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L’apostasie n’est pas passible de mort!

L'apostasie n'est pas passible de mort!mohamed abdoullah1234 – Dans un contexte marqué par l’émotion et l’effervescence des esprits, la cour criminelle de Nouadhibou a prononcé son verdict à l’encontre du « blasphémateur » : Peine de mort par peloton d’exécution.
Le jugement a été accueilli par d’éclatantes scènes de joie et de grandes manifestations d’approbation. Certains politiques ont exprimé publiquement leur soulagement.

Bien que les faits soient graves, on reste quand même dans le champ de la vie humaine où il sied d’user de raison, de réflexion et de discernement. Une question s’impose maintenant : Si le prophète, objet de ces attaques, avait été parmi nous, qu’elle aurait été sa réaction vis-à-vis de ce garçon voyou ? L’aurait-il exécuté ? Je ne le pense pas. Pour une simple raison, est que son créateur dit de lui : « … tu es certes, d’une moralité éminente » (Coran Sourate 68 : Verste 4) …« Nous ne t’avons envoyé qu’en miséricorde aux mondes » (Coran 21 :107)

Je pense qu’après l’éphémère apaisement qu’a suscité ce verdict chez les plus excessifs parmi nous, il convient de nous poser quelques interrogations à propos de l’apostasie en Islam.

L’apostasie est-elle vraiment passible de mort? Que dit le Coran au sujet de l’apostat ? Le prophète a –t-il appliqué la peine capitale aux apostats ? Si oui, dans quels cas l’aurait-il appliquée ? Le pouvoir politico-religieux à travers les siècles aurait-il détourné l’usage de cette peine à des fins politiques?

Voyons ce qu’en dit le Saint Coran, première source de la législation musulmane

En examinant de près l’ensemble des textes coraniques parlant des apostats, on est surpris par le fait que tous ces passages, sans exception, n’évoquent aucune sanction pénale ou châtiment corporel dans ce monde. J’ai pu recenser plus de 180 versets explicites au sujet des apostats. Aucun de ces versets n’évoque une quelconque condamnation à mort.

« Ceux qui, après avoir cru, renient leur foi et se complaisent dans leur impiété, jamais leur repentir ne sera accepté. Ce sont ceux-là les vrais égarés. » (Coran 3 : 90)

Notez bien qu’ici, le Coran n’a jamais demandé de les exécuter, ni de les obliger à se repentir manu militari. D’ailleurs, ce concept d’exiger la repentance de la personne (l’istitaba) est lui-même étrange et contraire à l’esprit du Saint Coran. En effet, le repentir est un processus d’introspection intime. Obliger les gens à le faire de force favorisera sûrement l’hypocrisie et le mensonge. Or, Dieu veut une foi pure et sincère.

Le Coran affirme que Dieu donne à chacun la liberté de choisir sa propre voie « …Quiconque choisit la bonne voie le fera à son propre avantage, et quiconque préfère l’égarement le fera à son propre détriment, car tu n’es point pour eux un répondant… » (Coran 39 :41). N’est-ce pas là un appel solennel et clair à céder aux gens leur liberté de conscience ?

Un autre passage, encore plus formel : « Ceux qui, après avoir cru, renient leur foi, puis la retrouvent pour la perdre à nouveau et s’enfermer dans l’impiété, Dieu ne leur pardonnera jamais ni ne les remettra dans la bonne voie ». (Coran 4 :137). Observez là aussi que le verset s’est conclu en renvoyant leurs sorts à Dieu. Ce passage comporte en son sein la preuve irréfutable qu’il ne faut pas exécuté les apostats. Sinon, comment se fait-il qu’ils oscillent entre croyance et mécréance au vu et au su du prophète sans que celui-ci réagisse? Le Coran n’a donc jamais inspiré au prophète d’appliquer la peine de mort à ceux qui renoncent à leur foi…

Que diriez-vous enfin du chef des hypocrites de Médine Abdullah bin Ubay, lorsqu’ il a offensé le prophète en le qualifiant de « faible » « …Si jamais nous retournons à Médine, le plus puissant en expulsera sûrement le plus faible » (Coran 63 :8). N’est-ce pas de la mécréance explicite que de traiter de la sorte le messager de Dieu ?

