Parlement : Comment rendre plus juste la représentativité des régions
Dans un précédent article paru dans le journal L’Authentique, j’ai eu à montrer comment, entre autres, le découpage administratif était source d’injustice pour certaines régions et source de surreprésentation pour d’autres.
Je vais vous montrer maintenant comment l’on peut, en prenant la région comme circonscription électorale pour la députation, donner à chaque région selon son poids démographique. Tout en restant, au niveau du Sénat, à un sénateur par moughataa.
Composition de l’Assemblée Nationale dans la loi actuelle
La loi organique 2012-029 du 12 avril 2012 modifiant l’Ordonnance n° 91-028 du 07 octobre 1991 relative à l’élection des députés à l’Assemblée Nationale, prévoit la composition de l’Assemblée Nationale ainsi qu’il suit :
– 1 député pour un nombre d’habitants d’une moughataa inférieur ou égal à 31 000 ;
– 2 députés pour un nombre d’habitants d’une moughataa supérieur à 31 000 ;
– 3 députés pour un nombre d’habitants d’une moughataa supérieur à 90 000 ;
– 4 députés pour un nombre d’habitants d’une moughataa supérieur à 120 000 ;
– 18 députés pour Nouakchott ;
– 20 députés élus sur une liste nationale ;
– 20 députées élues sur une liste nationale réservée aux femmes.
Le scrutin est majoritaire dans les 2 premiers cas et proportionnel dans les 5 autres.
Proposition de modification
On remarquera que le législateur n’a pas retenu de quotient électoral unique pour l’ensemble des circonscriptions comme s’il n’avait pas envisagé la possibilité qu’une moughataa dépassât le seuil fixé pour la dernière tranche qui est de 120 000 habitants. Or la moughataa de Sélibaby comptait, en 2013, 198 688 habitants ! Bien plus que les régions de Dakhlet Nouadhibou, le Tagant, l’Adrar, le Tiris Zemmour et l’Inchiri. Elle est même plus peuplée que le Tagant, l’Adrar et le Tiris Zemmour réunies. (196 881 habitants).
Alors que le quotient national est de 30 000 habitants environ dans les régions, il est de 53 244 à Nouakchott. Et 4 moughataas de ce district ont déjà dépassé le seuil de la dernière tranche (120 000 habitants) : Arafat (175 969 hbts), Dar Naim (144 043 hbts), Toujounine (144 041 hbts) et El Mina (132 674 hbts). Enfin 2 autre moughataa ont déjà franchi ce cap de 120 000 hbts : Kaédi (121 726 hbts) et Nouadhibou (121 122 hbts).
Ma proposition de modification est simple : il faut juste retenir un seul quotient électoral pour l’attribution du nombre de députés par région avec l’application du plus fort reste. La loi du « plus fort reste » est déjà utilisée dans notre code électoral pour la répartition des députés au sein d’une même circonscription.
La loi actuelle prévoit la répartition de 107 députés sur les moughataas avec un quotient électoral et 40 députés sur les listes nationales. Les listes nationales restant telles qu’elles sont, pour obtenir le nouveau quotient national, il suffit de diviser le nombre d’habitants du pays (3 537 368) par le nombre de députés prévus (107). Nous auront un quotient de 33 000 hbts pour un député. Et chaque région aura autant de députés que le nombre de sa population contiendra autant de fois ce quotient. Le tableau suivant détaillera par région la nouvelle représentation à l’Assemblée Nationale.
Comme vous le voyez, il nous restera à distribuer 6 postes de députés. C’est là qu’intervient la loi du « plus fort reste ». Ce qui va nous donner : Hodh Gharbi (30 109), Adrar (29 658), Assaba (28 897), Nouadhibou 24 779), Tiris Zemmour (20 261) et l’Inchiri (19 639). On ajoutera à chacune de ces 6 régions 1 député. Le résultat final sera le suivant et il reflètera le poids de chaque région au sein de l’Assemblée Nationale. Et même si on y ajoutera 1 sénateur par moughataa, le résultat final d’élus par région ne sera pas trop altéré.
L’on voit que, sans augmenter le nombre initial des députés (107 pour les régions et 40 pour les listes nationales), la répartition a été plus juste au niveau des régions. Et même quand on a cumulé le nombre d’élus (députés + sénateurs), les chiffres ont respecté la hiérarchie des régions sauf dans 3 cas : l’Assaba a 1 élu de plus que le Gorgol, le Trarza en a 1 de plus que le Hodh Gharbi et l’Adrar en a 1 de plus que le Tagant. Mais dans l’ensemble, les écarts se sont resserrés. Bien sûr on peut toujours faire mieux.
Dernière chose : le découpage au niveau de Nouakchott donnera les résultats suivants :
– Nouakchott Nord : 366 912 hbts et 11 députés ;
– Nouakchott Sud : 425 673 hbts et 13 députés ;
– Nouakchott Ouest : 165 814 hbts et 5 députés.
Il faut savoir que le système de circonscription régional proposé est déjà utilisé à Nouakchott. Je propose simplement que l’on étende ce système aux autres régions pour plus de justice et d’équité. Dans le souci de réunir une majorité, on fixera un seuil (10 députés) en-dessous duquel le scrutin sera majoritaire à 2 tours (Trarza, Guidimagha, Dakhlet Nouadhibou, Tagant, Adrar, Tiris Zemmour et Inchiri) ; égal ou supérieur, il sera proportionnel à un tour (Nouakchott, Hodh Charghi, Gorgol, Assaba, Brakna et Hodh Gharbi).
Enfin si le système proposé peut améliorer la représentativité des communautés africaines avec l’augmentation du nombre des députés au Guidimagha et un apport d’élus à Nouakchott, je ne vois vraiment pas comment élever le niveau de représentation de nos frères Haratines dans les régions de l’intérieur où ils ne sont pas représentés. Sauf par une loi ! Dans ces régions, particulièrement celles de l’Est, ils sont présents partout, visibles nulle part.
Ahmed Jiddou Aly
Cridem