil, et a appelé la communauté internationale à apporter son appui dans les domaines nécessitant une attention urgente.
II.EFFORTS RÉGIONAUX ET INTERNATIONAUX
Le Conseil se souviendra que, lors de sa réunion au sommet sur le terrorisme et l’extrémisme violent, tenue à Nairobi, le 2 septembre 2014, la question de Boko Haram a été longuement débattue. De manière plus spécifique, le Conseil a exhorté les pays de la région à prendre les mesures nécessaires pour opérationnaliser les mécanismes par eux convenus, en vue de faire plus efficacement face à la menace posée par Boko Haram. Par la suite, nombre d’initiatives ont été prises par les pays de la région, dans le cadre du suivi des conclusions du Sommet de Paris du 17 mai 2014, qui a réuni les chefs d’État et de Gouvernement du Bénin, du Tchad, du Cameroun, de la France, du Niger, du Nigéria et d’autres parties prenantes, ainsi que des résultats des réunions ministérielles qui se sont tenues respectivement à Londres et à Washington, le 12 juin et le 5 août 2014. Il importe de noter que le Sommet de Paris a convenu d’un certain nombre de mesures visant à renforcer la coopération régionale et l’action internationale contre le groupe terroriste Boko Haram. Il s’agit notamment de la coordination des patrouilles frontalières, de la mise en place d’une Unité régionale de fusion du renseignement (RIFU), de l’adoption de sanctions contre Boko Haram, le groupe Ansaru et leurs principaux dirigeants, ainsi que de l’octroi d’un soutien aux régions marginalisées et à leurs populations vulnérables. La réunion de Londres a réaffirmé les engagements pris lors du Sommet de Paris et s’est félicité des progrès accomplis depuis lors, en particulier la signature à Yaoundé, le 9 juin 2014, du Protocole d’accord sur la RIFU. Les pays de la région se sont engagés à contribuer chacun un bataillon à la FMM, tandis que les partenaires ont promis de faciliter la mise en place rapide de la RIFU et de dispenser une formation aux forces nigérianes et régionales engagées dans la lutte contre Boko Haram et d’autres groupes terroristes. La réunion a reconnu qu’outre l’application de la loi et la coopération dans les domaines militaire et du renseignement, la restauration de la sécurité et de la stabilité requiert une approche globale reposant également sur le respect des droits de l’homme, la lutte contre la pauvreté et la création d’emplois, le renforcement de l’État de droit, l’amélioration de l’éducation et la protection des droits des femmes et des jeunes filles. Le Conseil se souviendra en outre que, le 3 septembre 2014, les pays de la région ont tenu leur 3ème réunion ministérielle à Abuja. Cette réunion s’est félicitée des progrès réalisés dans l’opérationnalisation de la RIFU, des efforts du Gouvernement nigérian en vue de la mise en place d’un fonds pour alléger les souffrances des victimes de l’insurrection de Boko Haram et des mesures prises pour renforcer la FMM. La réunion a également souligné la nécessité de lutter efficacement contre les sources de financement et d’approvisionnement en armes de Boko Haram. Lors de leur Sommet extraordinaire, tenu à Niamey, le 7 octobre 2014, les chefs d’État et de Gouvernement des pays membres de la CBLT et le Bénin ont évalué la situation sécuritaire et discuté d’une stratégie commune de lutte contre le groupe terroriste Boko Haram. Le Sommet a exprimé sa détermination à renforcer les capacités opérationnelles et de renseignement de la région, ainsi que la coordination de la FMM. Il a décidé de finaliser le déploiement des contingents promis par les États membres de la CBLT et le Bénin, au 1er novembre 2014, et la mise en place du Quartier général de la FMM, au plus tard le 20 novembre 2014. La 4ème réunion ministérielle des Etats membres de la CBLT et du Bénin, tenue à Abuja, le 13 octobre 2014, s’est engagée à mettre en œuvre les décisions du Sommet de Niamey relatives à la mise en place du Quartier général de la FMM et au déploiement, à l’intérieur de leurs frontières nationales, des contingents promis par les pays de la région. La réunion a convenu d’un projet de résolution à transmettre à l’UA et au Conseil de sécurité des Nations unies, afin de permettre à ce dernier organe d’autoriser l’opérationnalisation de la FMM, la mise à disposition du soutien international requis et la création, par le Secrétaire général des Nations unies, d’un Fonds d’affectation spéciale pour la