Les Forces Progressistes du Changement (FPC) Mauritanie

FLAMNET-AGORA:Droits de l’homme et unité nationale en Mauritanie.

altDepuis un certain temps nous remarquons un regain d’intérêt pour le thème de l’unité nationale en Mauritanie, en grande partie redevable au retour fracassant des FLAM (devenues FPC depuis août dernier). Si bien que c’est aussi dans cette direction le groupe Mauritanie- Perspectives en fait son principal cheval de bataille. En effet, dans une démarche beaucoup plus sérieuse et solennelle, ce groupe demande à ce que tous les citoyens participent à la recherche de solutions adéquates aux problèmes de cohabitation de nos différentes communautés. En effet, de profondes réflexions sur des thèmes proposés pourraient servir comme base solide aux éventuelles discussions formelles à la refonte nécessaire de notre société. Seulement, la plus grande difficulté serait de s’accorder sur la définition du concept et de placer  chaque thème dans un cadre généralisé en relation avec les autres. Pour ma part, je m’intéresserai au rôle des droits de l’homme dans le cadre de cette unité nationale voulue par nombre de nos concitoyens. Ainsi, je tenterai de faire une analyse de la situation du pays par rapport au respect des droits de l’homme sur le plan individuel et collectif. De quels droits s’agiraient-ils, quelles sont les incidences de cette action ou de l’inaction dans l’application de ces droits par l’État mauritanien sur le plan national et international. Et quel rôle jouent les autorités dans leurs décisions de respecter ou de violer les droits de l’homme sur l’unité nationale. En définitive,  quelles propositions suggérées pour solutionner le problème de la question nationale en Mauritanie.

Aujourd’hui, il est généralement admis comme principe universel que le respect des droits de l’homme fait partie des éléments essentiels à l’existence réelle de la démocratie dans le monde. Mais, que signifie cette notion ? Quelles sont ses bases juridiques et politiques ? Quelles sanctions prévues en cas de violations graves de ces droits ? Quelles sont les juridictions compétentes en la matière, et quelles réparations possibles ? Pour cerner le sujet, il est nécessaire de revenir sur l’historique et la signification  de la notion des droits de l’homme.

De manière très succincte, nous pouvons dire que cette notion tire ses sources  de deux traditions. Celle de la Renaissance avec le Droit Naturel et celle de la Reforme avec le Droit  Divin. Ces traditions se fondent sur l’existence des lois universelles intemporelles et imprescriptibles qui sont supérieures à la volonté des pouvoirs politiques. Ces lois naturelles reconnaissent  à l’ensemble des êtres humains une égalité devant leurs droits fondamentaux. S’inspirant de ces sources, dans son préambule et dans son article 1, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme  proclame sans équivoque les droits inhérents à tous les êtres humains : « Considérant que la méconnaissance et le mépris des droits de l’Homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l’humanité, l’avènement d’un monde où les êtres humains seront libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère, a été proclamé comme la plus haute aspiration de l’homme… Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. »

Dès lors, il est opportun de voir dans les faits si ces droits précités sont respectés en Mauritanie. Dans le cas où la réponse est négative, y ‘aurait-il de réparations faites a l’intention des victimes ? Nous pouvons affirmer sans risque d’être démenti que la violation des droits de l’homme est monnaie-courante dans tous les pays du monde. La différence se situe au niveau de l’intensité et de la gravite de l’acte. Mais aussi aux réponses données par les pouvoirs publics en vue de corriger les torts causés.  Chez nous, en Mauritanie, je considérerai deux types de cas : celui que nous appelons communément  par euphémisme, ‘’passif humanitaire’’ et l’autre qualifié de ‘’problème social’’.

La notion de passif humanitaire dans notre pays fait référence aux violations massives des droits de la communauté noire non Harratine durant la période des années 1986-1992. Une discrimination basée sur le racisme d’État à l’encontre de la population noire considérée comme récalcitrante et velléitaire au pouvoir des maures. Ainsi, des centaines de personnes civiles et militaires ont été arrêtées, emprisonnées, torturées et certaines seront sommairement exécutées durant cette période. Des rapports des organisations humanitaires nationales et internationales font état entre 120 mille et 200 mille citoyens déportés vers des pays frontaliers à partir du conflit entre la Mauritanie et le Sénégal en 1989. En ce qui concerne la deuxième catégorie, le problème social, qui est en terme simple  l’esclavage, est une situation compliquée, car elle n’est plus le résultat des  captivités ou ventes des personnes faibles par les plus fortes, mais celui de l’hérédité de la servitude. Si aujourd’hui  le discours officiel refuse de reconnaître l’existence de l’esclavage, mais seulement ses vestiges (ses séquelles), les organisations de défense de la cause des esclaves exposent régulièrement la persistance de cette pratique surtout dans les zones de campagne. Bien qu’objectivement il est impossible de quantifier le nombre des esclaves, mais on peut cependant dire qu’un nombre important de mauritaniens se trouve affecté par cette situation.

