Education nationale : L’autel des sacrifices expliqué à ma grand-mère
Mozaïkrim – Qui se souvient des fameux états généraux de l’éducation nationale en juillet 2012 ? Comme d’habitude, et comme à l’issue des précédentes, il n’en est rien sorti. Et cette année encore, à quelques jours de la rentrée scolaire nationale, on assistera au drame national, devenu un véritable marronnier, de l’échec de toute une génération au bac, sacrifiée essentiellement sur l’autel d’une idéologie exclusive.
«Pour consolider l’unité nationale, il est impératif d’unifier l’enseignement dans le respect des nos identités arabe et négro-africaine et de notre volonté à demeurer ouverts au monde. Dans cette optique, une large concertation sur notre système éducatif regroupant toutes les composantes de notre société sera menée dans le cadre d’états généraux de l’éducation qui seront organisés à cet effet», écrivait en 2009 dans son programme de candidat à la présidence, Mohamed Ould Abdel Aziz.
Cinq ans après, c’est le statut quo, voire, l’état de déliquescence du système éducatif national s’est amplifié. Entre arabe, français et langues nationales, les élèves se sont perdus depuis belle lurette dans les limbes de l’éducation nationale.
Le tout pour des considérations idéologiques aujourd’hui, et qui furent stratégiques à une autre époque, comme l’expliquait il y a quelques années Moustapha Ould Bedredine de l’UFP, par ce témoignage accordé, en 1998, à Fresia Marion : “Les noirs-mauritaniens représentaient 80% des cadres de l’Etat mauritanien naissant. Alors l’état, essentiellement maure, a voulu rétablir les rapports de force en faveur de la communauté qu’il représentait majoritairement, en utilisant deux instruments: la langue et l’école”.
De ce point de vue, les éléments «refondateurs» de l’éducation, et par cette voie de la citoyenneté et de l’unité nationale (la vraie) tiendra nécessairement dans l’avenir, à cette inter-dépendance linguistique que les autorités devront rechercher dans l’éducation nationale.
«Les maures devront apprendre comme langue secondaire, une des autres langues nationales, et les noirs-mauritaniens, devront prendre forcément comme deuxième langue l’arabe. C’est le seul moyen de faire reparler entre elles les communautés, et construire un système qui fasse sortir des mauritaniens au socle éducationnel commun, et ainsi forger des hommes neufs pour notre pays de demain» insiste Ibrahima Sarr président du parti politique AJD/MR.
On sortirait ainsi de l’ornière de l’idéologie pseudo-nassériste, un complexe déguisé d’un groupuscule d’éléments actifs, encore plus depuis l’ère azizienne :
L’état sous Aziz, durant ces cinq dernières années, a démontré sa tendance (ravivée) à placer exclusivement l’arabe comme identifiant de l’homo-mauritanicus. On se souvient des propos (calculés) de l’ancienne ministre de la ministre de la culture (Cissé Mint Boyde) à l’UNESCO où seuls sont représentés des éléments culturels de la société maure, comme identifiants mauritaniens.
On se souvient, il y a deux ans, de l’interdiction faite à un député de se prononcer dans l’hémicycle dans une langue nationale, autre que l’arabe ou le français. On se souvient de Moulaye Ould Laghdaf il y a quatre ans, qui avait entamé ce sulfureux débat sur l’arabisation exclusive des communications administratives.
Après l’idéologie, la technique
Selon la plupart des professeurs entretenus, le baccalauréat devrait se présenter sous la forme d’un test de niveau, sanctionnant logiquement une année scolaire. «On ne recherche pas l’élite au bac, on cherche juste à savoir si un élève a le niveau moyen pour accéder à des études supérieures. Le bac est trop chargé au niveau des matières. Il n’est pas difficile au sens de la qualité, mais il est trop complexe: il y a tellement de matières que l’élève s’y perd. Il faudrait donc ramener chaque série à son essence», rapporte l’un d’eux.
Cette complexité découlerait de la suppression de l’oral au baccalauréat; celle-ci a été compensée par le fait que toutes ces matières orales ont été reportées à l’écrit. Sans tenir compte des conséquences manifestes qui ne manqueraient pas de ressortir, comme par exemple de voir un élève avoir un baccalauréat C sans avoir eu la moyenne en mathématiques ou en physique.
Une aberration donc. Le niveau des épreuves est resté le même depuis 1979 à aujourd’hui, malgré les réformes et le temps. «C’est donc le niveau des élèves qui a chuté, essentiellement du fait des mauvaises réformes entreprises. On doit remettre le bac à niveau pour arriver à un taux de réussite minimum de 45%. Actuellement on donne à l’élève l’illusion que le bac ne peut être obtenu qu’irrégulièrement», concluait le fondateur d’Al Baraka, Thierno Fall, dans un entretien que j’avais eu avec lui en 2007. Depuis ces sept ans passés, le constat de Thierno Fall vaut encore.
Par Mamoudou Lamine Kane