Force. Dans une lettre datée du 17 octobre 2014, adressée au Commissaire à la Paix et à la Sécurité, le Ministre des Affaires étrangères du Niger, pays qui préside la CBLT, a formellement transmis à l’UA, pour suivi, les Conclusions de la réunion ministérielle. C’est dans ce contexte que le Conseil, lors de sa réunion du 25 novembre 2014, a exprimé son plein appui à la création et au déploiement de la FMM, comme cadre approprié pour neutraliser efficacement le groupe terroriste Boko Haram. Le Conseil a demandé à la Commission d’engager d’urgence des consultations avec les États membres de la CBLT et le Bénin et de mettre à disposition l’expertise nécessaire, afin d’identifier et de convenir de mesures pratiques qui pourraient faciliter la mise en place rapide de l’appui international nécessaire, tel que demandé par la réunion ministérielle du 13 octobre 2014, à savoir : (i) l’adoption par le Conseil de sécurité des Nations unies d’une résolution autorisant les États membres de la CBLT et le Bénin à déployer la FMM pour une période initiale de 12 mois ; (ii) la création, par le Secrétaire général des Nations unies, d’un Fonds d’affectation spéciale pour assurer la continuité des opérations de la FMM ; et (iii) la mobilisation de l’appui financier et logistique international nécessaire. Dans le cadre du suivi de ces décisions, le Commissaire à la Paix et à la Sécurité a écrit, le 1er décembre 2014, au Ministre des Affaires étrangères du Niger pour transmettre formellement le communiqué du Conseil aux États membres de la CBLT et au Bénin, réitérer le soutien de l’UA à la FMM et aux efforts d’ensemble des pays de la région, et proposer, comme voie à suivre, la tenue d’une réunion d’experts, afin d’identifier les mesures concrètes à prendre pour faciliter la réalisation des objectifs fixés par la réunion ministérielle d’Abuja du 13 octobre 2014. Le 14 janvier 2015, le Gouvernement du Tchad s’est engagé à soutenir activement les efforts de lutte contre Boko Haram. Par la suite, l’Assemblée nationale tchadienne a autorisé les forces armées et de sécurité tchadiennes à aider les soldats camerounais dans la lutte contre le groupe terroriste Boko Haram. Depuis, des soldats tchadiens ont été déployés au Nord du Cameroun. Dans sa déclaration présidentielle du 19 janvier 2015, le Conseil de sécurité des Nations unies s’est félicité du vote de l’Assemblée nationale tchadienne. Le Conseil de sécurité a également pris note de la décision des États membres de la CBLT et du Bénin d’opérationnaliser la FMM, et a exhorté les pays de la région à poursuivre la planification pour l’opérationnalisation durable, viable et efficace de la FMM. Le Conseil de sécurité s’est félicité de l’assistance déjà apportée aux États de la région, et a encouragé les partenaires bilatéraux et multilatéraux à accroître leur appui. Dans mon communiqué de presse du 20 janvier 2015, je me suis félicitée de la décision prise par le Tchad. Lors de leur 5ème réunion ministérielle, les pays de la région ont convenu d’un ensemble de mesures pratiques sur le plan sécuritaire, notamment la mise en place du Quartier général de la FMM à N’Djamena et d’un réseau de communication sécurisé pour les forces de sécurité opérant sur le Bassin du Lac Tchad, et autour de cette zone et l’opérationnalisation, dans les meilleurs délais possibles, de la cellule de coordination et de liaison qui devra être établie à N’Djamena. Par ailleurs, et comme indiqué ci-dessus, la réunion m’a demandé de soumettre un rapport sur les efforts régionaux et internationaux de lutte contre Boko Haram, afin de permettre au Conseil d’autoriser le déploiement de la FMM. La réunion a également demandé à la Commission d’organiser, en début février 2015, en coopération avec les parties prenantes concernées, une réunion d’experts pour finaliser le concept d’opération de la FMM. Au moment de la finalisation du présent rapport, la Commission était en train de prendre les mesures nécessaires pour l’organisation de ladite réunion à Yaoundé, au Cameroun, du 5 au 7 février 2015. Les autres mesures arrêtées comprennent l’organisation d’une conférence des donateurs pour mobiliser des ressources pour la FMM, un appel aux partenaires internationaux pour apporter un soutien à la mise en œuvre de la stratégie de la CBLT contre Boko Haram, le renforcement de l’aide humanitaire aux populations affectées, et une demande à la Cour pénale internationale (CPI) pour accélérer le processus en cours concernant les crimes contre l’humanité perpétrés par Boko Haram. Par ailleurs, mon Envoyée spéciale pour les Femmes, la Paix et la Sécurité, accompagnée par la Représentante permanente du Niger auprès de l’UA et une Juge à la Cour africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, a effectué une visite de solidarité à Abuja, du 7 au 12 décembre 2014. Plus spécifiquement, le but de la visite était de se faire l’écho des préoccupations des femmes du Nigeria et des organisations de la société civile et de les soutenir dans leurs efforts visant à mettre un terme au calvaire des jeunes filles enlevées à Chibok, en avril 2014, ainsi qu’à d’autres formes de violence sexiste ; d’exprimer la solidarité de l’UA avec le Gouvernement du Nigeria dans ses efforts visant à neutraliser le groupe terroriste Boko Haram ; et de renforcer le plaidoyer pour le respect des droits des femmes et des enfants, y compris à travers la mise en œuvre effective de la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations unies, de la Charte africaine des Droits et du Bien-être de l’Enfant et de la Charte africaine sur les Droits des Femmes. La délégation a rencontré nombre d’organisations de la société civile et des responsables gouvernementaux, ainsi que la Commission de la CEDEAO.
III.AUTORISATION DU DÉPLOIEMENT DE LA FMM
Comme indiqué ci-dessus, la réunion ministérielle de Niamey du 20 janvier 2015 a demandé au Conseil d’autoriser le déploiement de la FMM et de donner mandat à la Force. Une telle décision par le Conseil est une première étape nécessaire dans les efforts visant à obtenir l’adoption par le Conseil de sécurité des Nations unies d’une résolution qui autoriserait les États membres de la CBLT et le Bénin à déployer la FMM, ainsi que la mise en place de mécanismes de soutien appropriés, y compris un Fonds d’affectation spéciale. Le Conseil se souviendra que c’est le même processus qui a été suivi s’agissant d’opérations passées et actuelles de soutien à la paix de l’UA entreprises avec le consentement et l’assistance des Nations unies, à savoir la Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (MISMA), la Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine (MISCA) et la Mission de l’UA en Somalie (AMISOM), les Nations unies ayant, s’agissant de cette dernière opération, approuvé non seulement la création d’un Fonds d’affectation spéciale, mais également autorisé la mise en place d’un module d’appui financé par les contributions mises à recouvrement.
Par ailleurs, il sera nécessaire d’élaborer un concept d’opération qui définirait les objectifs stratégiques de la FMM et détaillerait tous les aspects pertinents de l’opération projetée, y compris le commandement et le contrôle, le concept de soutien, les règles d’engagement et les lignes directrices sur la protection des civils, qui doivent intégrer la Politique de diligence voulue des Nations unies en matière de droits de l’homme, cette prise en compte constituant un élément essentiel pour obtenir l’appui des Nations unies pour une opération non-onusienne. La Commission a déjà initié les démarches nécessaires pour l’organisation à Yaoundé, du 5 au 7 février 2015, de la réunion d’experts qui élaborera le concept d’opération et d’autres documents connexes. Pendant que ce processus est en cours, il est recommandé qu’en appui aux efforts déployés par les États membres de la CBLT et le Bénin, le Conseil autorise le déploiement de la FMM pour une période initiale de douze mois renouvelable à la demande des États membres de la CBLT et du Bénin. Conformément à l’objectif général fixé par les pays de la région lors de leurs différentes réunions, ainsi que résumé ci-dessus, il est proposé que la FMM soit mandatée, dans sa zone d’opération telle qu’elle sera définie dans le concept d’opération, pour:
(i)créer un environnement sûr et sécurisé dans les régions affectées par les activités de Boko Haram et d’autres groupes terroristes, afin de réduire considérablement la violence contre les civils et d’autres abus, y compris la violence sexuelle et sexiste, conformément au droit international, y compris le droit international humanitaire et la Politique de diligence voulue des Nations unies en matière de droit de l’homme;
(ii)faciliter la mise en œuvre, par les États membres de la CBLT et le Bénin, de programmes d’ensemble de stabilisation dans les régions affectées, y compris la pleine restauration de l’autorité de l’État et le retour des personnes déplacées et des réfugiés; et
