Campagne présidentielle : Aziz contre Aziz
Biladi – La campagne électorale pour la présidentielle du 21 juin 2014 a démarré vendredi dernier, à zéro heure. Cinq jours sont passés et la campagne n’arrive pas à se relever de l’atonie qui a marqué son lancement.
A Nouakchott, en dehors du quartier chic de Tevragh-Zeina, où l’occasion pour une fête n’a nullement besoin d’une raison, on assiste depuis le premier soir à des veillées musicales, çà-et-là, on n’ose pas vraiment parler d’une ambiance de campagne électorale.
Dans la capitale politique, la campagne se fait entre privilégiés. L’espace, où on identifie, sans grand effort, l’acteur économico-politique, toujours intéressé, du m’as-tu-vu clientéliste. Dans d’autres quartiers de la capitale politique, chez les pauvres, l’enthousiasme pour cette échéance présidentielle reste à inventer.
Toutefois, le principal candidat et ‘’ses candidats-lèvres’’ s’essaient à ouvrir – chacun, en fonction de ses moyens, ou ce qu’il en rend disponible – des meetings dans les capitales régionales. Entre les candidats concurrents, c’est un fair-play, on peut le dire.
C’est même un peu plus. Une complicité, une certaine connivence, si ce n’est un amour mutuel. Qui se décline et se prononce de plus belles – ou mauvaises- à travers le presque modus vivendi sur lequel, ou autour duquel, les cinq candidats s’accordent : Attaquer ceux qui boycottent cette élection.
Bien étrange ! On est parti dans une campagne électorale, on l’a déjà un peu prédit sur les colonnes de ce journal, où les véritables adversaires sont ailleurs. C’est un peu compliqué. C’est surtout un peu gênant pour le principal candidat à sa propre succession, qui, à chaque sortie, de la première, celle de Kaédi, Aleg, Kiffa, Aïoun, Néma, pour ne citer que les capitales régionales qu’il a déjà visitées, ne cesse de s’auto-satisfaire du bilan qu’il a réalisé.
Et au passage, trouve une certaine pertinence dans l’insulte, l’anathème jeté vers ‘’ses adversaires’’. ‘’ Ses adversaires’’, les vrais, découvre-t-on, finalement, ceux qui boycottent l’élection. Aucun mot sur les adversaires constitutionnels, dit-on, dans cette élection. Une rengaine de 2009. Celle qui consistait, on s’en souvient, à s’attaquer aux opposants de l’époque, au détour de la campagne, post-accord de Dakar.
A Kaédi, Mohamed Ould Abdel Aziz a parlé de ‘’criminels’’ pour nommer ceux ‘’qui appellent au boycott. ‘’ ‘’Les mêmes criminels’’, auxquels le candidat à sa propre succession impute les déportations et ‘’exactions ethniques et racistes des années 89 à 90’’. Il n’a pas cité de noms coupables.
Peut-être, était-il utile de savoir qui des leaders de l’opposition boycottiste était trempé dans ces bavures racistes. Lequel des Ahmed Ould Daddah, Mohamed Ould Mouloud, ou Messaoud Ould Boulkheïr était, dans la tête d’Ould Abdel Aziz, impliqué dans de tels graves crimes ? A Aleg, Il fait naître, dans ce qui ressemble à une propension ‘’envolée-égo-populiste’’, la Mauritanie à la date récente de 2009.
‘’ J’ai rencontré plusieurs personnalités, qui n’ont jamais entendu parler de la Mauritanie, avant 2009.’’ Disait-il, dans la capitale régionale du Brakna, terre natale de l’homme contre lequel il s’est rebellé un jour d’août 2008, Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi.
C’est peut-être une manière de penser à haute voix. On ne sait jamais ! Au cas où, quelqu’un, croirait, dans ces contrées, à une Mauritanie possible, sous le règne du fils qu’il a renversé de son fauteuil présidentiel.
Dans la capitale de l’Assaba, ‘’ les criminels’’, cette fois-ci, pour Mohamed Ould Abdel Aziz, sont ceux qui osent parler, aujourd’hui, de gabegie sous son règne. On remet le fameux dossier d’Air Mauritanie au devant pour faire porter, à l’ancien premier ministre, Yahya Ould Ahmed El Waqf, la responsabilité de la faillite de la compagnie nationale. C’est peut-être une réponse à ce dernier, qui a, récemment, lors d’une émission sur la chaîne Al Wataniya, mis en doute la véracité des chiffres et performances économiques, qu’on ne cesse de vanter à tout vent.
Le candidat à sa propre succession continue sa marche électoraliste vers les villes de l’Est du pays. Il maintient sa veine injurieuse envers ses adversaires, qui ne sont pas dans la course. Chaque étape, sa bile s’enflamme davantage. Dans la capitale du Hodh El Gharbi, le vocable ‘’ criminels’’ est associé à ‘’ ‘’la sénilité’’. ‘’ Des criminels séniles.’’ Un peu la totale. Avec, pour faire oublier le mauvais côté de la Mauritanie, une autre plus radieuse, en chantiers grandioses, proposée, bien sûr, par le candidat, qui parle de lui-même, Mohamed Ould Abdel Aziz.
Anathème pour thème…
On maintient ‘’la criminalisation’’ de l’adversaire hors course, à Néma. On élargit un peu le cercle de l’adversité pour s’attaquer à des hommes d’affaires. Qui, accuse-t-il, à Néma, espéraient faire mains basses sur, tantôt, le secteur aurifère, tantôt, l’halieutique.
Peut-on parler vraiment d’enjeux majeurs d’une telle campagne ? Difficile à dire ! Difficile, dès lors que le candidat qui sera réélu sans surprise s’impose un défi, en dehors, de la course pour la présidentielle. Est-ce un ressenti, par anticipation, d’une obsession de légitimité ?
En tout cas, il n’échappe à personne, même au sein des vrais soutiens de Mohamed Ould Abdel Aziz, que cette élection manque cruellement de tonicité. On est à la première semaine. Jusqu’ici, c’est l’anathème, qui a prévalu. Prévalu en tout cas chez le candidat favori, Mohamed Ould Abdel Aziz.
Et on comprend bien que les véritables adversaires politiques du candidat à sa propre succession sont ailleurs. C’est dire que même à l’issue du scrutin en vue, on ne risque pas trop d’en finir avec la crise qui s’est déclarée entre les protagonistes politiques, depuis l’élection de 2009. L’élection de 2014 est bien faite pour en rajouter. Davantage.
AVT
Source: cridem