Effectivement, certains compagnons ont demandé au prophète l’autorisation de trancher le coup de cet homme. Le prophète leur répondit « Voudriez-vous que les gens disent que Mahomet exécute ses compagnons ?» (Voir l’exégèse d’al-Tabari, sourate al Munafiqoune, les hypocrites)

Nulle contrainte en religion

La liberté de conscience demeure la règle de base dans tous les passages du Coran. Aucune pression quelle qu’en soit la nature, ne doit être appliquée sur celle ou celui qui ne souhaite pas croire en Dieu.

Les versets abondent dans ce sujet, mais je préfère me contenter de quelques uns tels que celui-ci :

« Et si ton Seigneur l’avait voulu, tous les hommes peuplant la Terre auraient, sans exception, embrassé Sa foi ! Est-ce à toi de contraindre les hommes à devenir croyants » (Coran 10 :99)

De là, on comprend que la mission du prophète se résume en le rappel et en la prédication, ni plus ni moins « …ton rôle se limite à leur rappeler, et tu n’as sur eux aucune autorité. Quant à celui qui se détourne de la Voie du Seigneur et qui persiste dans l’erreur, Dieu lui infligera le châtiment suprême » Sourate n°88

Observez bien la fin du verset : « Dieu lui infligera le châtiment », il n’a jamais dit « Le prophète l’exécutera…ou lui infligera tel châtiment !!! »

D’où vient donc cette fameuse « peine de mort pour apostasie» ?

Elle trouve son origine dans un seul « présumé » hadith attribué au prophète, selon lequel ce dernier aurait dit « Quiconque change sa religion, tuez-le » (Rapporté par l’ensemble des compilateurs de hadiths sauf Muslim) Les traditionalistes s’accordent sur le fait que ce hadith est ahad, à une seule voie de transmission ; c’est-à-dire non sûr, donc ne doit pas à priori rivaliser un verset du Coran.

De plus, l’ensemble de muhaddithynes, traditionalistes, divergent sur la fiabilité de l’homme qui a rapporté ce hadith. L’imam Muslim écrit dans son œuvre que cet homme, appelé Ikrima ,« n’est pas un homme de grande fiabilité ». L’imam Mâlik, dont le rite est officiel dans notre pays, « s’abstenait de rapporter tout hadith provenant de cet homme… »

Parallèlement, d’autres savants dont le célèbre érudit Sofian al-Thawri (97-161 Hégire) rapporte que le prophète (pbsl) « n’a jamais exécuté quiconque pour changement de religion ». La multitude de versets coraniques dans ce domaine confirme ce fait.

Comment alors nos éminents savants ont-ils rejeté des dizaines des versets formels sur la liberté de conscience, pour accepter un seul hadith susceptible d’être « faut » et rapporté par un homme dont la fiabilité est remise en cause ? Autrement dit, doit-on suivre le Coran, paroles indubitables d’Allah, ou un autre récit contredisant le Coran, attribué au prophète, et dont l’authenticité n’est même pas vérifiée ? Voilà le problème.

Tous les autres hadiths mentionnant que le prophète aurait appliqué une peine de mort pour apostasie concernaient uniquement les cas de « traitrise de guerre ». C’est malheureusement sur ces hadiths là que se sont basés les juristes musulmans pour les généraliser sur le cas de l’apostasie simple.

Par ailleurs, nombre d’historiens musulmans estiment que la peine capitale pour apostasie aurait été conçue, plusieurs années après la mort du prophète, pour assouvir l’avidité la plus folle de certains gouverneurs médiévaux à supprimer leurs coreligionnaires et opposants politiques.

En définitive, la peine de mort pour apostasie n’a aucun fondement dans le Coran. L’ensemble des versets parlant des apostats renvoient leur sort directement à Dieu. Ni le prophète ni les compagnons n’ont appliqué cette sanction hormis dans les cas de « traîtrise de guerre ».

J’ajoute pour conclure qu’il est grand temps que nos Ulémas et nos jurisconsultes repensent un certain nombre de sujets « sensibles » sur lesquels le Coran est très explicite, mais le récit attribué au prophète contradictoire. Je pense notamment à la peine de mort pour apostasie et à la lapidation à mort pour adultère.

Ce n’est que par ce biais, que nous pouvons proposer à l’humanité un islam, éthique, humain et cohérent avec l’esprit indulgent du Saint Coran et de la tradition prophétique.

Abdoullah Ould Elmarouani
mohamed_abdoullah2080@hotmail.fr
Source : mohamed abdoullah1234

Cridem

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