(iii)faciliter, dans la limite de ses capacités, les opérations humanitaires et l’acheminement de l’aide aux populations affectées. Dans le cadre du mandat énoncé ci-dessus et à l’intérieure de la zone d’opération, les contingents de la FMM, déployés sur leurs territoires nationaux respectifs, pourraient s’acquitter de nombre de tâches. Celles-ci se présenteraient notamment comme suit:
(i)entreprendre des opérations militaires visant à empêcher l’expansion des activités de Boko Haram et d’autres groupes terroristes, ainsi qu’à éliminer leur présence;
(ii)faciliter la coordination opérationnelle entre les pays concernés dans la lutte contre Boko Haram et d’autres groupes terroristes, y compris sur la base des renseignements recueillis par les États membres de la CBLT et le Bénin et/ou mis à disposition par des partenaires extérieurs;
(iii)encourager et faciliter la conduite de patrouilles simultanées/coordonnées/conjointes et d’autres types d’opérations aux frontières des pays affectés; (iv)prévenir le transfert d’armes et de munitions et tout autre type de soutien à Boko Haram et à d’autres groupes terroristes;
(v)assurer, dans la limite de ses capacités, la protection des civils sous menace imminente, des personnes déplacées et des camps de réfugiés, des travailleurs humanitaires et d’autres personnels civils;
(vi)rechercher activement et libérer toutes les personnes enlevées, y compris les jeunes filles enlevées à Chibok en avril 2014;
(vii)entreprendre des opérations psychologiques efficaces pour encourager des défections au sein de Boko Haram et d’autres groupes terroristes; (viii)soutenir, le cas échéant, la phase initiale de mise en œuvre de stratégies de désarmement, de démobilisation et de réinsertion de combattants désengagés dans leurs communautés;
(ix)contribuer au renforcement et à l’institutionnalisation de la coordination civilo-militaire, y compris la mise à disposition, sur demande, d’escortes de convois humanitaires;
(x)soutenir les efforts régionaux visant à arrêter et à traduire en justice tous les auteurs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité; et (xi)assurer la protection du personnel, des installations et des équipements de la FMM.
Comme indiqué plus haut, les pays de la région contribuent chacun un bataillon pour faire partie de la FMM. Cependant, compte tenu de la détérioration de la situation sur le terrain, la possibilité de renforcer l’effectif de la FMM devra être laissée ouverte, afin de permettre aux États membres de la CBLT et au Bénin de disposer de la flexibilité nécessaire pour adapter leur réponse opérationnelle à l’évolution de la situation sur le terrain. En conséquence, il est recommandé que les pays de la région soient autorisés à accroître l’effectif de la FMM jusqu’à 7 500 personnels.
La réunion d’experts de Yaoundé travaillera sur les détails requis pour permettre à la FMM d’opérer efficacement sous la direction et le contrôle des États membres de la CBLT et du Bénin. Ces détails porteront sur les arrangements en terme de commandement et de contrôle et sur les mécanismes de coordination avec les institutions nationales concernées, ainsi qu’avec l’UA et d’autres parties prenantes, internationales, dont le rôle sera principalement de faciliter la mobilisation, au profit des Etats membres de la CBLT et du Bénin, de l’appui financier, logistique et politique nécessaire. Comme instruit par la réunion ministérielle de Niamey, le concept d’opération devra être flexible, afin de faciliter, dans le cadre de la FMM, la mise à disposition diligente d’un appui au profit d’arrangements bilatéraux et trilatéraux, tel que celui existant entre le Tchad et le Cameroun.
IV.OBSERVATIONS
Je suis profondément préoccupée par la situation provoquée par les activités terroristes de Boko Haram, y compris la récente escalade de la violence observée sur le terrain. Les attaques continues dans le Nord du Nigeria et celles croissantes dans le Bassin du Lac Tchad, le long des frontières avec le Tchad et le Cameroun, ainsi que dans les provinces Nord de ce pays, pourraient déstabiliser toute la région, avec de lourdes conséquences sécuritaires et humanitaires. Dans le cadre de l’agenda africain de lutte contre le terrorisme, aucun effort ne devrait être ménagé pour neutraliser ce groupe.