Cependant, pour des besoins d’honnêteté intellectuelle et dans le souci de garder une certaine crédibilité, je ne peux pas manquer de mentionner certaines actions réalisées par  différents gouvernements de la Mauritanie pour tenter de répondre à certaines inquiétudes liées aux problèmes des droits de l’homme. Au-delà  des discussions de motivations des uns et des autres, je me limiterais à relater certains faits dans ce paragraphe. En ce qui concerne le problème social,  la Mauritanie a voté une loi qui a aboli les pratiques de l’esclavage en 1981. En 2007, une autre loi considère l’esclavage comme un crime passible de 10ans de prison. L’ordonnance 2006-015 du 12 Juillet 2006 portant l’institution de la commission nationale des Droits de l’Homme (CNDH) sera confirmée par le parlement et promulguée en loi le 20 Juillet 2010. Du point de vue du passif humanitaire, le président Sidi Mohamed Ould Cheick Abdallahi a reconnu pour la première fois la responsabilité de l’État et s’est engagé à réparer le préjudice dans un discours à la Nation prononcé le 29 Juin 2007. Quant au président Mohamed Ould Abdel Aziz, il priera a Kaédi le 25 Mars 2009 pour les victimes de la répression sous le régime de l’ancien président Ould Taya. Sans doute les alliés du président aimeraient penser que cette prière équivaut à une demande de pardon de la part de l’État Mauritanien. Aussi, il continuera la politique de rapatriement (entamé par son prédécesseur, Président Sidi) des réfugiés mauritaniens qui résidaient au Sénégal. Enfin, certaines victimes ont accepté de l’argent de la part du gouvernement sous l’actuel président, montants qui représenteraient la réparation du tort causé.

Pourtant,  les victimes de la discrimination raciale et sociale sont encore sceptiques de la volonté des autorités de changer le statu –quo. D’aucuns diraient c’est pour de bonnes raisons, car les ex-déportés n’ont pas encore retrouvé tous leurs droits et ceux du Mali ne sont pas encore concernés par le rapatriement ; les marches des organisations humanitaires sont régulièrement interdites et leurs responsables arrêtés et condamnés à des peines de prison. Pendant que des présumés responsables des pogroms contre la communauté noire sont toujours en liberté et occupent des postes stratégiques dans l’administration.

En effet, le principe de la protection et la promotion des droits de l’homme ne peut être garanti que par la lutte effective contre l’impunité. Le Groupe de Bruxelles pour la Justice Internationale définit l’impunité comme ‘’l’omission d’enquêter, de poursuivre et de juger les personnes physiques et morales responsables de graves violations des droits humains et du droit international humanitaire’’. Alors, je remarque la coexistence d’une impunité de fait et celle de droit qui sont entretenues dans notre pays. 

 La non- application des textes existants, par exemples sur l’abolition de l’esclavage, ou l’absence de législation explicite pour régler définitivement le problème des disparus, crée un sentiment de doute et d’insécurité dans l’esprit des victimes. Cette impunité de fait a installé une attitude de fixation psychologique des victimes sur le présent. Pour ces communautés l’avenir est trop incertain, donc impossible de prévoir et le passé n’existe pas car il est trop douloureux ou trop dangereux. En plus, la Mauritanie refuse de ratifier le Statut de Rome du 17 Juillet 1998, pour une création de la Cours Pénale Internationale. Même si la cour n’a pas d’effet rétroactif, sa ratification pourrait constituer un fait de dissuasion.

 A côte de cette impunité que je dirai passive- pour une absence d’action- l’État mauritanien pratique une impunité de droit.  La loi d’amnistie 93-23 du 14 Juin 1993 ‘’accordée aux membres des forces armées et de sécurité auteurs des infractions commises entre la période du premier Janvier 1989 au 18 Avril 1992 relatives aux événements  qui se sont déroules au sein des forces ayant engendré des actions armées et des actes de violences. Et aux citoyens  mauritaniens auteurs des infractions subites aux actions armées et actes de violences et d’intimidations entrepris durant la même période’’. Cette loi interdit toute poursuite et consacre ainsi une impunité de droit aux dépens des victimes.  En clair, cette législation a pour objectif  d’imposer le silence aux victimes et d’étouffer la mémoire collective. La coexistence de ces deux types de phénomènes installe notre pays dans une culture d’impunité qui est une des causes de l’insécurité actuelle dans le pays au-delà même de la criminalité politique.

