Mkheitir, condamné à mort, n’a pas eu droit à une justice sereine et à un procès équitable…
Peine de mort pour Mkheïtir, à Nouadhibou, pour “apostasie”, accusé d’avoir insulté le Prophète Mohamed (PSL). Peine de mort!
Dès le premier instant où le “crime” fut révélé (un article de lui faisant remonter les origines des discriminations dont la caste des forgerons fait l’objet aux soit disant pratiques du Prophète lui même!), des groupes d’extrêmistes soit disant religieux l’ont réclamé en déclenchant une vaste offensive de terreur contre toute pensée libre, en s’octroyant le droit de juger et condamner dans la rue, les vues et pratiques des gens qui n’ont pas nécessairement la même approche réactionnaire et intolérante de l’Islam tel qu’eux le veulent et en contradiction avec celui pratiqué depuis toujours sous nos cieux.
La grande militante des droits de l’homme Aminetou Mint Mokhtar a fait l’objet d’une « fatwa » terroriste publique de la part d’un individu qui se fait passer pour le grand gourou de l’extrémisme sous enseigne religieuse, enjoignant à ses troupes de lui crever les yeux avant sa mise à mort.
Pourquoi ? Parce qu’elle a osé réclamer justice pour un citoyen,-quel que soit le crime qui lui est reproché. Ces gens sont descendus dans la rue en hurlant et menaçant de mort tous ceux qui ne sont pas d’accord avec leur vision erratique de l’islam, cassant, brûlant, menaçant, comme si, désormais, ils s’étaient appropriés la Mauritanie, comme si, déjà , ils y avaient instauré leur « califat », suscitant la panique ou le silence coupable d’une partie de l’opinion démocratique et, pour le moins, la complaisance voire la chaude compréhension des autorités qui leur assurent la plus parfaite impunité malgré les graves menaces qu’ils font peser sur la vie et les biens des gens.
Ce sont ces gens qui hurlèrent à la mort au verdict et qui ont avant cela, totalement ôté à la justice, à Nouadhibou, ses deux piliers centraux : la présomption d’innocence et le droit de chacun de se faire assister par un avocat de son choix. Dès les premières secondes de son écrit controversé et blessant pour l’immense majorité des musulmans, et avant même que l’on ne l’entendît s’expliquer, se justifier ou se rétracter suivant les règles de la tolérance islamique et du droit positif, fusèrent de partout dans une opinion chauffée à blanc et manipulée, le mot d’ordre sinistre : la Mort !
Ils ne réclamèrent pas justice, non, ils exigèrent de l’Etat de n’avoir rien à faire qu’à leur offrir la tête de Mkheïtir. Après on verra bien de quoi il était réellement coupable… Au même moment, un des ténors du barreau qui se hasarda à accepter d’examiner le dossier pour assurer sa défense subît les foudres de l’enfer de la part des nervis qui ne lui laissèrent aucun autre choix que de renoncer à sa défense ! Conséquence : ce sont deux commis d’office (le comble !) que l’Etat allouera au futur supplicié parce que le code pénal dans son immense magnanimité exige qu’il en soit ainsi…
Que Mkheïtir mérite ou non la mort, est-ce une « décision » de rue ou sous pression de rue ? Quels échanges ont pu se faire dans la sérénité du prétoire pour juger de la réalité et de la qualification des faits qui seuls importaient en l’occurrence, conformément au droit en vigueur ? Que l’on s’entende bien : la peine ressentie par les musulmans par suite de ce qui leur fut rapporté des dires de MKheïtir fut immense, car le Prophète fut dans l’histoire de l’Humanité, la personnification même de la Compassion et de la Justice, le symbole absolu de la Miséricorde surtout en faveur des pauvres, des démunis, des étrangers, des voyageurs, des sans voix.
Tous les témoignages historiques confirment ce que même ses pires ennemis ne peuvent nier. Mkheïtir avait donc eu tort pour cette raison d’évidence. Mais la question était et est toujours de savoir si la justice est rendue pour la valeur qu’elle représente en elle-même ou pour satisfaire telle ou telle frange de la société. Quelle est la portée de ce qu’il a dit quand, d’abord, il récuse l’apostasie et confirme sa foi religieuse , se rétracte et se repentit d’autre part?
Voilà des questions qui appartiennent non à la foule hurlante et vengeresse par définition mais à une communauté d’experts et de scientifiques du droit dont les échanges seuls auraient eu la pertinence d’édifier et d’apaiser les âmes et les cœurs assoiffés non de revanche mais de justice, de paix sociale et de respect de leurs convictions les plus profondes.
Mais on sait qu’un procès n’exprime pas seulement l’état du droit en vigueur dans un pays au moment de son déroulement. Il est très souvent le miroir étincelant des rapports (de forces) sociaux en cours, dans un ordre social se camouflant derrière la Justice, ses institutions, ses codes, ses mœurs jurisprudentielles ….et sa bonne conscience tranquille.
En tout cas, tellement plus crédible serait la justice si, au-delà des mots et des actes bruts, elle jugeait aussi en ayant à l’esprit la raison des bêtises humaines qui souvent plongent dans le déchirement et la dureté des conditions sociales de leurs auteurs.
Ce que Mkheïtir pourrait apprendre à ses dépens c’est que de Dieu et de Son Prophète (PSL) ne viennent jamais l’Injustice. Ce qu’il faut craindre c’est celle de ses propres contemporains. Il l’a perdu de vue, il s’est perdu…
Source : gourmo lo