Les exactions odieuses perpétrées par Boko Haram, la cruauté indicible de ce groupe, son mépris total pour la vie humaine et les actes de destruction aveugle qu’il commet sont inégalés. L’enlèvement des jeunes filles de Chibok, l’attaque qui a eu lieu à Baga et le recours à des enfants contraints de servir de kamikazes, comme cela fût le cas à Potiskum, les massacres de civils, la prise d’otages, l’esclavage sexuel et d’autres actes horribles constituent autant d’exemples édifiants. Je réitère ma ferme condamnation des activités du groupe terroriste Boko Haram et exprime, encore une fois, la pleine solidarité de l’UA avec le peuple et le Gouvernement du Nigeria, ainsi qu’avec les peuples et les Gouvernements du Cameroun, du Tchad et du Niger. Les populations de la région ont payé un lourd tribut au fléau du terrorisme. Il est impératif de mettre d’urgence un terme à leur cauchemar.
Je félicite les pays de la région pour leurs efforts soutenus. Je note avec satisfaction les mesures prises pour rendre la FMM pleinement opérationnelle et faciliter l’échange diligent de renseignements. Ainsi que l’a souligné le Conseil, la FMM constitue un cadre adéquat pour neutraliser effectivement Boko Haram et les autres groupes terroristes actifs dans la région. En conséquence, le rôle de l’UA et du reste de la communauté internationale est d’aider les États membres de la CBLT et le Bénin à réaliser la capacité opérationnelle intégrale pour la FMM et les autres structures connexes qu’ils ont créées. Il n’y a de place ni pour la duplication des efforts ni pour le lancement d’initiatives parallèles. C’est dans cet esprit que les propositions contenues aux paragraphes 19 à 22 du présent rapport ont été faites. Je recommande au Conseil de les approuver.
Je rends hommage au Tchad pour avoir répondu positivement à la demande d’assistance du Cameroun, à travers le déploiement de troupes dans la partie nord du Cameroun. Il s’agit là d’une manifestation évidente de solidarité et d’une illustration supplémentaire de l’engagement continu du Tchad à contribuer à la promotion de la paix et de la sécurité sur le continent, comme en témoigne sa participation à la libération du Nord du Mali.
Comme souligné à maintes reprises par le Conseil, les activités du groupe terroriste Boko Haram sont une grave menace non seulement pour le Nigeria et la région, mais également pour l’ensemble du continent. Par conséquent, il est essentiel que le continent apporte tout le soutien nécessaire aux États membres de la CBLT et au Bénin, conformément aux principes de solidarité africaine et d’indivisibilité de la paix et de la sécurité sur le continent, tels qu’articulés dans les instruments pertinents de l’UA, notamment la Politique africaine commune de défense et de sécurité et le Pacte de non-agression et de défense commune. J’appelle le Conseil de sécurité des Nations unies à adopter, en temps opportun, une résolution autorisant le déploiement de la FMM et demandant au Secrétaire général de créer un Fonds d’affectation spéciale, tel que demandé par la réunion ministérielle d’Abuja du 13 octobre 2014. Je note avec satisfaction l’appui déjà apporté aux pays de la région par les partenaires bilatéraux et multilatéraux. Je les exhorte à poursuivre et à renforcer leur aide, en particulier dans les domaines de la logistique, des finances, des équipements et du renseignement. J’appelle les autres membres de la communauté internationale à se joindre à la lutte contre le fléau du terrorisme dans la région.
L’on ne soulignera jamais assez l’urgence que revêt la fourniture d’une aide humanitaire aux populations affectés et aux pays qui accueillent des réfugiés nigérians. J’appelle les organisations humanitaires et la communauté internationale dans son ensemble à poursuivre l’action engagée. Au-delà des opérations sécuritaires et militaires, dont la nécessité n’a point besoin d’être soulignée, et de la fourniture urgente de l’aide humanitaire, les efforts nationaux, régionaux et internationaux doivent également être axés sur l’amélioration des moyens de subsistance et de l’éducation, la création d’emplois, ainsi que sur la protection des droits de l’homme, y compris des femmes et des jeunes filles, afin de lutter contre l’aliénation et la marginalisation, qui créent des conditions favorables à l’émergence de l’extrémisme violent et aux tentatives de légitimation du recours à la violence armée, y compris le terrorisme.
Source Ua
Mauriweb