Alors, dans ces conditions parler de  l’unité nationale devient illusoire car elle est matériellement impossible. À moins de comprendre par ‘’unité nationale’’ comme un ralliement forcé de tous à un programme uniforme  sous contrôle d’un seul groupe d’une des communautés. En effet, dans les pays en voie de développement ce concept (unité nationale) est généralement évoqué en vue de justifier la répression et/ou la suppression à l’occasion des coups-d ‘État avérés ou imaginaires. Mais, chez nous en plus de cette considération, certains milieux, généralement qui tournent autour du pouvoir, ont tendance à qualifier tous ceux qui défendent l’idée de la diversité culturelle et ethnique en Mauritanie  d’extrémistes, d’antipatriotes,  de divisionnistes, et de séparatistes…

La réalité est que pour aspirer à vivre dans un pays qui chérit l’unité nationale, nous devons changer d’attitude et de comportement individuellement et collectivement. L’exigence de la justice et la nécessité du pardon obligent les responsables  des pogroms à se faire connaître. Ceux qui sont indexés par les victimes devraient signaler leur disposition à dire leur version des faits devant un tribunal national spécialement prévu à cet effet. Ainsi, ils seront lavés de tout soupçon s’ils sont innocents ou dans le cas contraire, ils pourront demander pardon tout en faisant face à leurs responsabilités et assumer les conséquences de leurs actes. De cette façon, ils auront plus de chance de recevoir la clémence de la part des victimes. Nous devons reconnaître que le mal a assez duré pour l’ensemble des communautés mauritaniennes, et que cela doit s’arrêter. On me dira probablement que  c’est irréaliste de demander à des individus, qui ont emprisonné, torturé, tué, violé et déporté des citoyens innocents  au nom du racisme et de la haine, de se rendre volontairement pour les besoins de la justice .  Je répondrais seulement, de mon expérience de parent, je ne peux imaginer qu’un père raisonnable (dont la raison de vivre devait être portée par l’amour de sa progéniture) voudrait quitter ce monde en léguant à ses enfants le déshonneur et l’indignité sans essayer de se repentir pendant qu’il le pouvait. Par ailleurs, le sujet relatif à ce que doit être le rôle des enfants des présumés responsables dans ce débat de l’unité nationale pourrait être développé avec un autre thème, jeunesse mauritanienne et unité nationale par exemple.  Il faut dire que malgré la loi d’amnistie, les faits resteront et la mémoire de l’histoire ne s’effacera pas comme par un coup d’une baguette magique. Quand bien même on supposerait que ces auteurs des crimes n’ont plus de moral pour ressentir la culpabilité et le regret, nous pouvons au moins croire qu’ils sont toujours préoccupés par leurs intérêts égoïstes. Alors, ils devront réaliser que très souvent les oppresseurs et les criminels sont rattrapés par leur passé pendant qu’ils sont encore en vie. Sûrement, les extrémistes Hutu n’ont jamais imaginé qu’un enfant de deux ans (Paul Kagamé) au moment de leur Révolution  en 1959 reviendrait de l’exil après seulement 35 années pour ‘’venger’’ sa communauté, Tutsi et prendre les rênes du pouvoir. Une histoire de la vie à méditer !

Quoi qu’il en soit, le Président Mohamed Ould Abdel Aziz a un rôle primordial pour susciter cette transformation de notre société. Non seulement de par sa position, en tant que premier magistrat du pays, mais aussi en fonction de son éducation, son histoire et de ses relations personnelles connues avec certaines personnalités issues de la communauté des victimes. L’actuel président est, à ma connaissance, un des officiers maures les moins trempés dans la situation de discrimination dont ont été victime les Noirs de Mauritanie. Pour cette raison il peut être perçu comme ‘’an Honest Broker’’ donc crédible aux yeux des victimes pour obtenir des résultats satisfaisants pour toutes les parties en présence.  C’est le genre d’opportunités qui ne se présente qu’une fois dans la vie d’un homme ! Si le président la saisissait, il resterait à jamais dans les annales de l’histoire du pays.

Pour conclure, l’état actuel  des droits de l’homme dans notre pays ne favorise pas l’unité nationale. En effet, la persistance des pratiques d’esclavage et l’impunité des auteurs des années de braise créent un grand fossé entre les différentes communautés mauritaniennes. En plus,  les quelques actions réalisées se révèlent plus tôt comme des manipulations politiciennes au lieu d’être de réels engagements en vue de résoudre les problèmes. Pour espérer notre unité, tous ensemble devons fournir des efforts énormes afin d’apaiser le climat général. Une nécessité pour réussir la réconciliation de nos différentes communautés. Et cela passera nécessairement par la résolution de l’énigme qui est l’exigence de la justice et la nécessité du pardon. Cette réconciliation, qui annoncera un contrat social équitable, devrait jeter la base d’une société égalitaire fondée sur la compréhension mutuelle de nos diverses cultures et l’entraide entre nos différentes communautés dont la seule garantie de durabilité reposera sur l’autonomie des différentes régions du pays.

Mamadou Barry dit Hammel

Politologue & Administrateur Publique

Conseiller du président des FPC

 

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